A.H.M.E.

INTERVIEW 35:

 

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 Interview de Kaaw Touré Porte-parole des Forces de Libération Africaines de Mauritanie (FLAM) au site AHME

Mouhamadou Kaaw Touré

 

A.H.M.E : Bonjour ! Kaaw Mouhamadou Touré Porte-parole des FLAM, Que pensez-vous des dernières élections présidentielles en Mauritanie. Ould Abdel Aziz  a-t-il été élu dans la transparence ?

 Les dernières élections sont maintenant derrière nous et ne sont plus à l´ordre du jour. Je pense que l´opposition est responsable en partie de sa propre défaite parce qu´elle a mal négocié les accords de Dakar et les erreurs en politique se payent cash et elle doit en tirer les conséquences. Une chose est sure les résultats ont surpris la classe politique et beaucoup  d’observateurs. Les Flam qui n´étaient pas candidates et qui étaient en dehors du processus pour les raisons que vous savez ne peuvent être plus royalistes que le roi et ont donc pris acte de cette nouvelle réalité de la Mauritanie.

Nous avons dénoncé et combattu le putsch en son temps mais depuis les accords de Dakar, le discours de démission du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi et les élections d´août dernier nous ne pouvons plus  faire de la nouvelle donne politique du pays. Est-ce que le Général-putschiste devenu président élu va se départir de ses réflexes d´homme de casernes pour réconcilier les mauritaniens? Est-ce qu´il va réconcilier l´Etat avec les opprimés et exclus du Système? Va-t-il détruire les fondements du Système raciste et esclavagiste du pays? L´avenir nous le dira. En tout cas les Flam seront toujours là pour veiller et continuer le combat.

 

2. A.H.M.E  : Le passif humanitaire est un dossier lourd. Les victimes réclament la justice mais Aziz se limite à formuler des excuses publiques. Selon vous, pourquoi les autorités mauritaniennes refusent de traduire les criminels devant la justice et quelle est la position des FLAM sur cette question ?

Le passif humanitaire comme nous le disons toujours est un euphémisme utilisé par ceux là qui répugnent à parler des déportations et des crimes commis contre les Négro-mauritaniens. Ces crimes commis entre 1986-1991 ne sauraient rester impunis sous peine de saper les fondements même de la vie en commun. On ne peut décréter l´amnistie comme avec Taya, ou prôner l´amnésie au regard de la tendance actuelle, pour évacuer ce dossier douloureux.

Hier comme aujourd´hui, nous ne dirons jamais assez que pour régler ce problème, il faut trouver l´équilibre entre la nécessité du pardon, le refus de l´impunité ou devoir de justice, et les exigences de vérité et des réparations. Ce serait toutefois une erreur de croire que les réparations des crimes et des déportations suffiraient à elles seules à assurer la réconciliation. Il faut plus: s´attaquer à notre épineux problème de cohabitation. De simples prières et compensations financières ne suffisent pas, il faut du courage politique et surtout une volonté réelle des autorités à trouver une solution juste à nos problèmes et comme on le disait dans le Manifeste de 1986, quelle qu´en soit la faiblesse tellurique, après un tremblement de terre, on doit s´évertuer à reconstruire sa maison sur des fondations solides et durables, avec des matériax mieux adaptés. On ne peut se contenter de colmater les brèches occasionnées par une première secousse, sinon, à la deuxième, la maison ne sera plus habitable. Il faudrait alors la détruire. Et cette secousse peut survenir à tout moment.

3. A.H.M.E  : Le rapatriement de nos compatriotes expulsés en 1989 et suites, est en voie de règlement. Les rapatriés sont-ils rentrés dans leurs droits ? Qu’il s’agisse des terres de culture, des maisons, des villages occupés, des animaux et biens spoliés. 

Le problème des réfugiés est un dossier que je connais bien pour avoir vécu ces évènements de près en 1989, du camp de "Batrain" de Ouakam, à l´école de police de Dakar qui ont recu les premières vagues des fonctionnaires déportés, en passant par le camp de Thiès jusqu´au déplacement des réfugiés au camp de Dagana ; la création de l´ARMS et de l´AMRS, le complot du HCR de 1995, le PSIR et son "mooyto koota" ( le retour en incognito ) enfin. J´ai sillonné et vécu dans les camps de Dagana jusqu’à Haité au Mali à l´époque ; c´était dur et difficile, les réfugiés n´avaient comme protecteurs et avocats que les Flam. Tout ça, nous l´avons géré de près en tant que militant des Flam mais aussi en tant que porte-parole des réfugiés mauritaniens au Sénégal, et cela nous a valu l´expulsion de  ce pays. Il n'y avait, à l´époque, ni partis politiques ni associations de droits humains pour encadrer et défendre ces apatrides; aujourd´hui tout le monde en parle et parfois avec le zèle des nouveaux convertis, tant mieux ! Nous pouvons dire que nous revenons de loin. Aujourd´hui on reconnait notre mauritanité et on accepte notre retour organisé, ce pas important est le fruit de notre lutte; mais comme vous l´avez souligné des problèmes demeurent. Malgré les déclarations politiciennes des responsables de l´ANAIR, les problèmes persistent aussi bien dans la récupération des terres, des villages occupés, l´éducation des enfants et l´intégration sociale des déportés. Les évènements de Diolli, de Gourel Moussa et tout récemment de Fada sont là pour alerter l´opinion sur les dangers d´une politique de navigation à vue, concernant ce dossier.

4.  A.H.M.E : D’aucuns affirment que les FLAM sont en négociation avec Aziz. D’autres nient l’existence de cette négociation. Qu’en est-il ?

Je devine d´où vient cette propagande sournoise, et cela me fait sourire. Les Flam ne sont en négociation ni avec Aziz ni avec personne. Quand nous déciderons de négocier avec le pouvoir, nous le ferons à ciel ouvert parce que nous n´avons rien à cacher et nous ne sommes pas obnubilés par la chasse aux strapontins. Ce qui nous préoccupe, c´est la Mauritanie et rien d´autre. Non, les Flam ne sont pas en ce moment en  négociation avec Aziz. Je suis catégorique.

5. A.H.M.E : Le combat que mène la communauté négro-africaine de Mauritanie ne peut aboutir sans l’unité. Or, l’Etat et la féodalité maures continuent à utiliser les différentes parties les unes contre les autres. Tantôt, dans une gestion tranquille de l’esclavage maure, l’Etat partage quelques miettes du pouvoir avec l’autre partie des associés-rivaux (Mouhamadou Abdoul in Collection L’ouest saharien, Volume n°4, 2004, l’Harmattan ),  qu’est la féodalité négro-mauritanienne. Celle-ci ne s’est jamais souciée de l’esclavage maure. Tantôt, dans un conflit entre les deux associés- rivaux (féodalités maure et négro-mauritanienne), alors l’Etat maure utilise ses forces de répression et au besoin les Haratine. Les exemples de 1966 et 1989 le prouvent.
Dans ce cas, les Haratine apparaissent comme les seuls responsables des répressions de l’Etat maure. L’Etat et la féodalité maures s’empressent d’accréditer cette idée dans l’opinion nationale et internationale . Que faire pour surmonter ces contradictions et parvenir à cette unité ?

