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A.H.M.E.

INTERVIEW 23:

 

                                                    Interviews de Messaoud Ould Boulkheir  
 

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Interview de Messaoud


Depuis quelques mois, la question de l’esclavage réapparaît, de plus belle, à travers les sorties de Biram Ould Abeid, président de l’IRA, de l’ex-capitaine Breika Ould M’Bareck et la correspondance adressée par  Samory Ould Bey à Ban Ki Moon, secrétaire général de l’ONU. Vous venez, vous-même, d’en parler avec la délégation de l’UE et de la Commission africaine des droits de l’Homme. Pour certains, l’esclavage persiste  dans le pays, pour d’autres,  il s’agit de «séquelles». Que pensez-vous de ce sempiternel  débat ?
 

L’esclavage est toujours un problème national et son débat demeure d’actualité, en Mauritanie. On n’a pas donné à ce problème l’importance qu’il mérite. La responsabilité incombe, entièrement, aux autorités. Sous Sidi Ould Cheikh Abdallahi, l’Etat a pris des décisions courageuses, pour la résolution de ce problème. Une loi incriminant l’esclavage a même été votée, par les deux chambres du Parlement. Des journées de sensibilisation ont été organisées. Je rappelle que j’avais émis des réserves sur la  manière dont elles se sont déroulées, parce qu’on a voulu escamoter le problème, et j’ai même boudé la cérémonie d’ouverture à la maison des jeunes. En tous les cas, on était là, pour la première fois, face à un Etat décidé à résoudre le problème, par la mise en place d’instruments appropriés, et c’est le minimum qu’on puisse demander. Il y a, certes, des insuffisances et il fallait travailler à les combler, par des instructions, fermes, aux représentants de l’Etat, aux préfets, chefs d’arrondissements, walis, chefs de brigade, commissaires de police, cadis,  juges, en contact direct avec les populations. Il faut les amener à comprendre que l’esclavage est une affaire très sérieuse qui mérite un traitement  en conséquence. Hier, j’ai reçu, ici, une esclave, elle venait d’Atar,  avec «SOS Esclaves», de Boubacar Ould Messaoud;  le ministre de l’Intérieur est au courant. Sa fille est restée là-bas, parce que, m’a-t-on dit, elle est mariée. Avec qui? Mystère. Le fait de que le ministre de l’Intérieur, censé connaître les arcanes de l’Administration, nous dise qu’on lui a laissé entendre que la fille était mariée est très léger; il ne doit pas se contenter de ce qu’on lui dit ou laisse entendre. Même si la fille est mariée, cela ne l’empêche, nullement, de venir avec sa maman, surtout si c’est un mariage fictif, comme on en connaît; en tout cas, le ministre a, vraiment, la possibilité de tirer les choses au clair. Mariée ou pas mariée, ce sont des faux-fuyants, comme chaque fois qu’un cas est révélé: c’est un parent, ce n’est pas un ou une esclave, le juge n’a jamais condamné personne, le commissaire de police n’a jamais indexé quelqu’un pour pratique esclavagiste, il est même le premier à prendre la défense de l’esclavagiste, etc. Idem pour le commandant de brigade. Comment voulez-vous, dans ces conditions, que ces tares disparaissent? Un pouvoir véritablement progressiste, soucieux de l’avenir de ce pays, doit œuvrer pour l’éradication réelle de telles pratiques. On ne peut pas continuer à tromper les gens. Personne n’est dupe. Néanmoins, ce n’est pas une raison pour tomber dans la surenchère. Le combat a commencé en 1978, à la naissance d’El Hor, mais nous n’avons, jamais, cédé à la surenchère. Le premier responsable, c’est l’Etat qui n’a pas joué pleinement son rôle pour l’émancipation de cette couche de la population. Si l’Etat tape du poing sur la table et siffle la récréation, les choses vont rentrer dans l’ordre mais si c’est lui qui, par l’intermédiaire de ses représentants, se fait complaisant, ces pratiques persisteront. Nous ne sommes pas le seul pays où l’esclavage subsiste, mais le malheur des Mauritaniens c’est que les voies choisies, jusqu’à ces derniers temps, sont mauvaises et celles engagées sous Sidi Ould Cheikh Ould Abdallahi n’ont pas pu être concrétisées. Si l’on traduit en justice des esclavagistes, qu’on les condamne, fermement, cela servira de dissuasion, pour les autres. Mais je l’ai dit et je le répète: la solution passe par la voie pacifique, par l’éducation et la sensibilisation, non pas par l’hostilité des uns contre les autres ; nous n’avons jamais prôné cette solution, nous n’avons jamais prôné la division encore moins  la vindicte ou la revanche. Cela n’a jamais été notre cas et cela ne le sera pas.

 Ces messieurs vont plus loin que l’esclavage. Ils dénoncent ce qu’ils qualifient de «marginalisation des cadres Hartanis, dans l’administration, les forces armées et de sécurité», ce qui leur a valu de vives critiques et une espèce de droit de réponse de la part du gouvernement. Certains Mauritaniens seraient-ils insuffisamment mûrs pour accepter qu’on mette ce débat sur la place publique?

Le débat a toujours été posé, mais je pense qu’il ne faut pas l’exagérer, parce qu’il n’y a pas un lieu plus indiqué que l’enceinte de l’Assemblée nationale pour débattre de cette question. Maintenant, qu’il y ait des brebis galeuses, ici ou là, de la démagogie ou des blocages, au sein de ceux qui sont, en partie ou en tout, responsables de l’Etat, ce n’est pas exclu. Personnellement, j’ai lu des choses qui ne m’ont pas plu, comme j’ai vu des pratiques qui m’ont aussi déplu. L’Etat, comme je l’ai dit, doit assumer ses responsabilités régaliennes. Quant  à la marginalisation des  cadres  Haratines, elle n’est un secret pour personne. De tout temps, cela a été dénoncé, je ne vois l’intérêt d’enfoncer une porte ouverte, d’autant plus que cela ne va pas se résoudre du jour au lendemain, c’est un combat de longue haleine.  J’ai entendu, vu et lu des propos qui tendent à exacerber les tensions, mais, nous, à l’APP ou ailleurs, nous n’avons jamais tenus des propos de cette nature. Faire monter les enchères, attirer l’attention sur soi, ne produit aucun effet, ce nous cherchons, c’est le résultat, des avancées significatives sur la question, pas à saper les fondements d’une nation qui n’a que des choses en commun. En Mauritanie, d’ailleurs, les Haratines ne sont pas les seuls à être marginalisés. Faites le décompte, vous vous rendrez à l’évidence, c’est l’œuvre de clans, de gens  qui se sont, jusqu’ici, partagé  le pouvoir, cela continue à exister et cela continuera à exister, tant que les autres ne se seront éveillés, ne prendront  pas conscience de leur pouvoir réel, de leur rôle et de leur place. Enfin, la marginalisation des Haratines n’est pas le seul fait de ceux qui ont intérêt à les marginaliser; ils sont, en partie, responsables  de leur propre marginalisation, parce qu’ils n’ont que trop rarement confiance en leurs capacités, certains se conduisent en assimilés. Avant donc de jeter l’anathème sur les autres, il faut d’abord se remettre en cause. Cela a toujours été mon combat, personne ne m’a fait de faveurs pour que je devienne ce que je suis aujourd’hui. Il suffit de s’assumer, de s’imposer et de défendre ce qu’on croit juste, c’est tout.

Source: Le calame

http://www.lecalame.mr/index.php?option=com_content&task=view&id=2717&Itemi
d=1

 

 

 

 

 INTERVIEW ACCORDEE AU SITE ELECTRONIQUE "TAWARY" LE  20/12/2010 , PAR LE PRESIDENT DE A.P.P. PRESIDENT DE L'ASSEMBLEE NATIONALE

MESSAOUD OULD BOULKHEIR

 

1 - Monsieur le Président de A.P.P. et Président de l'Assemblée Nationale Messaoud OULD BOULKHEIR, votre dernier discours d'ouverture de la Session parlementaire  2010- 2011 a constitué un tournant important dans vos relations avec le régime et certains ne comprennent pas son contenu: vous est-il possible de nous parler de ce discours et des idées qu'il comporte ?

Le discours que vous évoquez entre dans le cadre d'une approche qu'avaient dictée et exigée mes obligations nationales et mes responsabilités politiques au lendemain  des élections présidentielles à l'issue desquelles j'avais repris mes fonctions de président de l'Assemblée nationale à l'ouverture de la session  de laquelle j'avais alors appelé au dialogue et à la prééminence à donner à l'intérêt national par rapport à toute autre considération. J'y avais aussi suggéré un débat politique apaisé. La tonalité de ce discours-ci, bien que versant dans le même sens que le premier, tend à sensibiliser sur la situation du moment, où se perçoit nettement un sentiment d'inquiétude face   aux dangers réels qui menacent de l'extérieur l'existence de notre pays à cause notamment   des pressions exercées par les grandes puissances qui veulent nous faire supporter seuls, et à leur place, les sacrifices qu'implique la lutte contre le terrorisme, l'immigration clandestine en Europe et la lutte contre les réseaux de la drogue. A cela s'ajoute, au plan intérieur, les graves divergences politiques entre majorité et opposition, sans compter ceux qui, délibérément, mettent en doute notre identité nationale, notre existence, nos emblèmes nationaux (drapeau et hymne) alors que d'autres tentent  de remettre en cause l'appartenance des Haratines à la communauté arabe.  C'est tout cela qui m'a inquiété, qui m'inquiète et qui m'a poussé à attirer l'attention des nationaux et surtout des vrais patriotes, jaloux de son unité et de son intégrité, à prendre conscience du danger et à se mobiliser pour assurer sa tranquillité pour le préserver de tous les périls qui le menacent, qu'ils soient extérieurs ou intérieurs et quelle que soit leur nature (raciste, clanique ou communautaire) la modération et le dialogue  s'avérant le meilleur choix pour l'opposition et la majorité de  placer le pays sur la voie la plus sûre.

2 – Vous avez rencontré ces jours derniers le président Mohamed OULD ABDEL AZIZ, comment s'est passée cette rencontre et quelle évaluation en faites vous ?

L'évaluation que j'en fais est positive

3 -  Il se raconte que la déclaration du président appelant au dialogue q un rapport avec cette rencontre ?

Je ne sais pas. Il est possible que cela soit la conséquence des analyses  personnelles du Président, comme il se pourrait que cela soit consécutif à des conseils venus de la coordination  de l'opposition ou du président de l'Assemblée nationale, mais dans tous les cas, le discours a été positif et la réaction de la coordination aussi. C'est vrai aussi que chaque fois qu'il m'a été donné l'occasion de le rencontrer, je lui ai toujours suggéré d'appeler au dialogue, ce qu'il m'a formellement promis de faire lors de notre dernière rencontre. J'avais communiqué l'information à certains membres de la COD , bien que certains, dans nos rangs,  pensaient qu'il ne le ferait jamais. Il l'a fait,  Dieu merci, et il ne reste plus dorénavant qu'à imaginer et  à se mettre d'accord sur les modalités pratiques de la mise en œuvre de ce dialogue. Au sein de la COD , à mon avis, l'important est de nous mettre d'accord  sur les termes de la bonne gouvernance et ceux qui garantissent la préservation du pays et la pérennité de l'Etat ce qui, en aucun cas, ne saurait vouloir dire droit d'immixtion dans les attributions et les pouvoirs du Gouvernement, ni encore moins dans sa manière de gérer qui lui est propre puisqu'il en récoltera seul les fruits, doux ou amers. Que la majorité se rassure donc: dans notre esprit dialogue n'est ni nous mêler de ce qui ne nous regarde pas, ni  avoir un droit d'immixtion dans l'orientation du Gouvernement,   ni encore moins en faire partie.

4 – Croyez-vous en la réussite du dialogue par ces temps ci et quels devraient être, selon vous, les points à discuter ?

Je ne pense pas que les accrocs qui ont émaillé les rapports opposition/régime dans le passé  soient suffisants pour empêcher qu'aujourd'hui ils se mettent d'accord sur une plateforme apte à aider au dépassement de certaines contradictions, pour autant que  le sens des responsabilités, le patriotisme et le devoir de tous de juguler les  dangers qui nous menacent nous interpellent et nous obligent à dépasser notre ego. Au niveau de l'opposition nous ne demandons rien d'impossible: dans le cadre de la consolidation de l'Etat institutionnel, nous voulons discuter du code électoral,  de la liberté de la presse, de la place de l'Armée dans la politique,  du rôle de l'opposition, de la transparence, de la bonne gouvernance, de la responsabilité de l'Etat, à travers l'Administration, la Justice , la Police et la Gendarmerie dans l'application de la loi incriminant l'esclavage, de même que la résolution juste du passif humanitaire et tous les autres problèmes encore pendants liés au retour des déportés, sans préjudice de tous les autres cas importants de nature à consolider nos acquis démocratiques, la justice, la liberté, l'équité et la construction du pays.

5 – Il y a des divisions au sein du parti ADIL avec lequel vous vous êtes opposé au coup d'Etat, est-il possible d'avoir votre avis personnel sur ce qui arrive à votre ancien allié ?

Je voudrai tout d'abord  féliciter le parti ADIL pour le parcours militant qui fut le sien avant et pendant les élections où j'ai avantageusement bénéficié de son précieux soutien qui restera gravé dans ma mémoire, celle des militants de A.P.P. et de mes sympathisants. S'agissant  maintenant  de votre question, je suis un démocrate en quête de démocratie, qui pour cette raison considère que les partis politiques sont libres dans leurs actions et leurs choix. Il est d'ailleurs de notoriété publique que le  va et vient entre l'opposition et la majorité  est la règle en politique en Mauritanie.  Mes meilleurs vœux accompagnent donc ADIL en même temps que je suis bien heureux  parmi ceux qui sont restés dans la coordination de l'opposition.

6 – L'Armée a organisé des portes ouvertes  à l'intention de certains politiques ces derniers temps, puisque A.P.P. était de la partie, quelle évaluation faites-vous de cette initiative ?

Je n'ai rien contre cette initiative qui aurait pu voir le jour bien avant ; s'agissant de mes observations, j'en ferai part aux responsables en charge du dossier, même si en règle générale elles affirmeront ma fierté de nos Forces Armées, mon souci de les voir toujours plus fortes et plus aptes à remplir leur mission sacrée de  défense de l'intégrité territoriale de la patrie et mon vœu de les voir laisser définitivement la politique aux civils dont c'est la spécialité.

7 – La guerre contre le terrorisme est un sujet brûlant, quelle évaluation faites-vous de tout ce qui a été réalisé  jusqu'à maintenant dans le cadre de cette guerre?

Ma position par rapport à cette guerre a été clairement exprimée à Monsieur le Président, comme a été exprimée dans les communiqués de la COD celle relative à certaines opérations  en dehors des frontières.

8 – Certains contestent la guerre en dehors du pays mais cette guerre a réussi jusqu'ici au moins à assurer provisoirement la sécurité, qu'en pensez-vous ?

Je respecte votre liberté d'appréciation…

9 – Le Président du Mali a déclaré ces derniers temps que la lutte contre le terrorisme ne réussira qu'avec la participation de tous les Etats de la zone, qu'en pensez-vous ?

Mon sentiment est que la voie juste et incontestable est qu'aucun pays ne peut combattre le terrorisme tout seul.

10 – En ce qui concerne la Coordination de l'opposition, pensez-vous qu'elle pourra résister aux pressions ?

Quelles pressions ? Mon sentiment est que l'opposition est capable de rester unie et de poursuivre son œuvre de réalisation des  grands choix nationaux

11 – Est-ce que la réflexion a commencé à propos des élections législatives prochaines et nous est-il permis d'imaginer des coalitions telles que celles réalisées  au sein de l'opposition en 2006 ?

Nous n'avons pas approfondi de débat sur la question à ce jour. S'agissant de l'allusion aux accords de 2006, il s'était agi pour les contractants de soutenir la liste qui a obtenu le plus de voix et en la matière nous avons donné l'exemple dans le respect des engagements signés et nous espérons que dans l'avenir, si de tels accords se nouaient,  les autres suivraient notre exemple.

12 – L'on a beaucoup parlé ces derniers temps de l'esclavage, quelle est votre opinion à ce sujet et la couche sociale  Haratine constitue t'elle  une nationalité à elle seule ou est-elle à votre avis une composante de la nationalité arabe ?

On reparlera encore de l'esclavage à chaque fois que l'on découvrira un cas nouveau d'esclavage et à chaque fois que le citoyen aura le sentiment que l'Etat ne combat pas sérieusement ce phénomène et chaque fois qu'il jette en prison les militants des Droits de l'Homme, anti-esclavagistes, dont Biram Ould ABEID, à la suite de la découverte d'un cas d'esclavage à Arafat.

S'agissant de l'arabité de la couche sociale Haratine, c'est un problème réglé. Ceux qui ont porté le flambeau de cette Cause dans les années 1970 ont clairement inscrit dans leurs documents et prévu dans leur programme d'action que cette couche sociale est une partie fondamentale et  indissociable de la composante arabe et que l'arabité, en ce qui me concerne, n'est ni une race, ni une couleur, ni une position sociale donnée, mais une langue, une histoire, des us et des coutumes et un destin commun.

Si, pour des raisons historiques, cette couche sociale a été soumise contrainte et forcée par d'autres composantes de la communauté arabe, cela ne saurait effacer leur appartenance culturelle à cette même communauté, l'histoire de l'humanité offrant le meilleur témoignage dans ce cas.

13 – Est-ce que l'esclavage existe toujours ?

L'esclavage existe toujours malgré ce qui a été accompli au temps du président Sidi Mohamed OULD CHEIKH ABDALLAHI en termes de consensus national au sein du Parlement, au niveau des Partis politiques et de la Société Civile à propos de la loi criminalisant l'esclavage. L'Etat et ses Institutions concernées par ce problème n'ont accordé aucun intérêt à cette loi, alors que s'ils avaient fait montre d'un minimum de sérieux dans son application, ce phénomène n'aurait jamais plus fait parler de lui, définitivement.

14 – Il y a ceux qui disent que le Président Messaoud  est opposé à ce que l'organisation EL HOR continue d'exister, est-ce vrai ? Et si la réponse était oui ! pourquoi ?

Je voudrai tout d'abord faire la distinction entre le Mouvement El Hor et l'éradication définitive de l'esclavage.

Le Mouvement El Hor a certes été créé au moment du militantisme clandestin à cause l'oppression,  du musellement des libertés et de l'absence de démocratie, ce qui n'a pas permis à tous de contribuer à sa naissance. Il y a aussi que le fait de l'enracinement de l'esclavage dans la société et le peu d'intérêt accordé, à l'époque, à son éradication par l'élite politique, avait contraint ses fondateurs à agir seuls.

Aujourd'hui, avec l'avènement de la démocratie et la possibilité d'évoquer publiquement, sur toutes les tribunes, ce problème, avec l'évolution qui s'est opérée au niveau des mentalités des élites politiques de toutes les franges et composantes de la société au point de faire de la lutte contre ce phénomène un thème majeur de tout programme politique et social crédible, avec l'intervention de l'Etat, ne serait-ce qu'au plan juridique formel et enfin avec les adhésions de nombreux cadres et militants de toutes composantes nationales dans A.P.P. qui inscrit dans ses priorités les objectifs visés par les fondateurs de El Hor, tout cela fait que le temps n'est plus aux organisations sectaires et secrètes mais, bien au contraire, celui de l'action nationale commune, telle que matérialisée par le peuple mauritanien, à travers toutes ses composantes, par le soutien apporté, lors des dernières élections présidentielles, à un candidat connu au niveau national pour être le fondateur du Mouvement EL Hor et dont l'un des objectifs premiers est l'éradication de l'esclavage, on peut dire que la mission de El Hor est accomplie et qu'il doit cesser d'exister, l'éradication de l'esclavage devenant un objectif national et le combat ne s'arrêtera que lorsqu'il sera atteint.

15 – Le débat à propos de l'esclavage est allé, pour certains, jusqu'à écrire au Secrétaire Général des Nations Unies pour lui poser le problème, qu'en pensez-vous ?

Celui qui a agi ainsi ne représente que lui-même et il n'a été mandaté ni par un parti, ni par une couche sociale et je suis convaincu que le peuple mauritanien est capable de résoudre tous ses problèmes, quelles que soient leurs difficultés, par lui-même sans avoir besoin des tribunes internationales, des chancelleries et des organisations étrangères.

16 – Certains considèrent que la discussion à propos de l'esclavage dissimule en vérité, un tentative d'introduire le débat à propos de la succession du Président Messaoud, vous considérez vous comme une relique du passé au point que s'engage un tel débat ?

Je vous dis en toute sincérité que si je découvre un politique fidèle aux principes de son peuple en termes de quête de liberté, de justice et d'émancipation pour lequel témoigne son parcours militant dans le combat pour les causes justes de liberté, d'émancipation et de justice sociale, qui se sacrifie sincèrement pour la paix sociale entre les différentes composantes du peuple, qui soit honnête avec le peuple et avec ses principes, qui croit en l'égalité entre tous, nonobstant leur appartenance et leur orientation, je serais prêt à lui remettre le flambeau et je me reposerais la conscience tranquille. Mais il ne m'appartient pas de lui remettre la confiance des populations et leur amour par ceci est un Don d'ALLAH qu'Il accorde à qui Il veut de ses esclaves.

17 – Y aurait-il un mot de la fin ?

Je vous le dis, et ce n'est point dans mes habitudes, que je suis gagné ces derniers jours par le découragement et l'amertume teintée de colère à la suite de la dernière découverte de la pratique de l'esclavage sur deux mineures à Arafat et ceci me rappelle un passé que j'avais cru dépassé par la promulgation de la loi incriminant cette pratique alors que celle-ci est restée lettre morte, que l'esclavage continue de se pratiquer sous différentes formes et que ceux qui sont chargés de son application s'y refusent.

Je saisis donc l'opportunité de cette tribune pour appeler toutes les initiatives nationales opposées à la pratique de l'esclavage, tous les Ulémas, tous les Partis politiques et toutes les organisations de la Société civile, de même que les organes de l'Etat en charge de l'application de la loi de se ressaisir et de s'engager résolument en vue de l'éradication de ce phénomène et de cesser de l'enrober par la négation et le silence, et de s'inspirer des Enseignements du Noble Coran qui nous invite à soutenir les victimes de l'injustice et les esclaves, mais aussi à l'Amour, à la Miséricorde , au rejet de l'injustice et des agissements pouvant engendrer la fitna (persécution) que ALLAH décrit dans une même Surat, tantôt comme "étant pire que la mort", et tantôt comme étant "pire que le meurtre"

 

 

 

  Interview de Messaoud Ould Boulkheir au Calame

 

 ‘’La position ostentatoirement partisane du président de l’Union Africaine (UA), mandaté par la communauté internationale pour trouver un agenda consensuel entre les différentes parties de la crise mauritanienne, signe l’échec de cette médiation’’
Farouchement opposé au coup d’Etat du 6 août dernier ayant renversé le pouvoir du président élu, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, qu’il a soutenu, lors du deuxième tour des présidentielles de 2007 – occasion d’un tollé, général,  des opposants au régime d’Ould Taya, avec, en tête, Ahmed Ould Daddah, ultime challenger, désigné par les urnes, de Sidioca – le président de l’Assemblée nationale, Messaoud Ould Boulkheir garde, tout entier, verve et franc-parler…L’homme reste convaincu que le coup d’Etat du général Aziz échouera et que la démocratie triomphera.

Le Calame : Le président Kadhafi, désigné par le groupe consultatif de Paris, pour trouver un consensus entre les différentes parties, vient de passer quelques jours, en Mauritanie, après avoir reçu, chez lui, les protagonistes. Dans son discours, le président de l’UA a donné une espèce de quitus à l’agenda de la junte, au pouvoir depuis le 6 août 2008. Considérez-vous cette médiation comme un échec? Ce quitus arrêterait-il, comme il l’a dit, le processus des sanctions ciblées, décrétées par l’UA, contre la junte et ses soutiens?

Messaoud Ould Boulkheir : Oui, à mon niveau personnel et je pense, aussi, que c’est le cas au niveau du FNDD, nous considérons que c’est un échec. La position, ostentatoirement partisane, du président de l’Union Africaine (UA), mandaté par la communauté internationale pour, comme vous l’avez dit, trouver un agenda consensuel entre les différentes parties de la crise mauritanienne, signe l’échec de cette médiation.

Je crois que notre réaction le démontre clairement. Il appartient, maintenant, à la communauté internationale, au groupe de contact qui ont mandaté le président de l’UA, de prendre la décision finale, de déterminer une position officielle, par rapport à ce qui s’est passé à Nouakchott. Pour notre part, nous n’avons ménagé aucun effort, malgré certaines réserves, émises, ici et là, par certains, et qui ont fini par se vérifier, sur le terrain, quant à l’implication du guide libyen dans la crise mauritanienne. Nous avons dit, dès le départ, qu’il fallait  être  bon joueur, éviter d’émettre un jugement sur l’arbitre avant le coup d’envoi du match. Et nous avions de solides arguments : l’UA n’a-t-elle pas, elle-même, pris position contre le coup d’Etat? Son Conseil de Paix et de Sécurité (CPS), comité de pilotage en cette affaire, n’a-t-il pas, déjà, initié des sanctions ciblées, contre les membres de la junte et ses soutiens? Ne démarchait-elle pas le groupe de contact, afin, justement, que celui-ci lui emboîte le pas? N’a-t-elle pas saisi le Conseil de Sécurité de l’ONU, pour donner un caractère obligatoire et international  à d’éventuelles sanctions? Aussi disons-nous qu’avec tous ces éléments, le président de cette institution ne pouvait pas aller à contre-courant de ce qu’elle a, elle-même, décidé. Le deuxième type d’arguments, qui a plaidé contre toute réserve vis-à-vis de la médiation libyenne, c’est que Kadhafi est un leader d’un pays-membre du Maghreb Arabe, de  la Ligue Arabe, dont nous sommes, nous aussi, membres, que c’est un voisin, un leader d’un pays qui a, toujours, accordé une certaine importance aux problèmes mauritaniens et que nous connaissons, enfin, beaucoup de bonnes choses, réalisées par nos frères libyens pour la Mauritanie, dans sa marche vers le progrès. Par conséquent, nous pouvions, légitimement, douter que cette médiation entérine des positions qui n’aillent pas dans le sens du progrès et du développement de notre pays, de cette marche universelle vers la liberté, vers la démocratie.  Voilà pourquoi avons-nous ignoré toutes les réserves exprimées, ici et là. Nous avons, également, tu les propos que nous avait tenus, en Libye, le président de l’UA, propos dans le même sens de ce qu’il a dit ici. En gros, il nous avait fait comprendre que le coup d’Etat était un fait accompli, qu’il fallait faire avec, que le retour à la situation d’avant le 6 août était irréaliste, qu’en Afrique, il y a plus de quarante pays gouvernés par les militaires, que les militaires sont partie intégrante de la société, ce ne sont pas des israéliens, encore moins des ennemis étrangers, que ce sont des Mauritaniens, comme tous les autres, et qu’à l’instar des Turcs ou des Egyptiens, ils veulent le bien de leur peuple. J’ai eu, très sincèrement, le sentiment  que c’était, même, sa propre position, plutôt que celle du HCE. Mais nous avons, pourtant, tu tout cela, nous avons continué à espérer qu’il ne s’agissait, là, que de simples pressions exercées sur une partie des protagonistes de la crise et qu’il exerçait des pressions, contraires, sur la junte. Tout le monde s’est dit qu’il ne pouvait pas afficher, de manière aussi claire, une position aussi partisane. Tactique de négociation, en somme. Mais, hélas, lors de l’huis-clos qui a précédé la plénière, il a réitéré ses propos, s’exprimant, sans équivoque, en faveur des militaires. Le constat s’avérait donc : Kadhafi appuyait, ouvertement, l’agenda des putschistes et leurs parlementaires présents, disant que le retour du président  Sidi Ould Cheikh Abdallahi était inenvisageable, qu’il occasionnerait des troubles dans le pays. Que le général Ould Abdel Aziz allait démissionner, le moment venu,  qu’il y aura des élections. Nous pensions que ce que disait le guide libyen allait rester dans le cadre de l’huis-clos, mais, quand il s’est exprimé, publiquement, dans la même veine, tout fut entendu et avons, aussitôt, marqué, nettement, notre désaccord.  Dans son approche, Kadhafi considérait la Mauritanie et les mauritaniens comme quantité négligeable, pas du tout intéressante, nous le regrettons profondément, très sincèrement. Nous avons essayé de patienter, autant que faire se peut, parce que c’était notre hôte, qu’il était là, en tant que président de l’UA, qu’il fallait faire preuve de tolérance et de mesure, mais lorsque nous avons constaté qu’il persistait, nous avons dû nous retirer, pour marquer notre plus totale désapprobation. Le FNDD a, d’ailleurs, publié un communiqué pour expliquer sa position.


