A.H.M.E.

INTERVIEW 74 :

 

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Interview de Mohameden Ould Elbou :

Trois questions à Mohameden Ould Elbou, ancien directeur de l’Enseignement fondamental et membre du comité de suivi du Manifeste des Haratines: ‘’Nous assisterons, impuissants, à la dislocation à petit feu de la Mauritanie’’

    !

Le Calame : Dans un peu plus d’un mois, ce sera l’an I du lancement du Manifeste dont vous êtes membre du comité de suivi. Où en est-on, par rapport aux objectifs du document ?


Mohameden Ould Elbou : Le Manifeste constitue, pour ses promoteurs, un cri du cœur, un appel adressé à tous les segments de la société, afin que le problème de l’esclavage et la question Haratine soient pris en charge, par tous, avec plus de sérieux, pour la garantie d’une meilleure cohésion sociale. C’est un document qui a été conçu, par un groupe important de l’élite haratine, dans le cadre d’une large concertation avec des personnalités éprises de justice, issues de toutes les composantes du peuple, qui l’ont enrichi à travers des points de vue constructifs. Après sa publication solennelle, en présence des organisations de la société civile, des érudits et des partis politiques, il a été procédé à la mise sur place d’un comité de suivi de plus de soixante personnes, issues de toutes les composantes nationales, qui s’est déjà réuni pour élaborer des stratégies et des plans d’action en vue d’une vaste campagne de sensibilisation auprès des autorités, des partis politiques et de la société civile et porter le message dans tous les coins et recoins du pays. Les promoteurs du manifeste estiment que l’implication de tous les Mauritaniens est la seule garantie de son succès. Ce que nous regrettons, c’est qu’après la publication de ce document qui constitue une nouvelle vision, traitant le problème dans toute sa dimension, nous n’avons pas reçu aucun feed-back, ni de la part des autorités qui l’ont royalement ignoré, ni de celle de plusieurs formations politiques. Nous sommes centristes : ni du côté de ceux qui nient l’existence de l’esclavage, moins encore du côté de ceux qui appellent à l’extrémisme. Il n’y a pas eu le sursaut attendu. Cependant, on n’est pas découragé. On va continuer cette œuvre nationale, dans un contexte marqué par la menace de la désunion nationale et l’absence de réponses, claires, aux problèmes posés.

  • La fondation de l’agence Tadamoun et la nouvelle plateforme, en vingt-neuf points, pour lutter contre les séquelles de l’esclavage, qu’est-ce que cela vous inspire ?

- La fondation de Tadamoun aurait dû, à mon avis, avoir fait l’objet d’une large concertation nationale  des experts, des personnalités qualifiées, des oulémas, des érudits, des organisations de la société civile et des partis politiques. Cela aurait permis d’élaborer une feuille de route sur les problèmes liés à l’esclavage, penser des stratégies et identifier des actions et des activités, claires, dans tous les domaines. Essentiellement, par exemple, dans celui de l’éducation qui constitue un levier qui garantit la promotion, à travers l’école, des couches défavorisées. Or, comme vous savez, notre système éducatif est léthargique. Les riches envoient leurs enfants dans les écoles d’excellence et laissent, aux pauvres, les écoles publiques délabrées. Fonder une agence avant d’en définir la mission, c’est un peu comme mettre la charrue avant les bœufs. L’esclavage et ses séquelles sont des phénomènes de société qui ont des implications multidimensionnelles qui ne se règlent pas à coup de décrets. Dès la fondation de Tadamoun, nous avions des appréhensions sur la possibilité de son instrumentalisation politique, surtout à la veille des élections. Depuis, on a rien vu de concret. Pas de vision claire. De mon point de vue, elle est largement en deçà des attentes et des espoirs placés en elle.

Quant à la plate-forme, je n’y vois rien de nouveau. La loi obligeant l’envoi des enfants à l’école date de 2001. Juste des textes qui existaient et ne sont toujours pas appliqués. La plate-forme ne garantit pas, non plus, leur application. On continue à instrumentaliser politiquement une question si importante. Mais, comme disait Clemenceau, la guerre est trop grave pour la confier à des militaires. Il faut le courage de prendre le taureau par les cornes, en reconnaissant, officiellement, que l’esclavage existe.

  • A votre avis, comment va la Mauritanie ?