Notre combat a toujours été, entre autres, le recouvrement par tous les Mauritaniens et singulièrement les Négro-mauritaniens, de leur dignité par l'élimination de la discrimination raciale érigée en système de gouvernement. Et quand nous disons Négro-mauritaniens nous faisons appel à tous les noirs de Mauritanie qu´ils soient de culture négro-africaine ou de culture arabe, ce concept  Négro-mauritanien usité aujourd´hui par tous appartient aux  Flam. Il faut rendre à Cesar ce qui appartient à Cesar.

 Les uns sont victimes de déni de dignité et les autres de déni d´humanité, leur union est normale et doit s´inscrire dans l´ordre naturel des choses si l´on considére les convergences, voire les imbrications profondes entre les deux composantes. Celles-ci sont justement materialisées par la commune exclusion du Système en tant que Noirs. Les Flam sont la première force qui a souhaité très tôt l´unité des Négro-mauritaniens. Cette unité constituera une force formidable, apte à hater la fin d´un Système, dont le processus de destruction est déjà enclenché.

Après les évènements de 1989 nous avons fait une campagne de sensibilisation auprés des camps des réfugiés pour leur expliquer que ces hordes haratines qui tuaient dans les villes et dans la vallée ne sont pas les vrais responsables des crimes parce que pour être coupable il faut être un homme libre et responsable , alors que ces haratines qui tuaient leurs frères et soeurs étaient  instrumentalisés, ils étaient  les bras armés de lobbies et courants politiques racistes et agissaient sous les ordres de leurs maitres . On ne devrait donc pas leur en vouloir. Nous avions même lancé beaucoup de tracts dans le Sud de la Mauritanie pendant les années de braise  sous le titre "Appel à mon frère Haratine" disponible dans nos archives. Les opprimés doivent s´unir, non pour se venger de qui que ce soit, mais pour faire de la Mauritanie un Etat de droit, respectueux de leur dignité.

6. A.H.M.E  : Sidi Ould Cheikh Abdallahi avait réussi à faire voter une loi criminalisant l’esclavage. Les ONG abolitionnistes considèrent que cette loi a été oubliée et remplacée par la thèse des séquelles de l’esclavage (retour à Ould Taya). Pourquoi les décrets, les ordonnances et les lois relatifs à l’esclavage  ne sont pas appliqués en Mauritanie ?

 Il ne faut pas se faire des illusions, ce n´est pas par un simple decret qu´on va finir avec l´esclavage. Il faut une volonté réelle accompagnée d´une campagne intense de sensibilisation et des projets d´insertion et d´alphabétisation des esclaves pour les sortir de ces ténébres moyenageuses. Il ne faut pas oublier que ceux qui profitent de ce système restent agrippés à leurs privilèges et  demeurent hostiles à tout changement de fond de l´ordre actuel, et ils  feront tout pour renvoyer aux orties toute loi abolitionniste. Il faut surtout une volonté réelle d´éradication de l´esclavage et de toutes ses séquelles dans notre société pour en finir. Je crois  comme mon héros et idole de toujours, Steve Biko, que la lutte anti-apartheid n´aboutirait pas entièrement tant que les noirs, à titre individuel, n´avaient pas fait la révolution de leur propre être. Tant qu´ils ne s´étaient pas libérés des chaines de l´esclavage psychologique forgé par des générations d´histoires falsifiées et tronquées. La libération du peuple n´équivalait pas simplement à changer les lois ségrégationnistes mais aussi à reconstruire l´homme noir, la personnalité noire dotée d´autonomie. Cette pensée parle encore davantage aux haratines. 

7- A.H.M.E : Pouvez vous nous donner  la position  des FLAM par rapport à l’esclavage  et quelles sont les solutions que vous préconisez pour l’éradication définitive de ce phénomène ?

Sur l´esclavage, tout le monde sait le travail de titan fait par notre mouvement pour sensibiliser et mobiliser l´opinion contre  cette pratique et dans notre pays  et à l´exterieur. Il n´est pas  superflu de rappeler peut-être, que les FLAM ont été la première Organisation à prendre en charge la question de l'esclavage, quand bon nombre de leaders Haratins rasaient les murs après le procès de Rosso, s'ils ne flirtaient avec le Pouvoir. Sans visée opportuniste ou électoraliste aucune, nous avons fait nôtre la lutte pour la libération des abid, fidèles en cela à nos positions de principe. Si du reste cette question connaît un certain retentissement aujourd'hui, c'est bien d'abord grâce à l'action continue des FLAM sur la scène internationale. Qui ne se souvient pas du tract de l´UDM du 10 mars 1980, le premier noyau des Flam, en signe de solidarité avec les leaders d´El hor alors emprisonnés ? Aux Etats-unis, nous nous sommes attelés à faire connaitre cette question auprès des sénateurs et associations abolitionnistes, à travers les grandes chaines de TV  comme CNN et BBC qui ont fait des reportages sur cette question, les grands quotidiens comme New york times, Wasinghton post, pour ne citer que les plus célébres ; à travers également le livre de notre camarade et frère feu Samuel Cotton "Terreur silencieuse" que nous avons envoyé en Mauritanie ; dont le film et le  livre avaient suscité une pittoresque levée de boucliers à l´époque dans la presse mauritanienne. Le film "Né esclave" de la suédoise Helene Aastrup avec la collaboration d´Amnesty international. Beaucoup d´autres publications que je ne peux énumerer ici pour contrainte d´espace et de temps. Nous avons invité pendant certaines de nos journées ou colloques notre ami Ould Ciré de l´Association des Haratine de Mauritanie en Europe à Paris et nous lui avons même donné la parole dans notre site pour faire connaitre son association et son combat juste. Nous avons aussi  invité notre frère et ami Boubacar Messaoud de SOS-Esclaves sur Flamnet pour exposer et débattre à coeur ouvert sur cette question. Nous avons mis nos contacts au service de certains militants Haratine pour faire connaitre ce problème. Aujourd´hui, c´est facile de défendre cette question et ce problème du racisme d´Etat en Mauritanie parce que les Flam ont fait l´essentiel avant tous les autres. Je souris quand j´entends certains militants parler du doute chez des Flam sur ces questions; C’est peut –être  soit parce qu'ils ignorent l´histoire des Flam, soit parce qu´ils sont sont mal informés. Je dirais même que cela frise la méconnaisance de nos principes et de notre engagement, notre flamme est plus que jamais éblouissante.

8-   A.H.M.E : Que pensez-vous  de l’Association des Haratine de Mauritanie  en Europe  (A.H.M.E),  créée en 2001, qui se bat sans relâche pour informer l’opinion nationale et internationale sur les réalités des pratiques esclavagistes en Mauritanie ?