Vous l’avez rencontré, après cet incident et peu avant son départ. Qu’est-ce que vous vous êtes dit?

C’est vrai, nous nous sommes rencontrés, avant son départ. A sa demande. J’y ai répondu favorablement, en tant que président de l’Assemblée nationale mauritanienne légale, bien qu’au niveau du FNDD, la décision avait été prise de ne plus le rencontrer, sauf excuses officielles de sa part. J’ai considéré qu’il ne m’appartenait pas d’appliquer cette consigne au président de l’Assemblée nationale, et c’est donc sous cette étiquette que je l’ai rencontré. Il m’a reçu et m’a dit, mot à mot, ceci : «toi, tu m’invites et tu m’abandonnes, seul sous ton toit ». Et effectivement : en me rendant en Libye, je lui avais transmis une invitation de l’Assemblée nationale. J’ai, alors, exprimé mon regret pour le geste que j’aurais dû éviter, mais auquel ses propres déclarations m’avaient contraint. A ma manière, franche et directe,  de lui dire tout ce qui me passait par la tête ; lui rappelant que, dès le départ, certains avaient émis des réserves sur sa médiation, mais qu’après consultations, tout le monde avait accueilli, favorablement, son implication ; qu’avant de nous convoquer en Libye, il avait, deux jours auparavant, accrédité l’ambassadeur de la junte ; que lui et certains de ses proches avaient fait des déclarations qui n’allaient pas dans le sens de la neutralité ; qu’une fois celles-ci affichées publiquement, nous ne pouvions que quitter le débat ; qu’il s’était, lui-même, disqualifié, se révélant incapable de conduire la médiation, dans la neutralité. Dans leur réponse, lui et ses collaborateurs ont tenté de me faire croire qu’on avait mal compris, qu’on n’avait pas attendu la fin de l’exposé du guide; qu’il parlait dans un cadre général et non dans le contexte mauritanien. Et, puisque toutes les parties mauritaniennes évoquaient une élection dans leurs propositions de sortie de crise, il a pensé qu’il fallait envisager la Mauritanie, au lendemain de celle-ci. Qu’il ne défendait, bien évidemment, aucune partie. Que son seul parti, c’est la Mauritanie qu’il veut défendre contre toute «somalisation». Ses collaborateurs ont justifié cette assertion en relevant que le guide n’avait apporté, avec lui, aucune proposition de sortie de crise. Je leur ai répondu qu’ils n’en avaient pas besoin, puisqu’ils avaient adopté celle des putschistes.
Sur le plan protocolaire, je me suis présenté, effectivement, en tant qu’ami de la Libye, comme un ami du guide, leur rappelant que tout ce que j’ai fait, c’était dans but de le leur faciliter la tâche, mais que je ne pouvais rien faire, s’ils ne voulaient pas s’aider, eux-mêmes, à accomplir une vraie mission de médiation, et que personne ne pouvait les soutenir dans la position qu’ils avaient choisie. J’ai, enfin, conseillé, à Kadhafi, de rencontrer, avant son départ, les responsables du FNDD pour leur donner les explications qu’il venait de me fournir, parce qu’au niveau de celui-ci, il resterait, sans cela, disqualifié. Nous nous sommes séparés sur ce conseil.


Si cette médiation est considérée comme un échec de l’UA, de quelle stratégie le front anti-putsch dispose-t-il, au plan intérieur, pour combattre le HCE, déterminé qu’il est, désormais, à conduire unilatéralement sa feuille de route?

Ce qui a échoué, au niveau de notre entendement, en tout cas, c’est la médiation du président de l’UA. Il n’y a eu, de fait, aucune négociation. Si l’on se réfère à la proposition du groupe de contact, vous constaterez que le groupe est, lui-même, partie intégrante de ces négociations. Or, tout le monde constate, aujourd’hui, que la recommandation de se réunir pour trouver un compromis n’a pas été respectée, que le groupe qui devrait prendre part aux négociations n’y a pas été. La médiation a échoué, mais le processus lui, continue. Il a commencé, d’abord, par la position de l’UA, vis-à-vis de la junte, puis le pilotage du positionnement du groupe de contact, confié à l’UA, la position du CPS et sa saisine, tout ceci est en mouvement. Je pense qu’une fois les conclusions tirées, au niveau du groupe de contact et au niveau de l’UA, sur cette médiation, le processus devrait poursuivre son cours, d’une manière ou d’une autre. Soit, le plus normalement du monde, dans l’harmonie des différentes parties avec l’UA, ou dans l’attente de la réaction de l’UE. Si l’UE et l’UA estiment qu’il ne faut pas fermer la porte du dialogue, ils vont  chercher un autre médiateur, pour lui transférer la mission. Nous n’avons pas d’autre stratégie que de suivre tout ce processus, d’une part, et, d’autre part, de continuer, nous-mêmes, sur le plan interne, à expliquer, à sensibiliser et à organiser la résistance. Nous continuons le combat, sereins et pacifiques ; nous nous rendrons, également, à l’extérieur, pour expliquer, éventuellement, ce qui vient de se passer chez nous.


Le porte-parole du gouvernement vient de déclarer que le président Kadhafi n’a fait que constater une réalité, que le pouvoir reste disponible pour un dialogue, si tant est qu’une partie mauritanienne souhaite discuter. Pensez-vous encore possible un dialogue entre les protagonistes de la crise? Sur quelle base?

Moi, je suis un croyant, je suis un musulman. Le refus du dialogue, le refus de la discussion est, quelque part, le refus de l’espoir. Or, la religion est espérance. Aussi, même le combat est espérance. On mène des combats dont on n’est pas sûr de l’issue. Nous, a priori, nous sommes ouverts au dialogue, d’autant plus que nous considérons, très sincèrement, que le combat militant que nous devons mener, que nous sommes tenus, de mener, au plan national et au niveau international, ce combat n’est pas plus le nôtre que celui de la communauté internationale, que celui de l’UA dont nous sommes membres. Notre combat est celui de l’UE, avec laquelle nous avons signé les accords UE-ACP de Cotonou. C’est aussi celui des Nations-Unies, qui œuvrent pour l’application de ses principes. Nous, nous combattons pour la démocratie, c’est pour elle que nous bougeons, ce n’est ni pour la personne du président de la République, ni pour la personne du général Ould Abdel Aziz. Pas pour celui-là ou contre celui-ci. Nous nous mobilisons, parce que nous estimons que c’est un devoir, nous bougeons pour le devenir de la Mauritanie qui, de notre point de vue, passe par l’application de la démocratie. C’est un combat  pour la démocratie, pour la vie, dont il ne faut, jamais, désespérer. Pour cela, il faut continuer à dialoguer, même si, comme je l’ai dit, haut et fort, nos positions sont diamétralement opposées.  Le général lui, tient, par tous moyens légaux et illégaux, à rester au pouvoir, nous, nous pensons qu’il faut l’en bouter dehors. Nous pensons qu’il n’y a aucune raison de composer avec lui, que le retour à la normale passe, nécessairement et obligatoirement, par le retour à l’ordre constitutionnel, et le retour du président élu, qui s’est engagé, lui-même, pour une solution de sortie de crise, négociée avec la communauté internationale, à organiser des élections présidentielles, législatives et municipales  anticipées, sous la supervision d’un gouvernement d’union nationale. Je pense que c’est la plus honorable sortie de crise, pour notre pays, qui ne lui ferait perdre nul crédit, si bien acquis, auprès de la communauté internationale, lors de la transition de 2005 et des élections, libres et transparentes, de 2007. C’est, pour nous, demander le minimum. Nous, les légalistes, qui avons fait le maximum de concessions possibles et imaginables, tandis que, de l’autre côté, on se borne à appliquer la feuille de route tracée par la junte.


D’aucuns ont dit que vous étiez contre la dissolution du Parlement, que le président Sidi avait brandie, lors de son retour du Caire. Si tel était le cas, est-ce que, quelque part, vous ne porteriez pas une certaine part de responsabilité de ce qui est arrivé, le 6 août dernier?

Vraiment, je ne comprends pas le sens de cette question. Je ne pense porter aucune responsabilité dans ce qui est arrivé le 6 août. Et ce que vous m’attribuez n’est pas fondé. Je n’ai jamais été contre la dissolution de l’Assemblée nationale : bien au contraire. Le mardi, avant le coup d’Etat, j’étais au campement, quand le président m’a appelé pour me dire qu’à l’Assemblée nationale, certains députés avaient demandé une session extraordinaire, c’est alors ce moment que j’ai appris ce qui se tramait. Tout avait été mené, par en-dessous, en cachette. Normalement, dans toute démocratie digne de ce nom, lorsque des députés souhaitent une session extraordinaire, c’est, d’abord, à leur président qu’ils s’adressent. Alors, évoquer un soi-disant blocage de cette session extraordinaire… Il y a des règles à respecter, même si cela implique des discussions orageuses. Nous avions connu des sessions-marathons, on était tous stressés, avec cette affaire de  motion de censure. Personnellement, j’avais essayé de rapprocher les positions du président de la République et du général Ould Abdel Aziz, et j’avais besoin d’un mois de repos pour souffler. Et je ne suis parti, en vacances, qu’après m’être entendu, avec le Premier ministre, sur la date de la prochaine session extraordinaire, pour le 5 septembre, je crois. Il n’y avait pas de blocage. C’est alors que le président m’a téléphoné, en m’informant qu’il avait été saisi, irrégulièrement, par certains députés, après mon départ, qu’il leur avait répondu que les vice-présidents, de par le règlement de l’Assemblée,  n’avaient pas pouvoir de saisine du gouvernement et qu’il fallait passer, impérativement, par moi. Le président m’a également parlé des points que les députés voulaient inscrire à l’ordre du jour de cette fameuse session extraordinaire. Or, pour qu’un point soit inscrit à l’ordre du jour, il faut qu’il passe par tout un processus d’adoption : saisine du président de l’Assemblée, qui le soumet à la conférence des présidents, qui le discute, l’approuve ou le rejette. Dans le premier cas, il serait soumis à une session plénière, pour adoption. C’est seulement après, qu’il serait opposable au gouvernement, comme proposition de loi ou de point à discuter. Le président m’a demandé si je pouvais rentrer, pour discuter de ces questions à inscrire à l’ordre du jour. Et c’est à travers ce coup de fil, que j’ai,  expressément, demandé au président de la République s’il entendait continuer à travailler avec cette Assemblée nationale. Cela signifie que je lui suggérais, implicitement, la dissolution de celle-ci. Il m’a répondu que oui, parce qu’il y disposait d’une majorité. Je lui ai dit alors : dans ce cas, il n’y a aucune raison de la dissoudre. Le lendemain, c’était le putsch. Donc, je n’ai jamais été contre la dissolution.  Je l’avais, au contraire, suggéré, compte tenu de la situation. Mais nous avions eu, effectivement, quelque divergence quant à la présentation de cette éventuelle mesure. De retour de Charm El Cheikh, il m’avait appelé, le matin, pour me dire qu’il allait parler à la Nation. Il voulait m’entretenir des thèmes qu’il allait aborder. Il avait, alors, évoqué, de manière très cool, la dissolution de l’Assemblée, qu’il comptait brandir, au cas où l’on entraverait son action. Je lui ai dit que j’approuvais tout ce qu’il allait dire, sauf le fait de brandir, publiquement, cette menace. Je lui ai suggéré de rencontrer, plutôt, les députés auteurs de la motion, pour leur parler, entre quatre murs, de l’éventualité d’une dissolution. Il m’a répondu que le caractère public de son propos ne susciterait aucune hostilité. Je n’étais pas convaincu, mais c’était sa décision. Il se trouve que je n’ai pas entendu son discours, en direct, et c’est dans mon bureau que certains sont venus m’en informer, les uns, très mécontents, les autres, satisfaits, parce que, disaient-ils, «le président a, enfin, décidé de prendre ses responsabilités». Quelle part de responsabilité voudriez-vous, donc, me faire porter? Je n’ai pas été pris à témoin pour avouer la réalité des choses, que j’aurais niées ou cachées. Je me suis investi, personnellement, pour rapprocher les positions du président de la République et du général et je n’ai jamais rencontré le général que durant cette période là, et à ma demande. Il sait combien je l’ai mis en garde, contre tout ce que nous vivons, aujourd’hui. Je lui ait fait, clairement, savoir qu’il n’en tirerait que malheur.   

 

Vous avez été menacé par une motion de destitution, venue des députés qui soutiennent le HCE. A votre avis, pourquoi ses initiateurs ne sont pas allés au bout de leur logique? Considérez-vous, aujourd’hui, que cette menace est désormais derrière nous?

Vraiment, vous me posez une question à laquelle il m’est fort difficile de répondre. Quand on entame, contre vous, une procédure de destitution et que vous ne faites rien pour l’empêcher, vous ne saisissez aucune institution pour l’arrêter ou l’infléchir, que dire, de la suite des évènements?  Ladite motion a été engagée ou initiée, je ne sais si c’est  par les députés, eux-mêmes, ou s’ils furent poussés à le faire. Certains députés légalistes sont venus me voir pour me demander d’intercéder auprès de certains députés auxquels je suis lié par des liens tribaux et régionaux. J’ai, catégoriquement, refusé. Pour moi, face à cette atmosphère malsaine, face à ce qui se tramait, ma première réaction aura été de démissionner, purement et simplement, plutôt que d’accepter une espèce de cohabitation qui fait, du Parlement, un appendice du HCE, des militaires ou du BASEP, je ne saurais dire. Mais je prends mes décisions après mûre réflexion, et, dans une telle situation, très inconfortable, j’avoue que celle-ci fut, particulièrement, difficile. Au-delà de tout orgueil, dépassant ma première réaction, j’ai accepté le raisonnement des autres parties opposées au putsch qui m’ont convaincu de rester, arguant de ce que je pourrais, peut-être, en conservant mes fonctions, aider plus le mouvement de résistance qu’en jetant l’éponge. Ça m’a paru, effectivement, jouable, et j’ai alors accepté de rester. Mais, mon éventuelle destitution ne me fait ni chaud, ni froid, je n’ai pas, pour cela, levé le petit doigt. J’ai appris, qu’au niveau du Conseil constitutionnel, on a, d’abord, donné une réponse évasive, du genre «oui, mais», donnant l’impression d’une orientation pour me destituer, mais lorsque la cour a reçu une version claire, elle a opposé son refus. Selon les rumeurs qui me sont parvenues, on a même mis en doute mon intégrité morale. Pour certains, le fait que je ne sois pas destitué résulterait d’un accord signé avec la junte, c'est-à-dire que ce serait sur ordre du général que la cour se serait appuyée, pour dire la loi. Il n’en fallait pas plus pour que certains, dans mon propre camp, me soupçonnent d’avoir noué un accord sur leur dos. Que voulez-vous que je vous dise? S’il y a eu combines ou concertations entre le Conseil et le président du HCE, seul Dieu et eux le savent. En tout cas, je n’ai pas  remué le petit doigt, je n’ai signé aucun accord secret avec le pouvoir, ce n’est pas mon genre, tout le monde me connaît, depuis que je me suis investi, en politique, je fais ce qui me paraît être juste, loin des combines. S’il y avait, pour moi, une possibilité de quelque nature que ce soit pour cautionner ce coup d’Etat, je l’aurais fait, ouvertement et très sincèrement. Il se trouve que je n’en vois aucune, je ne vois pas, vraiment pas, comment, moi, démocrate que je suis,  pourrais-je cautionner un coup d’Etat militaire contre la démocratie.


Lors du dernier meeting du FNDD, vous avez affirmé que Ould Abdel Aziz ne sera jamais président de la République. Comment pourriez-vous l’en empêcher?

Par le combat politique que nous continuons à mener, nous le pensons, et je l’ai dit, très haut et fort, il n’est interdit ni d’espérer ni de rêver. Pour moi, il peut être  un dictateur, mais jamais un président légitime de la République, ni jamais s’enorgueillir, parce qu’il ne sera pas élu par le peuple mauritanien, en toute transparence. Il peut faire comme si, s’imposer en tant que dictateur, chef d’une junte, le temps que ça durera, mais il ne sera pas l’élu du peuple.


Contrairement au FNDD, le RFD n’a pas condamné le putsch du 6 août, mieux – ou pire, si vous préférez – il a participé aux EGD organisés par le HCE. Que pensez-vous de cette position? Avez-vous rencontré, depuis, Ould Daddah? Pourriez-vous, aujourd’hui, après l’échec de la médiation libyenne et la candidature du général Ould Abdel Aziz, faire, à nouveau, un petit bout de chemin ensemble ?

Vous savez, les gens font de la politique,  chacun suit son chemin. Je suis en porte à faux avec leur position, comme eux, ils sont en porte à faux avec la mienne. Je ne suis ni juge ni censeur des uns et des autres. Quand à la possibilité de travailler ensemble, je dois vous dire que nous n’avons jamais fermé la porte du dialogue, ni sur le plan individuel, ni sur le plan, général, entre nos partis. Pas plus tard qu’hier, nous nous sommes retrouvés – par hasard, il le préciser – chez Abdallahi Ould Bah, Dieu ait son âme, pour présenter nos condoléances, et nous avons discuté de la nécessité de coordonner notre action, face à ce qui vient de se passer, nous nous retrouvons, sur ce sujet précis et sur beaucoup d’autres points. En tout, du moins en ce qui concerne le FNDD, des instructions ont été données pour accélérer le processus de rencontres avec le RFD. Ahmed a, pour sa part, donné, devant moi, des instructions pour la rencontre avec le front. Il n’est, d’ailleurs, pas exclu que les deux parties se rencontrent, aujourd’hui (Vendredi 13 mars, NDLR), pour discuter de l’unification des actions à entreprendre, face à l’attitude du guide libyen.


Lors du dernier meeting du FNDD, vous avez affirmé que le front restait uni, fort comme une barre de fer, apportant ainsi un démenti, cinglant, à tous ceux qui avaient prédit, un peu vite, sa dislocation, juste au lendemain de sa fondation. Ne craignez-vous pas, aujourd’hui, avec une présidentielle en perspective, la politique du ventre, caractéristique principale de certains de nos cadres et hommes politiques, aidant, que le front connaisse une  hémorragie, pour ne pas dire une implosion, comme a failli le connaître le RFD, il y a peu?

Je ne condamne pas votre manière de faire, mais je pense que vous en faites, quand même, un peu trop. Vous savez, les partis politiques, chez nous, sont comme des ONGs. Et les journaux, comme vous dites, [éclats de rires]. Enfin, moi, je n’ai rien dit. Je reconnais que nombre de fondateurs de partis politiques n’ont d’autres choix que de graviter autour du pouvoir, autour du plus fort, mais cela devrait passer inaperçu, et non noyer, systématiquement, les quelques partis politiques nantis de principes, disposant d’une base populaire plus ou moins importante et menant, comme ils peuvent, un combat d’idées, afin de conquérir, un jour, le pouvoir par les urnes. Ceci est aussi vrai pour notre Parlement et je ne vise personne. Nous sommes 150 députés élus, comme les conseillers municipaux, choisis pour défendre les intérêts des populations. Vous pouvez affirmer, vous, que tous mènent la politique du ventre? Pour ma part, ma préoccupation, c’est un FNDD uni, pour combattre un coup d’Etat contre la démocratie. Ici, les gens sont unis autour de principes, ils sont unis parce qu’ils veulent engager la Mauritanie, dans la voie du progrès. Sortir leur pays du cycle infernal des coups d’Etat. Je reste convaincu que, tant ce ciment demeure, il n’y a rien à craindre. Mais, si ce ciment-là disparaît demain, peut-être que chacun voudra voler de ses propres ailes, comme cela s’est passé, en d’autres temps et d’autres lieux. En tout  cas, ce que j’entends dans les coulisses me rassure, chacun privilégie l’unité. Se disperser serait, vraiment, dommage et dommageable.


Certains caciques du pouvoir d’Ould Taya,  qui continuent à graviter autour du HCE, viennent de déposer les statuts et le règlement intérieur d’un nouveau parti, l’UPR. Quel commentaire vous inspire la naissance d’un nouveau parti politique, dans le contexte politique actuel ?

Selon mes informations, ceux  qui veulent fonder ce parti gravitent, effectivement, autour du général. C’est aussi vrai qu’ils étaient des caciques du PRDS. Cela démontre que nos hommes politiques ne tirent pas de leçons des expériences vécues, il y a si peu. L’exemple du parti Adil, fondé par des élus, épars, et si vite autodétruit, devrait faire méditer ceux qui veulent concocter un parti politique de ce genre. L’expérience ne semble pas constructive pour les mauritaniens, chacun fait comme ces femmes qui acceptent tel conjoint qui divorce, à tour de main et se remarie, le lendemain, excusez  l’allégorie, chacune se persuadant qu’avec elle, cela n’arrivera jamais. Tous les mauritaniens raisonnent comme ça, ce qui est arrivé à Adil n’arrivera pas à l’Union Pour la République. Et pourquoi pas? C’est la même construction, le même échafaudage. Preuve, s’il était encore besoin, de ce que le général  s’accroche, plus que jamais, au pouvoir, en se dotant d’un instrument de conquête ou de maintien, avec un parti à sa dévotion, qui jouera le rôle du PRDS, en son temps, Adil n’ayant même pas eu le temps de jouer un quelconque rôle, sinon celui de se détruire. Ma position, à ce sujet, fut, d’ailleurs, affichée très tôt. Alors membre de la majorité, j’ai été, le premier, je crois bien, à désapprouver, publiquement, l’illusion Adil, au cours d’un meeting populaire, tout le monde le sait. Quant à l’UPR, sa fondation ne me dérange pas outre mesure, il ne me concerne pas. Je suis, plutôt, content de sa reconnaissance par les autorités, cela contribuera à sa propre destruction, comme cela fut avec Adil. On ne change pas du jour au lendemain, ce sont les rapports de forces qui évoluent, nécessairement, et ceux qui se constituent, aujourd’hui, en parti seront, demain, dans le camp de ceux qui se seront substitués au général, légalement ou illégalement.
Il y a d’autres, par contre, à qui l’on prête l’intention de former un véritable parti politique, loin de moi l’idée de mépriser leur position, je considère que c’est une position courageuse, parce qu’ils ont osé s’exprimer, exprimer, dans l’euphorie baignant le général, au moins un certain sens du devoir, une certaine sensibilité, jugeant anormal que des gens, investis en politique depuis l’indépendance de la Mauritanie, renoncent, du jour au lendemain, à tout ce qu’ils ont incarné, jusqu’ici, pour suivre un général qui n’a jamais fait de la politique, obéir à ses ordres comme le dernier des bidasses. Je pense que commencer à s’affranchir de cette tutelle est de bon augure. En tout cas, en ce qui nous concerne, nous encourageons cette initiative, et nous n’excluons pas que nous puissions nous rejoindre, sur le chemin de l’honneur, de la dignité et de la démocratie.


Mais ils se réclament, d’emblée, de la majorité !

C’est un faux-problème.  Combien de gens se sont réclamés de la majorité? Certains qui s’y référaient, travaillaient pour la motion de censure et continuaient à m’affirmer qu’ils appartenaient à la majorité, au parti Adil, qu’ils n’avaient rien contre le président, mais qu’ils ne voulaient pas d’un gouvernement avec des Roumouzz El Vassad. Cela jusqu’au jour où le chef de l’Etat fut renversé. Se réclamer de la majorité, par les temps qui courent, en Mauritanie, ne signifie pas grand-chose.


Certains membres du FNDD sont embastillés, depuis plusieurs mois. Ils sont accusés de malversations. Que pensez-vous de cette campagne de lutte contre la gabegie menée par le général?

Ce que j’en pense? Ce que j’en ai déjà dit au général, les yeux dans les yeux, lorsque je l’ai rencontré la dernière fois, exceptée notre brève poignée de mains, à l’occasion de la prière dirigée par Kadhafi, au stade. Je lui avais, alors, explicitement parlé de l’alibi dont il se servait pour emprisonner ses opposants. Vous ne convaincrez personne, ai-je affirmé, parce que ces gens ne sont pas les seuls à avoir dirigé Air Mauritanie et que le tri opèré prouve, à l’évidence, le règlement de compte politique. Je lui ai fait observer que la Mauritanie est trop petite, qu’on s’y connaît presque tous, qu’il est vraiment inutile d’essayer de mener en bateau, et de susciter des problèmes tordus d’avance. Ou bien on s’investit dans le combat contre la gabegie, auquel cas il ne doit y avoir aucune exception, et je ne vois pas pourquoi commencerait-on par ces malheureux, au lieu de s’attaquer à tous ceux qui ont eu à gérer les deniers publics. Libérez ces hommes, ce que vous voulez accréditer ne convainc personne, lui ai-je dit.

