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A.H.M.E.

INTERVIEW 20:

 


   Interviews de Ethmane Ould Bidiel



La Tribune : Entretien avec Ethmane ould Bidiel


LA TRIBUNE  n° 529 du 21/12/2010

 

Ethmane Ould Bidiel est cadre de l'APP. Il faisait partie du groupe de personnes arrêtées par la police lundi alors qu'elles étaient entrées en altercation avec les éléments du commissariat d'Arafat sur une affaire que l'Initiative pour la Résurgence du mouvement Abolitionniste en Mauritanie, dirigée par Biram Ould Dah Ould Abeid avait porté devant

les autorités de la Moughata d'Arafat, relativement à un présumé cas d'esclavage…

 

 La Tribune : Vous avez été arrêté en même temps que Biram Ould Dah Ould Abeïd et ses compagnons. Que s'est-il passé ? 

Ethymane Ould Bidiel : Alors que nous revenions de chez Mouloumnine Mint Bacar Vall, l'esclavagiste en compagnie des éléments de la police désignés par le Commissaire Mohamed Ould Jaavar pour récupérer les mineures faisant qui furent libérés comme mon camarde Ahmed Samba Ould Abdallahi et moi-même ; tout comme beaucoup d'autres parmi ceux qui n'ont pas été arrêtés, nous ne sommes pas de IRA. Il y a des membres et sympathisants de SOS Esclaves. D'autres font partie d'organisations membres du FLERE. Nous avons tous en commun notre volonté de lutter contre l'esclavage qui est l'une des formes les plus abjectes de l'injustice.

Quant aux propos tenus par les soi-disant parents des victimes, montrés sur une chaîne de télévision

étrangère, qui tentent vainement de persuader l'opinion par des allégations fallacieuses,leurs dires ne convaincront personne. Comme toujours, à chaque fois qu'un cas d'esclavage est révélé, on porte la pression tribale, administrative et du système féodale sur les pauvres parents pour qu'ils nient. On ne peu guère dissimuler la réalité. Demandez à Maître Fatimata M'Baye, (avocate et présidente de l'AMDH, NDLR) s'il ne s'agit pas d'un cas d'esclavage avéré !

 La police et les militants que nous sommes, avons trouvé les fillettes en train de travailler alors que les enfants de leur esclavagiste étaient à l'école ?

Demandez les voisins? Les fillettes passaient la nuit sous un abri de fortune.

Nous sommes bien informés !

 

La Tribune : Comment se porte Biram ?

 E O B : Je sais que lorsque je l'ai quitté après 15 heuresde détentions, il était très souffrant. Sa plaie dans le crâne n'a été soignée que très tard dans la nuit. Il marchait difficilement à a cause des violents coups reçus aux hanches. Il avait été tabassé par un groupe de policier avant de l'isoler pendant une trentaine de minutes dans un coin.

En plus Biram était malade bien avant sa détention. Les rares nouvelles qui nous parviennent nous font état de sa détermination à refuser toutes les pressions qui se font sur lui afin de retirer sa plainte contre la police. Il est déterminé à ce que les choses soient clarifiées et dévoilées les machinations tenant à protéger la forfaiture de Mint Bacar vall.

 

La Tribune : Vous avez été libéré un jour après votre arrestation, avant vous Ahmed Ould Samba, qui est membre de la HAPA, a été relâché.
Pourquoi vous et pas les autres ?

 E O B : Je pense c'est une question pertinente qui mérite d'être posée à la police. Seule cette dernière peut y répondre. Craignait-elle la réaction de la hiérarchie du parti (APP, de Messaoud OUld Boulkheir, NDLR) ? Ou redoutait-elle plutôt celle de la masse populaire dont la réaction allait sans doute être rapide et vive ? Il y a sûrement une raison que la police s'abstient de nous avouer.



Propos recueillis par : Kissima

 

 

La Parole à….Ethmane Ould Bidiel

 

« Que les hommes de Mohamed Ould A1bdel Aziz cessent de considérer la Mauritanie comme un laboratoire pour expérimenter leurs théories nationalistes décriées. »

Professeur de français, Ethmane Ould Bidiel est un cadre d’Alliance Populaire Progressiste (APP). A la veille des élections de 2007 il est président de la Commission Electorale Nationale Indépendante dans le département de Kobenni. Au lendemain du coup d’Etat du 06 août 2008 quI a renversé Sidi Ould Cheikh Abdellahi,  il milite activement avec son parti dans le cadre du Front National pour la défense de la démocratie avant d’être désigné membre de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) recomposée à la suite de l’accord-cadre de Dakar.