L´AHME est une nécessité et surtout un mouvement qui est venu au bon moment. J´ai beaucoup du respect et d´admiration pour ses responsables qui sont des grands amis et compagnons de lutte. J´ai connu le doyen Ould Ciré au Sénégal après ses démelés avec les autorités mauritaniennes; il est toujours resté le même, constant dans son engagement. Dicko Hanoune n´est plus à présenter aux flamnautes, il est un des plus réguliers animateurs de notre forum avec la même passion pour la justice et la liberté, c´est un militant décomplexé et convaincu. Ce que j´aime surtout chez vous, c´est la libération intellectuelle de vos dirigeants et leur volonté de rupture avec les chaines de servitude.

9- A.H.M.E  : Votre  dernier  mot aux lecteurs du site 

Mon dernier mot va d´abord aux militantes et militants des Flam pour leur fidelité et dévouement à notre organisation. Après plus de 27 ans d´existence et plus de 23 ans d´exil pour beaucoup d´entre nous, c´est l´occasion de saluer leur constance, et surtout leur  résistance à toutes les compromissions et trahisons, à tous les coups bas et autres tentatives de distraction, de discrédit et d´infiltration; nous leur disons seulement qu´ils doivent continuer dans cette lancée  car la victoire est au bout de l´effort, et que seule la vérité est révolutionnaire comme disait l´autre. Rien ne va ébranler nos convictions et nous avons montré que nous sommes des hommes de conviction et de foi.

J´en profite pour rendre un hommage particulier et mérité aussi à nos ainés membres-fondateurs des Flam qui n´ont jamais vacillé dans ce long chemin vers la liberté. Je pense au camarade Samba Thiam Président des Flam, avec qui j´ai partagé des moments de douleur et de bonheur dans cette lutte, un homme intégre, humble, visionnaire, un leader exceptionnel doté de grandes qualités intellectuelles et politiques, surtout de courage. Je pense aux grands combattants que sont Ba Mamadou Sidi qui m´a beaucoup appris dans cette lutte, Sall Ibrahima Abou un homme de conviction et surtout un intellectuel honnête, Ba Pathé dit Idrissa à l´engagement désintéressé, Kamara Abdoul Ghoudouss qui symbolise pour moi la sagesse et le dévouement, Habsa Banor, l´amazone, une militante exceptionnelle sur tous les plans, Boye Alassane la constance; je pense aussi au doyen, le devoué Abdoulaye Boun Malick Sy  et Ibra Mifo Sow mon oncle qui a guidé mes premiers pas dans la politique et constitue surtout une référence politique et morale pour moi. Ils sont des exemples de courage et de fidelité pour nous jeunes générations des FLAM et la Mauritanie de demain devra retenir leurs noms comme ceux de tous ces camarades martyrs tombés au champs d´honneur, dans les geôles du tyran.

 En tout cas je suis un militant fier et je ne cesserai jamais de remercier Dieu de m´avoir conduit dès mon jeune âge dans ce grand mouvement de liberation, qui a fait et qui continuera de  faire l´histoire de la Mauritanie.

 Nous sommes dans un tournant historique de notre lutte et les militants doivent se mobiliser davantage pour faire triompher nos idéaux et atteindre l´objectif qui est la fin du racisme d´Etat et de l´esclavage en Mauritanie, en vue de fonder une Mauritanie réellement démocratique et réconciliée. Une Mauritanie où le fait d´être arabe, noir ou haratine ne serait ipso-facto une condition rhédibitoire.

Je ne peux finir cette interview sans avoir une pensée militante pour notre ami Hanevy Ould Dehah du site Taqadoumy victime du complot, de l´arbitraire et de l´injustice. Comme je le disais tout recemment dans ma page Facebook avec cette condamnation nous pouvons dire que tous les mauritaniens sont en liberté provisoire et que chacun de nous peut se retrouver en prison sans aucune raison valable. J´apporte encore une fois notre soutien et solidarité aux amis et confrères de Taqadoumy.

Enfin pour finir j´en appelle à l´unité des opprimés, les damnés de la Mauritanie car il faut se surpasser pour outrepasser l´impasse. La lutte doit continuer plus que jamais.

 

Février 2010.

 

Interview du président des FLAM, Samba Thiam au site Flere



Né en 1949 à Sélibaby, M. Samba THIAM Président et membre fondateur des Forces de Libération Africaines de Mauritanie (FLAM), n’est plus à présenter aux mauritaniens. Combattant acharné et inlassable pour la justice et l’égalité, il aura connu la prison pour avoir dénoncé la discrimination et l’accaparement de tous les leviers du pouvoir au profit d’une communauté entrainant une exclusion systématique des noirs de la gestion des affaires publiques. Chassé de la Mauritanie et refugié au Sénégal, M. THIAM séjourne actuellement aux Etats-Unis sans pour autant que sa détermination ne faiblisse.

Toujours très modeste et ayant magistralement conduit les FLAM à devenir une force incontournable dans le combat pour l’avènement d’une Mauritanie juste, assumant parfaitement ses positions et abordant les questions sans ambigüité, il revient sur la longue marche de la Mauritanie, le problème de l’esclavage, les obstacles à l’expression de la diversité, l’impossible définition de l’identité mauritanienne et la situation plus qu’inquiétante qui prévaut au pays actuellement entre autre.

Au moment où certains de nos compatriotes commencent à être habités par le doute par rapport à l'avènement d'une Mauritanie juste et égalitaire, il est important de recueillir les enseignements d'un connaisseur et combattant de longue date. Cette interview s'inscrit dans le but de la redynamisation du combat contre l'injustice et l'impunité qui sévissent en Mauritanie.

 

FLERE: En quoi les FLAM ont-elles contribué à l’évolution de la cause noire en Mauritanie?

SAMBA THIAM- Nous avons, croyons-nous , contribué à l’évolution de cette cause, en rompant d’abord ce mur du silence sur la réalité grossière en Mauritanie, que les régimes arabo–berbères s’attelèrent, de toutes leurs forces, à cacher à la face du monde. Nous croyons, également, avoir hâté et renforcé la prise de conscience tant chez les Négro-africains et les Haratines de leur condition d’opprimés, que chez une minorité de nos compatriotes arabo-berbères-qui grossit- sur le danger, à terme, de la situation. La question centrale de Cohabitation–notre crédo- ,que d’aucuns appellent, par euphémisme, la question de « l’unité nationale » est maintenant au cœur du débat actuel. Enfin, nous pouvons ajouter à ces acquis le retour, non pas à la sauvette, mais dans la dignité, grâce à notre ténacité, de ces milliers réfugiés du Sénégal !

Il ne fait aucun doute que n’eût été l’action des Flam, nous serions aujourd’hui dans la même situation que les Noirs du Maghreb; tels ces 5 millions d’algériens que l’on cache, comme une tare, au public, rélégués à la culture de l’olive, ou ces Noirs tunisiens, juste bons à régler la circulation !

Les Flam veillent, afin que d’autres puissent jouir de leur liberté d’action et de mouvement !