Comme je l’avais conseillé auparavant, lorsque j’ai constaté des excès de langage ou de zèle,  de certains de ses ministres, à l’égard de la personne du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Qu’il le destitue est une chose, qu’il permette à ses gens de s’attaquer, de manière vulgaire et éhontée, à la personne du président, au travers de telles parodies, n’est pas du tout de bonne augure pour le général, qui ne restera, de toute manière, pas éternellement au pouvoir. Ce n’est vraiment pas bon, de tels dérapages, pour quelqu’un qui entend présider aux destinées de la Mauritanie. Je lui ai demandé d’arrêter cela, parce que tout le monde considère, aujourd’hui, que tout ce qui se fait émane de ses ordres. Tout cela m’a beaucoup touché, bouleversé, même, je l’ai rappelé lors du dernier meeting. Vraiment, je voudrais qu’aucun mauritanien ne se révèle capable de tels actes, ce n’est pas dans nos coutumes, dans nos valeurs, que de s’attaquer à une personne en situation de faiblesse. Ce général qui parle de «sacrifice» en «consentant» à un coup d’Etat, alors qu’il  savait, pertinemment, n’avoir personne pour le contrarier, lui qui disposait de toute la force. S’il avait eu, face à lui, des unités armées ou des chefs décidés à en découdre, il aurait risqué sa vie, auquel cas l’emploi du terme «sacrifice» aurait eu quelque valeur. Peut-être aurais-je dû me taire mais je suis, de nature, comme cela, je m’élève contre l’injustice, d’où qu’elle vienne. Si je demande au général de cesser  ses abus, par rapport à ceci ou à cela, ce n’est pas que je recherche son intérêt – je pourrais, à la limite, ne pas m’en préoccuper – mais c’est, plus prosaïquement, pour atténuer la souffrance des victimes ou de ceux qui pourraient, éventuellement, en souffrir.

Propos recueillis par Ahmed Ould Cheikh et Dalay Lam

source: http://www.lecalame.mr/index.php?option=com_content&task=view&id=1997&Itemid=1

Le 19/08/09

 

     MESSAOUD OULD BOULKHEIR, CANDIDAT A L’ELECTION PRESIDENTIELLE EN MAURITANIE Les Mauritaniens en ont assez des pouvoirs dictatoriaux“

     

 

SUD QUOTIDIEN

La campagne pour l’élection présidentielle mauritanienne prévue le 18 juillet se poursuit. Messaoud Ould BoulkHeir, président de l’Assemblée nationale et Candidat à la magistrature suprême s’est confié à nos confrères de Sud FM. Dans l’interview qui suit, l’harratine (descendant d’esclave) décline sa “Feuille de route“. Il fustige les pouvoirs dictatoriaux et promet de mettre son pays sur le chemin de la démocratie. Entretien… 

Pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Messaoud Ould BoulkHeir. Je suis né en 1943. Je suis Harratine. Les Harratines sont une communauté descendante d’esclaves. Je suis administrateur de par ma formation. J’ai exercé de nombreuses fonctions dans l’administration territoriale, comme Chef d’arrondissement, préfet, gouverneur. J’ai été ministre du développement rural de 1984 à 1988 sous le régime de Taya. Je suis Président d’un parti politique appelé, Alliance populaire progressiste qui a la particularité d’avoir toujours œuvré et qui a toujours voulu tenir compte de la différence et de la multiplicité des communautés et des races en Mauritanie. C’était un devoir de les ressemble dans un parti pour bien montrer la volonté d’unité nationale. Avant cela, j’ai été président d’un parti qui est établi, Action pour le changement. Avant cela, j’ai été membre fondateur du plus important parti depuis l’ère démocratique en 1991-1992 qu’on appelle Ufd, dont j’ai été le Secrétaire général. Donc, voilà mon parcours. Aux dernières élections 2006 j’ai dû faire une lieue pour la première fois sièges députés à l’Assemblée nationale grâce à un accord signé au deuxième tour avec le candidat Sidi Mohamed Cheikh Abdallah. J’ai dû faire parti de son premier gouvernement avec quatre porte feuille ministérielles.

Ce qui vous a valu même votre présidence à la tête de l’Assemblée nationale.

J’ai été moi-même porté à la tête de l’Assemblée nationale par un vote quasi unanime sur 95 députés. 93 m’ont accordé leurs voix, les deux autres s’étant chacun porté candidat.

Quelles formations avez-vous subi ? Quels sont vos diplômes ?, Quelles fonctions avez-vous assumez dans votre pays ?

Le premier diplôme que j’ai reçu, c’est le certificat d’étude primaire élémentaire, j’ai été admis à l’entrée en sixième en 1957 -1958, j’ai fait ma première année de collège de Rosso en 1957, j’ai redoublé cette première année donc j’ai repris la sixième de 1958 à 1959. J’ai été renvoyé en 1959 définitivement de l’école. Dès lors je me suis rendu compte que j’étais entrain de tout perdre et surtout l’espoir de servir à quelque chose pour moi-même et pour mon pays.

Est-ce à cause de votre caractère ou à cause de votre environnement ?

C’est parce que je suis issu d’une famille de condition modeste, je suis dans une société pas tout à fait évoluée où il y a des privilèges sociaux, une stratification sociale et où des gens de ma condition n’ont suffisamment pas des mêmes atouts et des mêmes chances que les autres. De la région du Rade El Charpi. C’est la première région en Mauritanie, à la frontalière malienne. Sa capitale est Nema. Je suis un Harratine, descendant d’esclave et j’ai été inscrit à l’école tout à fait par hasard en 1950. La scolarisation française était en repoussoir pour la communauté musulmane mauritanienne et tous ceux qui s’inscrivaient ou qu’on inscrivait à l’école étaient considérés comme des « Perdus » parce qu’on assimilait l’école française au catéchisme et généralement elle était ouverte aux fils des chefs. Ces derniers, pour certains, rechignent à y inscrire leurs propres progénitures et puisque l’inscription était obligatoire, ils font recours parfois à ceux qu’on considère comme des objets, leurs harratines de la communauté. J’ai été kidnappé à l’age de 7 ans pour être inscrit en lieu et place du fils de chefs.

Ce cursus scolaire difficile ne vous a-t-il pas empêcher de suivre votre combat ?

Bien au contraire ! C’est ce qui m’a stimulé puis que je me suis rendu compte que si je me laissais abattre, tout allait finir. Il fallait que je me ressaisisse. Il fallait que je me refuge à la déchéance et j’ai entrepris, par mes propres moyens, de m’assumer, de me cultiver, autant que faire ce peu. J’ai vite bénéficié d’un concours providentiel dans l’administration générale. C’était un concours pour les commis d’administration en 1959. Juste après mon exclusion à l’école, je me suis présenté et j’ai été reçu. Alors j’ai commencé ma carrière administrative à l’age de 17 ans qui m’a permis de me forger une personnalité, de me forger un caractère, d’avoir une certaine renommée. Parce que, descendant d’esclave, jeune aux yeux des autorités auxquelles, j’ai servi à des tendances à ne voir qu’en moi un petit esclave alors que moi je me faisais un agréable devoir de leur montrer que j’étais loin d’être ce petit esclave.

Est-ce que c’est ce qui a abouti à la création du Front national pour la défense de la démocratie ?

Non, je ne pense pas. Je crois que ce front dont il s’agit est né spontanément après le coup d’Etat du 6 août 2008. C’est plusieurs partis qu’il faut décrire qui, spontanément, chacun dans son coin, ont décidé de dire non au coup d’Etat et, constatant qu’ils étaient nombreux, ils ont décidé d’unir leurs actions et de se constituer en front. Mon parti App faisait parti de cet ensemble.

 

Donc il s’agit d’une coalition de partis ?

Oui il s’agit bien d’une coalition de partis.

Quelles sont les formations politiques qui se retrouvent au sein du front national ?

Il y a certains partis dont je retiens le nom parce qu’ils ont survécu et parce que j’ai eu avec eux des hauts et des bas, mais il y a d’autres que je ne connais pas très bien.

Et quel est le programme du Fndd ?

Le programme du Fndd est de s’opposer au coup d’Etat et de le faire échouer essentiellement. C’était cela.

Monsieur le président, pendant dix mois vous avez menez une lutte farouche contre le général Mouhammed Abdel Aziz et contre le groupe putchistes du 6 août 2008 qu’il dirige, quelles sont les principales reproches que vous lui faites ? Certains observateurs notamment, ont parlé de la tournure que prend votre opposition avec le général Abdel Aziz, se demande si cela ne devient pas une querelle de personnes. Qu’est ce que vous leur répondez ?

Je pense qu’ils ont tout à fait tord parce que personnellement je ne voue à mon destin ou je ne voue à mon accomplissement qu’en ma qualité de citoyen d’une République réellement démocratique.

 

Et quels sont les reproches que vous faites au général Abdel Aziz ?

Le fait qu’il a pris le pouvoir d’une manière illégale et violente. Il a renversé un président légalement élu et internationalement reconnu et il a décidé purement et simplement et par ambition personnelle de le renverser et de s’installer à sa place. Je crois qu’il n’y a pas de raison à mon opposition de chercher en dehors de cela et c’est largement suffisant. Nous n’avons pas de problèmes personnels avec Abdel Aziz. D’ailleurs nous ne le connaissions même pas. Personnellement, je l’ai jamais rencontré encore moins discuté avec lui. Donc il n’y a pas de raisons pour que nous ayons des problèmes personnels avec lui. Mais, je suis un farouche défenseur de la démocratie. Il m’a donné les moyens. Avant, quand des militaires s’emparaient du pouvoir, c’était pour mettre fin au fonctionnement des institutions. Ils suspendaient la constitution ou dissolvaient les institutions de la République et ils agissaient en Chef suprême, militaires qui foncent sur la République. Alors, je lui avais dit que s’il voulait vraiment avoir la paix, il y n’y avait que deux solutions : ou bien revenir sur sa décision de vouloir limoger le président de la République ou bien dissoudre la Constitution et suspendre les institutions gouvernementales ou s’il veut, il n’a qu’à interdire des partis politiques et n’a qu’à s’assumer en tant chef militaire qui prend le pouvoir de force et qu’il accomplit tout seul. Mais le fait de dire qu’il ne comptait pas dissoudre l’Assemblée nationale, m’a poussé à lui dire de ne pas compter sur moi pour le soutenir parce que moi, je crois à la démocratie et je la défendrais jusqu’au bout.

Alors pourquoi aujourd’hui les Mauritaniens devraient-ils vous accorder leurs suffrages au détriment des autres candidats ?

Je pense que les Mauritaniens en ont assez des pouvoirs dictatoriaux, des pouvoirs qui n’ont que pour seul objectif que des ambitions personnelles et qui occultent tout à fait les préoccupations nationales, les préoccupations des populations et qu’ils voient en moi un défenseur acharné de la démocratie et quelqu’un qui a souffert d’inégalité, de beaucoup de choses qui font que je suis le seul enclin à rechercher la justice, l’égalité, la solidarité. Je pense que ce sont la des principales raisons qui font que les Mauritaniens seraient plus enclin à m’accorder leurs suffrages.

Et que leurs promettez-vous par rapport à quelques-unes de vos préoccupations majeures ?

Je leur promets tout ce qu’ils vont désirer en République. La démocratie, la paix civile, l’unité nationale, le droit à la différence, enfin mettre les citoyens dans de bonnes conditions et laisser la démocratie s’exprimer librement tout en tenant compte du choix des populations. Mais aussi aller dans la logique du possible dans le sens de la résolution de leurs problèmes, cela sans préjudice pour un exercice tout à fait régulier.

Dans un contexte économique difficile, il va falloir trouver des moyens pour permettre aux Mauritaniens d’étancher leur soif, de se soigner, s’éduquer et tout cela demande des fonds alors que le président sortant a posé des actes comme la baisse des prix des denrées de premières nécessités. Vous quelle est votre réponse par rapport à cela ?

Abdel Aziz n’a jamais été président, ni dans la réalité, ni dans les faits, il n’est pas président et ne le sera jamais dans ma bouche ou dans mon esprit. Donc je pense que ces actes ne sont pas que les siens, il n’y a absolument rien qu’ils influent. D’ailleurs, il est incapable de faire quoique ce soit, sauf prendre le pouvoir par la violence, de s’interposer par la violence, d’incarcérer les gens, de calomnier tout un chacun, de se présenter comme la seule personne digne de respect, la seule personne honnête et intègre et la seule personne patriote de la République islamique de la Mauritanie de son existence jusqu’à maintenant.

Ce ne sont pas des choses que je lui attribue, il l’a déclaré lui-même. Donc, c’est quelqu’un qui vit, je ne sais pas où mais certainement pas sur un nuage que vraiment il ne ressemble à rien de ce que j’ai déjà connu. En ce qui concerne les moyens, je pense que la meilleure manière de les faire venir c’est de montrer qu’on est un Etat stable, un Etat démocratique, un Etat soucieux des accords qu’il signe, des conventions internationales et de leurs respects, un Etat qui accepte de composer avec tout un chacun et qui respecte ses engagements, un Etat qui assure la paix civile et la tranquillité. Si ces conditions sont réunies, elles ne peuvent être qu’en travers de la démocratie, je pense que dans ce cas, les fonds arriveront et vont nous permettre de faire face aux exigences de plus en plus grandes dans ce contexte de crise économique.

Toujours au chapitre économique, on sent qu’il y a un fossé entre les riches et les pauvres dans la répartition des richesses. Alors comment comptez vous résoudre cet écart ?

Certainement le fossé existe et a toujours existé et cela ne date pas d’hier mais cela n’est pas un problème spécifique en Mauritanie. Le problème n’est pas de rendre les riches pauvres mais plutôt de rendre riches les pauvres avec des moyens d’existence décent. Cela, on peut y arriver par la mise en place d’un système qui assure une plus grande solidarité nationale, que les impôts soient justes et qu’ils puissent être gérés de manière responsable et justement essayer de combler le fossé qui sépare les pauvres des nantis, de créer des activités génératrices d’emploi qui permettent aux jeunes actifs d’avoir des revenus. Il s’agit donc de créer des liens de solidarité, des pôles de développement qui feront bouger le pays.

Et pourtant la Mauritanie dispose de pas mal de ressources et l’autre candidat en l’occurrence kan Amidou Baba a parlé de scandale géologique. Qu’en est il de sa gestion ?

Je crois que ces formules à l’emporte piège « scandale géologique », je les réserve à ceux qui les veulent. Moi, je dirai que la Mauritanie a certainement des potentialités qui sont très importantes et que compte tenu de son poids démographique, il n’aurait pas été difficile d’en faire réellement un Etat moyen sans être pauvre.

(Avec Sud FM)

     

     

 

    Interview du Président de l’Assemblée Nationale de Mauritanie, Mr : Messaoud Ould Boulkheir

 

Alakhbar  (AL): Une mission de l’UA est venue en Mauritanie après l’échec des médiations libyenne et sénégalaise. On parle aussi d’une initiative française, quelle lecture faites-vous de ce ballet diplomatique, arrive t-il au bon moment ou es- ce peine perdue ?

Messaoud Ould Boulkheir (MOB): Franchement, on ne peut avoir une lecture claire des événements tant que le Général reste sur son agenda unilatéral notamment celui d’organiser  des élections au 6 juin en prenant le soin de faire un semblant de démission auparavant. Je ne vois pas de quoi il démissionne et quelle valeur a  cette démission. On entend  qu’il démissionne de l’armée mais pas du BASEP, qu’il quitte la présidence du HCE alors qu’il demande la réhabilitation du palais présidentiel pendant  son absence pour empêcher son occupation par celui qui le remplacera. Tout cela n’est pas clair et n’augure pas d’un accueil favorable aux missions de médiation qui principalement sont à la recherche d’un dialogue entre les différentes forces politiques.  Les missions qui sont arrivées jusque là n’étaient pas porteuses de propositions concrètes pouvant constituer une plateforme pour un dialogue inclusif afin de sortir de la crise. Elles semblaient  plutôt à l’écoute pour savoir si les acteurs politiques sont enfin prêts pour ce dialogue. Deux délégations étaient présentes : une de l’Union Africaine composée de Ramadan LAMAMRA et du Ministre libyen Abdessalam TRIKY, ce dernier semble venir seulement en tant que représentant personnel du Président de l’Union Africaine Colonel Mouammar KADDAFI. Durant la rencontre, il apparaît que l’interlocuteur principal était M. TRIKY et M. LAMAMRA était plus à l’écoute, parlant peu.

En ce qui nous concerne, nous somme prêts au dialogue depuis le début. La preuve, j’étais le premier à lancer une initiative pour une sortie de crise et nous sommes toujours dans cette perspective ; le dialogue ne peut se faire que s’il y a deux parties prenantes au moins. Malheureusement, on constate aujourd’hui, que nous sommes les seuls à nous intéresser au  dialogue. A contrario, le Junte militaire ne porte d’intérêt que pour un dialogue lui assurant la non-confiscation du pouvoir.

Le général s’entête à organiser un simulacre d’élections, continue à prendre des décisions anti-démocratiques par exemple l’emprisonnement des personnes qui ne partagent pas le même point de vue que lui, ainsi que des attaques personnelles, accusations infondées contre ses opposants politiques leur déniant toute popularité. Ceci démontre que l’une des parties cherche à occulter l’existence de l’autre rendant ipso facto la concertation et le rapprochement des points de vues hors du domaine du possible.

Je confirme que nous sommes prêts au dialogue, mais sous certaines conditions :

- que ce dialogue soit sincère et sous la conduite de l’Union Africaine car concerné en premier lieu par ce dossier sur le plan africain et international arrêt de l’agenda unilatéral pour rétablir la confiance et ramener le dialogue entre toutes les parties libération des prisonniers soit-disant accusés de gabegie, alors que tout le monde sait qu’ils sont incarcérés pour leurs opinions. Parlant de gabegie, le Général et son entourage devraient être les premiers à être incarcérés.

- aller de l’avant en créant un climat démocratique où les acteurs politiques peuvent exercer librement leurs droits constitutionnels comme le Général aime à répéter que les institutions démocratiques sont préservées et fonctionnent correctement.

     Nous avons dit à la délégation que nous étions prêts à nous engager dans ce dialogue si certaines conditions étaient réunies mais force nous est de constater qu’elles ne l’étaient pas. Oui, certaines de nos préoccupations ont été soulevées par la délégation mais seulement sous une forme interrogative qui donne l’impression de vouloir simplement faire du remplissage, noircir du papier. Ce n’était donc pas une prise en considération sérieuse de nos préoccupations. Ce sont les mêmes idées avancées hier par Kadhafi qui sont aujourd’hui servies par M. Treiki. Il en est ainsi du fait de dire : « il difficilement pensable que les militaires vont revenir sur le statut quo, la solution serait donc une démission du Président de la République (M. Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi ndlr) suivie de la formation d’un gouvernement de transition et des choses de cet ordre.

Je leur ai dit que ceci était inacceptable en l’état. Nous ne voulons pas fermer la porte au dialogue, mais quand on veut l’initier il faut le faire sérieusement. Une fois celui-ci engagé chaque partie avancera ses propositions qui seront appréciées à leur juste valeur.

Nous avons également rencontré la délégation sénégalaise. Nous avions, en réalité, rencontré cette délégation par le passé et lui avions exprimé notre réserve sur le principe d’une médiation sénégalaise. Ceci parce que la plupart des médiations –et c’est une question qui doit vous interpeller en tant qu’observateurs et analystes- ne proviennent que d’Etats ayant affiché leur soutien aux militaires. Nous avions donc dit, poliment, au ministre sénégalais que nous étions réservés sur une médiation menée par le premier Etat à avoir déclaré son soutien aux militaires et qui vient nous proposer ses bons offices maintenant. Ceci est un véritable problème. Toutefois, et compte tenu des relations de voisinage et des liens particuliers qui nous lient à ce pays, compte tenu de l’estime que nous avons pour son Président, nous étions prêts à considérer une telle médiation si son auteur adopte une attitude de neutralité. Nous ne ferons pas obstacle à un bien qu’il pourrait faire pour la Mauritanie en aidant à la sortir de cette crise mais nous avons nos conditions somme toutes raisonnables: il faut, d’abord, que ce dialogue ait lieu sous les auspices de l’Union Africaine car c’est elle qui est saisie de ce dossier et nous n’avons rien vu qui puisse justifier son désaisissement. Par ailleurs, nous ne voulons pas que le Sénégal nous prenne à part, isolés. Mais cela je ne l’ai pas exprimé en ces termes.

Le Ministre sénégalais est alors reparti avec l’intention d’exposer ce qu’il a entendu au Président Wade. Il est revenu maintenant avec ce qui ressemble à une proposition. Selon ses dires, le Président Wade souhaiterait venir accompagné de M. Jean Ping (Président la Commission de l’Union Africaine ndlr) pour rencontrer les différentes parties sur des points bien précis. Mais il ne souhaiterait pas que cette rencontre soit soumise à des conditions préalables. Selon lui, les parties doivent se rencontrer d’abord, et examiner les propositions qui leur seront soumises. Nous lui avons réitéré la même position et lui avons réaffirmé que, non seulement nous ne fuyons pas le dialogue, mais qu’en plus nous y tenons et le cherchons activement. Encore faut-il qu’il s’agisse d’un dialogue sérieux, ce qui ne peut avoir lieu sans la réalisation des conditions que nous avions émises.

Bien que je ne veuille pas être pessimiste, ma lecture personnelle est qu’on ne nous a pas présenté de proposition sérieuse. La situation de notre pays constitue une source de préoccupations pour le monde entier et pour l’Afrique en particulier. Nous avons une position, et nous pensions que celui qui tenterait de trouver une solution devrait avoir une proposition concrète à même d’inciter les différentes parties au dialogue. Hélas, ce n’était pas le cas en l’espèce.

AL: S’agissant du dialogue, il a été remarqué que la délégation de l’UA a rencontré les parlementaires de la majorité alors qu’elle n’a pas rencontré les dirigeants du front ?

MOB : C’est  effectivement quelque chose de nouveau, qu’elle exclue le Front de ses rencontres alors que tout le monde reconnaît qu’il est un acteur essentiel et en même temps elle s’entretient avec le président de la commission électorale indépendante, cela ne nous semble pas compréhensible. Notre lecture est que la délégation reflète les divergences de vues entre le CPS et la Présidence de l’Union.

C’est du moins ce que nous supposons et ça ne nous semble pas de bon augure. Alors que nous aurions accepté volontiers le principe d’une telle rencontre en sachant pourtant que la délégation est envoyée par Khaddafi, le Président de l’UA et que ce dernier vient d’effectuer une visite pour le moins ambiguë, en Mauritanie, il n’était pas avenant que la délégation nous ignore de la sorte tout en intégrant un acteur totalement étranger aux parties. Qu’est- ce qui peut motiver en effet la rencontre du président de la CENI et même des parlementaires, car si ces derniers sont favorables au putsch, il y a des parlementaires opposés au putsch qu’elle aurait dû rencontrer. Autant vous dire que cet alignement et ce manque d’équilibre sont  à l’origine de l’échec de la médiation du Guide et à propos justement de ce dernier, je voudrai ici vous dire combien je suis fier de mon amitié avec le frère Mouamar Khaddafi, malgré notre profonde divergence de vues sur le dossier mauritanien et comme on dit les divergences de point de vue n’empêchent pas l’amitié. La responsabilité de cet échec n’incombe pas au Front, mais bien à ceux qui ne se sont pas acquittés comme il se doit de leurs missions  quand ils étaient chargés de préparer le dossier en prélude à la visite du Guide.

AL: Par rapport à la position française, l’on relève une certaine ambigüité, à la suite des déclarations du Président Sarkozy et des prises de positions contradictoires. La France serait notamment favorable à toute solution interne issue d’un consensus, ce à quoi le Général a fait allusion quand il a dit : « l’extérieur leur a dit, retournez à l’intérieur » ?  

MOB : De toute manière, je ne suis pas de ceux qui courent derrière les rumeurs et je me dois néanmoins de vous réaffirmer que notre position n’est ni dictée par l’extérieur ni tributaire de celui-ci. Bien au contraire, ceux qui se confondent à l’extérieur et en sont dépendants ne sont autres que ceux qui ont perpétré cette conspiration criminelle et sordide de coup d’Etat. Il est d’ailleurs loisible, une fois que l’on aura connu la vérité, de découvrir que ceux qui ont commis cet acte ne l’auraient pas fait s’ils n’avaient pas consulté l’extérieur. Il est révélateur, en effet, que leurs préoccupations majeures depuis le coup d’Etat est de se faire accepter par l’extérieur. Ils ont pour cela dépensé l’argent, exploité comme ils peuvent les relations dont ils disposent et ont mis à profit les parlementaires et les responsables qui ont sillonné le monde, en quête de soutien ou de sympathie.

En ce qui nous concerne, nous n’avons aucune gêne à nous faire dire que cette affaire relève des mauritaniens et d’eux seuls, ceci nous réconforte plutôt. Personne n’ose nous accuser d’affiliation à l’extérieur ni de nous fier à l’extérieur. Notre position, nous l’avons voulue nous-même en prenant la responsabilité de défier les putschistes et de leur dire non. Nous assumons cette position pleinement,  nous persisterons et nous userons, pour cela, de tous les moyens dont nous disposons, que nous trouvions ou non, une aide de l’extérieur. Nous n’épargnerons aucun effort pour parvenir à notre objectif de faire échouer ce coup d’Etat.  

Pour ce qui est de la position française, une lecture attentive des déclarations du Président Sarkozy, ne permet nullement d’en déduire un appui de la France au putsch. Il faut dire que dans leur quête effrénée d’un quelconque appui de l’extérieur, les autorités putschistes ont amplifié ces déclarations en essayant d’y entrevoir un changement de la position française. Quand on se réfère aux dernières déclarations françaises, on se rend compte aisément que la position française n’a pas du tout changé et que la France demeure opposée au putsch. Bien évidemment si la France dit que les candidatures aux élections est une affaire mauritanienne qui relève du droit mauritanien, cela va sans dire et cela ne saurait être interprété comme étant un fléchissement de la position française.

En tout état de cause, notre position ne saurait fléchir du fait du changement de la position française ni de celui de l’Union africaine, ni même de celui des Etats-Unis qui continuent à s’opposer farouchement au coup d’Etat.

En réalité celui qui mise sur l’extérieur et se dépense sans compter pour gagner sa confiance, ce n’est pas nous, mais le Général. Nous nous sommes rendus à l’extérieur juste pour contrecarrer les mensonges et allégations qu’on essaie de véhiculer sur la situation en Mauritanie. Il s’agit de défendre notre position, d’expliquer notre version des choses et de démystifier la propagande mensongère et je crois, que tout compte fait, si l’extérieur (la communauté internationale) approuve  une position en Mauritanie, c’est plutôt, à, la nôtre, quoi qu’on dise, à tort ou à raison, de la position française.

AL :  Enfin, vous avez rencontré certaines personnalités et précisément l’ex-président Ely Ould Mohamed Vall, est-il possible de dire qu’il vous a rejoint dans votre combat contre le putsch ?

MOB : (Rires) Effectivement, j’ai rencontré l’ex-président Ely Ould Mohamed Vall et nous avons discuté de la crise actuelle et il m’a paru clairement que bien qu’il n’ait pas fait de déclaration publique jusqu’à présent, il n’en demeure pas moins qu’il ne trouve aucun intérêt pour la Mauritanie dans la position de la junte militaire. Il a confirmé qu’il ne participerait pas à leurs élections car de telles élections ne sont pas acceptées par l’ensemble des forces politiques et elles n’y participeront pas. Tout comme il a confirmé qu’il n’a jamais manqué d’indiquer cette position à tous ceux qu’il a rencontrés et qu’ils ne leur a jamais demandé de ne pas divulguer ce point de vue . Il ne me l’a pas demandé à moi non plus mais je n’en dirai pas plus.