 

La Tribune : Le mélange des tendances nasséristes, El Horr et négro-africaine au sein de l’APP est-il en train de se révéler négatif du fait de certaines positions de militants perçues comme extrémistes ?  

Ethmane Ould Bidiel : Nos détracteurs doivent cesser d’avoir une vision réductrice et alarmiste d’Alliance Populaire Progressiste. Car celle-ci est aujourd’hui, qu’ils le veuillent ou non, le principal parti de l’opposition. Elle constitue, envers et contre tout l’épine dorsale des principales mouvances réunies dans le cadre de la Coordination de l’Opposition Démocratique dont elle assure actuellement la présidence tournante. APP n’est pas une pure et simple juxtaposition de mouvements idéologiques mais une force cohérente et homogène. C’est le parti qui a réussi, en avril 2003,  à réaliser une jonction historique entre le parti de AC (Harratines, Beydhanes mais également Négro-africains) interdit avec ceux de l’Alliance Populaire Progressiste, autour du projet stratégique de bâtir une Mauritanie plurielle où les considérations idéologiques, ethnocentristes, tribales, raciales et régionales se dissolvent dans une vision nationale du devenir commun ; une Mauritanie réconciliée avec elle-même et résolument engagée dans une dynamique de développement.

Ce choix stratégique n’a, du reste, affecté et n’affectera jamais les engagements de nos leaders politiques fussent-ils d’El Horr, Nasséristes ou Négro-africains. Nous sommes tous, plus que jamais, convaincus  que la lutte contre l’esclavage et le combat pour l’émancipation constituent une condition sine qua non pour asseoir la démocratie, promouvoir l’égalité et la  justice et garantir une stabilité durable. Bref, APP n’a pas besoin de stimulant ou de prétexte pour se rappeler son devoir et ses convictions.

 

La Tribune : Mais vous avez quelqu’un comme Biram Ould Abeid de l’Initiative de Résurgence du mouvement Abolitionniste dont le discours dérange…

Ethmane Ould Bidiel : Personne ne peut aujourd’hui être indifférent par rapport à la question de l’esclavage qui suscite actuellement les débats les plus passionnés.

L’acharnement tous azimuts  du régime en place contre les membres de la société civile, entres autres, contre Biram Ould Dah Ould Abeïd constitue une aberration. En effet, après lui avoir illégalement refusé le renouvellement de son passeport, les mauritaniens assistent, dans cette affaire,  à l’instrumentalisation des imams et théologiens du système à la fois. Ces derniers, pour des raisons politiciennes montrent Biram Ould Dah Ould Abeïd de toutes les vindictes et l’accusent même d’apostasie. C’est inacceptable ! C’est même très grave. Car cette immixtion des religieux, intellectuels organiques dus système, suscite des réactions dont les effets sont lourds de conséquences.

Biram Ould Dah Ould Abeïd, abstraction faite de ce que les autres pourront, souvent, à tort lui reprocher, s’élève contre une réalité inéluctablement mauritanienne face à laquelle le pouvoir en place et les forces conservatrices qui lui font office d’adjuvants, font profile bas, entretiennent et en défendent les auteurs… L’esclavage est partout. Et ces derniers s’obstinent à le nier. Pourtant le dernier cas exposé aux médias par SOS Esclaves date du 04 Mars 2010. Qu’est-ce que les dits religieux qui marchent pour Irak, Palestine et El Bechir du Soudan Ont fait ? Dénégation sur dénégation.   