- La situation nationale se caractérise par une crise multidimensionnelle. D’abord, une impasse politique. Nous ne sommes pas dans une démocratie apaisée. Entre le pouvoir et l’opposition, c’est un dialogue de sourds. Crise politique permanente. Le pouvoir a organisé des élections non consensuelles qui n’ont été ni justes ni transparentes et n’ont pas permis de voir le bout du tunnel. L’élection présidentielle qui se profile risque de se passer dans les mêmes conditions, puisque les autorités ne semblent pas prêtes à faire la moindre concession. Economiquement, il y a une grande dégradation du pouvoir d’achat, une véritable paupérisation, les prix grimpent, inexorablement ; le chômage augmente, surtout chez les jeunes diplômés. Socialement, l’unité nationale est menacée dans ses fondements, la question de l’esclavage et de l’exclusion des Haratines n’est pas convenablement prise en charge, le passif humanitaire a été mal réglé, la transgression de nos valeurs islamiques est devenue monnaie courante. Toutes choses qui traduisent l’existence d’une véritable et profonde crise morale. A partir de là, tout le monde doit prendre conscience des dangers qui guettent le pays. Nous devons tous accepter de nous mettre autour de la table, pour traiter, de manière sérieuse, nos problèmes nationaux, afin de leur trouver des solutions appropriées. Autrement, nous assisterons, impuissants, à la dislocation, à petit feu, de la Mauritanie.

Propos recueillis par Sneiba



19 MARS 2014

ÉCRIT PAR LE CALAME

 


 
                                                                                                                                 

Les Bourreaux des événements 1986-1987, 1989 Jusqu’en 1992 sortent du bois.


Les Bourreaux des événements 1986-1987, 1989 Jusqu’en 1992 sortent du bois. Il décrit les choses banalement d’anodines. Il ne se rend même pas compte l’enquête bidon partiale qu’ils ont mené, Ndiaga Dieng et lui a provoqué, conduit la mort des milliers de personnes innocentes, déportés plus de Cinq cent milles noirs. L’homme décrit « l’enquête » macabre qui a conduit la Mauritanie vers le droit chemin d’un génocide et  la denégrification sans remord, quelle horreur. En fait c’est cette commission qui est responsable de tous les malheurs qu’ont vécus les noirs depuis en 1989. Nous avons désormais des noms et des visages, il faut agir…………..


Bonne lecture



Interview de Sidi Ould Lekhdeyem au Calame

 

L’ex-commandant Sidi Ould Lekhdeyim, membre de la commission d’enquête sur le coup d’Etat avorté des officiers négro-mauritaniens de 1987 :


Le Calame : La tentative de putsch dit « des officiers négro-mauritaniens » de 1987 continue à alimenter la polémique. Un voile opaque l’entoure encore. Pour tirer les choses « au clair », le pouvoir de l’époque avait mis en place une commission d’enquête. Qui composait cette commission d’enquête ? Comment menait-elle ses investigations ?

Sidi Ould Lekhdeyim : Cette commission d’enquête était composée essentiellement de l’actuel général N’Diaga Dieng, entouré d’un certain nombre d’officiers, notamment le lieutenant-colonel Mohamed M’Bareck qui assurait, sur le terrain, le contact avec la commission de renfort de l’armée, dirigée par le colonel Lekhal.

Du fait que les éléments venaient de tous les corps et de toutes les régions, il y avait comme deux commissions ; celle dirigée par le commandant N’Diaga s’occupait, essentiellement, des aspects techniques et professionnels.

Il m’a pris comme adjoint et j’ai donc eu le privilège de travailler avec lui. J’assistais à certaines auditions et menais des enquêtes à ses côtés. Les enquêtes que nous menions à l’état-major de la gendarmerie se déroulaient selon les règles de l’art et respectaient toutes les règles édictées par les lois et règlements en la matière.

L’officier qui la dirigeait était, au plan professionnel, très apte. Il maîtrisait son sujet, connaissait la psychologie des officiers. Pour lui, l’enquête était un travail intellectuel qu’il fallait mener avec tact et à-propos. Il procédait à des vérifications et des recoupements, conformément à la méthodologie enseignée dans les écoles de la gendarmerie.

- Vous commandiez, comme le lieutenant N’Gaïdé, l’un des instigateurs de ce putsch avorté, un des deux bataillons de sécurité présidentielle. Aviez- vous senti « quelque chose », chez cet officier que vous côtoyiez ?