AL: Il est actuellement en visite à l’étranger. Avez-vous coordonné avec lui la substance du message qu’il va porter à l’étranger ou jugez-vous plutôt qu’il n y a pas lieu de coordonner ?

MOB : Je l’ai appelé à élargir le front et je lui ai posé des questions précises à ce sujet et il m’a donné des réponses que j’ai trouvées suffisantes et il n y a pas eu de coordination précise. Nous avons choisi de laisser à chacun les actions qui lui conviennent mais il m’a dit que l’espoir reste ouvert dans un élargissement du front y compris son adhésion à celui-ci.

AL: Vous avez déclaré à RFI que vous n’épargnerez aucun effort pour faire échouer l’agenda unilatéral et en particulier les élections même si cela devait nécessiter d’occuper la rue au moment où l’autre partie vous décrit comme un petit groupe qu’on peut compter sur les doigts d’une main et que vous êtes cinq hommes et quatre femmes.

MOB: Comme je vous l’ai dit cela relève des petites polémiques (aswaga) et moi je ne compte pas les suivre. En revanche, si nous n’étions qu’une poignée, une dizaine ou une centaine, pourquoi y aurait-il besoin de confronter ce petit nombre par les unités de répression quand nous avons décidé de manifester, ceci n’est pas logique. Et le fait de traiter les gens de cette manière n’est tout simplement pas recevable. Ils doivent s’élever un peu s’ils ont l’ambition de la responsabilité et le désir de se faire entendre et cela je l’ai dit à Ould Abdel aziz et je lui ai dit qu’il y a des comportements qui ne sont pas à la hauteur et qu’ils ne servent ni sa personne ni la Mauritanie et que tout le monde devrait s’en éloigner. Mais il n’a pas écouté mon conseil et il a persisté sur cette voie.

En tout cas, si nous ne sommes qu’une poignée, l’autre partie ne compte qu’une seule personne qui est Mohamed Ould AbdelAziz et lui le général sait et le monde sait que nous représentons la légalité constitutionnelle, la défense de la légalité , la légitimité populaire et que nous représentons la majorité du peuple. La meilleure preuve sont les marches de manifestants par milliers qui manifestent contre les putschistes. Le dernier meeting qui a fait trembler la capitale avec des dizaines de milliers a montré notre capacité à mobiliser la rue et le fait qu’une majorité du peuple mauritanien se reconnaît dans notre choix. 

Je voudrais rappeler que nos manifestations et nos marches sont des droits démocratiques garantis par la constitution et il est naturel que les gens protestent et manifestent dans la rue. Nous avons décidé de manifester et nous l’avons accompli et nous continuerons à manifester que la rue soit avec nous (comme nous l’avons démontré) ou contre nous comme les putschistes le prétendent. Qu’ils préparent leurs poignards et qu’ils construisent les prisons comme ils ont menacé de le faire, qu’ils sortent leurs fusils s’ils veulent tuer le peuple mauritanien, nous sommes prêts à faire face et qu’ils ne s’imaginent pas que les choses sont restées figées car la Mauritanie a changé et tout le monde doit changer. Qu’ils ne soient pas aveuglés par la soif du pouvoir et que leurs oreilles ne soient pas bouchées face à la réalité du changement radical que la Mauritanie a connu et qui fait qu’elle ne peut plus être dirigée comme elle l’a été durant ces dernières décennies. 

J’ajoute que si nous avons une constitution et que tout le monde y tient et que nous avons des institutions constitutionnelles en place, pour quelles raisons les mauritaniens seraient privés de leur droit de manifester ? Nous, nous allons manifester et nous descendrons dans la rue et si on nous confronte par la répression nous y ferons face et nous ne ferons que ce qui est légitime et démocratique et s’ils souhaitent prendre leurs dispositions sécuritaires en prévision de ce qui pourrait provenir de nous, à dieu ne plaise, qu’ils le fassent


Le 20/04/09

 

     

INTERVIEW DE MESSAOUD OULD BOULKHEIR , LE PRESIDENT DE L'ASSENBLEE NATIONALE

 

    ‘’La position ostentatoirement partisane du président de l’Union Africaine (UA), mandaté
    par la communauté internationale pour trouver un agenda consensuel entre les différentes
    parties de la crise mauritanienne, signe l’échec de cette médiation’’

    Farouchement opposé au coup d’Etat du 6 août dernier ayant renversé le pouvoir du
    président élu, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, qu’il a soutenu, lors du deuxième tour des
    présidentielles de 2007 occasion d’un tollé, général,
      des opposants au régime d’Ould
    Taya, avec, en tête, Ahmed Ould Daddah, ultime challenger, désigné par les urnes, de
    Sidioca, le président de l’Assemblée nationale, Messaoud Ould Boulkheir garde, tout
    entier, verve et franc-parler…L’homme reste convaincu que le coup d’Etat du général
    Aziz échouera et que la démocratie triomphera.

    Le Calame : Le président Kadhafi, désigné par le groupe consultatif de Paris, pour
    trouver un consensus entre les différentes parties, vient de passer quelques jours, en
    Mauritanie, après avoir reçu, chez lui, les protagonistes. Dans son discours, le président
    de l’UA a donné une espèce de quitus à l’agenda de la junte, au pouvoir depuis le 6 août
    2008. Considérez-vous cette médiation comme un échec ?

    Ce quitus arrêterait-il, comme il l’a dit, le processus des sanctions ciblées, décrétées
    par l’UA, contre la junte et ses soutiens ?

    Messaoud Ould Boulkheir : Oui, à mon niveau personnel et je pense, aussi, que c’est le
    cas au niveau du FNDD, nous considérons que c’est un échec. La position,
    ostentatoirement partisane, du président de l’Union Africaine (UA), mandaté par la
    communauté internationale pour, comme vous l’avez dit, trouver un agenda consensuel
    entre les différentes parties de la crise mauritanienne, signe l’échec de cette médiation.
    Je crois que notre réaction le démontre clairement. Il appartient, maintenant, à la
    communauté internationale, au groupe de contact qui ont mandaté le président de l’UA, de
    prendre la décision finale, de déterminer une position officielle, par rapport à ce qui
    s’est passé à Nouakchott. Pour notre part, nous n’avons ménagé aucun effort, malgré
    certaines réserves, émises, ici et là, par certains, et qui ont fini par se vérifier, sur le
    terrain, quant à l’implication du guide libyen dans la crise mauritanienne.

    Nous avons dit, dès le départ, qu’il fallait  être  bon joueur, éviter d’émettre un jugement
    sur  l’arbitre avant le coup d’envoi du match. Et nous avions de solides arguments :
    l’UA n’a-t-elle pas, elle-même, pris position contre le coup d’Etat? Son Conseil de Paix
    et de Sécurité (CPS), comité  de pilotage en cette affaire, n’a-t-il pas, déjà, initié des
    sanctions ciblées, contre les membres de la  junte et ses soutiens? Ne démarchait-elle
    pas le groupe de contact, afin, justement, que celui-ci lui emboîte le pas? N’a-t-elle pas
    saisi le Conseil de Sécurité de l’ONU, pour donner un caractère obligatoire et
    international
      à d’éventuelles sanctions? Aussi disons-nous qu’avec tous ces éléments, le
    président de cette institution ne pouvait pas aller à contre-courant de ce qu’elle a,  
    elle-même, décidé.
    Le deuxième type d’arguments, qui a plaidé contre toute réserve vis-à-vis de la
    médiation libyenne, c’est que Kadhafi est un leader d’un pays-membre du Maghreb
    Arabe, de
     la Ligue Arabe, dont nous sommes, nous aussi, membres, que c’est un voisin,
    un leader d’un pays qui a, toujours, accordé une certaine importance aux problèmes
    mauritaniens et que nous connaissons, enfin, beaucoup de bonnes choses, réalisées par nos
    frères libyens pour la Mauritanie, dans sa marche vers le progrès. Par conséquent, nous
    pouvions, légitimement, douter que cette médiation entérine des positions qui n’aillent
    pas dans le sens du progrès et du développement de notre pays, de cette marche
    universelle vers la liberté, vers la démocratie.
     
    Voilà pourquoi avons-nous ignoré toutes les réserves exprimées, ici et là. Nous avons,
    également, tu les propos que nous avait tenus, en Libye, le président de l’UA, propos
    dans le même sens de ce qu’il a dit ici. En gros, il nous avait fait comprendre que le coup
    d’Etat était un fait accompli, qu’il fallaitfaire avec, que le retour à la situation d’avant
    le 6 août était irréaliste, qu’en Afrique, il y a plus de quarante pays gouvernés par les
    militaires, que les militaires sont partie intégrante de la société, ce ne sont pas des
    israéliens, encore moins des ennemis étrangers, que ce sont des Mauritaniens, comme tous
    les autres, et qu’à l’instar des Turcs ou des Egyptiens, ils veulent le bien de leur peuple.
    J’ai eu, très sincèrement, le sentiment
      que c’était, même, sa propre position, plutôt que
    celle du HCE. Mais nous avons, pourtant, tu tout cela, nous avons continué à espérer qu’il
    ne s’agissait, là, que de simples pressions exercées sur une partie des protagonistes de la
    crise et qu’il exerçait des pressions, contraires, sur la junte. Tout le monde s’est dit qu’il
    ne pouvait pas afficher, de manière aussi claire, une position aussi partisane. Tactique de
    négociation, en somme.
    Mais, hélas, lors de l’huis-clos qui a précédé la plénière, il a réitéré ses propos,
    s’exprimant, sans équivoque, en faveur des militaires. Le constat s’avérait donc : Kadhafi
    appuyait, ouvertement,l’agenda des putschistes et leurs parlementaires présents, disant
    que le retour du président
      Sidi Ould Cheikh Abdallahi était inenvisageable, qu’il
    occasionnerait des troubles dans le pays. Que le général Ould Abdel Aziz allait
    démissionner, le moment venu,
      qu’il y aura des élections.
    Nous pensions que ce que disait le guide libyen allait rester dans le cadre de l’huis-clos,
    mais, quand il s’est exprimé, publiquement, dans la même veine, tout fut entendu et avons,
    aussitôt, marqué, nettement, notre désaccord.
      Dans son approche, Kadhafi considérait la
    Mauritanie et les mauritaniens comme quantité négligeable, pas du tout intéressante, nous
    le regrettons profondément, très sincèrement. Nous avons essayé de patienter, autant que
    faire se peut, parce que c’était notre hôte, qu’il était là, en tant que président de l’UA,
    qu’il fallait faire preuve de tolérance et de mesure, mais lorsque nous avons constaté
    qu’il persistait, nous avons dû nous retirer, pour marquer notre plus totale désapprobation.
    Le FNDD a, d’ailleurs, publié un communiqué pour expliquer sa position.

     

    Calame : Vous l’avez rencontré, après cet incident et peu avant son départ. Qu’est-ce
    que vous vous êtes dit?

    Messaoud Ould Boulkheir : C’est vrai, nous nous sommes rencontrés, avant son départ.
    A sa demande. J’y ai répondu favorablement, en tant que président de l’Assemblée
    nationale mauritanienne légale, bien qu’au niveau du FNDD, la décision avait été prise
    de ne plus le rencontrer, sauf excuses officielles de sa part. J’ai considéré qu’il ne
    m’appartenait pas d’appliquer cette consigne au président de l’Assemblée nationale, et
    c’est donc sous cette étiquette que je l’ai rencontré. Il m’a reçu et m’a dit, mot à mot,
    ceci : «toi, tu m’invites et tu m’abandonnes, seul sous ton toit ». Et effectivement : en me
    rendant en Libye, je lui avais transmis une invitation del’Assemblée nationale. J’ai, alors,
    exprimé mon regret pour le geste que j’aurais dû éviter, mais auquel ses propres
    déclarations m’avaient contraint. A ma manière, franche et directe,
      de lui dire
    tout ce qui me passait par la tête ; lui rappelant que, dès le départ, certains avaient émis
    des réserves sur sa médiation, mais qu’après consultations, tout le monde avait accueilli,
    favorablement, son implication ; qu’avant de nous convoquer en Libye, il avait, deux jours
    auparavant, accrédité l’ambassadeur de la junte ; que lui et certains de ses proches
    avaient fait des déclarations qui n’allaient pas dans le sens de la neutralité ; qu’une fois
    celles-ci affichées publiquement, nous ne pouvions que quitter le débat ; qu’il s’était,
    lui-même, disqualifié, se révélant incapable de conduire la médiation, dans la neutralité.
    Dans leur réponse, lui et ses collaborateurs ont tenté de me faire croire qu’on avait mal
    compris, qu’on n’avait pas attendu la fin de l’exposé du guide; qu’il parlait dans un cadre
    général et non dans le contexte mauritanien. Et, puisque toutes les parties mauritaniennes
    évoquaient une élection dans leurs propositions de sortie de crise, il a pensé qu’il fallait
    envisager la Mauritanie, au lendemain de celle-ci. Qu’il ne défendait, bien évidemment,
    aucune partie. Que son seul parti, c’est la Mauritanie qu’il veut défendre contre toute
    «somalisation». Ses collaborateurs ont justifié cette assertion en relevant que le guide
    n’avait apporté, avec lui, aucune proposition de sortie de crise. Je leur ai répondu
    qu’ils n’en avaient pas besoin, puisqu’ils avaient adopté celle desputschistes.

    Sur le plan protocolaire, je me suis présenté, effectivement, en tant qu’ami de la Libye,
    comme un ami du guide, leur rappelant que tout ce que j’ai fait, c’était dans but de le leur
    faciliter la tâche, mais que je ne pouvais rien faire, s’ils ne voulaient pas s’aider,
    eux-mêmes, à accomplir une vraie mission de médiation, et que personne ne pouvait les
    soutenir dans la position qu’ils avaient choisie. J’ai, enfin, conseillé, à Kadhafi, de
    rencontrer, avant son départ, les responsables du FNDD pour leur donner les explications
    qu’il venait de me fournir, parce qu’au niveau de celui-ci, il resterait, sans cela,
    disqualifié. Nous nous sommes séparés sur ce conseil.

     

    Calame : Si cette médiation est considérée comme un échec de l’UA, de quelle stratégie
    le front anti-putsch dispose-t-il, au plan intérieur, pour combattre le HCE, déterminé qu’il
    est, désormais, à conduire unilatéralement sa feuille de route?

    Messaoud Ould Boulkheir :  Ce qui a échoué, au niveau de notre entendement, en tout cas,
    c’est la médiation du président de l’UA. Il n’y a eu, de fait, aucune négociation. Si l’on se
    réfère à la proposition du groupe de contact, vous constaterez que le groupe est, lui-même,
    partie intégrante de ces négociations. Or, tout le monde constate, aujourd’hui, que la
    recommandation de se réunir pour trouver un compromis n’a pas été respectée, que le
    groupe qui devrait prendre part aux négociations n’y a pas été. La médiation a échoué,
    mais le processus lui, continue. Il a commencé, d’abord, par la position de l’UA,
    vis-à-vis de la junte, puis le pilotage du positionnement du groupe de contact, confié à
    l’UA, la position du CPS et sa saisine, tout ceci est en mouvement. Je pense qu’une
    fois les conclusions tirées, au niveau du groupe de contact et au niveau de l’UA, sur cette
    médiation, le processus devrait poursuivre son cours, d’une manière ou d’une autre. Soit,
    le plus normalement du monde, dans l’harmonie des différentes parties avec l’UA, ou
    dans l’attente de la réaction de l’UE. Si l’UE et l’UA estiment qu’il ne faut pas fermer la
    porte du dialogue, ils vont
      chercher un autre médiateur, pour lui transférer la mission.
    Nous n’avons pas d’autre stratégie que de suivre tout ce processus, d’une part, et, d’autre
    part, de continuer, nous-mêmes, sur le plan interne, à expliquer, à sensibiliser et à
    organiser la résistance. Nous continuons le combat, sereins et pacifiques ; nous nous
    rendrons, également, à l’extérieur, pour expliquer, éventuellement, ce qui vient de se
    passer chez nous.

     

    Calame : Le porte-parole du gouvernement vient de déclarer que le président Kadhafi
    n’a fait que constater une réalité, que le pouvoir reste disponible pour un dialogue, si tant
    est qu’une partie mauritanienne souhaite discuter. Pensez-vous encore possible un
    dialogue entre les protagonistes de la crise? Sur quelle base?

    Messaoud Ould Boulkheir :  Moi, je suis un croyant, je suis un musulman. Le refus du
    dialogue, le refus de la discussion est, quelque part, le refus de l’espoir. Or, la religion
    est espérance. Aussi, même le combat est espérance. On mène des combats dont on n’est
    pas sûr de l’issue. Nous, a priori, nous sommes ouverts au dialogue, d’autant plus que
    nous considérons, très sincèrement, que le combat militant que nous devons mener, que
    nous sommes tenus, de mener, au plan national et au niveau international, ce combat n’est
    pas plus le nôtre que celui de la communauté internationale, que celui de l’UA dont nous
    sommes membres. Notre combat est celui de l’UE, avec laquelle nous avons signé les
    accords UE-ACP de Cotonou. C’est aussi celui des Nations-Unies, qui œuvrent pour
    l’application de ses principes. Nous, nous combattons pour la démocratie, c’est pour elle
    que nous bougeons, ce n’est ni pour la personne du président de la République, ni pour la
    personne du général Ould Abdel Aziz. Pas pour celui-là ou contre celui-ci.
    Nous nous mobilisons, parce que nous estimons que c’est un devoir, nous bougeons pour
    le devenir de la Mauritanie qui, de notre point de vue, passe par l’application de la
    démocratie. C’est un combat pour la démocratie, pour la vie, dont il ne faut, jamais,
    désespérer. Pour cela, il faut continuer à dialoguer, même si, comme je l’ai dit, haut et
    fort, nos positions sont diamétralement opposées.
      Le général lui, tient, par tous moyens
    légaux et illégaux, à rester au pouvoir, nous, nous pensons qu’il faut l’en bouter dehors.
    Nous pensons qu’il n’y a aucune raison de composer avec lui, que le retour à la normale
    passe, nécessairement et obligatoirement, par le retour à l’ordre constitutionnel, et le
    retour du président élu, qui s’est engagé, lui-même, pour une solution de sortie de crise,
    négociée avec la communauté internationale, à organiser des élections présidentielles,
    législatives et municipales
      anticipées, sous la supervision d’un gouvernement d’union
    nationale. Je pense que c’est la plus honorable sortie de crise, pour notre pays, qui ne lui
    ferait perdre nul crédit, si bien acquis, auprès de la communauté internationale, lors de la
    transition de 2005 et des élections, libres et transparentes, de 2007. C’est, pour nous,
    demander le minimum. Nous, les légalistes, qui avons fait le maximum de concessions
    possibles et imaginables, tandis que, de l’autre côté, on se borne à appliquer la feuille de
    route tracée par la junte.

     

    Calame : D’aucuns ont dit que vous étiez contre la dissolution du Parlement, que le
    président Sidi avait brandie, lors de son retour du Caire. Si tel était le cas, est-ce que,
    quelque part, vous ne porteriez pas une certaine part de responsabilité de ce qui est arrivé,
    le 6 août dernier?

    Messaoud Ould Boulkheir : Vraiment, je ne comprends pas le sens de cette question. Je
    ne pense porter aucune responsabilité dans ce qui est arrivé le 6 août. Et ce que vous
    m’attribuez n’est pas fondé. Je n’ai jamais été contre la dissolution de l’Assemblée
    nationale : bien au contraire. Le mardi, avant le coup d’Etat, j’étais au campement, quand
    le président m’a appelé pour me dire qu’à l’Assemblée nationale, certains députés
    avaient demandé une session extraordinaire, c’est alors ce moment que j’ai appris ce qui
    se tramait. Tout avait été mené, par en-dessous, en cachette. Normalement, dans toute
    démocratie digne de ce nom, lorsque des députés souhaitent une session extraordinaire,
    c’est, d’abord, à leur président qu’ils s’adressent. Alors, évoquer un soi-disant blocage
    de cette session extraordinaire… Il y a des règles à respecter, même si cela implique des
    discussions orageuses. Nous avions connu des sessions-marathons, on était tous stressés,
    avec cette affaire de
      motion de censure. Personnellement, j’avais essayé de rapprocher
    les positions du président de la République et du général Ould Abdel Aziz, et j’avais
    besoin d’un mois de repos pour souffler. Et je ne suis parti, en vacances, qu’après m’être
    entendu, avec le Premier ministre, sur la date de la prochaine session extraordinaire, pour
    le 5 septembre, je crois. Il n’y avait pas de blocage.

    C’est alors que le président m’a téléphoné, en m’informant qu’il avait été saisi,
    irrégulièrement, par certains députés, après mon départ, qu’il leur avait répondu que les vice-présidents, de par le règlement de l’Assemblée,
      n’avaient pas pouvoir de saisine du gouvernement et qu’il fallait passer, impérativement, par moi. Le président m’a également
    parlé des points que les députés voulaient inscrire à l’ordre du jour de cette fameuse
    session extraordinaire. Or, pour qu’un point soit inscrit à l’ordre du jour, il faut qu’il
    passe par tout un processus d’adoption : saisine du président de l’Assemblée, qui le
    soumet à la conférence des présidents, qui le discute, l’approuve ou le rejette.
    Dans le premier cas, il serait soumis à une session plénière, pour adoption. C’est
    seulement après, qu’il serait opposable au gouvernement, comme proposition de loi ou
    de point à discuter. Le président m’a demandé si je pouvais rentrer, pour discuter de ces
    questions à inscrire à l’ordre du jour. Et c’est à travers ce coup de fil, que j’ai,
     
    expressément, demandé au président de la République s’il entendait continuer à travailler
    avec cette Assemblée nationale. Cela signifie que je lui suggérais, implicitement, la
    dissolution de celle-ci. Il m’a répondu que oui, parce qu’il y disposait d’une majorité.
    Je lui ai dit alors : dans ce cas, il n’y a aucune raison de la dissoudre.
    Le lendemain, c’était le putsch. Donc, je n’ai jamais été contre la dissolution.
      Je l’avais,
    au contraire, suggéré, compte tenu de la situation. Mais nous avions eu, effectivement,
    quelque divergence quant à la présentation de cette éventuelle mesure. De retour de
    Charm El Cheikh, il m’avait appelé, le matin, pour me dire qu’il allait parler à la Nation.
    Il voulait m’entretenir des thèmes qu’il allait aborder. Il avait, alors, évoqué, de manière
    très cool, la dissolution del’Assemblée, qu’il comptait brandir, au cas où l’on
    entraverait son action. Je lui ai dit que j’approuvais tout ce qu’il allait dire, sauf le fait de
    brandir, publiquement, cette menace. Je lui ai suggéré de rencontrer, plutôt, les députés
    auteurs de la motion, pour leur parler, entre quatre murs, de l’éventualité d’une
    dissolution. Il m’a répondu que le caractère public de son propos ne susciterait aucune
    hostilité. Je n’étais pas convaincu, mais c’était sa décision. Il se trouve que je n’ai pas
    entendu son discours, en direct, et c’est dans mon bureau que certains sont venus
    m’en informer, les uns, très mécontents, les autres, satisfaits, parce que, disaient-ils,
    «le président a, enfin, décidé de prendre ses responsabilités». Quelle part de
    responsabilité voudriez-vous, donc, me faire porter? Je n’ai pas été pris à témoin pour
    avouer la réalité deschoses, que j’aurais niées ou cachées. Je me suis investi,
    personnellement, pour rapprocher les positions du président de la République et du
    général et je n’ai jamais rencontré le général que durant cette période là, et à ma demande.
    Il sait combien je l’ai mis en garde, contre tout ce que nous vivons, aujourd’hui. Je lui ait
    fait, clairement, savoir qu’il n’en tirerait que malheur.
      

     

    Calame : Vous avez été menacé par une motion de destitution, venue des députés qui
    soutiennent le HCE. A votre avis, pourquoi ses initiateurs ne sont pas allés au bout de
    leur logique ? Considérez-vous, aujourd’hui, que cette menace est désormais derrière
    nous?

    Messaoud Ould Boulkheir : Vraiment, vous me posez une question à laquelle il m’est
    fort difficile de répondre. Quand on entame, contre vous, une procédure de destitution et
    que vous ne faites rien pour l’empêcher, vous ne saisissez aucune institution pour l’arrêter
    ou l’infléchir,
    que dire, de la suite des évènements?
      Ladite motion a été engagée ou initiée, je ne sais si
    c’est
     par les députés, eux-mêmes, ou s’ils furent poussés à le faire. Certains députés
    légalistes sont venus me voir pour me demander d’intercéder auprès de certains députés
    auxquels je suis lié par des liens tribaux et régionaux. J’ai, catégoriquement, refusé. Pour
    moi, face à cette atmosphère malsaine, face à ce qui se tramait, ma première réaction
    aura été de démissionner, purement et simplement, plutôt que d’accepter une espèce de
    cohabitation qui fait, du Parlement, un appendice du HCE, des militaires ou du BASEP,
    je ne saurais dire. Mais je prends mes décisions après mûre réflexion, et, dans une telle
    situation, très inconfortable, j’avoue que celle-ci fut, particulièrement,difficile.
    Au-delà de tout orgueil, dépassant ma première réaction, j’ai accepté le raisonnement des
    autres parties opposées au putsch qui m’ont convaincu de rester, arguant de ce que je
    pourrais, peut-être, en conservant mes fonctions, aider plus le mouvement de résistance
    qu’en jetant l’éponge. Ça m’a paru, effectivement, jouable, et j’ai alors accepté de rester.
    Mais, mon éventuelle destitution ne me fait ni chaud, ni froid, je n’ai pas, pour cela, levé
    le petit doigt. J’ai appris, qu’au niveau du Conseil constitutionnel, on a, d’abord, donné
    une réponse évasive, du genre «oui, mais», donnant l’impression d’une orientation pour
    me destituer, mais lorsque la cour a reçu une version claire, elle a opposé son refus.
    Selon les rumeurs qui me sont parvenues, on a même mis en doute mon intégrité morale.
    Pour certains, le fait que je ne sois pas destitué résulterait d’un accord
    signé avec la junte, c'est-à-dire que ce serait sur ordre du général que la cour se serait
    appuyée, pour dire la loi. Il n’en fallait pas plus pour que certains, dans mon propre
    camp, me soupçonnent d’avoir noué un accord sur leur dos. Que voulez-vous que je
    vous dise? S’il y a eu combines ou concertations entre le Conseil et le président du HCE,
    seul Dieu et eux le savent. En tout cas, je n’ai pas
      remué le petit doigt, je n’ai signé
    aucun accord secret avec le pouvoir, ce n’est pas mon genre, tout le monde me connaît,
    depuis que je me suis investi, en politique, je fais ce qui me paraît être juste, loin des
    combines. S’il y avait, pour moi, une possibilité de quelque nature que ce soit pour
    cautionner ce coup d’Etat, je l'aurais fait, ouvertement et très sincèrement. Il se trouve
    que je n’en vois aucune, je ne vois pas, vraiment pas, comment, moi, démocrate que
    je suis,
      pourrais-je cautionner un coup d’Etat militaire contre la démocratie.