Et Biram que lui reproche-t-on ? Son extrémisme et sa virulence qui s’apparente dit-on au divisionnisme. Soit. Mais quel est l’effort fourni pour couper l’herbe sous Biram et sous les pieds des milliers autres voire les centaines de milliers de Biram, tous déçus de la passivité pour ne pas dire la complaisance des théologiens réactionnaires dont nombreux sont adulateurs de l’esclavage et j’ose nommer parmi eux Hamden Ould Tah. Chaque jour qui passe l’exploitation fait de nouvelles victimes bénies par les « clergés ». Sinon pourquoi les imams harratines en sont-ils tous arrivés à se joindre à Biram, eux naturellement, dit-on, si modérés et parfois même insoucieux ! Pour une fois, situons les responsabilités. Ce qui arrive c’est de la faute des théologiens, ces intellectuels organiques qui n’arrivent toujours pas à nous dire comment nous pouvons, nous autres, ne pas voire ne plus être esclaves… XIV siècle après l’imam Malek, et la partie la plus contestée du malékisme justifiant les abominations de l’esclavage est toujours hélas d’actualité. Elle l’objet d’une déconcertante apologie. Certes, la faute n’est pas à l’islam qui est, par essence, une religion d’abolition et de liberté. Mais la faute, toute la faute, incombe au seul conformisme de ces imams-là griots du sceptre et de l’inhumanité abjecte, de ses faghihs qui refusent de voir l’islam comme tel, c’est-à-dire, une religion incontestablement universelle et adaptée dans le temps et dans l’espace. S’il y a, cependant anachronisme, c’est dans les esprits de ces pauvres créatures qu’il se situe… L’islam en est innocent. D’ailleurs, ce que je crains aujourd’hui c’est que le silence injustifié des uns et des autres ne pousse plus vers le radicalisme et ce jour-là il sera tard et même hypocrite de vouloir faire le pompier et sauver la maison.

 

La Tribune : Cette semaine, à l’occasion de la journée de la langue arabe, le premier ministre a prononcé un discours dans lequel il est question de redonner à cette langue son caractère primordial dans l’administration et en même temps à la Mauritanie son identité arabe. Quelle impression cela vous fait-il ?

Ethmane Ould Bidiel : Je ne suis pas surpris de voir comme le reste des mauritaniens le Premier Ministre de Ould Abdel Aziz tenir des propos pareils d’autant plus improvisés que propagandistes. L’arabité de la Mauritanie n’est plus à prouver Il faudrait que nous en soyons vraiment convaincus. Tout le reste c’est du complexe que beaucoup comme ce Premier Ministre traîne Malheureusement.

La Mauritanie  n’a pas besoin de s’engager dans une nouvelle polémique au demeurant stérile. Les textes reconnaissent l’arabe comme étant la seule langue officielle du pays. Qu’est ce qu’on veut réellement de plus ?

Il ne sert à rien de remettre une nouvelle fois sur la sellette la question d’identité qui n’est toujours pas encore complètement classée. Il y a un consensus tacite qui s’est imposé de fait. Nous devons nous en contenter et ne pas nous engager dans la provocation. Car  la Mauritanie compte bien des arabes et des non arabes. Tous ont droit à s’exprimer sur des questions aussi sensibles que celle-ci. Nous venons, il n’y a pas longtemps de nous inscrire dans une reforme scolaire devant unir nos enfants et renforcer l’unité nationale… C’est déjà un jalon. Tout ce qui suit doit être le fruit de mure réflexion. Ce sujet est si sensible qu’il ne peut être le résultat de saute d’humeur d’un homme, fût-il, un Premier ministre.

Que les hommes de Mohamed Ould A1bdel Aziz cessent de considérer la Mauritanie comme un laboratoire pour expérimenter leurs théories nationalistes décriées. Les Mauritaniens ne sont pas dupes. Les périples qui mènent sa diplomatie à travers les bastions de l’arabisme à l’étroit ne fascinent pas… La Mauritanie a ses particularités sociolinguistiques et politiques qu’il ne faut pas occulter. Elle a une identité plurielle irréductible qu’il faut respecter. La Mauritanie à aussi un lourd passif et une longue histoire à gérer. Toute décision à prendre doit émaner de l’intérêt suprême. Elle faut en conséquence prendre l’avis du peuple et y impliquer, surtout, tous les partis politiques sans distinctions. Tout le reste c’est du tâtonnement comme toutes les décisions auxquelles ce régime nous habituées depuis le 06 Août 2009.

 

La Tribune : Les partis de la majorité ont créé une coalition dénommée CPM. Faut-il la percevoir comme une structure visant à équilibrer le rapport entre le pouvoir et l’opposition qui elle est déjà organisée dans le cadre de la COD (coalition de l’opposition démocratique) ?