 FLERE: Certaines langues disent, qu’après vingt ans d’exil et de combat les FLAM n’ont pas obtenu de résultats significatifs. D’ailleurs vous parlez vous même de la perpétuation du système inique à fondement raciste incarné aujourd’hui par le régime de Aziz, ne sentez-vous pas une certaine lassitude chez les militants ? Et l’heure n’est-elle pas venue pour le changement de stratégie ?

S.T : Arrêtez de nous parler de ce que pensent les « mauvaises langues » ! et puis quel sens donnent-ils au terme « significatif », fonction d’une perception toute subjective, très variable d’un individu à l’autre ?A quel degré décide-t-on qu’une action a été ou non significative ?

Ces gens, prompts à la critique facile, l’ont choisie comme mode d’action, face à notre engagement qui ne se dément pas, et qui leur donne mauvaise conscience ! Voilà tout ! Quoique nous fassions ils trouveront, de toute façon , toujours à redire !

J’ai déjà dit plus haut que ce débat, à mots couverts, sur la question nationale qui s’invite aujourd’hui sur l’arène politique, ce retour des réfugiés, et même cet amendement constitutionnel récent sur «le droit à la différence », qui renvoie, en fait, au concept d’identité du pays, réactualisé par nous, tout cela est à mettre, directement ou indirectement, à l’actif des Flam , quoi qu’en puissent penser nos détracteurs.

J’ajouterais même que la promotion sociale d’un bon nombre de Haratines et de Négro-africains, de par leur position au sein de l’Etat, n’a été possible, depuis Ould Taya jusqu’à Aziz, que grâce à notre Discours qui gène et que l’on cherche à déconstruire, par des réadaptations, des réajustements.

Bref, affirmer que les Flam n’ont pas obtenu de « résultats significatifs », c’est manquer de sens d’observation ou de bonne foi tout court !

Trouvez-vous, franchement, qu’avoir réussi à faire ramener, après 18 ans d’exil, plus de 20.000 réfugiés que les régimes arabo-berbères souhaitaient voir fondus dans la population sénégalaise, n’est pas significatif ? Qu’avoir développé la prise de conscience chez les opprimés ça n’est pas grand’chose ? Qu’avoir réussi, jusqu’ici, à protéger les Noirs mauritaniens du sort, peu envieux, réservé à leurs confrères du Maghreb, c’est peu de chose ? pas significatif ?

Que tout ceci soit insuffisant, j’en conviens; mais que rien dans notre action ne fut significatif , je ne puis le concéder !

Un Système enraciné, depuis 50 ans, ne disparaît pas comme ça, d’un tour de main ! C’est par petites touches que cela se fera, et pas d’un seul bloc, à moins d’un changement radical de rapports de force; il y’a tous les coups antérieurs portés à l’arbre, et il y’a le dernier après lequel celui-ci s’abat; lequel (ou lesquels) serait le plus significatif ?

Pour notre part, nous continuons de porter des coups au Système … Qui fait mieux ?

Concernant maintenant le changement de stratégie, je vous invite à relire les résolutions issues de notre congrès, tenu au mois de Mai dernier à Paris, en 2011.

FLERE : Les FLAM n’ont-elles pas besoin d’un rajeunissement de la classe dirigeante pour donner un nouveau souffle au mouvement ?

S.T - La "classe dirigeante" des Flam est, pour l'essentiel , jeune ; il n'y a qu'à revoir notre Bureau exécutif ainsi que tous les responsables de nos sections pour le constater ! Ce sont nos militants qui décident et choisissent, librement, leurs dirigeants , il faut le rappeler ; comparée à la classe politique nationale, la direction des Flam me semble très jeune !

Mais si, par contre, vous faites allusion à la « longivité du Président des Flam », je vous répondrais que je partage totalement ….; je ne cesse d’appeler à la relève ! Je puis vous assurer que la place est à prendre ! Nous sommes entrain de préparer les conditions de passation du témoin ; seules des circonstances exceptionnelles ont retardé, jusqu’ici, les choses !

FLERE: La multiplicité des mouvements et partis politiques voulant porter la cause noire en Mauritanie, sans jamais parvenir à s’entendre, (querelles de personnes…) ne constitue t-elle pas un obstacle à la cause ?

S.T – Quelque part, oui ! Mais nous devons garder l’optimisme, car si les chemins sont multiples, ils conduisent tous au même objectif, partagé ! Evidemment si chacun faisait sienne cette pensée de Thierno Bocar, selon Hampathé Ba, « savoir parfois rire de soi » disait-il, les luttes de préséance, les conflits d’égos seraient tellement amoindris…. 

FLERE: La forme unitaire de l’Etat mauritanien n’est-elle pas un obstacle à l’expression de la diversité ? Et quelle place doivent occuper les langues dites « Nationales » ?

S.T - Cette forme unitaire actuelle constitue, en effet, un obstacle à l’expression de la diversité, pour épouser les contours de l’Unitarisme et non pas de l’Unité! On a cherché à unifier, c’est-à-dire à niveler, gommer les différences ! Or c’est ce qu’il ne faut pas, justement ! Il faut unir et non pas unifier !

La forme d’unité la plus appropriée pour cette Mauritanie-pluri-culturelle et multi-ethnique- à notre avis, c’est l’Autonomie ; nous avons choisie cette option, traduite en projet, et vous verrez quand il sera rendu public, combien ce projet sied à la réalité de notre pays !

Concernant la place des langues nationales, nous avons toujours affirmé que l’égale dignité des communautés nationales passe, aussi, par l’égalité de traitement de leurs langues et cultures.Voilà pourquoi toutes les langues nationales doivent être officielles, langues de travail - d’apprentissage et de formation- pour l’éveil des consciences ou l’éducation des populations .

FLERE: L'esclavage en Mauritanie est une forme de discrimination la plus inhumaine. Les Flam acceptent-elles de prendre en charge cette question? Pourquoi vos détracteurs vous accusent de manque de volonté sur ce terrain ? 

S.T -Vous dites bien « nos » détracteurs, comme vous parliez, plus haut, de ces (mauvaises) « langues ». Un détracteur c’est rarement objectif,… plutôt de mauvaise foi !

Nous avons pris cette question de l’esclavage en charge, dans le manifeste dès 1986, au moment où presque personne n’en parlait plus, après le fameux procès d’intimidation de Rosso. Quelques articles-scoop, du genre « la Mauritanie, pays aux 100.000 esclaves » paraissaient, rarement, ici ou là !

J’ajoute que nous avons, les premiers, contribué à internationaliser ce dossier en 1990 , au Congrès du parti communiste Français, tenu à Paris. Dans toute notre production, cette question est en bonne place. Qui d’autre a fait mieux ?

C’est sur nos traces qu’a marché SOS-esclave, dont le travail a contribué à amplifier la question; l’AHME a suivi, puis l’IRA, avec sa méthode plus agressive, donnant au dossier plus de répondant , disons le …

Bref nous n’avons jamais quitté ce terrain de lutte, et n’avons jamais lâché ce dossier !

Si nous n’avions pas été là, cette question n’aurait peut-être pas eu l’ampleur qu’elle a aujourd’hui; Elle serait, à l’heure actuelle, étouffée, reléguée aux oubliettes!