    Calame : Lors du dernier meeting du FNDD, vous avez affirmé que Ould Abdel Aziz ne
    sera jamais président de la République. Comment pourriez-vous l’en empêcher ?

    Messaoud Ould Boulkheir : Par le combat politique que nous continuons à mener, nous
    le pensons, et je l’ai dit, très haut et fort, il n’est interdit ni d’espérer ni de rêver. Pour
    moi, il peut être
      un dictateur, mais jamais un président légitime de la République, ni
    jamais s’enorgueillir, parce qu’il ne sera pas élu par le peuple mauritanien, en toute
    transparence. Il peut faire comme si, s’imposer en tant que dictateur, chef d’une junte, le
    temps que ça durera, mais il ne sera pas l’élu du peuple.

    Calame : Contrairement au FNDD, le RFD n’a pas condamné le putsch du 6 août, mieux
    – ou pire, si vous préférez – il a participé aux EGD organisés par le HCE. Que
    pensez-vous de cette position? Avez-vous rencontré, depuis, Ould Daddah?
    Pourriez-vous, aujourd’hui, après l’échec de la médiation libyenne et la candidature du
    général Ould Abdel Aziz, faire, à nouveau, un petit bout de chemin ensemble ?

    Messaoud Ould Boulkheir : Vous savez, les gens font de la politique,  chacun suit son
    chemin. Je suis en porte à faux avec leur position, comme eux, ils sont en porte à faux
    avec la mienne. Je ne suis ni juge ni censeur des uns et des autres. Quand à la possibilité
    de travailler ensemble, je dois vous dire que nous n’avons jamais fermé la porte du
    dialogue, ni sur le plan individuel, ni sur le plan, général, entre nos partis. Pas plus tard
    qu’hier, nous nous sommes retrouvés – par hasard, il le préciser – chez Abdallahi Ould
    Bah, Dieu ait son âme, pour présenter nos condoléances, et nous avons discuté de la
    nécessité de coordonner notre action, face à ce qui vient de se passer, nous nous
    retrouvons, sur ce sujet précis et sur beaucoup d’autres points. En tout, du moins en ce
    qui concerne le FNDD, des instructions ont été données pour accélérer le processus de
    rencontres avec le RFD. Ahmed a, pour sa part, donné, devant moi, des instructions pour
    la rencontre avec le front. Il n’est, d’ailleurs, pas exclu que les deux parties se
    rencontrent, aujourd’hui (Vendredi 13 mars, NDLR), pour discuter de l’unification des
    actions à entreprendre, face à l’attitude du guide libyen.

    Calame : Lors du dernier meeting du FNDD, vous avez affirmé que le front restait uni,
    fort comme une barre de fer, apportant ainsi un démenti, cinglant, à tous ceux qui avaient
    prédit, un peu vite, sa dislocation, juste au lendemain de sa fondation. Ne craignez-vous
    pas, aujourd’hui, avec une présidentielle en perspective, la politique du ventre,
    caractéristique principale de certains de nos cadres et hommes politiques, aidant, que le
    front connaisse une
      hémorragie, pour ne pas dire une implosion, comme a failli le
    connaître le RFD, il y a peu ?

    Messaoud Ould Boulkheir : Je ne condamne pas votre manière de faire, mais je pense
    que vous en faites, quand même, un peu trop. Vous savez, les partis politiques, chez nous,
    sont comme des ONGs. Et les journaux, comme vous dites, [éclats de rires]. Enfin, moi,
    je n’ai rien dit. Je reconnais que nombre de fondateurs de partis politiques n’ont d’autres
    choix que de graviter autour du pouvoir, autour du plus fort, mais cela devrait passer
    inaperçu, et non noyer, systématiquement, les quelques partis politiques nantis de
    principes, disposant d’une base populaire plus ou moins importante et menant, comme
    ils peuvent, un combat d’idées, afin de conquérir, un jour, le pouvoir par les urnes. Ceci
    est aussi vrai pour notre Parlement et je ne vise personne. Nous sommes 150 députés élus,
    comme les conseillers municipaux, choisis pour défendre les intérêts des populations.
    Vous pouvez affirmer, vous, que tous mènent la politique du ventre ? Pour ma part, ma
    préoccupation, c’est un FNDD uni, pour combattre un coup d’Etat contre la démocratie.
    Ici, les gens sont unis autour de principes, ils sont unis parce qu’ils veulent engager la
    Mauritanie, dans la voie du progrès. Sortir leur pays du cycle infernal des coups d’Etat.
    Je reste convaincu que, tant ce ciment demeure, il n’y a rien à craindre. Mais, si ce
    ciment-là disparaît demain, peut-être que chacun voudra voler de ses propres ailes,
    comme cela s’est passé, en d’autres temps et d’autres lieux. En tout
      cas, ce que j’entends
    dans les coulisses me rassure, chacun privilégie l’unité. Se disperser serait, vraiment,
    dommage et dommageable.

    Calame : Certains caciques du pouvoir d’Ould Taya,  qui continuent à graviter autour du
    HCE, viennent de déposer les statuts et le règlement intérieur d’un nouveau parti, l’UPR.
    Quel commentaire vous inspire la naissance d’un nouveau parti politique, dans le
    contexte politique actuel ?

    Messaoud Ould Boulkheir  : Selon mes informations, ceux  qui veulent fonder ce parti
    gravitent, effectivement, autour du général. C’est aussi vrai qu’ils étaient des caciques du
    PRDS. Cela démontre que nos hommes politiques ne tirent pas de leçons des expériences
    vécues, il y a si peu.
    L’exemple du parti Adil, fondé par des élus, épars, et si vite autodétruit, devrait faire
    méditer ceux qui veulent concocter un parti politique de ce genre. L’expérience ne semble
    pas constructive pour les mauritaniens, chacun fait comme ces femmes qui acceptent tel
    conjoint qui divorce, à tour de main et se remarie, le lendemain, excusez l’allégorie,
    chacune se persuadant qu’avec elle, cela n’arrivera jamais. Tous les mauritaniens
    raisonnent comme ça, ce qui est arrivé à Adil n’arrivera pas à l’Union Pour la
    République. Et pourquoi pas? C’est la même construction, le même échafaudage. Preuve,
    s’il était encore besoin, de ce que le général
      s’accroche, plus que jamais, au pouvoir, en
    se dotant d’un instrument de conquête ou de maintien, avec un parti à sa dévotion, qui
    jouera le rôle du PRDS, en son temps, Adil n’ayant même pas eu le temps de jouer un
    quelconque rôle, sinon celui de se détruire. Ma position, à ce sujet, fut, d’ailleurs,
    affichée très tôt. Alors membre de la majorité, j’ai été, le premier, je crois bien, à
    désapprouver, publiquement, l’illusion Adil, au cours d’un meeting populaire, tout le
    monde le sait. Quant à l’UPR, sa fondation ne me dérange pas outre mesure, il ne me
    concerne pas. Je suis, plutôt, content de sa reconnaissance par les autorités, cela
    contribuera à sa propre destruction, comme cela fut avec Adil. On ne change pas du
    jour au lendemain, ce sont les rapports de forces qui évoluent, nécessairement, et ceux
    qui se constituent, aujourd’hui, en parti seront, demain, dans le camp de ceux qui se seront
    substitués au général, légalement ou illégalement.
    Il y a d’autres, par contre, à qui l’on prête l’intention de former un véritable parti
    politique, loin de moi l’idée de mépriser leur position, je considère que c’est une
    position courageuse, parce qu’ils ont osé s’exprimer, exprimer, dans l’euphorie baignant
    le général, au moins un certain sens du devoir, une certaine sensibilité, jugeant anormal
    que des gens, investis en politique depuis l’indépendance de la Mauritanie, renoncent, du
    jour au lendemain, à tout ce qu’ils ont incarné, jusqu’ici, pour suivre un général qui n’a
    jamais fait de la politique, obéir à ses ordres comme le dernier des bidasses. Je pense que commencer à s’affranchir de cette tutelle est de bon augure. En tout cas, en ce qui nous
    concerne, nous encourageons cette initiative, et nous n’excluons pas que nous puissions
    nous rejoindre, sur le chemin de l’honneur, de la dignité et de la démocratie.

    Mais ils se réclament, d’emblée, de la majorité !

    Calame : C’est un faux-problème.  Combien de gens se sont réclamés de la majorité?
    Certains qui s’y référaient, travaillaient pour la motion de censure et continuaient à
    m’affirmer qu’ils appartenaient à la majorité, au parti Adil, qu’ils n’avaient rien contre
    le président, mais qu’ils ne voulaient pas d’un gouvernement avec des Roumouzz El
    Vassad. Cela jusqu’au jour où le chef de l’Etat fut renversé. Se réclamer de la majorité,
    par les temps qui courent, en Mauritanie, ne signifie pas grand-chose.

    Messaoud Ould Boulkheir : Certains membres du FNDD sont embastillés, depuis
    plusieurs mois. Ils sont accusés de malversations. Que pensez-vous de cette campagne de
    lutte contre la gabegie menée par le général ? Ce que j’en pense? Ce que j’en ai déjà
    dit au général, les yeux dans les  yeux, lorsque je l’ai rencontré la dernière fois, exceptée
    notre brève poignée de mains, à l’occasion de la prière dirigée par Kadhafi, au stade.
    Je lui avais, alors, explicitement parlé de l’alibi dont il se servait pour emprisonner ses
    opposants. Vous ne convaincrez personne, ai-je affirmé, parce que ces gens ne sont pas
    les seuls à avoir dirigé Air Mauritanie et que le tri opèré prouve, à l’évidence, le
    règlement de compte politique. Je lui ai fait observer que la Mauritanie est trop petite,
    qu’on s’y connaît presque tous, qu’il est vraiment inutile d’essayer de mener en bateau, et
    de susciter des problèmes tordus d’avance. Ou bien on s’investit dans le combat contre
    la gabegie, auquel cas il ne doit y avoir aucune exception, et je ne vois pas pourquoi
    commencerait-on par ces malheureux, au lieu de s’attaquer à tous ceux qui ont eu à gérer
    les deniers publics. Libérez ces hommes, ce que vous voulez accréditer ne convaincre
    personne, lui ai-je dit.
    Comme je l’avais conseillé auparavant, lorsque j’ai constaté des excès de langage ou de
    zèle,
      de certains de ses ministres, à l’égard de la personne du président Sidi Ould Cheikh
    Abdallahi. Qu’il le destitue est une chose, qu’il permette à ses gens de s’attaquer, de
    manière vulgaire et éhontée, à la personne du président, au travers de telles parodies,
    n’est pas du tout de bonne augure pour le général, qui ne restera, de toute manière, pas
    éternellement au pouvoir. Ce n’est vraiment pas bon, de tels dérapages, pour quelqu’un
    qui entend présider aux destinées de la Mauritanie. Je lui ai demandé d’arrêter cela, parce
    que tout le monde considère, aujourd’hui, que tout ce qui se fait émane de ses ordres. Tout
    cela m’a beaucoup touché, bouleversé, même, je l’ai rappelé lors du dernier meeting.
    Vraiment, je voudrais qu’aucun mauritanien ne se révèle capable de tels actes, ce n’est
    pas dans nos coutumes, dans nos valeurs, que de s’attaquer à une personne en situation de
    faiblesse. Ce général qui parle de «sacrifice» en «consentant» à un coup d’Etat, alors
    qu’il
      savait, pertinemment, n’avoir personne pour le contrarier, lui qui disposait de toute
    la force. S’il avait eu, face à lui, des unités armées ou des chefs décidés à en découdre,
    il aurait risqué sa vie, auquel cas l’emploi du terme «sacrifice» aurait eu quelque valeur.
    Peut-être aurais-je dû me taire mais je suis, de nature, comme cela, je m’élève contre
    l’injustice, d’où qu’elle vienne. Si je demande au général de cesser
      ses abus, par
    rapport à ceci ou à cela, ce n’est pas que je recherche son intérêt – je pourrais, à la
    limite, ne pas m’en préoccuper – mais c’est, plus prosaïquement, pour atténuer la
    souffrance des victimes ou de ceux qui pourraient, éventuellement, en souffrir.

    18-03-2009

    Propos recueillis par Ahmed Ould Cheikh et Dalay

     

 

 

     

Interview exclusive, Messaoud Ould Boulkheir : 

 « pourquoi les gens me demandent toujours à moi de désister et de choisir les seconds couteaux ; C’est peut-être congénital… »

NOUAKCHOTT-INFO

 

Notre dernier entretien remonte au 28 mars 2005 (Nouakchott Info n°752), quelques jours avant la tenue du Forum du RDU (11 avril 2005) et en pleine crise de l’affaire Jabhalla. Depuis lors,
l’exclusivité d’un entretien avec le président de l’APP ne m’avait plus été réservée, peut-être parce que je ne l’avais pas demandée. Et pourtant, il m’a suffi aujourd’hui de l’appeler sur son portable pour que M. Messaoud Ould Boulkheir m’exprime sa disponibilité immédiate à me recevoir à domicile et à m’accorder une interview qui est la première depuis l’annonce officielle, le 20 janvier courant, de sa candidature à l’élection présidentielle.

En arrivant chez l’homme l’accueille avec le sourire avant de m’introduire dans une pièce réservée où je lui dédicace, à sa surprise, mon roman policier «
Meurtre au cabanon Trois», non sans oublier de lui remettre un exemplaire de notre livraison de ce matin où il occupe la manchette en focus : «Présidentielle 2007 : L’APP investit Messaoud Ould Boulkheir». Après les salamalecs et quelques amabilités pour cerner le débat, nous démarrons l’interview, le président Messaoud se prêtant volontiers et sans gêne au jeu de question-réponse.

Nouakchott Info : M. le Président, la première question qui nous vient à l’esprit est de savoir le pourquoi de cette candidature et de son timing ?

 

Messaoud Ould Boulkheir : S’agissant du premier volet de votre question, je pense que  ma candidature est légitime en tant que responsable d’un parti créé pour viser le pouvoir, assumer les hautes charges du pays, la direction de cet Etat. Quant à son timing, j’aurais pu dire que c’est le fait du hasard, car nous étions au sein de la coalition qui voulait voir la possibilité de nous mettre d’accord sur une candidature unique. C’est pour cela que nous nous somme s accordés un délai de réflexion et je dois dire que j’ai ainsi évité d’être l’un des premiers à offrir également l’occasion à mes détracteurs - et Dieu sait qu’ils sont nombreux - de me tirer dessus.

N.I. : Vous n’êtes pas sans savoir que cette recherche d’une candidature unique de la CFCD a toujours été un vœu pieu. Non seulement pour les membres de la Coalition mais aussi pour ses militants et qu’en allant en rangs dispersés l’opposition traditionnelle qui a tant mis d’années à supporter les frustrations, la marginalisation, à rester plus ou moins solide, soudée ou accrochée à ses principes et son combat pour être au pouvoir, est en passe de le rater, de le perdre, alors que ses différentes formations ont le même objectif et le même espoir de changement ?

 

M.O. B. : Bon, c’est une approche.  Certains considèrent que partir en rangs dispersés dans les élections affaiblit les chances des différents partis qui ont incarné une opposition traditionnelle. Cette vision n’est pas dénuée de tout fondement et je ne pense pas qu’elle soit totalement absolue et qu’aller en rangs dispersés affaiblit les anciens partis plus que les candidats dits indépendants ou toutes les candidatures. Mais que cela peut être aussi source de consolidation, de renforcement de certains et que cette dispersion, notamment ma candidature, porte chance et non le contraire. Mais, objectivement, je pense que vous avez raison et vous avez dit cela : nous n’avons pas réussi à avoir une candidature unique. La raison en cela, il faut la chercher en les délais dans lesquelles, nous cherchons une candidature unique. Autrement dit quand il y a élection, nous y pensons mais nous y pensons tellement tardivement qu’il est très difficile de se mettre d’accord. Or si nous avions pris le temps pour nous mettre d’accord sur une candidature unique, pour dégager les critères, être d’accord sur un programme qui tienne compte de nos différents programmes et donne satisfaction à chacun, je pense qu’on y aurait réussi mais malheureusement on oublie cela jusqu’au moment où l’échéance arrive, on commence à en parler. Alors qu’il fallait le faire bien avant. Je pense que c’est la raison principale qui fait que nous n’y avons pas réussi.

N.I. : Je vous le concède surtout que l’on dit assez souvent que les Mauritaniens ne font les choses qu’in extremis, mais, pour en revenir au timing de votre candidature, n’est-il pas plutôt vrai que des propositions d’un poste de Premier Ministre, vous ont été faites pour ne pas être candidat à la présidentielle ?

 

M.O.B. : Non je ne pense pas. Mais je dois avouer que tous ceux qui m’ont abordé même parmi les candidats voire parmi les bonnes volontés soit disant qui prêchent pour une candidature unique, tous me demandaient de ne pas me présenter et d’accepter éventuellement une fonction qui ne soit pas celle de président de la République. Parfois je m’interroge franchement pourquoi les gens me demandent toujours à moi de désister et de choisir les seconds couteaux ; C’est peut-être congénital, je ne sais pas, mais c’est contre cette manière de voir, en partie que  je me suis investi en politique et que j’essaye de remettre les choses à leur place. Etre citoyen, c’est être beaucoup, c’est un honneur car c’est être un citoyen de son pays et d’avoir le droit le briguer tous les postes. Plutôt que de demander à quelqu’un de s’éclipser, il fallait faire le parallèle entre les expériences, les chances, les avantages et les inconvénients des différentes candidatures et pour cela je suis prêt à discuter et à débattre. Mais seulement qu’on vienne me voir pour me dire d’opter pour une candidature unique et que tout ce qui n’est pas président et à votre disposition, vous choisissez, je réponds poliment que la décision ne m’appartient pas mais au parti dont je conduis la politique, auquel revient le dernier mot pour décider du mode de sa candidature et que moi, je ne m’appartiens pas en tant
qu’individu.

N.I. : En quoi votre candidature d’aujourd’hui diffère-t-elle des autres ou des précédentes ?

 

M.O.B. : Je pense qu’une candidature est toujours une candidature. Maintenant dans les attendus ou les attentes, je pense que nous vivions une période qui était connue pour sa dureté et l’extrême limite des libertés accordées aux citoyens de s’exprimer, de choisir et de s’investir dans la politique. A présent que les choses semblent s’améliorer, on est entrain de revenir à l’effet contraire et on voit une pléthore de candidatures. Ce qui m’inquiète le plus. Ceux qui, dans les moments difficiles ont essayé de parler, de défendre la vérité et l’intérêt du pays, de dénoncer, ils sont rares et si ces gens ne s’investissent pas on risque de ne pas trouver le changement souhaité et de tomber dans les mêmes erreurs qui ont marqué le pays depuis vingt ans. C’est pourquoi nous nous retrouvons dans ce combat là pour que les patriotes, ceux qui sont vraiment jaloux  de l’intérêt national et aspirent  réellement à la démocratie et veulent l’instaurer avec un Etat de droit, il faut  qu’ils ne soient pas absents dans cette multitude de candidatures et c’est en cela que j’ai voulu que ma candidature vienne renforcer les autres car je ne dit pas qu’elle est la seule.

N.I. : Devons-nous comprendre qu’il y a, dans cette pléthore de candidatures un clan qui est celui de l’immobilisme et un autre qui est celui du changement ?

 

M.O.B. : Vous êtes libres de l’interpréter comme vous voulez mais je ne cite personne en particulier, je dis très sincèrement que dans  cette multitude de candidatures déjà annoncées et que nous connaissons, rares sont ceux qui ont été connus au niveau de l’opinion mauritanienne comme des politiques qui s’investissent dans la vie active du pays et dénoncent ce qui ne va pas, qui essayent de corriger les erreurs. Ils ne sont pas nombreux. Je dis que si on laisse les candidatures à la merci de ceux qui ont toujours fait profil bas, qui ne se sont jamais exprimés pour défendre les intérêts suprêmes du pays, qui n’ont jamais rien dénoncer de ce qui se fait de mal durant vingt ans, qui, pour des raisons ou pour d’autres ont gardé le silence, on parfois même applaudi et soutenu ce qui se faisait, je dis que la Mauritanie ne mérite pas cela et que ceux qui ont eu le courage de défendre le pays, de dénoncer ce qui ne va pas, il faut également que ces gens-là aient voie au chapitre, je pense que c’est un droit. Que vous qualifiez les uns de progressistes ou pas, c’est votre droit mais moi, en tout cas je parle de faits que je constate.

N.I. : Oui, mais n’oubliez pas que c’est votre slogan «l’espoir du changement» qui incarne ce clan ?

 

M.O.B. : Je ne dis pas que je l’incarne seul et je le dis haut et fort très sincèrement, mais je dis que si les Mauritaniens aspirent au changement véritable, ils doivent soutenir ma candidatu re car je suis celui qui incarne le plus ce changement dont a besoin la Mauritanie, même si d’autres peuvent également l’incarner.

N.I. : Les résultats des élections sénatoriales rendus publics hier soir montrent la déroute de la CFCD et la montée des Indépendants qu’en pensez-vous ?

 

M.O.B. : Je fais le commentaire suivant : cela est du à la précarité de la coalition que nous avons créée et je remarque cela surtout au niveau de Nouakchott où nous étions la première force au niveau des municipales.  Nous avons engrangé le plus grand nombre de conseillers et  ce sont les indépendants ou les partis hors la Coalition qui l’emporte aux sénatoriales. Donc on pouvait espérer qu’avec le nombre de conseillers que nous avons, nous gagnerions au moins six des neuf sénateurs de Nouakchott. Mais contre toute attente, nous
n’avons pu avoir que trois. Cela veut dire quoi ? Eh bien que nous avons eu beaucoup de défections dans nos rangs, que certains n’ont pas joué le jeu de voter pour la Coalition et je conçois parfaitement que l’argent a beaucoup joué, que l’on a acheté les consciences et les votes des uns et que ceci ne dois pas être tout simplement mis à l’actif des listes Indépendantes. Je soupçonne, moi, le pouvoir de s’être tout à fait investi pour  couper les jarrets à cette coalition qui semblait prendre des proportions inattendues malgré tout ce qui a été fait pour saper les assises des partis politiques en suscitant les candidatures indépendantes. Et comme cela n’avait pas réussi une première fois, il fallait que cela réussisse la deuxième fois et le pouvoir et tous ceux qui gravitent autour de lui ont mis le paquet pour acheter les consciences des conseillers et aboutir aux résultats que nous connaissons.

N.I. : M. le président, au niveau de Nouadhibou votre parti avait déjà connu ce mauvais tour, lorsque le report des voix n’avait pas été fait pour le candidat le mieux placé de la CFCD et qui a fini par perdre la mairie, qu’en est-il ?

 

M.O.B. : C’est une histoire tout à fait simple. Nous avons signé des accords électoraux au sein de la CFCD comme quoi le premier d’entre nous est soutenu par les autres. Mon parti est un parti de principes loin des magouilles et des coups fourrés et comme un autre parti nous a devancé, notre devoir était de le soutenir. Malheureusement, nous avons eu quelques cadres qui n’ont pas suivi pour respecter ce mot d’ordre et je dois dire qu’ils ont été encouragés par tous les autres partis de la Coalition qui les ont incité à se présenter pour dire qu’ils ne soutiennent pas le candidat du parti qui est venu en avant, mais ce n’est pas une raison et nous avons écrit au Wali pour lui dire que notre parti ne brigue pas la mairie et que ceux qui le font ne sont pas des nôtres et nous n’y avons rien à voir. Le parti s’est réuni et il a sanctionné en toute âme et conscience ceux qui ont agit ainsi. Il y a eu des exclusions et nous considérons que la mairie actuellement n’est pas gérée par l’APP car nous tenons avant tout au respect des autres. Cela a créé pour nous des problèmes car on m’a accusé moi de frustrer la base d’une municipalité qu’elle cherchait depuis longtemps (la préférant aux beydanes plutôt qu’aux haratines). Donc tout le monde s’est levé contre nous et lorsque nous avons envoyé une mission sur place elle a été agressée verbalement et on a même voulu la violentée.

N.I. : Pour en revenir à la présidentielle, on présente certains candidats comme étant sous le manteau du Pouvoir. C’est une rumeur grave qui fausse le jeu au départ, qu’en dites –vous ?

 

M.O.B. : Bien sûr que cela fausse le jeu. Même si on fait circuler de telles rumeurs de manière mensongère, cela aura son influence sur l’électorat sachant que notre électorat pense que le devoir est de faire ce que les autorités demandent de faire, à plus forte raison, je pense que ces rumeurs ne sont pas infondées, qu’il y a des choses qui confirment que se ne sont pas des fausses rumeurs, qu’il y a eu des contacts réels de certaines autorités du CMJD pour dire qu’il faut voter dans tel sens. On a essayé de luire le blason du candidat du CMJD au détriment du noircissement d’autres candidatures et nous pensons que ce n’est pas juste. Et si des choses doivent être reconnues pour une armée de métier qui se respecte, c’est que l’officier tient à sa parole. Si on passe à côté, c’est malheureux. S’agissant de notre transition, cela l’entache forcément. Cela l’avait déjà entaché une première fois quand les candidatures indépendantes ont été suscitées, ce qui a contribué à une situation où il est difficile de gérer le Parlement où il n’y a pas une majorité claire qui se dégage, pas de frontières définies entre les parlementaires qui ont été élus dont on ne sait ni qui est progressiste ni qui est réactionnaire, de droite ou de gauche. C’est vraiment la meilleure manière d’arriver à ne rien gérer du tout. De même que ces municipalités où il n’y a aucune majorité qui se dégage quelque part, on a éclaté ces majorités de manière volontaire pour que les communes soient ingérables. Ce que je constate, c’est que le CMJD qui est venu soit disant instaurer une démocratie, nous a créé une situation d’ingérabilité des institutions que ce soit les mairies ou le Parlement et même la présidence.  je ne sais si on a encore le temps, je demande aux autorités de revenir à la raison pour terminer en beauté, s’ils veulent réellement partir et non pas prolonger leur mandat.

N.I. : Qu’en est-il de cette idée de prolongation du mandat du CMJD ?

 

M.O.B. : Je reviens d’une visite au Hodh Charghi où j'ai entendu parler de marches qui vont être organisées là-bas et à Nouakchott pour. On m’a demandé de rentrer car le président du CMJD rencontrait les présidents des partis politiques et on a demandé après moi. C’est vrai, j’ai entendu donc parler de l’organisation de marches de soutien pour la prolongation au pouvoir du CMJD mais je constate qu’il n’en est rien. D’ailleurs dans mon discours de candidature présidentielle j’ai abordé cela pour dire aux militaires de respecter leurs engagements et je pense que personne n’a le droit de décider pour les Mauritaniens pour choisir qui doit les diriger.

N.I. : Une dernière question : Si Messaoud est au deuxième tour, ce sera avec qui ? Ou s’il n’y est pas qui soutiendra-t-il ?