Ethmane Ould Bideil : Il y lieu d’abord de rappeler le contexte dans lequel a eu lieu la création d’une nouvelle coalition par les partis dits de majorité. Ce non événement survient après la clôture de la session parlementaire où l’UPR et ses satellites ont essuyé plusieurs revers que je peux résumer en trois : d’abord la force de persuasion des parlementaires de l’opposition qui ont convaincu le peuple mauritanien du bien-fondé de leur position leur ayant permis de révéler le caractère injustifié et inconsistant des programmes du gouvernement du  Premier Ministre de Oud Abdel ; ensuite, l’improvisation et le tâtonnement dans lequel sont gérées les affaires publiques et qui sont en train d’entraîner le pays vers la déroute totale avec la banqueroute et la détérioration des conditions de vie des citoyens avec leurs lots de malaise sociale, de grèves en perspective et de menaces brandis par les bailleurs de fonds; enfin l’échec du régime en place à faire passer sa réforme sur la loi impopulaire de lutte contre le soi-disant terrorisme n’ayant au demeurant d’autre but qu’entraver les libertés d’expression et donc le champ de démocratie sur lequel le pouvoir a perdu tous ses combats.

La nouvelle coalition vient pour tenter de limiter le fiasco et vouloir prémunir le régime d’ Ould Abdel Aziz contre une fin irréversible. Cependant, ce que les artisans de cette farce semblent oublier que le compte à rebours a commencé et que le peuple tout entier sait maintenant que la lutte contre la gabegie, et les revendications populistes n’étaient en réalité que des slogans vaseux. Huit mois seulement, après les élections, ont suffi pour découvrir le vrai visage du pouvoir qui n’excelle qu’en amateurisme et en improvisation.

Cette coalition divisée, faible et opportuniste dont les composantes  ne se rencontrent que sur le principe de partage léonin du pouvoir comme un gâteau festif n’est pas celle qui peut barrer la route à l’opposition démocratique nationale soucieuse de l’intérêt et du bien-être du citoyen mauritanien pour lui empêcher l’accession à l’hémicycle du parlement, s’il n’y que cela.

Mais force est de savoir, que l’hémicycle n’est pas l’objectif d’un leader de la trempe de Monsieur Messaoud Ould Boulkheïr. Son opposition aux auteurs du coup d’Etat du 06 Août 2009 et, bien avant, son rejet de toute collaboration avec Ould Taya  sont les preuves que le pourfendeur du mensonge n’est pas un chasseur de poste, ni de prestige.

Homme des principes et de conviction, Monsieur Ould Boulkheïr ne traite qu’avec des mauritaniens consciencieux, engagés sur la voie de la justice et de la liberté… Et ces derniers il les a trouvés dans la Coordination de l’Opposition démocratique qui occupe une place de choix dans le cœur des mauritaniennes et des mauritaniens… Nous sommes persuadés qu’à n’importe quel moment où dieu décidera les élections les électeurs prouveront que leur choix est celui du changement, de la démocratie, du développement et de la stabilité et non la capitalisation des échecs, la déroute et de l’amateurisme aveugle qui sont le credo de l’UPR et ses poussins.

Propos recueillis par Kissima

LA TRIBUNE N°491 DU 8 MARS. 2010


     

 

Trois questions à Ethmane Ould Bidiel

    "…en arrivant à APP, je n'ai pas choisi le camp des vainqueurs, mais le camp de la logique, de la raison…"

    Ethmane Ould Bidiel est professeur de lettres françaises. Il a été rédacteur en chef de la revue El Moujtamaa. Durant la période de transition il était Président de la Commission départemental de la CENI à Koubenni. Cadre et militant de l'Alliance Populaire Progressiste, il livre sa vision de la situation de son parti sur la scène et de diverses questions relatives à la vie politique nationale…

    La Tribune : Vous avez été président de la commission déconcentrée de la CENI à Kobenni de 2006 à 2007. Après quoi vous avez adhéré au parti de l'APP. Précisément après les élections législatives qui ont vu Messoud Ould Boulkheir occuper le rôle de président de l’Assemblée Nationale. Peut-on dire que l’arbitre que vous avez été a rejoint le camp des vainqueurs?

    Ethmane Ould Bidiel: Je pense qu'il convient de mieux préciser les choses, si nous voudrions, sincèrement, lever les équivoques. J'ai adhéré à Alliance Populaire Progressiste en juillet 2007 et non après les élections législatives. J'y suis venu fort d'un certain nombre de constats. D'abord, la neutralité que je voulais afficher par rapport au cours des évènements politiques économiques et sociaux du pays était une erreur et ne contribuait aucunement à l'avancement d'un certain nombre de dossiers qui me tenaient à cœur à l'instar de celui de la justice sociale, de l'égalité des chances mais aussi de l'esclavage; lesquels sujets ne peuvent laisser indifférents ni l'intelligentsia Haratine à laquelle j'appartiens, ni les autres forces progressistes du pays. Ce, en dépit du vote de la loi n°2007-048 portant incrimination de l'esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes.