FLERE: Les combats contre l’esclavage et le racisme sont-ils indissociables selon vous ? Comment comptez-vous vous organiser pour rassembler ceux qui en sont victimes et qui sont en ordres dispersés depuis l’indépendance de la Mauritanie ?

S.T - Oui je le crois, tout à fait ! indissociables tant sous l’angle pigmentaire, que sous l’angle de classes!

Ces combats nous semblent si bien liés que nous avons toujours pensé que la fin, définitive, de l’esclavage passe, nécessairement, par la fin du racisme d’Etat! Sortir de l’esclavage pour les Haratines, sans livrer bataille pour la fin du racisme d’Etat, reviendrait, simplement, à changer de ghetto ! Ils auront gagné la bataille sur le déni d’humanité qui les frappe mais, inévitablement, retomberont dans celui de citoyenneté !

Voilà pourquoi le mouvement Haratine se devrait d’avoir une vision plus globale, plus lointaine des choses, une vision prospective en somme …

FLERE : La majorité des Harratines n'a pas été recensée car dépourvue de pièces d’état civil, pourquoi, selon vous, il y a une certaine fébrilité de la part des ONG ou certains partis politiques de prendre en charge de façon pragmatique cet épineux dossier ? 

S.T -Je parlerais plutôt de frilosité …

Vous devez comprendre qu’il existe, chez nous, deux types d’Opposition; l’Opposition au Système -hors du Système -, et l’Opposition dans le Système !

Avez-vous entendu l’opposition arabo-berbère dénoncer avec vigueur et constance ce projet d’enrôlement à caractère raciste? non! l’avez–vous vue s’opposer, vigoureusement, à la tentative de spoliation massive des terres qui nous guette? Non ! Ou plaider vigoureusement pour la restitution des terres spoliées des réfugiés ?exprimer, même à mi-voix, la pleine reconnaissance du pulaar, soninké et wolof comme langues officielles ? non plus!

Les visions de cette Opposition et celle du régime sur l’identité du Pays et sur les questions cruciales sont très voisines, pour ne pas dire identiques !

Encore une fois il y’a Opposition et Opposition !

FLERE: On parle beaucoup de l’esclavage des maures, selon certains maures, l’esclavage existe aussi au sein de la communauté négro-africaine, pourquoi les Flam ne sont pas montées au créneau pour dénoncer ce système discriminatoire incompatible avec les valeurs que vous prônez : Unité, Liberté, Egalité ? 

S.T -Les Flam dénoncent toutes les tares sociales, où qu’elles se trouvent, qui affectent les composantes nationales, sans distinction .

Seulement, il faut quand même préciser que la réalité des formes d’esclavage en milieu négro-africain et arabo-berbère est totalement différente .

Résiduel en milieu négro-africain, l’esclavage s’y pose plutôt en terme de statut social. Nulle part, ici, les descendants d’esclaves ne se voient empêchés d’hériter de leurs ascendants; il est impossible de forcer quelqu’un à travailler pour un Maître ! L’ancien esclave et son descendant jouissent pleinement de leurs biens et propriétés; il est simplement impensable, dans ce milieu, qu’un homme puisse en vendre un autre, comme une vulgaire marchandise !

Voilà pourquoi nous (Flam) mettons davantage l’accent sur le second, beaucoup plus inhumain, que sur le premier-plutôt résiduel-qui se résorbera doucement, par l’urbanisation, la scolarisation, et le développement économique . 

FLERE : Qu’est ce qui caractérise la féodalité négro-africaine et en quoi constitue t-elle un handicap à l’unité de cette composante ?

S.T -Vous devriez plutôt chercher la bonne réponse (scientifique) du côté des chercheurs …

Mais, je crois, pour ma part, que ce qui caractérise la féodalité négro-africaine ce sont ces stratifications, ces statuts en paliers … Bien entendu cela gène, quelque part, l’unité de cette communauté. On n’a pas compris que la division initiale des groupes sociaux était une division du travail, et non de classes sociales ou d’hiérarchisation des statuts ; le système de castes assurait, à l’origine, un rôle de régulation en attribuant à chaque groupe social une fonction. C’est après qu’il s’est produit une sorte de glissement vers une hiérarchisation qui, du reste, ne repose sur aucune base objective !

Cela dit, il faut quand même nuancer et cesser de considérer le facteur « castes », comme l’obstacle majeur à l’unité; en effet, face aux événements de 1986-89, ces différences de castes, de classes ou de statuts se sont évanouies. Contre le racisme d’Etat les Négro-africains ont fait bloc, sans considération de leur origine sociale ! 
Ajoutons, également, que la question des castes ne comporte pas que des inconvénients, à en croire Cheikh Anta Diop; « la création du système des castes assure plus de permanence et d’équilibre que celui du système des classes en Occident» dit-il ! C’est d’ailleurs une des raisons, entre autres, qui explique pourquoi il n’y eut pas de révolutions en Afrique, ajoute –t-il plus loin .

Autre temps autres mœurs?

FLERE: Pensez-vous que la communauté Maure vive une exclusion de quelque manière que ce soit de la part du système ?

S.T - Une partie de la communauté maure vit sa part d’exclusion, incontestablement; dans la stigmatisation de classe ( Zénaga, forgeron ), dans la redistribution des richesses, etc... On dit que la mentalité tribale bidhaani fonctionne en cercles concentriques; c’est d’abord moi , ensuite ma famille, puis mes cousins, ma fraction, ma tribu, et enfin mon ethnie ! Comme le Pouvoir est y perçu, généralement, comme une vache à lait, les retombées qu’on en tire, forcément, ne seront pas les mêmes chez tout le monde ! Plus on s’éloigne du centre des cercles, plus la part de gâteau s’amenuise; ceux qui sont en dehors de ces cercles sont simplement exclus du partage .

Il est clair que certains segments de la communauté bidhaan vivent leur part d’exclusion.

Mais cette réalité ne doit pas, toutefois, occulter ou atténuer une autre réalité, toute aussi têtue : la communauté bidhaan, dans son ensemble, bénéficie, bel et bien, des retombées du Système discriminatoire en cours, en terme de développement de sa langue et de sa culture, en terme de reconnaissance pleine et entière de sa citoyenneté, voire de sa suprématie, consacrée par le Système, sur les autres composantes nationales … 

FLERE : Avez-vous de bonnes relations avec les abolitionnistes qui sont actifs à l’intérieur de la Mauritanie, (SOS-ESCLAVES, IRA-MAURITANIE) et ceux de l’extérieur, (L’Association des Harratine de Mauritanie en Europe ?

S.T - Nos relations avec ces organisations et Associations sont bonnes.

FLERE : Les FLAM comptent se redéployer en Mauritanie, nombreux sont vos militants qui ont été condamnés sans avoir purgé leurs peines, ne craignez vous pas que l’Etat mauritanien rouvre certains dossiers pour vous mettre les bâtons dans les roues afin de procéder à des arrestations arbitraires à l’image des années sombres 1987-1989?