 

M.O.B. : Non, je ne veux pas jouer à ce jeu-là, surtout que la prophétie n’est pas reconnue comme assez courante chez les Messaoud ou les M’barkate (rires). Depuis longtemps j’avais émis des réserves sur la conduite de cette transition et que je voulais bien accompagner les militaires mais pas à n’importe quel prix. Au fur et à mesure que les choses avançaient, les gens ont remarqué que j’avais raison de ne pas donner un chèque en blanc aux militaires. Maintenant ce que je peux espérer pour la Mauritanie, c’est que ceux qui passent au deuxième tour soient les meilleurs pour la Mauritanie. Et si Messaoud n’est pas au deuxième tour, il essaiera en son âme et conscience et compte tenu de l’expérience qu’il a de la Mauritanie et des Mauritaniens de choisir le meilleur candidat pour la mauritanie.

 

Propos recueillis par Mohamed Ould Khattat

 

 

 

 Interview de Messaoud ould Boulkheir
au Calame



Messaoud Ould Boulkheir, président de l’Assemblée Nationale et du parti APP au Calame: ‘’
Le discours inaugural de la session de l’Assemblée nationale est le mien. Si El Arby se l’est approprié, eu égard aux vagues soulevées dans sa majorité, c’est bien par courage et délicatesse qui sont tout à son honneur’’

Le Calame: Vous venez d’être reçu par le président de la République. De quoi avez-vous parlé? Chaque fois qu’il vous reçoit, l’opinion mauritanienne s’attend à une avancée, dans la décrispation de la scène politique…

Messaoud Ould Boulkheir :
On a parlé de choses et d’autres dont, notamment, la décrispation de la scène politique qui est devenue un thème permanent et qui, de mon point de vue, est, aujourd’hui, à portée de main, dès lors que les uns – le président de la République et sa majorité – et les autres – l’opposition – ont pris conscience de l’existence d’une crise politique, qu’ils ont, clairement, affiché leur volonté de dialoguer, pour la résoudre, et qu’enfin, le climat politique et social national et international y incitent urgemment.

Cette audience intervient au lendemain du discours inaugural de la session de l’Assemblée nationale. Ce discours, lu par votre vice-président, a suscité des dissensions, au sein de la majorité présidentielle. Accusé, par ses amis, d’avoir lu votre discours, El Arby s’est fendu d’un communiqué pour en faire sien le contenu. Ce discours était-il le vôtre ? El Arby pouvait-il le lire, sans en avoir parlé au président de la République?

Bien évidement, le discours inaugural est le mien, ès qualité. Si le premier vice-président l’a lu, ès qualité, lui aussi, et n’a pas déclaré, au départ, qu’il le faisait en mon nom; s’il se l’est, enfin, approprié, eu égard aux vagues soulevées dans sa majorité, c’est bien par courage et délicatesse qui sont tout à son honneur, puisque que, après tout, l’Assemblée nationale est une institution de la République tout à fait indépendante, du point de vue de la Constitution, du Pouvoir exécutif et son Bureau peut, tout aussi bien, avoir un point de vue transcendant… Quant à ce que pouvait ou ne pouvait pas le vice-président El Arby, il est plus à même d’y répondre, sans nuances, alors que moi-même, je réponds… pourquoi pas?

Vous avez invité et conseillé le président de la République à entamer le dialogue, avec l’opposition démocratique. Mohamed Ould Abdel Aziz a répondu favorablement mais on ne voit rien venir. Continuez-vous, au terme de cette dernière audience, à espérer l’amorce de ce dialogue, tant souhaité par les Mauritaniens?


Très honnêtement, je suis sorti plus convaincu que jamais: le dialogue est la seule voie de sortie de crise, qui convienne au pays, et mon sentiment, je n’éprouve aucune gêne à le dire, est que le président de la République, Mohamed Ould Abdel Aziz, est tout à fait sincère, en y appelant. Tout en reconnaissant, à chacun, le droit d’y croire ou de ne pas y croire…


Dans sa volonté de dialogue, l’opposition politique serait-elle prête à sacrifier les Accords de Dakar, pour solder la présidentielle de juillet 2009? Contre quoi, alors ?

Les Accords de Dakar ou de Nouakchott ne sont pas antinomiques du dialogue mais, bien au contraire, en constituent la substance, puisque tous les thèmes, et ceux des Accords de Dakar en priorité, peuvent y être discutés: aucun thème n’y est tabou.
Quand à l’élection présidentielle de 2009, elle a été soldée, depuis déjà bien longtemps, et le fait d’en reparler, maintenant ou un peu plus tard, ne change à cette réalité. Ne répondant que de moi-même, je n’ai jamais rien entrepris, politiquement, que dans l’intérêt supérieur de la Patrie dont il faut consolider l’unité, raffermir les liens de fraternité et de solidarité, dans le cadre d’un Etat de Droit véritable, parce qu’ayant pour fondation une démocratie véritable, loin de toute vindicte, de règlement de comptes ou d’amour-propre, à rebours…


Certains cercles croient savoir que le pouvoir retarde le dialogue, pour diviser l’opposition. Selon ces sources, il souhaiterait dialoguer avec l’APP, El Wiam, Tawassoul et, partant, marginaliser le RFD et l’UFP. Etes-vous au courant de ces rumeurs? Accepteriez-vous, si tel était le cas, de discuter avec Mohamed Ould Abdel Aziz, sans la COD ? La coalition reste-t-elle suffisamment solide, pour résister à cette entreprise de sape ?


Les cercles? Il y en a tellement qu’on ne sait plus où donner de la tête et donc, forcément, plus l’offre est grande, plus la valeur est moindre. Il ne faut pas, toujours, attribuer, aux autres, la responsabilité de nos propres carences. Pour ne parler que de moi, j’ai décidé de ne plus accepter d’être l’otage des paroles d’autrui. Mon parti et moi-même sommes partisans du dialogue et nous allons y aller, seuls ou avec les autres. N’oubliez pas que mon parti a déjà refusé, seul, d’aller avec tous les autres et il ne l’a jamais regretté. Si, demain, il est condamné à devoir partir, seul, il partira seul et je garantis qu’il n’aura pas à le regretter. Je suis sûr que la COD ne saura pas résister à ses velléités internes d’éclatement, aujourd’hui plus fortes que jamais…

Le report des sénatoriales partielles a été interprété, par certains, comme une concession à la COD qui le demandait? Etes-vous de cet avis?

Je suis, effectivement, de cet avis, sans rejeter l’autre interprétation, consistant à accréditer l’hypothèse que l’UPR voulait s’éviter l’humiliation d’une défaite, certaine, consécutivement à ses mauvais choix qui ont généré une multitude de candidatures indépendantes internes.

Après les sénatoriales, la Mauritanie se dirige vers des municipales et législatives, en octobre ou novembre prochain. Sans ce dialogue réclamé de toutes parts – sans un minimum, donc, de consensus national – pourrait-on organiser de tels scrutins?

Je pense avoir clairement suggéré, dans mon discours – objet de votre seconde question – l’idée que de telles élections gagneraient à être retardées, pour deux raisons fondamentales. A savoir: le problème d’un état civil fiable, d’une part, et, d’autre part, l’absence d’un code électoral consensuel.

Votre parti enregistre, depuis peu, quelques remous. Des cadres vous accusent de «déviationnisme», de vous opposer à la renaissance du mouvement El Hor dont vous êtes un des membres fondateurs. A votre avis, El Hor a-t-il accompli sa mission?

N’en déplaise à nos adversaires, il ne s’agit, tout au plus, qu’une tempête dans un verre d’eau, puisque, on le voit bien, il n’y a pas sujet à débat, quand on demande, à un président d’un parti politique national, en quête du pouvoir, de s’appuyer, exclusivement, sur une communauté ethnique ou sociale, à l’exclusion de toutes les autres. Bien évidemment, El Hor a accompli sa mission qui consistait à attirer l’attention sur un problème réel que tous voudraient occulter – les victimes autant, sinon plus, que tous les autres – et à engager les pouvoirs publics et la société civile, à lui trouver les solutions les plus appropriées et les plus justes.
Aujourd’hui, ce qui, hier, était considéré, exclusivement, comme le problème de Messaoud et de ses amis, est devenu un problème national. Que peut-on demander de plus, sinon prendre, par la main, tous les autres et travailler de concert avec eux, dans l’unité et la fraternité, au lieu d’exacerber les différences et cultiver la haine?

Pour ces cadres, la situation des Haratines n’a pas changé au point de justifier la disparition du mouvement. Vous n’êtes pas de leur avis?

Le Mouvement n’avait pas vocation de faire disparaître, par lui-même, même s’il le pouvait, les inégalités et les injustices. Ceci est le rôle du pouvoir et du temps…

Certains observateurs voient, en cette fronde, une guerre de positionnement, pour votre succession. Pensez-vous, comme certains, que les frondeurs bénéficieraient du soutien du pouvoir en place, pour vous affaiblir?

Encore une fois, apprenons à nous regarder, vraiment, en face et assumons nos propres tares… Mais ne s’érige pas leader qui veut, sauf dans son propre esprit…

Cette contestation, au sein de l’APP, intervient au moment où l’épineuse question de l’esclavage resurgit, avec force, grâce à l’IRA et à SOS- Esclaves. Que pensez-vous du combat que livre Biram et ses amis? L’avez-vous rencontré personnellement?

Depuis le 5 mars 1978, le problème de l’esclavage a accommodé toutes les sauces de chacun des Mauritaniens, puisqu’on en disait que c’est un fond de commerce, pour ceux qui en parlent comme d’un phénomène réel, ce qui en faisait, par voie de conséquence, une autre affaire commerciale, pour ceux qui n’y voient qu’un phénomène imaginaire… Donc, qu’on l’accepte ou pas, le problème de l’esclavage n’a jamais cessé, depuis cette date, d’être posé; avec le président Maaouya; durant la transition, avec le président Ely Ould Mohamed Vall; puis avec le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Ce à quoi l’on assiste, actuellement, notamment à travers certaines interventions de l’IRA, du militant anti-esclavagiste Biram, n’est pas à dissocier de la manière très douteuse, pour ne pas dire plus, dont les autorités publiques traitent les dossiers dont ils sont saisis, en la matière. L’absence d’évolution des procédures, malgré l’existence d’une loi criminalisant les pratiques d’esclavage, a conduit à cette surenchère et, surtout, à une certaine radicalité du discours qu’on pouvait éviter. Je suis, donc, solidaire de l’engagement militant de Biram, sans partager, cependant, la virulence de son discours, et c’est une position que j’ai, déjà, eu à lui réaffirmer, les yeux dans les yeux.

Dans le cadre de la campagne visant à doter le pays d’un état-civil fiable, le gouvernement vient de lancer l’opération dite «enrôlement pour sécuriser les populations». Il y a beaucoup de supputations, à cause, certainement, du déficit notoire de communication. Que pensez-vous d’une telle opération?

Je regrette mais comme vous le dites, je suis, moi-même, en déficit d’informations, à ce sujet, et j’attends d’être davantage informé, pour répondre, de façon satisfaisante, à votre question. Je retiens que, d’ores et déjà, beaucoup de plaintes me parviennent, quant aux difficultés des procédures exigées.

Une telle opération doit constituer le socle de la démocratie, parce qu’en principe, ce recensement doit servir à la mise sur pied d’un fichier électoral consensuel. Les partis politiques ont-ils été informés, par le pouvoir, avant d’engager l’opération?

J’ai été, personnellement, invité au lancement de l’opération, invitation que j’ai, d’ailleurs, déclinée, mais je ne suis pas au courant d’autres informations parvenues à mon parti.

Pour contenir la flambée, incessante, des prix des produits de première nécessité, le gouvernement a ouvert les boutiques «solidarité 2011». A votre avis, cette intervention est-elle de nature à juguler le phénomène?

Je suis loin de le penser et je l’ai dit, les yeux dans les yeux, au président de la République qui s’est dit disposé à recevoir toute autre proposition permettant d’atteindre l’objectif visé, sans susciter des dysfonctionnements encore plus graves, pour le pays et son économie.

Ne craignez-vous pas que l’onde de choc de la révolution qui sévit dans le monde arabe, ne touche notre pays? Que la mort de Ben Laden ne radicalise AQMI?

Si aucun homme n’est une île, aucun pays ne l’est également, dans l’absolu. Nul ne peut se dire ou se croire, totalement, à l’abri de ce qui se passe en quelque point du globe que ce soit. La Mauritanie, pays africain, arabe, maghrébin et musulman, ne peut se dire ou se croire en dehors de toute influence d’une vague révolutionnaire, commencée au Maghreb et propagée, jusqu’au Machrek, voire en Occident (Espagne). Il faut, seulement, espérer que, d’une part, l’amour du mimétisme n’entraîne pas les jeunes et les moins jeunes, à s’engager dans la voie de l’aventure et du chaos, conséquence du langage de la rue, et souhaiter, d’autre part, que le pouvoir cesse d’opposer l’indifférence, aux aspirations, légitimes, des masses. Enfin, je crois, pour ma part, que le terrorisme est programmé pour survivre à Ben Laden, par AQMI interposée ou autres. Qu’Allah nous en préserve!

Propos recueillis par Dalay Lam
Source : Calame

 

 

 

Compte-rendu de l'interview de Messaoud Ould Boulkheir sur Al-Arabiya

 

Posté le 24 March 2007 à 20:32:53 CET

24 mars 2007 : Compte-rendu de l'interview de Messaoud Ould Boulkheir sur Al-Arabiya

Ould Boukheïr à la chaîne Alarabiyah : Le Rassemblement des Forces Démocratique
avait voulu conclure un accord secret afin de prolonger la période transitoire, cela en contrepartie de la Présidence du Conseil des Ministres;

Messaoud Ould Boulkheïr, ancien candidat à l’élection présidentielle en Mauritanie s’en est pris au Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD), au motif d’avoir prémédité la conclusion d’un accord secret avec le Conseil Militaire, moyennant l’obtention du poste de Premier Ministre.

Et Ould Boulkheïr de déclarer, lors d’un entretien avec Alarabiyah : « Nous détenons des preuves certaines que le Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD) et ses soutiens étaient prêts à occuper la fonction de Premier Ministre sous une Présidence prolongée du Conseil Militaire. »

En réplique aux rumeurs visant son parti après sa décision de soutenir le candidat Sidi Ould Cheikh Abdallahi, il précise qu’il « n’admettra pas de surenchère sur son patriotisme ni la sincérité de son engagement d’opposant », ajoutant qu’il fut le premier à contester Ould Taya : « Tous m’ont rejoint dans
l’opposition, avant le début de la démocratisation mais il existe des groupes intéressés à semer le doute sur mon abnégation et mon intégrité par le moyen de journaux rompus à la réclame et un certain talent dans la déformation de la parole des gens, sur l’Internet et les messageries de téléphone portables.


Or, se ils souviennent, tous, combien ils s’empressaient de tomber dans le giron du pouvoir déchu, cela au travers de l’initiative de dialogue d’Ahmed Ould Sidi Baba, qui inaugura le processus de la reddition, de la part des prétendus premiers adversaires du régime d’alors. Donc, le Rassemblement (RFD) a renié des postures où il concevait le plus haut degré de défi à l’ordre ; ainsi, il ne désignait pas Moaiwiya Président de la République mais, dès cette initiative, il commença à l’appeler Président de la République.

Le leader de l’Alliance Populaire Progresssite (APP) révèle qu’au lendemain de l’éviction de Ould Taya, il croyait retrouver, enfin, des camarades parmi les opposants auto-proclamés, pour coordonner les positions envers le Conseil Militaire mais « j’ai décelé chez eux l’inverse : des personnes sans principes, dépourvus d’orientations claires, en déficit d’opposition résolue. Cette situation m’a déçu et déconcerté. En conséquence, j’ai opté, à cette étape du cheminement, pour choisir en toute liberté et lucidité, le sens adopté par mon parti et il n’y a nul regret à cela ».


Source :
Sahara Media,
Traduction : Service presse
Cridem

 

 

CONFIDENCES DE : Messaoud Ould Boulkheïr
Président de l’Alliance populaire progressiste (APP)


Leader historique du mouvement El-Hor, voué à la promotion des Haratines (esclaves affranchis), Messaoud Ould Boulkheir (65 ans) dirige aujourd’hui l’Alliance populaire progressiste (APP), l’un des principaux partis mauritaniens. Jusqu’au début de ce mois, il assurait également la présidence tournante de la Coalition des forces du changement démocratique (CFCD), qui regroupe onze formations issues pour la plupart de l'ancienne opposition au régime de Maaouiya Ould Taya. De passage à Paris, il analyse le processus démocratique engagé par les nouveaux maîtres du pays.


« La junte mauritanienne doit rester un arbitre»

JEUNE AFRIQUE :   La transition démocratique mise en place par le Conseil militaire pour la justice et la démocratie (CMJD) devrait se traduire, en mars 2007, par la remise du pouvoir aux civils...


MESSAOUD OULD BOULKHEIR :
Dès le lendemain du putsch contre Ould Taya, mon parti, comme l’ensemble de la classe politique, a soutenu le programme de transition annoncé par le CMJD. Avec d’autres responsables nationaux, j’ai accepté de me rendre à Bruxelles pour défendre auprès de l’Union européenne le changement qui venait d’avoir lieu, parce que le coup d’État avait mis fin à vingt et un ans d’autocratie.
Nous avons demandé aux Européens de ne pas sanctionner la Mauritanie, mais en précisant bien que notre soutien cesserait si les promesses du nouveau régime n’étaient pas tenues. Depuis, mon parti a été amené à exprimer des réserves sur telle ou telle question ponctuelle, mais, dans l’ensemble, nous avons suivi le mouvement. Nous avons notamment approuvé le calendrier électoral (législatives et municipales en novembre prochain, sénatoriales en janvier 2007, présidentielle au mois de mars suivant) et voté, en juin, un certain nombre d’amendements constitutionnels (réduction de six à cinq ans de la durée du mandat présidentiel, désormais renouvelable une seule
fois). Hélas! depuis la mi- septembre, tout a changé: on assiste à une violation flagrante de l’esprit et de la lettre du programme de transition.

En quoi consiste cette violation?

Les plus hautes autorités de l’État ont entrepris d’encourager et de soutenir les candidatures indépendantes aux différents scrutins, au détriment de celles émanant des partis.

Le président Ely Ould Mohamed Vail juge cette attitude antidémocratique. Il vous accuse de refuser
au citoyen le droit de se présenter hors d’un cadre partisan...

C’est un amalgame inacceptable. Lors des récentes « journées de concertation nationales », mon parti s’était, avec d’autres, opposé à la légalisation des candidatures indépendantes. Parce que dans un pays encore très marqué par les antagonismes tribaux, ethniques et régionaux, de telles candidatures nous semblaient nuisibles à la démocratie. Pourtant, pour préserver le consensus autour de la transition, nous avions fini par accepter la proposition de la junte. Le problème ne vient donc pas du principe même de ces candidatures indépendantes, mais de la partialité manifeste du chef de l’État, qui tente de convaincre certains notables de quitter leurs partis respectifs et de se présenter en candidats indépendants

En avez-vous la preuve?

Sur les onze formations qui composent la CFCD, six ont été victimes de défections suscitées par le chef de l’État. L’ex-majorité présidentielle, à commencer par le Parti républicain démocratique pour le renouveau (PRDR), a été la plus durement touchée. Cette ingérence des pouvoirs publics a conduit la quasi-totalité des partis, toutes tendances confondues, à se regrouper au sein d’un forum baptisé Rencontre nationale pour la défense de la démocratie (RNDD). L’objectif est de convaincre le CMJD de s’en tenir à son rôle d’arbitre.

Les membres de la junte et ceux du gouvernement ont renoncé à briguer quelque charge élective que ce soit pendant toute la durée de la transition. Pourquoi chercheraient-ils aujourd’hui à fausser le jeu?

En devenant des acteurs du jeu électoral, ils veulent manifestement avoir leurs élus au
Parlement. Et pourquoi pas, demain, avoir leur candidat « indépendant » à la présidentielle. Le processus démocratique serait alors vidé de sa substance. Nous serions revenus à la case départ.

Propos recueillis par Abdallah Ben Ali  - Source : JEUNE AFRIQUE N° 2388-DU 15 AU 21 /10 /06

 

 

 

     Interview de Messaoud Ould Boulkheïr à l'occasion des élections  présidentielles 2003

 

    Je suis né en 1943 ou plus exactement vers 1943 à FARA el KITANE, une localité située à 50 kilomètres au sud de Néma. Néma est le chef-lieu du HOD EL CHARGHI, une région de l’extrême sud-est de la Mauritanie, limitée à l’est et sud par le Mali, ex-territoire du Soudan français.

    .A cette époque l’état civil était presque inconnu dans le pays et plus particulièrement dans les zones de brousse, souvent éloignées des centres administratifs coloniaux.

     Je suis né de parents Haratines, c’est-à-dire de parents Noirs ( sûrement d’origine négro-africaine ), devenus esclaves des Arabo-berbères de race blanche ( communément appelés bidhanes ), auxquels ils ont été totalement assimilés du point de vue de la langue (le hassania, arabe dialectal), du mode de vie (nomade), de la culture et de la civilisation (avec, toutefois, certaines nuances tout à fait caractéristiques de leur très lointaines origines dont ils n’ont jamais plus gardé, dans leur écrasante majorité aucun souvenir.) Je suis membre de la petite collectivité maraboutique dite AHEL TALEB ETHMANE, aujourd’hui encore recensée dans le département central de Néma

    Les rapports de mes parents avec leurs maîtres étaient des plus ambigus : statutairement esclaves, mes parents n’étaient cependant pas attachés directement à leurs maîtres et vivaient en totale autonomie par rapport à eux. Comme tous les Haratines de l’époque (et même aujourd’hui), ils vivaient d’agriculture (cultures fluviales de l’oued Fara el Kitane, justement), d’élevage et de cueillette. Mon père pratiquait aussi la chasse à courre et à la trappe. Ma famille n’était pas assez grande et était plutôt assez bien lotie : elle possédait une tente noire en laine de mouton, du mobilier traditionnel standard de l’époque, quelques têtes de chèvres et de moutons, des animaux de bât (surtout des ânes.) Elle était composée, outre le père et la mère, d’une soeur utérine, l’aîné des enfants et de trois frères germains dont je suis le deuxième.

    Il y avait, en outre, mes deux grands-mères (maternelle et paternelle) un oncle maternel (plus âgé que ma mère) et une tante paternelle (plus jeune que mon père), qui constituaient la structure de ma grande famille.

 

    Les péripéties de mon entrée à l’école française

    Mon souvenir le plus lointain remonte à cette matinée de fin septembre ou début octobre 1950 où, alors que je me trouvais en compagnie de mon frère aîné au milieu de notre troupeau de chèvres et de moutons, je fus surpris de l’entendre presque crier ces mots , d’une voix pleurnicharde:>

    A peine avais-je eu le temps de me retourner, que je me vis arraché du sol par mon ravisseur, lequel, en quelques pas, poussé par le deuxième ravisseur resté sur la selle, partit en grandes foulées au milieu de mes pleurs et de mes cris ainsi que ceux de mon, frère. Ce dernier nous avait poursuivis, autant que le lui permettait son handicap inhérent à des séquelles de syphilis et le terrain particulièrement rocailleux parce que collinaire ; cependant, je ne pouvais pas l’apercevoir, masqué que j’étais par mon ravisseur qui bouchait mon horizon à l’arrière. Nos pleurs et nos cris se répercutèrent longtemps dans la vallée.

    Plus tard, je devais apprendre mes ravisseurs n’avaient été perçus par personne d’autre que nous, malgré la proximité de notre campement, à peine distant de deux kilomètres. L’alerte avait été donnée par mon frère, longtemps après qu’il se soit exténué à nous poursuivre.

    Notre seule consolation, mon frère et moi, si consolation ce jour là il pouvait y avoir, était que les ravisseurs étaient des membres de la collectivité et non des inconnus. Pour ma part, je n’avais aucune idée des raisons et des objectifs de mon enlèvement.

    Ce fut sous la tente du chef de la collectivité, alors que son épouse s’acharnait vainement à me consoler en me tenant dans les bras, que j’entendis parler, pour la première fois, de l’école à laquelle on semblait apparemment me destiner.
    Le lendemain matin, je fus rejoint à Néma, où j’étais arrivé l’après-midi de la journée de mon enlèvement par mère.
    Elle engagea aussitôt une très vive dispute avec le chef et sa djemaa de bidhanes. Il fut beaucoup question d’école, là aussi, du refus catégorique de ma mère de m’y laisser inscrire. Ce fut grâce à
    l’intervention de la logeuse du chef (une habitante de Néma, qui connaissait donc la réalité de l’école) que ma mère se décida finalement à accepter de me conduire elle-même, entourée du chef et de sa délégation, auprès du directeur d’école, feu Samba DIALLO ( un malien ) pour mon inscription. Son espoir, avait-elle dit, était que

    C’est ainsi que je fus le premier ressortissant de cette collectivité à être admis à l’école des blancs, l’école des français ; à l’époque, l’école était surtout réputée pour être celle des fils de chefs en particulier, de l’aristocratie en général. Si l’objectif déclaré de la puissance coloniale était de se doter de futurs auxiliaires et collaborateurs du terroir, la réalité inavouée était que ces écoles servaient surtout à masquer le recours honteux au système des otages.
    Les chefs les plus turbulents et les plus récalcitrants étaient ainsi soumis au chantage exercé, sur eux, à travers leurs fils laissés en gage d’allégeance aux mains des « infidèles ».

    Pourquoi moi et pas un autre… ?

    L’école française était très mal perçue en milieu maure, où elle était assimilée à l’école religieuse catholique. C’est pourquoi, certaines familles maraboutiques, plutôt que d’y envoyer leurs propres fils, préféraient leur substituer des esclaves, ce qui, à leurs yeux, était tout à fait moral et normal. C’est ce qui explique, en partie au moins, le dévolu porté sur moi, ou plus exactement sur ma famille, car c’est elle que l’on voulait atteindre à travers moi.
    En effet, ma famille était caractérisée rebelle et donc mal aimée par les maîtres bidhanes ; ceux-ci ne manquaient jamais une occasion pour le lui faire sentir. Mes parents en général et ma mère en particulier ont toujours voulu s’assumer, se comporter comme des contrairement à leurs semblables du campement, qui sous prétexte de leur soi-disant infériorité naturelle, se laissaient aller à tous les abus, se dépersonnalisant jusqu’à l’animalité, comme aiment ainsi les voir leurs maîtres, soucieux de cultiver et d’entretenir la qui les séparent des esclaves.

    Ma mère avait deux maîtresses, d’une famille très pauvre, voire misérable. Leur misère était telle que leur cousin avait tendance à les déconsidérer. Ma mère, plus par générosité que contrainte et forcée,
    s’était dépensée sans compter pour les soutenir, veillant à ce qu’elles soient nourries, habillées et entretenues convenablement, comme il seyait à leur position sociale. Elle s’était tant et si bien occupée d’elles que l’aînée des sœurs finit par être épousée par le chef de la collectivité.
    Contrairement à toute attente, la nouvelle reine, au lieu d’être reconnaissante envers son obligée servante, n’avait plus cessé de la jalouser et de la combattre. Elle réussit même à faire adhérer, à sa jalousie et à sa haine, ses cousins les plus proches, qui convinrent, un jour, d’une expédition punitive contre ma famille. Ma mère fut purement et simplement lynchée en public et quasiment laissée pour morte, baignant dans son sang au milieu des flammes et de la fumée. Sa tente et tout son mobilier avaient été incendiés, ses animaux soit abattus, soit répartis entre les agresseurs, ses perles précieuses détruites ou redistribuées, etc. Se fut un véritable carnage.