    Ensuite, natif de la ville, j'ai été choqué, durant ma mission au sein de la CENI, de la nature de la marginalisation dont les couches défavorisées étaient victimes et le traitement humiliant et abject que leur réservait l'administration instrumentalisée par les chefs des tribus et les guides religieux. Ceci m'a valu beaucoup d'altercations avec les autorités locales déterminées à entretenir des traditions désuètes et à spolier les droits civiques d'une catégorie de citoyens au nom d'une discrimination d'un autre temps. C'est là une mentalité administrative mauritanienne que j'ai décidé de combattre, tout en sachant que cela ne peut se faire que dans une structure politique saine et engagée loin des influences des lobbies traditionnels où le pouvoir recrute ses acolytes.

    Enfin, après plusieurs mois de méditation menée au sein d'un très grand groupe d'intellectuels auquel j'ai l'honneur d'appartenir, je suis arrivé à me dire que ce qui compte ce ne sont guère les fins personnelles, mais l'intérêt suprême de la nation qui passe par une justice dans la distribution des postes et des richesses. Je pense, en outre, que l'instauration d'une telle équité entre l'ensemble des composantes nationales, c'est ça ce qui peut être le fondement d'une réelle unité nationale, le socle de la cohésion ce qui exige l'application d'un programme politique d'un parti ayant un projet de société cohérent et adapté qui ne peut être que l'APP.

    Aussi puis-je dire qu'en arrivant à APP, je n'ai pas choisi le camp des vainqueurs, mais le camp de la logique, de la raison; le camp du réalisme politique, celui qui prépare la rupture avec le conformisme en vue d'asseoir le fondement d'un Etat de droit juste et égalitaire... Certes j'ai eu l'opportunité d'être aujourd'hui dans le camp du vainqueur, me dira-t-on, dans celui du nouveau parti qui m'a sollicité, me conviant à beaucoup de ses réunions notamment en juin. Mais ce qui m'intersse, ce qui compte pour moi, c'est demain, l'avenir de ce pays, de son peuple; il est scellé à celui de l'APP.

    La Tribune : Justement, il y a un peu plus d’un mois, l’APP réclamait l’expulsion de l’Ambassadeur d’Israël de la Mauritanie. Il y a aussi quelques semaines les autorités avaient entrepris une campagne de sensibilisation sur la loi contre l’esclavage. Une telle campagne n’a pas été saluée par certains militants anti-esclavagistes ; le chargé de mission du président de SOS esclaves, y a notamment trouvé certaines entorses. Pour lui, le discours de la plupart des ministres et des chefs des missions est resté "séquelliste" (La Tribune N °387 du 05/02/08 NDLR). Entre ces deux questions, où devait, à votre avis, se situer la priorité de l’APP, en général, et du mouvement El Horr en particulier?

    Ethmane Ould Bidiel: En ce qui concerne la position du parti sur le maintien dans notre pays de l'ambassade d'Israël, je pense comme l'a dit le Président, Messaoud Ould Boulkheïr , que rien ne peut justifier l'entretien des rapports diplomatiques avec cette entité. Telle était toujours la position du Président de l'APP à chaque fois qu'on lui posait cette même question ; et ce au moment où plusieurs autres politiciens essayaient de défendre, coûte que coûte, les rapports avec cet Etat.

    Reconnaissons, en fait, que la Mauritanie n'est pas un pays de ligne de front, à l'instar de l'Egypte, de la Syrie, de la Jordanie ou du Liban qui pourraient avoir des raisons stratégiques à se rapprocher de l'entité sioniste. Nous aurions pu, au moins, justifier, les rapports avec Israël, si notre gouvernement pouvait les mettre à profit pour arriver à infléchir l'Etat hébreu ou influencer ses décisions. Tel n'est pas Hélas le cas. Alors à quoi bon s'entêter surtout quand on sait que la quasi-totalité du peuple est hostile à ces relations honteuses et absurdes? Soyons démocrates, au moins!

    Quant à la campagne de sensibilisation sur la loi d'incrimination de l'esclavage, si elle émane d'une volonté réelle et sincère de l'Etat comme le prétend le gouvernement- et j'en doute en réalité - elle a été vraiment biaisée par la majorité des membres des missions de sensibilisation, à commencer par les ministres. "Séquellistes, ils l'ont tous, ou presque, été. Auraient-ils reçu le mot d'ordre de nier l'existence de ce fait pourtant incontestable?