S.T - D’abord je ne crois pas qu’il existe des peines, pendantes, pour un seul flamiste.

Ensuite en matière de lutte, le risque de répression est toujours là, inhérent à l’action! On ne peut donc s’arrêter sur ce type de considération. Quand la nécessité l’impose ou que le peuple a besoin de vous, ce risque- là disparaît ou passe au second plan !

FLERE: La jeunesse mauritanienne s’interroge sur la véracité de l’accusation portée contre les militaires négro-africains d’avoir voulu fomenter un coup d’Etat, quelle est votre version des faits pour mettre en lumière cette affaire ?

S.T - Je crois deviner, derrière votre question, un dépit, largement partagé du reste … ; mais je dois vous apprendre que je n’étais ni acteur ni témoin de cet évènement. Je pense, malgré tout, qu’avec les versions, croisées, et les choses écrites la- dessus par des témoins vivants, on peut raisonnablement, donner foi à la véracité de cet évènement !

A mon sens la question n’était pas de savoir s’ils avaient, oui ou non, tenté un putsch, mais plutôt, s’ils avaient, eux- aussi , le « droit » d’en tenter un, au même titre que d’ autres ! S’ils avaient le culot d’oser, comme tous ceux-là qui les avaient précédés, pour nous rendre notre dignité d’homme ! Ou si le traitement excessif qui leur avait été infligé était juste ? ( 3 peines capitales pour une tentative… dans la tête ! ), en comparaison à celui réservé aux auteurs de tentatives sanglantes, et qui furent non seulement impunis, mais promus !

Toute la question, en fait, c’est bien cette politique à deux vitesses qui prétend construire un pays !

FLERE : Pourquoi les Flam n’ont pas introduit une plainte collective au niveau du Tribunal Pénale Internationale, l’ONU et à l’Europe pour exiger le jugement des criminels de l’armée mauritanienne?

S.T - Écoutez, on ne peut quand même pas nous demander, dans cette lutte, d’être présents partout, et partout devant, sur tous les fronts ! Et puis on ferait des jaloux, vous connaissez les mentalités !

FLERE: Croyez-vous que la Coordination de l’Opposition Démocratique (COD), prenne en charge de façon efficiente les problèmes fondamentaux du racisme de l’Etat, de l'esclavage et du passif humanitaire ? 

S.T - Je vous ai déjà dit qu’il y’a deux types d’opposition en Mauritanie : L'opposition au Système ( hors du Système) et l’Opposition dans le Système !

FLERE: La Mauritanie traverse ces derniers temps une crise multiforme, (enrôlement contesté, grève à l’Université, spoliation à grande échelle des terres du Sud, l’opposition qui appelle à un coup d’Etat), quelle lecture faites-vous de cette situation ? Et quelles conséquences en tirez-vous ?

S.T - En effet, on observe une situation plutôt agitée ces derniers temps, et qui n’est pas sans dangers.

A mon sens, cela tient en partie à la navigation à vue, trop suffisante, trop sûre d’elle-même, du Président Aziz, qui ne satisfait personne ! Mais cela tient aussi aux positions, quelque peu versatiles, d’une certaine opposition qui porte, quelque part, la responsabilité historique de ce qui nous arrive, actuellement!

Rappelons que ce fut une partie de cette Opposition, prétendue démocratique, qui soutint, à bout de bras, le Général putschiste ! Ce fut encore une partie de cette opposition qui cautionna des accords, qu’elle savait, par avance, utopiques, condamnés, contribuant ainsi , à installer Aziz dans la légitimité , dont il avait tant besoin ! Et c’est aussi une fraction de cette même Opposition qui était allée à la soupe !

Et voilà que maintenant cette même Opposition marche, pour demander le départ de Abdel Aziz !

N’y a-t-il pas là un manque de cohérence voire de crédibilité ?

Aziz « dégage ! », entend-on clamer ! Très bien, mais pour mettre qui à la place ?

Enfin, je pense, pour relativiser un peu, que toute cette agitation n’est peut être pas si mauvaise que ça ! Ce peuple, habitué à plier l’échine sous le joug militaire , maintenant se redresse pour dire non à ses dirigeants !

C’est bon signe et c’est sain pour la Démocratie !

FLERE : Si les FLAM prenaient le pouvoir aujourd’hui, quelle sera la première grande mesure à prendre ?

S.T - L’appétit du pouvoir n’a jamais caractérisé les Flam, c’est connu; sa conquête, ne fut jamais leur préoccupation centrale, orientée surtout vers la solution du problème de la cohabitation , d’où qu’elle vienne et quelqu’en soit l’agent .

Votre question me prend donc de court, vous le comprenez !

Mais si je devais, malgré tout, m’essayer à l’exercice , je prendrais non pas une mais trois mesures : je supprimerais le Sénat, fermerais l’ISERI et m’attelerais à mettre en place les conditions pour la tenue d’un dialogue national ( sur la cohabitation et l’esclavage) et la convocation d’au moins quatre Etats Généraux .

Le premier est un gaspillage de ressources et ne correspond pas à notre réalité ; La Mauritanie ne « pèse» pas encore un Sénat, ni économiquement ni démographiquement; Et, du reste, les communautés se feraient très bien représentées, et de manière encore plus équilibrée, au niveau des trois pôles que sont la Présidence, la Primature, l’Assemblée nationale .

Le second - l’ISERI - ne donne ni à boire ni à manger, et comporte de surcroît un risque , potentiel , non négligeable! Nos « Mahadras » traditionnelles nous suffisent, largement!

Enfin quatre secteurs méritent des réformes urgentes (l’Armée, l’Education, la Justice, l’Emploi des Jeunes) 

FLERE : Question : votre dernier mot ?

S.T- D’abord les enseignements à tirer de la situation du nord du Mali et du Sénégal -à méditer par les mauritaniens - qui montrent , dans le premier cas, que l’on ne peut étouffer, sans danger, indéfiniment les aspirations légitimes des minorités , et dans le second, que le cadre démocratique , qui permet l’expression concurrente des idées et des projets , est peut-être le plus sûr moyen pour la résolution des problèmes, y compris les problèmes d’identité !

Un message aux mauritaniens, ensuite, pour dire que rien est encore perdu. Nous n’avons pas franchi la ligne de rupture, alors reprenons-nous ! On peut encore faire de ce pays un havre de paix et de fraternité, où il fait bon vivre pour tout le monde !

Je ne puis terminer, bien sûr, sans vous remercier de m’avoir accordé cette interview.

Propos recueillis par : BA Tidjane, Dicko Hanoune, BA Youssouf.

09 Avril 2012

Source : http://www.flere.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=1445
:samba-thia&catid=34:a-la-une

Publié par Diko à l'adresse dimanche, avril 08, 2012

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Interview de Kaaw Touré, Porte-parole des FLAM

 

    "Ceux qui s´agitent actuellement pour le retour de Taya n´ont pas de respect pour la Mauritanie, font de la provocation pour déstabiliser le régime du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi".