    Revenue à la vie, sans rien changer à son état de délabrement physique et vestimentaire, elle s’était rendue à Néma pour se plaindre à l’administration coloniale. Cette dernière, bien que se rangeant rarement du coté des esclaves ou des Haratines, victimes des mauvais traitements de leurs maîtres, tuteurs ou simplement en rupture avec eux, face à l’atrocité des blessures de ma mère sur laquelle ses tortionnaires s’étaient acharnés sans aucun scrupule, avait non seulement exigé de réparations immédiates (restitution et remboursement des biens détruits ou disparus) mais également décidé que la plaignante, ainsi que toute sa famille, seraient dorénavant libres de toute sujétion. Il fut suggéré à ma mère de s’installer à Néma, pour éviter d’éventuelles représailles, ce qu’elle rejeta, fermement décidée qu’elle était à s’assumer et s’imposer dans son milieu.

    C’est ainsi que ma famille, pour prix du sang versé par ma mère, fut la seule femme Haratine de sa collectivité à bénéficier, à l’époque, du statut administratif de « famille », à être recensée distinctement des maîtres bidhanes, donc à payer ses impôts… C’était en 1942 ou 1943. On dit qu’au temps où se déroulaient ces événements, j’étais âgé de 12 mois. Rebelle et indépendante mais poursuivie par la haine d’une femme influente, ma famille était donc une proie toute désignée… Il est à noter pour
    l’histoire mais aussi pour la morale de cette affaire, que l’instigatrice de l’expédition punitive contre ma famille est morte, il y a quelques années, sur le lit de mon jeune frère ; les dernières années de sa vie ont été exclusivement consacrées au service de notre famille. Elle y a joué tous les rôles : mère protectrice, sœur, fille, et … esclave. Quant au plus féroce de ses cousins, il est actuellement installé à Médine où il s’était rendu depuis cette affaire, fuyant ainsi les sanctions administratives. J’ai abrogé en moi, toute haine et tout esprit de revanche, de mon pèlerinage en 1984.Il m’a accueilli comme un fils et m’a entouré de tous les soins, y compris celui de me masser en personne malgré mes vives et sincères protestations.

    S’agissant maintenant du ravisseur qui m’a arraché du sol, il me rend jusqu’ici visite à Nouakchott, chaque fois qu’il y est de passage, le deuxième étant décédé peu de temps après l’enlèvement.

    Ma vie d’écolier

    A l’époque il n’y avait que deux écoles, de trois classes chacune, dans toute la région. L’une était installée à Timbédra et l’autre à Néma, les deux villes étant distantes d’une centaine de kilomètres. Les trois classes de école correspondaient respectivement au cours préparatoire (2ans), et au cours moyen (2ans). A l’école de Néma que je fréquentais, il y avait une cantine scolaire pour les élèves venus de la brousse comme moi. Nous y avions droit aux trois repas du jour : petit déjeuner, déjeuner et dîner ; nous avions droit aussi à une tenue une ou deux fois en année scolaire composée d’un boubou et d’un saroual en percale blanche. Nous logions en ville chez les correspondants de nos familles, voire de nos tribus.

    Ma correspondante était une femme assez âgée, de la tribu des Tadjekante. Elle avait sa maison dans le quartier de Néma, dénommé Délouba. Elle était veuve ou divorcée et vivait seule avec son fils âgé de 25 à .30 ans, souvent malade et absent. Nos enseignants étaient surtout des africains : sénégalais, maliens et mauritaniens. Le régime scolaire était très sévère. Nous étions battus par les maîtres. Le châtiment était parfois des plus atroces.

 

    Je n’avais comme encadrement que celui des maîtres, quand j’étais en classe. Ma logeuse était incapable de m’encadrer, d’abord parce qu ‘elle n’en avait aucune envie et ensuite parce qu’elle me voyait très rarement. Coupé brutalement de mes parents, de leur amour, de leur chaleur, du contact des proches et des amis, j’avais très tôt ressenti tous ces besoins, d’où ma tendance à changer souvent de correspondant, recherchant de nouveaux amis, la chaleur et l’amour perdus, etc.… Je n’étais pas un mauvais élève, mais seule la peur du châtiment corporel m’astreignait à une certaine assiduité ou sérieux. A mon âge, dans mon isolement, ma solitude, mon abandon et au milieu de l’indifférence général, il n’y avait que cette peur pour me guider, me conseiller, me raisonner, me tenir compagnie.

    Ma scolarité primaire s’était déroulée normalement seulement entrecoupée par le décès de ma mère, en septembre ou octobre 1953 ou 1954, puis de mon père en mai ou juin 1954 ou 1955.Bien évidemment, j’avais ressenti très douloureusement ces pertes et j’avais dû les affronter seul, sans presque personne pour me consoler.

    Dans le désarroi et la solitude de mes pensées puériles, j’avais décidé de ne plus adorer cet Allah
    (qu’Il me pardonne). Qui, coup sur coup, m’ôtait subitement le seul sentiment de réconfort que j’avais, à savoir : revoir de temps à autre mes parents. C’est en 1967, à l’âge de 24 ans, que j’ai levé cette mesure…

    J’ai obtenu mon C.E.P.E. (Certificat d’Etudes Primaires Elémentaires) en 1956 et réussi mon admission au concours d’entrée en sixième en 1957.

    Mon expérience au Collège Xavier Coppolani à Rosso (Sud-ouest de la Mauritanie) a été de courte durée.
    L’entière liberté découverte au Collège y avait beaucoup contribué : liberté de sécher les cours, liberté de répartie au professeur, liberté de fumer, d’entrer, de sortir, de faire ce que je voulais… C’est-à-dire tout ce dont j’avais été frustré à l’école primaire. Mon enfance brisée, comprimée, confinée n’a pas tardé à resurgir à la première occasion.
    C’est ainsi qu’après avoir redoublé ma sixième, je fus exclu définitivement à la rentrée scolaire 1959/1960. Bien que reconnaissant tout à fait ma part de dans cette exclusion, je demeure convaincu aujourd’hui que si j’avais été bidhane, elle m’aurait été évitée.

    Comme un malheur ne vient jamais seul, ce fut également au cours de cette même année que je perdis mon unique sœur, foudroyée sous notre tente. C’était elle qui, courageusement, avait pris le relais de papa et maman. Elle laissait derrière elle deux petites filles âgées respectivement de trois ans et d’à peine une année. Le terrible retour du bâton…

    Le choc de mon renvoi avait été terrible. Brusquement j’avais réalisé que mon expérience d’écolier avait été un échec total et donc une très grande déception pour les miens et pour moi ; au fil des ans, en effet, nous nous étions fait à l’idée que ma scolarité n’était pas, après tout, une mauvaise chose. Chacun s’était habitué à y voir un signe du destin. Certes ma mère n’était plus là pour partager notre douleur et notre déception, se rendre compte par elle-même combien ma honte était grande, combien je me méprisais et me haïssait : j’avais réalisé tout à coup que j’étais seul responsable de ce qui
    m’arrivait. Cette culpabilité devenait d’autant plus insupportable que je m’étais trouvé sous la hantise de la trahison de la mémoire de ma mère. Psychologiquement, j’avais côtoyé la mort de très près, la mort que j’entrevoyais comme la seule façon de fuir la honte et l’humiliation.

    Je ne saurai sûrement jamais par quel miracle j’ai pu survivre à cette terrible épreuve de mon renvoi du collège alors que cette mesure était, à mes yeux, synonyme déjà de la mort… pas plus que je ne comprendrai peut-être jamais pourquoi, après avoir lâchement rejeté cette mort, ma vie n’a plus été
    qu’une succession de défis… L’éveil ou la prise de conscience…

    Dorénavant véritablement seul, ne connaissant pratiquement personne, jeune, novice, très peu crédible et, ce qui n’était pas pour me faciliter les choses, hartani de surcroît, je n’avais pas d’autre alternative que de surnager ou périr. M’imposer, me faire accepter, me faire respecter devint une obsession…

    Je compris très vite que cette ambition démesurée pour mon âge et mon niveau et cette rage insatiable d’exister véritablement passaient d’abord et avant tout par moi-même : Il fallait que je
    m’assumasse pleinement, que j’aie confiance en moi-même, que je m’imposasse obligatoirement à tous. Pour cela, il fallait être cultivé, sérieux, compétent, travailleur, honnête, juste et droit ; ne pas mentir, ne pas médire, s’élever au-dessus des bassesses, ne jamais s’y impliquer, être courageux et même au besoin téméraire. Etre un adolescent parfait en attendant d’être un parfait homme, voilà ce qu’il me fallait pour être accepté par les autres, à défaut de pouvoir m’imposer à eux ! Mon combat a donc toujours été contre moi-même avant d’être contre les autres : Sortir coûte que coûte du néant, de
    l’anonymat, de l’inexistence !

    Ma soif de culture générale, celle de la vie en particulier, ne trouva à s’étancher qu’à travers la lecture qui fut, pendant de très longues années, mon passe-temps favori. Je lisais tout ce qui me tombait sous la main et j’écoutais beaucoup la radio, attentif à tout ce qu’elle pouvait diffuser. J’étais tout à fait attentif à écouter les autres surtout quand ils font étalage de leurs connaissances et de leurs expériences quelles qu’elles soient.

 

    Une carrière administrative vite commencée…

    Je fus, à la suite d’un petit test de sélection, retenu pour remplir des tâches de bénévole au secrétariat du Cercle de Néma, immédiatement après mon exclusion. Très vite donc le chef du secrétariat du commandant de cercle put se décharger sur moi en ce qui concerne de nombreuses tâches courantes : enregistrement du courrier, dactylographier du courrier non confidentiel, etc.

    En décembre 1959, un concours direct fut ouvert au niveau national pour le recrutement de commis ou secrétaires d’administration. J’y participais naturellement avec toutefois un coup de pouce du Commandant de cercle français de l’époque qui avait accepté mon inscription parmi les candidats alors que je n’avais pas l’âge requis de 18 ans. L’opération avait consisté à informer, par message radio, de ma candidature en spécifiant que le dossier suivrait.

    Le concours se déroula le 10 décembre sur toute l’étendue du territoire. Il fallait cependant attendre presque sept longs mois avant d’apprendre les résultats. Ce n’est qu’en juin ou juillet 1960 que l’arrêté proclamant les résultats et portant affectation des admis parvint à Néma. Je faisais partie des heureux élus et j’étais muté à Atar, en Adrar, à l’autre bout du monde, dans le nord tout à la fois craint et abhorré par les populations du sud-est de la Mauritanie à cause de ses rezzous meurtriers et surtout à cause de ses rafles d’esclaves qui n’ont jamais visé que les Haratines.

    J’arrivai donc à Atar le 21 juillet 1960. J’étais plus que jamais désemparé, désorienté, complètement isolé et perdu jusque pour moi-même dans un environnement et parmi un monde à la fois inconnu et qui, de surcroît, me faisaient peur.

    Présenté au Commandant de cercle, Monsieur Vésy, un français aussi, celui-ci s’était exclamé : > Il
    m’avait accordé trois jours de repos, peut-être pour me remettre des fatigues du voyage particulièrement éprouvant par la route à l’époque, mais peut-être aussi pour me donner le temps de me remettre de mes émotions.

    L’indépendance du pays fut proclamée quelques mois après : le 28 novembre 1960. Les compétences des autorités administratives – commandants de cercle, adjoints et chefs de subdivision- furent transférées peu après à des administrateurs nationaux Bidhanes et Négro-africains.

    Affecté à la subdivision centrale d’Atar, je m’étais retrouvé sous les ordres à la fois du chef de subdivision et d’un secrétaire plus ancien et plus expérimenté que moi ; tous deux étaient des Bidhanes. Au bout de quelques mois (je n’ai aucune idée de leur nombre) je m’étais retrouvé seul face au chef de subdivision et surtout face à mes responsabilités, le premier secrétaire ayant été muté au cabinet du commandant de cercle, au premier et seul étage de la bâtisse qui abritait les deux administrations territoriales.

    et très mouvementée…

    Le premier défi existentiel me mit aux prises avec le commandant de cercle de l’Adrar lui-même, feu Ibrahima KANE, à Atar.

    Un garde très fouineur et très envahissant lui ayant rapporté que > il m’avait convoqué dans son bureau et avait exigé que je lui présentasse mes excuses devant témoins : le commandant de la brigade de gendarmerie (un français encore) et le garde en question.

    Ayant considéré que la manière et la forme étaient trop vexatoires, voire humiliantes, j’ai refusé net de présenter mes excuses et ce après avoir confirmé les propos rapportés par le garde. Il me renvoya sèchement de son bureau en me traitant de tous les noms et m’interdit de remettre les pieds dans les lieux, jusqu’à nouvel ordre.

    J’étais stagiaire et mon renvoi était quasiment automatique, mais je l’avais préféré à l’humiliation.

    Il mit un point d’honneur à me faire revenir sur ma position, alternant les pressions extérieures et les siennes, la persuasion et les menaces, le tout en vain.

    A l’issue d’une ultime convocation et constatant qu’il ne m’impressionnait pas du tout, il m’avait enjoint de rentrer chez moi en me tenant ces propos : >

    Une ou deux années après ce généreux conseil, je fus muté par décision de Nouakchott dans le sud du pays, dans le Brakna, à Boghé.

    Le désappointement du commandant de cercle avait été tel qu’il m’avait sommé de quitter Atar, le lendemain même. La providence fit qu’il tomba la même nuit une très forte pluie (on était en août 1962) qui provoqua la fermeture de la seule piste ou route. Informé de ce contretemps, le commandant de cercle décida de me céder sa place dans l’avion qui partait le même jour, mettant un point d’honneur cette fois à me faire >

    Venu à l’aéroport, accompagné de son épouse, pour me voir embarquer dans l’avion en partance pour Nouakchott, il fut certainement surpris de me voir venir à eux et de m’entendre dire, en lui tendant respectueusement la main : >
    Il avait retenu ma main et m’avait dit : >

    Pourquoi cette réaction de ma part ? La réponse, je l’ai déjà donnée plus haut : Mes défis et mes combats ont toujours été contre moi-même, pour me forger un caractère, une personnalité, être un homme, atteindre mes propres limites. Je n’éprouve généralement ni haine ni rancune pour mes contradicteurs, car dans mon esprit ils n’ont occupé qu ‘une place tout à fait secondaire, fortuite, par rapport à celle, très principale, permanente, qu’occupe mon Ils ne sont pour moi qu’un champ expérimental, jamais recherché mais rencontré, par hasard…

    Je surprends toujours ceux qui me connaissent par mes colères orageuses qui tombent aussi vite
    qu’elles apparaissent.
    A Boghé et Aleg, de 1962à 1968 (avec toutefois une interruption de 6 mois de stage à Nouakchott), à Aïoun et Atrouss, de mai ou juin 1968 en décembre 1969 et à Tichit, de mars en décembre 1970, j’ai eu de nombreux défis à relever face aux différentes autorités administratives sous les ordres desquels
    j’avais été successivement placé. Les frictions nombreuses que j’ai eues tout au long de ma carrière administrative étaient toutes inhérentes aux mentalités de mes chefs tous issus de milieux aristocratiques ou bourgeois- qui avaient tendance à ne voir en moi qu’un esclave secrétaire. Mon âge et ma condition sociale les y encourageaient objectivement.

    Mes réactions les surprenaient et les révoltaient toujours, considérant ma fierté, mon assurance et le sentiment général de liberté et d’aisance que je dégageais, pour de l’arrogance.

    Il me souvient par exemple qu’ayant un jour fort contrarié mon chef, le préfet feu Cheikh DIALLO, dans son bureau, il était allé jusqu’à menacer de me gifler si je répétais le propos en cause. Sans aucune hésitation, je l’avais répété. Le préfet s’était levé fou furieux de son fauteuil, avait fait le tour de la table, s’était planté devant moi et avait levé le bras pour apparemment m’asséner la gifle promise. Il avait hésité une fraction de seconde et avait rabaissé le bras, l’index pointé en avant et, l’appuyant légèrement sur ma tempe, s’était étonné : >

    D’un amour propre très chatouilleux, j’avoue de côté qu’il m’est souvent arrivé de me formaliser pour des rien, y percevant parfois une volonté maligne de la part de mes contradicteurs, ce qui ne saurait être toujours vrai.

    Parfois aussi certains abus délibérés de mes chefs, envers les administrés, généralement des haratines dans ces cas, m’avaient poussé à engager ouvertement les hostilités.

    A l’issue du stage effectué à Nouakchott entre 1964 et 1965, nous étions 10 à être reçus au concours de fin de stage et promus au grade de rédacteurs de l’Administration générale (cycle B) pour compter du 1 janvier de l’année suivante (1966.) J’avais été reçu major de la promotion, ce qui ne m’épargna pas, cinq ans après, à Maghama, au Gorgol, de me retrouver sous les ordres d’un promotionnaire catapulté préfet alors qu’il était classé sixième de la promotion.
    Lui, bien évidemment était d’une famille aristocratique (chef d’une tribu) alors que moi je n’étais qu’un fils d’esclave.

    Mes vigoureuses protestations écrites eurent pour conséquence mon affectation, en juillet 1972, en qualité de chef d’arrondissement d’une localité sans population et sans eau, Temessoumitt (département de Moudjéria) au point d’intersection des régions de l’Adrar, du Trarza et du Tagant dont elle dépend administrativement.
    Cette promotion, parce qu’elle était tardive et au n’avait réussi qu’à renforcer en moi le sentiment
    d’injustice et de discrimination que j’ai toujours au contact de l’Etat et de ses représentants.

    Contraint et forcé de résider à Moudjéria, j’eus des problèmes avec mon chef direct, le préfet du département, feu Ismaïl Ould ABOUMEDIANA. Mis au courant de la situation qui prévalait entre nous, le pouvoir central me muta à Ouadane, en Adrar, un arrondissement perdu lui aussi dans le désert, mais beaucoup plus vivant que Temessoumit.
    En mars/ avril 1975, je fus convoqué à Nouakchott pour suivre un stage de perfectionnement (recyclage) de quatre mois à l’issue duquel je devais être enfin nommé préfet. Une fois à Nouakchott
    j’appris que ce recyclage était parallèle à un autre de même durée qui préparait au concours d’entrée au cycle A Court de l’E.N.A. (Attachés d’administration générale) je fis aussitôt part au ministère de
    l’Intérieur de mon souhait de préparer le concours d’entrée à l’ENA.

    Le ministre en personne me convoqua et tenta de me persuader de ne pas renoncer à ce pour lequel il m’avait convoqué, allant même jusqu’à me rappeler que je n’étais pas sûr de réussir mon entrée à
    l’école Nationale d’Administration. La pression était de taille, mais je la balayai en ces termes : > Voyant qu’il prêchait dans le désert, il utilisa son ultime arme en exigeant de moi une démission écrite du corps de commandement. L’objectif de la manœuvre était clair là aussi : En cas d’échec au concours
    d’entrée, il ne serait plus question de me reprendre dans le commandement et ce serait par ma seule faute.

    J’acceptai néanmoins de lever le défi en signant ma démission.

    Le résultat fut qu’à la rentrée, un cycle nouveau, le cycle A Long (Administrateurs civils bilingues) était introduit à l’ENA. Les conditions pour y entrer était pour le professionnel que j’étais, les mêmes que pour le cycle A Court. Le concours direct concernait quant à lui les bacheliers. Je passai donc les deux concours et je fus reçu aux deux. J’optai pour le A Long, malgré les matières arabes et les mathématiques qui occupaient une part non négligeable de l’enseignement qui y est dispensé et mes limites certaines en ces matières.

    La promotion, les premières, ne comptait que dix étudiants dont neuf bacheliers et moi. La scolarité dura quatre ans. A la sortie, j’avais été classé 3ème de la promotion et je fus immédiatement promu adjoint au gouverneur du district de Nouakchott, chargé des affaires administratives.

    Quatre mois après, je fus nommé préfet central à Rosso où j’eus trois épreuves de force avec les trois gouverneurs qui se sont succédé durant la seule et unique année effectuée en charge de ce département.

    Je fus ensuite promu gouverneur de la région de Gorgol (Kaédi) le 1er janvier 1981. J’y suis resté jusqu’au 10 octobre 1984 et j’eus , là aussi, à relever des défis importants contre des proches du chef de
    l’Etat Mohamed Khouna ould HAIDALLA ; il s’agissait en l’occurrence du commandant Mohamed Lemine ould ZEIN, alors membre du Comité Militaire de Salut National et président de la Commission régionale de ma région et du capitaine MOULAYE Hachem en charge du Commissariat à la sécurité alimentaire.

     

    J’eus également à critiquer ouvertement, dans mes rapports officiels, la politique du Gouvernement.

    J’ai enfin, en deux occasions au moins, fait part directement de ces critiques au chef de l’ Etat lui-même, au cours des deux seules audiences qu’il m’ait accordées, une fois à Kaédi et une deuxième fois à Nouakchott.

    Une fois, au cours d’un déjeuner offert par le même chef d’Etat aux gouverneurs des régions j’eus, durant tout le temps passé avec lui, à lui apporte seul, en présence de tous les gouverneurs, du Premier Ministre (l’actuel chef de l’Etat) et de quelques membres du CMSN, la contradiction à propos de son protégé Moulaye HACHEM, également présent. Le défi était de taille, car jusque là personne
    n’avait osé parler au président Haidalla comme je l’avais fait.

    L’une de mes nombreuses satisfactions morales (j’en rends grâce à Allah) sera certainement le jour où je fus convoqué par le permanent du CMSN, alors que j’étais de passage dans la capitale, pour me féliciter et m’encourager à propos d’un rapport très critique dont une ampliation lui avait été adressée : >

    Muté en octobre 1984 dans la région du Guidimakha, à Sélibaby, je n’eus pas à y effectuer trois mois complets parce que je fus nommé ministre du développement rural dans le gouvernement issu du coup d’état du 12 décembre 1984, qui vit l’avènement du président actuel, le colonel Moaouya 0uld Sid Ahmed TAYA.

    Je fus le premier Hartani revendiquant sa hartanité et la brandissant comme un étendard , à accéder à toutes ces hautes fonctions dans le pays.

     

    Mon entrée dans le gouvernement en 1984 ne devait rien changer à mes comportements, mes relations et mon engagement. Je me suis assez souvent opposé à des points de vue du chef de l’Etat, suscitant tantôt sa colère et tantôt son revirement et son sourire et ceci qu’on soit en conseil des ministres ou seul à seul.

    J’ai en effet toujours considéré que s’abstenir de dire ce que l’on ressentait et surtout ce que l’on croyait était le summum de la lâcheté et de l’hypocrisie

    C’est ainsi que convoqué par le chef de l’Etat en 1986 après la publication du Manifeste négro-africain, j’ai usé de tout mon tact pour tenter de le décolérer . Ma démarche avait consisté surtout, avec force arguments, à lui banaliser la situation. Je lui avais aussi rappelé son devoir de chef de l’Etat qui lui commande, quoi qu’il arrive, de rester serein et d’éviter de se mettre en colère.

    Je suis toujours resté sourd aux thèses racistes de plus en plus affichées, et parfois ouvertement… Je me suis ouvertement opposé à la destitution d’un collaborateur négro-africain, accusé d’appartenir aux Flam et ce en mettant en jeu ma fonction de ministre.

    J’ai enfin ouvertement et clairement dit mon opposition à la politique anti-négro-africaine que je voyais se dessiner et j’ai même mis en garde le ministre en charge de l’Intérieur de l’époque contre un dérapage à l’exemple de celui commis par Sékou TOURE de Guinée vis-à-vis des Peuls. L’idée que mes propos seraient rapportés tels quels au chef de l’Etat ne m’impressionnait guère, bien au contraire…

    Sur un autre plan, j’ai par exemple refusé de recevoir le frère aîné du chef de l’Etat (qui fait la pluie et le beau temps) soucieux que j’étais de lui faire comprendre, qu’en ce qui me concernait, il reste un citoyen ordinaire…

    C’est après avoir vainement tenté de m’instrumentaliser, que j’ai été renvoyé du gouvernement le 18 mars 1988.

    J’ai donc quitté le gouvernement la tête haute, très bien coté par l’opinion nationale et sans avoir jamais été impliqué dans la moindre affaire sale ou douteuse.

    Cette popularité n’a pas semblé n’a pas semblé être du goût du pouvoir, car que peu de temps après, dans le souci de ternir mon image de marque, voire de me briser définitivement, il m’intenta un procès devant la Cour suprême pour… On me reprochait, disait-on, d’avoir ordonné la cession gratuite d’un tonnage d’aliments pour bétail alors qu’il aurait dû être vendu. Je fus condamné à une amende
    d’environ 100 000 francs français que je n’ai jamais acquittée (je n’en ai pas les moyens), peine tombée en désuétude, à cause du délais de prescription.

    Le régime actuel, c’est un secret de polichinelle, s’accommode difficilement des idéalistes ou simplement des gens de principe.

    Ma vocation de militant anti-esclavagiste

    C’est mon oncle maternel qui, alors que j’avais l’âge de 10 ou 11 ans et que j’assistais, durant les grandes vacances scolaires, au recensement de la tribu, en m’informant des injustices que subissait ma famille en matière d’imposition notamment en me demandant d’en référer au chef de subdivision – un français – dans l’espoir de l’amener à redresser la situation, a susciter ma révolte contre l’injustice en même temps que ma prise de conscience du problème de mes semblables haratines.

    Mes parents ne vivaient plus et mon frère aîné était absent. Notre sœur était une femme et n’avait pas le même nom de famille que le nôtre. J’étais donc le mieux indiqué pour m’occuper des intérêts des miens et ce d’autant plus que je parlais la langue, tant bien que mal.

    Je fis part au commandant de ce dont m’avait fait part mon oncle ; il m’avait écouté attentivement, sans broncher ; nous nous regardions dans les yeux…

    A la fin de mon exposé, il me fixa encore quelques secondes avant de m’enjoindre sèchement : «Sors… Sors, espèce d’impoli ! >>

    J’étais bien évidemment sorti sans protester mais profondément humilié et révolté par tant d’injustice vis-à-vis de ceux qui ont soif de justice et ne demandent qu’elle.

    C’est à partir de ce jour là aussi que j’ai souhaité intensément occupé la même responsabilité que ce commandant.

    Ce n’est que 15 ou 16 ans après, lors d’un démêlé avec l’un de mes chefs alors gouverneur à Aouin el Atrouss, qui me reprochait de le regarder dans les yeux, que je compris la raison de mon éconduite par le gouverneur français : je n’avais pas cessé de le fixer dans les yeux, ce qui, à mon âge, avait été considéré par lui comme une effronterie inadmissible.

    Pourquoi ce commandant n’avait-il pas jugé, au lieu de cela, que j’étais tout simplement un enfant fasciné par le bleu de ses yeux ?

    Voilà comment tout est parti : L’injustice subie à mon corps défendant et ma prise de conscience
    qu’au-delà de ma petite personne et de ma petite famille, elle est subie par des centaines de milliers
    d’individus que le hasard de la vie a placés en situation d’infériorité par rapport à d’autres individus.