- Effectivement, N’Gaïdé et moi commandions les deux escadrons de sécurité présidentielle. Il avait été choisi par le président Ould Taya qui l’avait promu directement capitaine, moi, par l’état-major de la gendarmerie, alors que je revenais d’une formation en France.

Je n’ai jamais rien décelé chez lui, quant à la tentative avortée de coup d’Etat de 1987. Les seuls faits marquants que j’ai gardés de lui, c’est son zèle excessif et une trop grande autorité, que je m’expliquais par sa proximité et la confiance qu’il avait du président Taya. Il est toujours vivant, il peut vous le confirmer.

- On a accusé la commission d’avoir eu recours à la torture pour extorquer des aveux ?

- Il n’y a jamais eu de torture. Sur ce point, je suis formel, il n’y en a jamais eu et je puis vous affirmer que le général N’Diaga n’a jamais porté la main sur qui que ce soit, n’a jamais autorisé quelqu’un à torturer les hommes arrêtés.

Je mets au défi les officiers impliqués dans le coup, qui sont encore là et que je rencontre tous les jours, de me donner le nom d’une seule personne qui aurait été torturé par ou sur ordre de N’Diaga. La torture, ce n’était pas son genre, il la haïssait. En tout cas et comme je l’ai dit, je suis catégorique : il n’y a jamais eu de torture à l’état-major de la gendarmerie.

- Pouvez-vous nous dire le nombre d’officiers, de sous-officiers et d’hommes de troupe qui furent arrêtés, auditionnés et traduits à la justice, à l’époque ?

- Non, je n’ai pas les chiffres en tête.

- Que pouvez-vous dire, vous qui avez travaillé comme adjoint du commandant N’Diaga, à ceux qui continuent à penser, dans le milieu négro-mauritanien, que N’Diaga fut promu directeur général des douanes, à cause des « services » qu’il aurait rendus au pouvoir d’Ould Taya, en produisant un « rapport accablant » sur les présumés conspirateurs ?

- Dans sa démarche, je peux vous l’affirmer, le commandant N’Diaga procédait à un tri, systématique, entre les gens sur lesquels pesaient de réels soupçons, étayés, par exemple, par des correspondances où figuraient des noms, des gens dénoncés par d’autres, etc. Il ne gérait directement que l’affaire des officiers. J’ai eu à remarquer qu’il ne s’intéressait pas aux gens de la périphérie.

Il ne ciblait que les instigateurs et auteurs réels de la tentative de putsch. Il n’a jamais arrêté un garde, un militaire ou un soldat lambda. Tous ceux sur lesquels il n’avait pas suffisamment de preuves ont été élargis. Je vais vous raconter une anecdote.

Je me suis permis, une fois au cours de notre enquête, de lui faire remarquer qu’il relaxait beaucoup de personnes, sans procéder à des perquisitions chez eux. Il me répondit, sèchement : « occupe-toi de ce qui te concerne ». J’ai obtempéré, comprenant qu’il ne s’intéressait qu’aux principaux instigateurs.

Pour en revenir à votre question proprement dite, je peux vous confirmer qu’il a été promu directeur des douanes en 1991. De 90 à cette date, il est venu me voir, à Kiffa où j’étais commandant de compagnie, avec la commission d’enquête sur les évènements dans l’armée. Cette commission était dirigée par le colonel Sidiya Ould Yahya, secondé par le colonel Baby, et comprenait également le colonel Hafedh Ould Mamy.

J’attire votre attention sur le fait que le commandant N’Diaga était le moins gradé de la commission et que sa présence, en son sein, se justifiait par le fait qu’il était à même de s’occuper, en tant que gendarme et, donc, officier de police judiciaire, des aspects techniques de l’enquête.

J’ajoute qu’il y menait son travail, tandis que ses trois autres collègues disposaient de plus de responsabilités que lui. A mon sens, si cette enquête avait été complaisante, comme le pensent certains, l’Etat n’aurait pas recouru à la loi d’amnistie de 1993.

- Vous êtes donc catégorique : le général N’Diaga n’a pas produit de rapport « complaisant », comme le suspectent nombre de Mauritaniens, en particulier dans le milieu négro-mauritanien, et sa promotion ultérieure n’a rien avoir avec ce rapport ?