    Mouhamadou Touré dit Kaaw est natif de djéol. Militant des FLAM depuis toujours,
    il fût le plus jeune prisonnier politique de la Mauritanie. Kaaw est en exil depuis plus
    de deux décennies. Le Monsieur communication des FLAM a bien voulu partager
    une tranche de sa vie avec nos lecteurs. Il revient aussi sur des questions d’actualité et
    sur le fonctionnement des FLAM.

    AL YOWM : Voulez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

    Kaaw TOURÉ : Je m´appelle Mohamadou Ousmane Samba Racine Touré, mais
    pour les intimes, Kaaw Tokosel Tuure. Je suis originaire de Djeol dans le Gorgol et
    j´ai 40 ans dont la moitié ( 20 ans ) passée en exil, après mon passage en prison en
    1986 suite à la publication du "Manifeste du négro-mauritanien opprimé" et qui faisait
    de moi le plus jeune prisonnier politique mauritanien à l´époque.

    Je réside en Suède depuis 1999, après mon expulsion du Sénégal suite aux pressions diplomatiques de l´ancien dictateur Ould Taya. Je suis actuellement le Secrétaire national à la communication et porte parole des Forces de libération africaines de Mauritanie et par ailleurs webmaster du site Flamnet.

    AL YOWM : Les FLAM, hier et aujourd’hui. Si on vous demande de nous faire un bilan ?

    Kaaw TOURÉ : Faire le bilan des Flam c´est faire l´histoire d’une résistance patriotique des plus opiniâtres, celle qui n´a jamais plié, ni dévié, celle qui n’a jamais été ni récupérée, en dépit des manoeuvres et agressions de toutes sortes. Les F.L.A.M. constituent sans conteste, dans
    l’histoire de notre pays, la force politique qui a fait montre de la résistance la plus longue et la plus constante.

    L´histoire des FLAM ou le bilan des FLAM, c´est comme on le disait dans notre document historique "la longue marche des FLAM" et je cite : " c´est une histoire de près de 25 ans de lutte opiniâtre contre un système à fondement raciste. 25 ans de résistance acharnée au cours de laquelle la marche de notre organisation fut longue et pénible ; Chaque étape franchie et chaque acte posé le furent comme dans une course d’obstacles. On franchissait le premier, un autre était déjà là, plus haut, Et un autre derrière, encore plus difficile".

    L´histoire retiendra aussi que les FLAM ont fait l´histoire de ce pays. Nous avons été les premiers à nous insurger contre le dictateur Ould Taya et le système discriminatoire qu’il a solidement conforté. Cela nous a valu la repression la plus sanglante, la plus cinglante et la plus haineuse jamais enregistrée dans ce pays.

    Depuis leur création les FLAM s´étaient fixé entre autres objectifs : la résolution de la question nationale, la lutte contre l´esclavage et les pratiques féodales, l´instauration d´une véritable démocratie en Mauritanie où le fait d´être arabe, noir, haratine, znaga ne serait ipso-facto une condition rhédibitoire. C´est ce paradigme que nous avons rappelé et voulu concrétiser en Mauritanie qui nous a valu la dénonciation, la répression jusqu’à l’élimination physique de ceux que nous comptions de plus chers dans notre mouvement.

    A l’époque, cependant il ne s’était pas trouvé suffisamment de bonnes volontés dans les formations politiques concurrentes pour formuler, avec autant d’exigence que nous, la revendication d’une réelle égalité entre tous les citoyens mauritaniens. Mais tel le roseau de la fable qui ploie sous la poussée de la bourrasque sans pour autant casser, les FLAM ont survécu à toutes les tempêtes de sable du régime de Taya. Nous avons payé cher notre droit à l´expression et à l´épanouissement dans ce pays.

    Aujourd´hui il est facile de se réclamer de l´opposition et de bomber le torse, nous n´avons pas attendu la démocratisation du pays ou l´avénement de l´internet pour dire notre mot dans la gestion de ce pays. C´est grâce aux FLAM que l´opinion internationale a découvert le vrai visage du régime mauritanien et l´apartheid méconnu de notre pays.

    C´est grâce aux FLAM que le monde occidental et africain a découvert l´esclavage, le sort des déportés mauritaniens que notre ami feu Sennen Andriamirado de Jeune Afrique nommait "les Palestiniens de l´Afrique de l´Ouest".

    C´est grâce aux FLAM que le génocide planifié par des franges intolerantes et aggressives de nationalistes arabes a echoué. C´est grâce aux FLAM que les tortionnaires et autres génocidaires sont pourchassés et interdits de séjour dans des pays respectueux des droits de l´homme. C´est aussi grâce à l’impact de notre discours clair, cohérent et suivi, que les masses négro-africaines allaient prendre, pour la plupart, conscience de leur oppression. C´est aussi grâce à notre encadrement que les déportés ont résisté pendant ces 18 ans aux chants des sirènes, et maintenu intacte la tension du retour jusqu´à la reconnaissance officielle récente de leur déportation par le nouveau régime.

    On ne le dira jamais assez, un de nos acquis le plus essentiel, demeure celui d’avoir réussi, surtout, à rompre le mur du silence qui entourait cette politique ignominieuse de discrimination à caractère raciste et de pratiques esclavagistes dont sont victimes les populations noires mauritaniennes.

    La Mauritanie est un pays secret ; nos dirigeants politiques se sont toujours évertués à soustraire à la curiosité internationale les problèmes de fond du pays, par la dissimulation.
    L’une des choses que Ould TAYA n’a jamais réussi à digérer est bien que nous ayons pu diffuser « Le Manifeste du Négro-Mauritanien opprimé » à l’extérieur, au sommet de Hararé, au Zimbabwe.

    Aujourd´hui toute la classe politique parle dans son ensemble de l´unité nationale, du retour des déportés, du passif humanitaire, chose fort heureuse, alors qu´hier ces sujets étaient tabous et considerés comme "fond de commerce des nationalistes étroits, des ennemis du monde arabe à la solde du sionisme". L´histoire vient encore une fois de démontrer que seule la vérité est révolutionnaire ; nous n´avons jamais failli dans notre mission de sentinelle du pays, de garde-fous de la démocratie, d´objecteurs de conscience mais surtout de combattants de la liberté.

    Le régime de Taya et même celui de la transition ont cherché, en vain, par tous les moyens à nous casser, à nous marginaliser. Ils ont essayé par la répression, la corruption, mais le socle dur est resté ferme et déterminé, loin de tout opportunisme et amateurisme, pour faire aboutir nos revendications les plus essentielles.

    AL YOWM : A quand la fin de l’exil de la direction des FLAM ?

    Kaaw TOURÉ : C´est une bonne question mais comme vous le savez, en tant qu´ancien exilé politique vous-même, qu´on ne choisit pas l´exil de gaieté de coeur. Le mal du pays vous occupe et vous déchire les entrailles comme disait l´auteur des Exilés de Goumel. Le pays nous manque beaucoup ; nous n´avons comme richesse sur cette terre que notre pays natal, nous y tenons comme la prunelle de nos yeux ; c´est pour cette raison que nous nous sommes insurgés contre le système, c´est pour cela que nous avons accepté l´âpreté de l’exil et les souffrances des cachots. A quand la fin de l´exil ? Nous sommes en voie d’y apporter une réponse. Et je présume que ce sont tous nos concitoyens qui l’attendent avec intérêt et impatience. Notre conseil national qui se réunira très prochainement statuera sur la question. Il faut espérer que cet exil prendra bientôt fin.