    Il s’imposa donc naturellement à moi, pour que j’existe véritablement, de m’investir dans le combat pour la liberté de mes semblables, contre tous les préjugés, d’abord à mon propre niveau en me comportant en homme libre et en homme de bien et ensuite au niveau de la société toute entière en faisant comprendre aux laissés pour compte qu’ils ont les mêmes droits que tous les autres, qu’ils n’ont réellement rien de plus que ceux qu’ils piétinent.

    Dans mon obsession de culture, j’étais tombé par chance sur certains livres qui traitent des problèmes d’inégalité aux Etats-Unis et en Afrique du Sud et des combats qui y étaient menés. Je compris que dans mon pays il fallait livrer le même combat. C’est ainsi que dès 1962 et alors que j’étais en poste à Boghé, j’ai commencé à conceptualiser le combat que je mène encore aujourd’hui. Mes réflexions de
    l’époque sont encore aujourd’hui consignés dans des cahiers.Mais mon combat était personnel, solitaire, intellectuel, et rares étaient ceux qui en avaient connaissance.

    Lorsqu’en 1978, à l’ENA je fus pressenti par quelques autres haratines pour réfléchir sur notre situation, j’étais surpris et même étonné que d’autres que moi aient à cœur le même problème. En quelques jours, nous avions formé EL HOR dans la clandestinité. Son premier tract intitulé > est justement un extrait de mes cahiers. Il a été dactylographié et multiplié par moi-même. Ce titre devait
    d’ailleurs longtemps supplanter le nom réel de l’Organisation : EL HOR (Organisation de Libération et
    d’Emancipation des Haratines. Jusqu’ici, nombreux sont ceux encore qui nous affublent de ..>

    L’inexpérience du jeune mouvement devait conduire très tôt à l’arrestation quasi générale de ses membres fondateurs et un grand nombre des ses activistes à la suite d’une manifestation organisée à Atar pour protester contre la vente d’un esclave.Ce fut une période particulièrement éprouvante pour moi sur le plan moral et psychologique.

    Alors que j’étais en poste à Rosso, les nouvelles des arrestations de mes camarades me parvenaient au jour le jour, grâce au directeur régional de la sûreté, un commissaire de police connu pour être particulièrement dangereux et magouilleur. Je compris évidemment que cet excès d’informations procédait d’ordre supérieur dont l’objectif était d’assurer ma surveillance. Plusieurs fois par jour même tard dans la nuit, il trouvait le moyen de faire irruption dans mon bureau ou dans mon domicile pour soi-disant m’apporter des nouvelles fraîches. Il s’agissait plus sûrement d’éprouver mes nerfs jusqu’à
    l’extrême.


    Un jour, n’en pouvant plus, je ne pu résister à la force qui me poussait à décrocher le téléphone et à appeler le gouverneur de Nouakchott, un militaire dont j’étais il y a quelques semaines le premier adjoint, pour l’interpeller en ces termes : >

    Très cordialement, mon interlocuteur avait répondu à peu près en ces termes : > Il mentait sur toute la ligne : Non seulement les arrestations avaient continué, mais comme je devais l’apprendre par la suite, les simples interrogatoires avaient été, pour certains camarades, de véritables séances de tortures. Le camarade Ahmed Salem Ould DEMBA devait, à cause de ces tortures, perdre partiellement la raison
    ( décédé , il y a à peine deux mois).

    J’étais donc seul, isolé, sans aucun contact avec qui que ce soit du groupe dont la stratégie était
    d’isoler, pour sa sécurité, tout membre actif dans les rouages de l’Etat. J’étais donc isolé depuis ma sortie de l’ENA.

    Un soir je me décidai à faire partager à mon épouse, une militante du Mouvement, l’objectif de mes soucis : >

    Mon épouse ayant persisté, malgré mon insistance, dans son refus de donner son propre avis, acceptant et s’en remettant entièrement à mon choix, quel qu’il soit, je choisis de rester.

    Le harcèlement du commissaire de police se poursuivit… Il ne prit fin que qu’ au moment où, excédé,
    j’eus à mettre les choses au point, à ce même commissaire, en présence du gouverneur du Trarza, un militaire de surcroît. Cette mise au point avait consisté à afficher, haut et fort, ma « hartanité »,
    d’exprimer ma solidarité aux amis arrêtés, de dire au commissaire que « je l’em…, lui enjoins de cesser de m’importuner et advienne enfin que pourra ! »

    Ma décision de rester et de subir le même sort que mes camarades m’avait ôté toute crainte, et il me brûlait de précipiter mon arrestation que je considérais inéluctable de toute façon.Les allées et venues du commissaire avaient cessé net.

    Quelques temps après, un convoi de véhicules de la gendarmerie pénétra dans la cour de ma résidence. D’abord surpris, je fus étonné d’en voir descendre, outre plusieurs gendarmes en uniforme et armés, tous mes camarades arrêtés et visiblement pas si mal en point que cela. Je vins à leur rencontre, les embrassant chaleureusement les uns après les autres. Laissant le reste de ma famille
    s’affairer à leur aménager où s’installer, je me rendis personnellement au marché de bétail de la ville et j’en rapportai deux grands et gros moutons à sacrifier à leur intention.

    C’est bien plus tard que je compris qu’on les amenait à Rosso pour leur procès. Dans l’après-midi, ils devaient me quitter pour leur centre de détention : le camp de la gendarmerie. Je n’ai par contre jamais compris pourquoi on leur fait cette halte dans ma résidence ?

 

     

    Bien que n’y étant pas tenu, je me fis un devoir d’assister à tout le procès, assis au banc du gouvernement. Le président du tribunal – c’était un tribunal militaire – prit un malin plaisir à les questionner de temps à autre à mon sujet : « Me connaissait-on ? , M’avait-on rencontré ? Avait-on entendu parler de moi ?…»

    A deux ou trois reprises je fus surpris par des membres de la Cour en flagrant délit d’encouragement par le signe à certains accusés. Enfin, dans certaines de ses interventions, l’accusation eut à me désigner, elle aussi, du regard ou d’un geste, pour réfuter ce dont la défense l’accusait à savoir : « Une chasse effrénée aux haratines ! »

    Je suis toujours resté très calme et j’ai même osé interpeller l’avocat général s’agissant de ses allusions à ma personne, dans les coulisses évidemment.

    Cette parenthèse fermée, ma lutte a continué, comme par le passé, à mon propre niveau, puis au niveau des haratines que je rencontrai de plus en plus dans le cadre de mes activités professionnelles, mais aussi à travers mes rapports périodiques d’autorité administratives. Ma principale préoccupation, vu les fonctions dorénavant les miennes, était de devenir un exemple de compétence, de droiture, de patriotisme, de courage et d’humilité, non pas pour une quelconque gloriole personnelle, mais bien au contraire pour les Haratines, car il était important pour leur devenir que leur symbole, l’œillère à travers laquelle on les verrait dorénavant tous, fût irréprochable.

    Quand j’ai été déchargé du service actif de l’Etat, j’ai attendu tranquillement que mes camarades de El Hor se manifestent. Je ne voulais pas, prendre moi-même l’initiative de me présenter à eux par peur
    d’être taxé de vouloir m’imposer en leader ou de servir du Mouvement à des fins égoïstes et de… je ne sais quoi encore, toutes choses que je suis dans l’incapacité de supporter.

    C’est en 1989, lorsqu’ils optèrent pour une candidature haratine à l’élection municipale de Nouakchott, qu’ils reprirent contact avec moi, me demandant de me porter candidat au nom du Mouvement.

    Puisque ces élections intervenaient après les tragiques événement « sénegalo-mauritaniens » avec les conséquences que l’on sait, elles ont été pour mon Organisation et pour moi-même l’occasion
    d’affirmer haut et fort notre position par rapport à tout cela. Nous avons défendu et soutenu les justes revendications des populations négro-africaines : leur droit à la vie, à la citoyenneté, au sol, à l’égalité, à la différence culturelle, etc. En vérité, après les événement de 1989 El Hor, par ma voix, était l’unique Organisation nationale à défendre publiquement les droits des négro-africains. Personne à l’époque
    n’avait même osé évoquer leur existence, sauf par tracts.

    C’est notre position sans équivoque qui est certainement à l’origine de la levée de bouclier qu’a suscité ma liste combattue ouvertement par le régime. Malgré la fraude massive et les malversations, elle réussi néanmoins à faire élire dix conseillers municipaux sur 37. En guise de protestation, je n’ai jamais accepté de siéger au dit conseil.

    Lorsque la nouvelle des exécutions extrajudiciaires a été connue, El Hor par ma voie a, publiquement et par tract, pris fait et cause pour les victimes et dénoncé énergiquement cet état de fait. Enfin, dans la vague de contestations qui a suivi, nous avions toujours occupé une place centrale. C’est notamment à notre initiative qu’a été crée le FUDC ( Forces Démocratiques Unies pour le Changement).

    Lorsque les militaires, pressés par les événements, furent contraints de jouer à « l’ouverture démocratique » je fus convoqué par le chef de l’Etat qui visiblement voulait que je me range de son côté dans cette nouvelle perspective. Mon Organisation et moi avons répondu par un non catégorique, en demandant publiquement la démission pure et simple du chef de l’Etat et ce à cause principalement des crimes commis au préjudice de la communauté négro-africaine à savoir : assassinats, massacres, torture, spoliation et déportation…

    Détenu en même temps que les fondateurs du FDUC (de mai-juin 1991 à fin juillet 1991), je participais, activement, à la création de UFD ( Union des Forces Démocratiques) dont je fus le premier secrétaire général.
    La difficile cohabitation avec des opposants de dernière heure finit par me décider à quitter ce parti
    ( où j’ai été sauvagement combattu par ceux-là même que j’ai contribué à rapprocher) pour fonder en 1995 Action pour le Changement que je présidai ( A C a été dissout arbitrairement en janvier 2002). Cela ne mit pas fin autant aux attaques directes ou voilées que je continue de subir de la part de mes anciens et nouveaux alliés car, en fait, je dérange beaucoup de monde, particulièrement ceux qui admettent difficilement que d’autres qu’eux occupent les devant de la scène.

    J’avoue que je ne fais pas souvent dans la dentelle, que je suis direct, voire cassant et donc pas agréable à vivre pour ceux qui ont horreur de la vérité. Je suis, par contre, fidèle à mes conviction, à mes amitiés et à mes engagements. Mon honnêteté morale et intellectuelle que je crois être totale fait que je suis facile à tromper une première fois, puis une deuxième… et même une troisième fois parce qu’ au départ mon préjugé est toujours favorable et que les deux autres fois sont à mettre sur le compte de l’erreur, qui est humaine ; mais une fois ces chances passées, il n’y aura plus rien à faire.

    La confiance ne reviendra jamais.

    Si le paternalisme des bidhanes, leur condescendance, leur hégémonisme et leur mauvaise foi provoquent chez moi de vives et parfois violentes réactions, il y a aussi que la grande susceptibilité des négro-africains (qui ne cèdent en rien sur de nombreux points aux bidhanes) et leur égoïsme exacerbé ne facilitent guère une bonne entente avec eux.

    Les haratines quant à eux, naguère exclus par ce qu’esclaves, ne sachant par quel bout prendre cette vie qu’ils découvrent pour la première fois, se dispersent à cause de leurs contradictions, leurs égoïsmes, leurs jalousies, leurs ambitions ou plus exactement leurs prétentions quand bien même il
    n’auront joué comme rôle, pour la majorité d’entre eux, que d’être haratines.

    Leur lente et difficile prise de conscience, de même que leur divisions ne sont pas pour déplaire aux autres communautés, qui ne sont pas pressées de leur accorder le statut tant convoité de communauté homogène, respectable et respectée.


    C’est donc dire que le combat que je mène ne me laisse aucun répit où que je me tourne, et les sujets de friction sont nombreux. Si en général les attaques des bidhanes ne sont pas directes, apparentes, celles des haratines et des négro-africains sont par contre ouvertes, violentes et fréquentes. Mes plus grandes déceptions sont toujours venues d’eux et dans le même ordre.

    Mais hormis quelques rares cas d’extrême lassitude, l’idée de tout laisser tomber pour m’occuper de mes enfants, ne m’a vraiment jamais tenté. Le combat est des plus difficiles,
    mais il doit se poursuivre…

     

    Mon expérience à l’UFD puis à l’UFD /EN est en effet, sur beaucoup de points évoqués, assez édifiante : Tout a commencé avec les élections présidentielles de 1992 ; l’UFD était un grand parti, ses militants étaient nombreux et décidés. L’illusion qu’une nouvelle Mauritanie était en gestation donnait des ailes à tout le monde ; il y avait aussi cette réelle volonté, perceptible chez les principaux acteurs, sinon de faire oublier aux uns et aux autres les profondes blessures consécutives aux événements récents de 1989, 1990 et1991, au moins de contribuer à en limiter des séquelles morales et psychologiques en faisant partager par tous leur foi en un changement profond de la société profitable à tous.

    Ces maudites élections allaient donc sonner le glas de toute cette euphorie, de tout cet enthousiasme, de toutes ces convictions fortes, de toutes ces généreuses illusions…

    Le parti prôna au départ le boycott si des garanties de transparences n’étaient pas obtenues. Il s’avéra par la suite que ce qui était, une position stratégique pour les uns (mon groupe notamment) n’était
    qu’un repli tactique pour les autres qui attendaient « d’avoir un candidat crédible, c’est à dire un bidhane » l’idée de présenter le plus adulé et plus charismatique du parti (moi) n’étant tout simplement pas envisageable à leurs yeux. Personne ne voulait de moi comme candidat, non pas à cause de mes qualités morales et intellectuelles que personne ne mettait en doute, mais simplement parce que je suis un hartani.Mon éventuelle candidature était combattue non seulement par les bidhanes, mais également par les négro-africains.

    Tous en effet considèrent intérieurement ou ouvertement qu’un esclave ne saurait devenir un prince.
    Une fois le candidat trouvé en la personne d’Ahmed Ould Daddah (dont la seule caution politique et morale est qu’il soit le frère du premier président mauritanien renversé en 1978) il y eut un renversement de tendance, prônant cette fois la participation du parti aux élections, non pas en présentant un candidat issu de ses rangs, mais seulement en soutenant la candidature indépendante
    d’Ahmed… Mon opposition à cette démarche fera que ledit candidat ne verra plus en moi qu’un vulgaire et redoutable adversaire ou même un ennemi qu’il faut abattre par tous les moyens.

    Même lorsque j’acceptai plus tard de revenir sur ma décision, de faire campagne pour lui et enfin
    d’accepter de demeure dans l’UFD/EN dont il est devenu le chef, cela n’améliora pas ma cote auprès de lui.

    Il travailla activement en vue de me faire quitter le parti où lui et ses alliés conjoncturels se sentaient très à l’étroit à cause de ma popularité au niveau de la base du parti, essentiellement constitué de haratines et de négro-africains. Si lui se sentait « frustré ou menacé » dans mon rôle de chef incontesté, certains cadres négro-africains, considérant eux aussi que ma popularité auprès de « leur base négro-africaine » leur portait ombrage, n’étaient pas mécontents non plus de me voir partir… C’est ce que je fis en 1994.

    Je peux dire aujourd’hui, sans aucun risque de me tromper, que mon départ a sonné définitivement le glas de l’UFD/EN.

    Quel outil pour le changement ?

    Action pour le Changement regroupait des Haratines, des Négro-africains mais aussi des Bidhanes. Nous militions tous pour un changement démocratique véritable dans la société. Pour cela il faut la citoyenneté pleine et entière pour tous : liberté, égalité, unité et solidarité de tous les mauritaniens.

    Nous voulons que l’esclavage soit constitutionnellement aboli, déclaré crime contre l’humanité et qu’à ce titre des sanctions soient prévues à l’encontre de ceux qui persisteraient, à le pratiquer. Nous reconnaissons ( mais cela n’est pas nouveau) que l’esclavage existe au niveau de toutes les communautés mauritanienne, c’est à dire la communauté maure et les communautés négro-africaines. Nous voulons que des programmes spécifiques soient mis en œuvre pour toutes les couches défavorisées dont évidemment les haratines.

    Nous voulons que le caractère pluriculturel de la Mauritanie soit constitutionnellement reconnu scellant ainsi le droit à la différence. Nous voulons que les mauritaniens aient la même égalité de chance et
    qu’ils soient mis dans les mêmes conditions.
    Nous refusons d’oublier les crimes horribles commis à l’endroit de nos compatriotes négro-africains et nous exigeons que justice soit faite, que les coupables soient punis, que les réparations soient consenties aux ayant droit.

    C’est alors seulement que le pardon pourra être sollicité et obtenu…

    Nous croyons sincèrement à la démocratie et à l’unité nationale sur ces bases et nous la croyons tout à fait réalisable à plus ou moins terme.

    Nous voulons que tous ces changements s’opèrent en dehors de toute violence et de tout esprit revanchard.

    Sur ce point nous divergeons fondamentalement avec les FLAM.

    A propos de quelques points précis…

    A la lecture du premier manifeste des FLAM, je reconnais que je n’en ai pas partagé toutes les idées et particulièrement celles qui ont consisté à décompter les mauritaniens sur la base de la couleur et à se présenter en défenseurs ou protecteurs des haratines alors que ses auteurs n’y ont jamais pensé par le passé et surtout parce qu’ils ne les ont jamais approchés politiquement jusqu’ici.

     

    Il y a aussi que j’avais jugé, à juste titre, je crois, qu’il y avait de l’exagération en ce qui concerne
    l’exclusion des négro-africains au moment de la présentation du document. L’aristocratie négro-africaine – pour ne pas dire les négro-africains en général- a toujours tout partagé avec les bidhanes, y compris le mépris souverain des haratines et partant l’attitude qui consiste à les ignorer totalement. A l’époque, crier à l’exclusion des communautés négro-africaine était quelque peu exagéré, même si l’accélération de l’arabisation pouvait présager le pire.

    Bien évidemment, la situation aujourd’hui est pire que celle décrite en 1986. Aucun mot ne pourra jamais faire saisir tout à fait l’intensité et l’horreur de la vague de répression qui à déferlé sur ces communautés. Nous travaillons de concert avec tous ceux qui croient encore à l’idéal de justice, de paix, d’unité et de solidarité. Notre foi et notre détermination pour la réalisation de cet objectif ne faibliront jamais.

    Je suis au courant de nouvelles tendances qui se dessinent chez les FLAM et j’attends, pour y voir clair réellement, que les FLAM cessent de répandre des aberrations mensongères à propos des haratines qu’ils considèrent être la source de leurs maux et donc leur principal ennemi. Je crois très sincèrement et très simplement que les haratines qui ont ( par eux-mêmes ou parce qu’ils ont été manipulés par
    d’autres) massacré ou pillé des négro-africains lors des évènements exceptionnels, ne doivent pas ravir la vedette à tous les autres, beaucoup plus nombreux, qui ont défendu ces mêmes négro-africains, parfois au risque de leur vie.

    A l’heure actuelle le pouvoir en Mauritanie agit sans la moindre logique, de manière presque paranoïaque. Ainsi la Mauritanie s’est retirée de la CEDEAO, pour se couper encore davantage du monde noir africain alors que celui-ci fait partie de la substance de son peuple, qu’il fait partie de son héritage culturel et historique.

    Sans doute les dirigeants actuels croient-ils se racheter aux yeux du monde arabe après la catastrophique décision d’établir des relations diplomatiques avec l’Etat d’Israël, mais ils se trompent lourdement sur toute la ligne car outre que rien ne les rachètera de « ce péché mortel » l’intérêt majeur des arabes est sans doute d’étendre et de consolider leurs relations avec les Etats d’Afrique noire avec lesquels ils ont beaucoup de points communs.

    Sans un rôle constructif et d’avant garde à jouer en Afrique noire, la Mauritanie ne représente aucun intérêt pour le monde arabe, ni pour le monde islamique, ni même pour ses propres citoyens.

    La Mauritanie a pour seule vocation d’être ouverte sur le monde arabe, sur le monde africain car par
    l’effet du hasard elle se trouve à la rencontre entre ces deux monde dont elle pourrait constituer une admirable synthèse capable de favoriser entre les deux une totale symbiose.

    Dois-je enfin rappeler que l’Afrique noire constitue le seul et unique arrière-pays pour les bidhanes ?

    Je souhaite donc du fond du coeur l’avènement dans mon pays, comme dans le reste du monde, d’une démocratie véritable, d’un dialogue sincère et constructif, seule alternative à la violence. Il faut que le pouvoir en Mauritanie crée les conditions d’un tel dialogue. Une fois ces conditions réunies,
    l’opposition y répondra favorablement à coup sûr…

    Les haratines représentent environ 50% de la population totale du pays, elle même estimée à 2.500.000 habitants.

    Aux élections de 1996, Action pour le Changement a été le seul parti véritablement de l’opposition à avoir fait élire un député qui, depuis a pris le large…

    Aux élections de 2001, AC a fait élire 4 députés ( deux à Nouakchott dont moi-même, un à Nouadhibou et un au Guidimaka) , 4 maires ( dont trois à Nouakchott et un à Sélibaby) et plusieurs conseillers municipaux sur le territoire national devenant ainsi le premier parti de l’opposition, malgré toutes les contraintes imposées par le régimes et sa machine administratives.

    Après la dissolution arbitraire de mon parti AC en janvier 2002, dans les conditions que vous connaissez et le refus de ce régime de reconnaître notre nouvelle formation politique Convention pour le Changement ; il a été convenu de fusionner Convention pour le Changement (CC) et l’Alliance Populaire pour le Progrès (APP) au sein du parti APP.

    Malgré l’attachement du peuple mauritanien à la démocratie, son aspiration à participer à la gestion des affaires du pays et la lutte qui a été engagée par ses forces vives, patriotiques et démocratiques, le processus démocratique dans notre pays est adopté surtout pour répondre aux orientations et pressions des pays occidentaux ainsi qu’aux changement survenus dans le monde, précisément la chute du bloc socialiste et la course des pays de l’Europe de l’Est vers le système libéral et la mode libérale qui a gagné l’Afrique. Ces conditions ont coïncidé avec une crise aiguë multidimensionnelle vécue par le régime militaire en place qui était dans un isolement politique total et se débattait dans une crise économique profonde. Ce qui l’a amené à accepter immédiatement des orientations françaises d’Avril 1990 visant le changement dans sa forme pour éviter les conséquences de
    l’implosion politique.

    C’est ainsi que le pluralisme est arrivé dans notre pays sous la pression de l’extérieur pour répondre à des besoins pressant du régime lui-même. Il s’agit notamment de dépasser sa crise et de camoufler ses crimes et ses violations des Droits de L’Homme qui ont culminé en 1989-91 durant toute la période d’exception et de conserver le pouvoir à travers des élections truquées.

    Ce processus démocratique a été préparé unilatéralement sans aucune implication des forces et acteurs politiques dans le pays de manière à assurer au régime sa pérennité.

    Ceci s’avère clair à travers les textes qui gèrent le processus démocratique. L’article 104 rajouté à la constitution, après le référendum, les textes relatifs à la protection de l’ordre publique et ceux organisant les élections promulgués dans des périodes précédent le processus démocratique, dont certains relèvent de la période coloniale, vident de fait la Constitution de son contenu.

    Les élections étaient des mascarades pour pérenniser l’armée au pouvoir (Présidence de l’Etat, Présidence du Parlement, Direction des grandes entreprises économique du pays).

    Cette période a été riche d’oppression, d’arbitraire, de confiscation des libertés publiques et des violation des droits de l’homme. Elle se singularisait par:

    -La dissolution des partis d’opposition et le blocage des activités politiques des autres partis de
    l’opposition

    -La censure de la presse indépendante et du barreau des avocats pour les museler

    -Les multiples arrestations des dirigeants des partis politiques d’opposition et organisations de masse ( syndicats, etc. )

    -Les arrestations et tortures d’hommes d’opinion

    -Les massacres et tortures de citoyens innocents

    -L’absence de neutralité de l’administration

    -La carence de l’appareil judiciaire et l’inexistence de voies de recours.

    -La gabegie, la corruption, le détournement des deniers publics, etc.

    Cette période est marquée aussi par la détérioration du climat politique et économique par le régime à travers la réanimation des cadres tribaux et régionaux et le recrutement des chefs traditionnels comme ses clients politiques, et la transformation de l’appareil de l’Etat en une entreprise de corruption.

    Les nominations, les services, avantages et toutes sortes d’intérêts publics sont conditionnés par le soutien au régime

    Ainsi l’appartenance à la tribu a supplanté l’appartenance à l’Etat, ôtant à la loi son rôle et son pouvoir de protection et faisant du clientélisme le moyen de protection à la place des lois. Ce qui a conduit à la destruction de la notion et de la présence matérielle de l’Etat au niveau du citoyen, hypothéquant
    l’avenir du pays.

    Les fraudes dans les élections ont fait perdre au citoyen toute confiance en celles-ci et en la démocratie.

    Même si l’opposition parvient, par le biais des élections, à certaines places électives (députés ou maires), les portes resteront toujours fermées devant tout changement effectif car les institutions parlementaires et communales ne disposent d’aucune compétence réelle.

    L’expérience des dernières élections a prouvé que le régime est incapable d’admettre l’opinion de
    l’autre car la présence d’un nombre limité d’élus au sein des institution de l’Etat l’a indisposé fortement. Que se passerait-il si l’opposition avait obtenu un nombre considérable d’élus au parlement ?

    Les réalités de la société et de l’opposition s’ajoutant à la volonté et au comportement du régime ont conduit le processus démocratique à de tels résultats.

    La société, à cause de son sous-développement et de analphabétisme, était un instrument docile aux mains du régime et des chefs tribaux qui usent à la fois de séduction et de pression. Les partis
    d’opposition, du fait des conditions de leur création dans la précipitation et l’empressement, les multiples problèmes internes dont ils ont été l’objet, la faiblesse de leurs moyens matériels, leur jeune âge et leur incapacité à rassembler leurs efforts dans une action commune et continue, n’ont pas su transmettre suffisamment leurs messages aux masses, surtout en milieu rural, lequel constitue le vivier du régime et de ses alliés ; elle n’a, non plus réussi à influencer, de manière décisive, le « processus démocratique ».

    Celui-ci, se trouvant dans l’impasse, toute ouverture d’horizons futurs est conditionnée par la capacité de l’opposition à unir ses efforts afin de créer les conditions favorables à une transition démocratique capable de se développer, non de tenter d’améliorer un processus en crise dés son départ.

    Le parti APP a pris la décision de participer aux élections présidentielles, en présentant ma candidature
    Dans cette perspective, il est nécessaire d’œuvrer au sein de l’opposition pour que :

    -le candidat du parti soit l’unique candidat de l’ensemble de l’opposition afin de sauvegarder l’unité de celle-ci ;

    -Au cas où il y aurait pluralité de candidats, que prévale une bonne coordination entre eux;

    -L’élaboration d’une stratégie d’actions communes de l’opposition pendant et après la campagne, ce qui suppose de travailler, ensemble, dans le cadre d’une vision, en partage, de l’alternance démocratique.

    Octobre 2003

     

 

 

 

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