- Oui,je suis formel et catégorique en ces points, parce que je connais l’homme, pour avoir servi treize ans sous ses ordres directs. N’Diaga n’a jamais maquillé une enquête, il a toujours fait preuve de professionnalisme, d’indépendance d’esprit et, donc, d’impartialité. Je l’affirme sans détour : N’Diaga est un professionnel consciencieux, un homme honnête et généreux…

C’est ce qui lui a valu le mérite de commander, en tant qu’adjoint du chef d’état-major, toutes les unités opérationnelles sur le terrain. Tous les chefs d’état-major qui ont eu cet officier comme adjoint n’ont jamais commandé l’aspect professionnel et opérationnel de ce corps. Leur gestion se limitait tout juste à l’aspect administratif.

A propos de sa promotion à la tête des douanes, je signale qu’il fut le 4ème officier de la gendarmerie à être nommé à ce poste. D’aucuns ont même cru que la direction des Douanes était réservée, depuis les années 80, à la gendarmerie. On ne peut pas empêcher les gens de spéculer, au lieu de se poser de bonnes questions. Pourquoi les trois autres officiers ont-ils été promus à cette direction ? Qu’ont-ils fait pour y atterrir ?

- Ne craignez-vous pas qu’on vous accuse de vouloir prendre la défense de votre ancien patron ?

- Loin de là ! Il est suffisamment outillé pour se défendre lui-même, si tant est qu’il eût quelque chose à se reprocher dans cette enquête. La plupart des acteurs du putsch sont encore vivants, ils peuvent confirmer qu’il n’en est rien. Mais, en ce qui me concerne, si des gens voyaient les choses sous cet angle, je leur répondrais en disant qu’il s’agit là d’une accusation gratuite, comme celle, du reste, qu’on a portée contre N’Diaga.

- Vous avez côtoyé l’homme pendant longtemps. Quelles qualités lui reconnaissez-vous ?

- Par pudeur et respect à moi-même, je préfère ne pas répondre à cette question. Par contre, je lui reconnais un défaut majeur.

- Lequel ?

- (Rires) Il est trop bon.

- Quelles preuves avez-vous pu réunir, pour la Cour spéciale de justice qui condamna à mort les trois « principaux auteurs » de la tentative avortée de putsch ?

- Nous avons pu mettre la main sur le projet écrit de putsch où figurait le changement du drapeau national et de la monnaie actuelle. Je précise, ici, que durant tout le procès, aucun des principaux accusés n’a dit avoir fait l’objet de torture de la part des enquêteurs.

- A votre avis et avec le recul, qu’est-ce qui peut justifier les exactions commises contre les militaires négro mauritaniens, en 1990, dans les casernes ?

- Je n’ai pas d’explications et je ne ferais que spéculer. Ce que je sais, par contre, c’est qu’à un certain moment, l’armée comptait beaucoup d’officiers très politisés, recrutés qu’ils étaient, sans respect de certaines normes. Au sein de ce corps, cohabitaient des Nasséristes, des Baathistes et des Flamistes.

Ce sont ces trois courants idéologiques qui ont conduit, par à-coups et vengeances, à ce qui s’est produit dans l’armée. Je tiens à préciser, en outre, qu’aucun militaire, aucun garde, aucun policier n’est mort, je suis catégorique là-dessus, dans un camp ou une brigade de gendarmerie. Le corps de la gendarmerie n’a pas été touché par les événements de 1990.

Aucun gendarme n’a été muté d’une brigade à une autre. On aurait dit que ce corps vivait sur une autre planète. La seule fois où nous avons été concernés, c’est par la présence du colonel N’Diaga dans la commission d’enquête de 1990 et je vous ai déjà dit le rôle qu’il y a joué.

Pour ma part, étant commandant de compagnie à Kaédi, au moment où les arrestations ont commencé, on m’a demandé de détenir les militaires arrêtés. Je me suis aussitôt référé à ma hiérarchie. Or, c’était, justement, le colonel N’Diaga qui commandait, comme je l’ai dit tantôt, les unités opérationnelles. Il m’a dit de ne pas me mêler de ces affaires sans saisine officielle.

C’est ce que j’ai fait. Il y a trois formes de saisines : une réquisition du parquet de la Cour spéciale de justice ; une dénonciation ou une plainte devant moi-même ; enfin, une plainte transmise par un juge d’instruction, sur commission rogatoire pour opérer à sa place. Comme vous le remarquez, le cas de ces militaires ne relevait d’aucune de ces trois.

Ben abdalla

Source : http://www.lecalame.info/interviews/item/778-%E2%80%98%E2%80%99si-l%E2%80%
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