    AL YOWM : Les FLAM comptent-ils un jour chercher la reconnaissance légale par les autorités mauritaniennes ?

    Kaaw TOURÉ : Le plus important pour nous, c´est la reconnaisance de fait des FLAM , par ce qu’elles incarnent, aussi bien par les autorités que par la classe politique dans son ensemble, et par l´opinion internationale. La reconnaissance légale n´est en fait qu´un simple certificat de naissance qui n´empêche pas à un enfant de vivre ou d´exister, une simple formalité administrative. Il me semble prématuré d’en parler maintenant, même si rien est à exclure. Mais je puis vous assurer que les FLAM resteront conséquentes en continuant à privilégier toutes les solutions qui réglent les contentieux nationaux et favorisent la réconcialition entre nos communautés.

    AL YOWM : Quelle est votre analyse de la situation du dossier des réfugiés ?

    Kaaw TOURÉ : Le dossier des réfugiés, comme vous le savez, nous tient beaucoup à coeur ; et il faisait partie, avec le passif humanitaire, de l´une des conditions que nous avions posées pour la décrispation du climat social en Mauritanie. Le discours historique du 29 juin du Président de la République, nos échanges avec lui pendant la campagne électorale entre les deux tours et sa récente rencontre avec notre président Samba Thiam à New York en marge de l´assemblée générale des nations unies nous incitent à l´optimisme, même si nous savons qu´il y a toujours des forces hostiles tapies dans l´ombre, oeuvrant pour la perpétuation du système, qui veulent faire échouer le projet du rapatriement des déportés. C´est ce qui explique, en grande partie, les tergiversations, les manquements et l´amateurisme constatés dès l´entame du projet.

    En résumé, par rapport à ce dossier, il ne serait pas réaliste de nier qu´il y a des efforts consentis, certains ; mais il faut continuer à ameliorer. Il faut surtout, pour réussir la réconciliation, éviter la solution du « fait accompli », ou de type à générer ressentiments et frustrations. Nous avions salué, en son temps , l´initiative du président de la République mais nous devons plus que jamais restés vigilants pour faire aboutir le réglement de ce dossier et aborder les autres points qui attendent toujours comme le passif humanitaire et surtout l´épineuse question de cohabitation que certains nomment pudiquement "la question de
    l ´unité nationale".

    AL YOWM : Maouya bientôt en Mauritanie. Qu’en dites-vous ?

    Kaaw TOURÉ : Si Maouya veut rentrer en Mauritanie, libre à lui, mais il doit assumer son passé et être prêt à répondre de ses crimes , devant la justice nationale ou internationale. Ceux qui s´agitent actuellement pour le retour de Taya n´ont pas de respect pour la Mauritanie, font de la provocation pour déstabiliser le régime du président Sidi Ould Cheikh Abdallah. Nous ne pouvons expliquer certaines coïncidences troublantes dans ce pays. A chaque fois que le problème des déportés est évoqué on voit surgir des manifestations « spontanées », on fait courir la rumeur de bruits de bottes, on assiste à des actions terroristes, des tracts de diversion circulent, on agite le spectre du retour de Taya.

    Tout ceci ne peut être fortuit. C´est comme s’il y avait une main invisible qui chronométre tout cela, selon un agenda bien défini. Je n´accuse personne, mais je crois à la manipulation et à la préparation du retour d´un « messie » pour sauver la Mauritanie du « démembrement et de l´impasse ». Ce qui est abérrant dans toute cette campagne c´est d´entendre certains plumitifs et politiciens regretter l´ère du dictateur. Cela est une offense à notre dignité et c’est certainement manquer de respect pour notre peuple, comme pour dire que nous ne méritons que la médiocratie.

    AL YOWM : La Mauritanie et le terrorisme quelle est votre analyse ?

    Kaaw TOURÉ : Si vous regardez le parcours de ces prétendus moudjahidines, vous ne verrez que des anciens bandits de grands chemins"reconvertis", des petits criminels et qui n´ont rien à avoir avec notre sainte religion, qui est une réligion de paix et de tolérance. Qu´ils nous laissent vivre notre foi et nos pechés en paix dans ce monde, et Dieu seul pourra reconnaître les siens. Ne dit-on pas dans le saint livre qu´Allah est le plus juste des juges ? « alayssa´allah bi ahkamil hakimine » Nous, au niveau des FLAM, considérons ces évènements graves autour de ces illuminés comme une menace sérieuse, un danger auquel il faut faire face avec fermeté certes, mais aussi avec beaucoup de discernement.

    On ne réglera pas le problème en se contentant de punir les exécutants. Il faudra aller au-delà, mesurer l’impact de ce discours d’intolérance , fanatique, et en déterminer les causes profondes. Ce terrorisme aveugle, à vocation apocalyptique , prospère sur le lit des frustrations et des misères des populations vulnérables parce que sous-éduquées et/ou laissées pour compte. Il faut aussi dire qu´à vouloir copier le monde arabe en tout et pour tout, on finit aussi par en prendre, hélas, les côtés pervers

    AL YOWM : Connaissez-vous Brediley. Que vous inspirent ses récentes productions ?

    Kaaw TOURÉ : Bredileil ou "la fraicheur de la nuit" c´est son nom traduit en Francais parait-il. Je n´ai pas eu l’occasion de connaitre l´homme sinon à travers sa pensée et ses écrits et surtout à travers les témoignages de nos camarades qui l´ont connu en prison en 1987. Tout ce qu´on sait de lui, c’est qu´il est un partisan acharné de l´arabisation de la Mauritanie, quel qu´en soit le coût, qu´il est l´idéologue du baathisme repoussant et intolérant dans notre pays. Bredeleil a une part importante de responsabilité, lui et ses camarades, dans les dérives nationalistes et fascistes du régime de Ould Taya. Il n´y a en réalité qu´un extrémisme en Mauritanie, c´est celui, intolérant, du Baas et des nasseriens.

    Les positions de Bredeleil ne me surprennent donc guerre. Ce qui me surprend c´est plutôt le silence des prétendus progressistes ou objecteurs de conscience, face à ses prises de position qui puent le racisme abject. J´espére qu´un jour, les mauritaniens auront l´opportunité de se parler à travers un débat national autour de cette question de la cohabitation, et ce sera une bonne occasion pour finir une bonne fois pour toutes avec des idéologies importées et s´atteler à la construction d´une Mauritanie réconciliée et fière de sa diversité culturelle, de sa position géographique et de sa composition sociologique. En attendant nous disons comme toujours la lutte continue.


    Propos recueillis par Abdallah Ould Hormatallah et Camara Seydi.

    Le 20/05/08

    Tiré de SOS-abbère

 

  

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