    Pourtant, je n'étais pas surpris depuis que le choix fût porté sur la journée internationale des droits de l'Homme pour annoncer l'amorce des journées de sensibilisation sur la loi et ses visées. L'événement a des lors était vidé de son sens et l'impact de la campagne étouffé. En plus, à rappeler qu'il n'y a pas eu de sérieux ni dans la préparation, ni dans la conception des tâches ; encore moins dans la définition des objectifs à atteindre dans le cours, le moyen et le long terme…

    Je crois aussi que le gouvernement a préféré, en banalisant la mise en valeur de ce dispositif juridique, s'attirer les foudres des Haratines et des militants des droits de l'Homme plutôt que celles des maîtres. Si tel est vraiment le cas, la Mauritanie et les mauritaniens doivent s'attendre à en découdre éternellement avec l'esclavage lequel ressuscitera éternellement et sera notre mythe de Sisyphe national.

    Ceci me conduit à dire que Monsieur Birame Ould Abeïd, le chargé de mission du Président de SOS Esclaves a raison d'affirmer que le discours proféré pendant la campagne de sensibilisation n'était pas que timide, mais hypocrite et méprisant. C'est une insulte sciemment crachée sur la figure des militants de l'émancipation. Les preuves pouvant illustrer ce fait nombreuses. Qu'est devenue l'institution devant s'occuper de l'insertion des asservis ? Et le reste des mesures tant attendues comme la promotion des cadres issus de cette couche demeure lettre morte.

    D'autres personnalités seraient mieux indiquées pour parler de ce qui désormais doit être la priorité de l'APP, en général, et d'El Hor en particulier. Alors, pour cette raison, l'avis que je m'en vais vous donner n'engagera que moi seul.

    APP est un grand parti. Elle a prouvé au cours des dernières élections qu'elle accorde une grande importance à ses engagements et ses promesses à sa base et aux partis. L'histoire retiendra qu'elle aura été la seule composition politique ayant, à l'échelle nationale, sanctionné ses militant qui n'avaient pas honoré le pacte qu'elle avait scellé avec ses partenaires... APP est aussi le seul parti ayant exigé, dans son protocole d'accord signé avec le Président, le retour des réfugiés mauritaniens et le règlement définitif de la question de l'esclavage. Alors il faut qu'elle se batte sur ce front car beaucoup reste à faire pour que ces projets - véritable socle de l'unité national - puissent arriver à dessein. Et ce serait la plus belle victoire jamais remportée par un parti politique mauritanien.

    L'APP qui est un partenaire de la majorité, doit rester exigeante, critique tout en l'intérêt suprême des mauritaniens au dessus de toutes les considérations. Le partenariat avec la majorité doit rester soumis à des conditions inaliénables. Et ça le président l'a bien dit dans le meeting du parti.

    Au sujet d'El Hor, je pense que les raisons qui sont à l'origine de sa naissance sont encore là présentes, les mêmes, inaltérables. Elles sont d'actualité et en justifient l'existence…La lutte contre l'esclavage fait parler d'elle. Quand bien même l'Etat voudrait la prendre en main, en assumer la responsabilité et en faire un problème national, ses efforts sont torpillés par la résistance des forces centrifuges et les survivances des mentalités rétrogrades. Rien n'avance en matière de partage du pouvoir et des richesses. Les Haratines restent sous-représentés dans l'administration et dans beaucoup d'autres secteurs de la vie privée et publique. Et tout le monde sait que l'hostilité vis-à-vis de l'émergence politique sociale et économique est très sensible. Tout est compromis.

    Bref, les conditions de vie des Haratines, la problématique d'émancipation sociale et professionnelle, le casse-tête agraire, l'esclavage, le développement communautaire, l'impérieuse nécessité de l'implication politique et administrative des cadres de cette communauté, etc. sont autant de préoccupations qui doivent retenir l'attention d'El Hor et constituer sa priorité si l'on veut mettre fin scepticisme et couper la route au négationnisme.

    La Tribune : Il y a eu un document signé par un groupe clandestin qui se fait appeler le FUAH (Front uni pour l’Action Haratine). Lequel document a fait l’objet sur Internet de commentaires et de réactions non moins passionnées. Faut-il prendre au sérieux des tracts et autres documents émanant de groupes clandestins dans un pays où on peut se targuer de jouir d’une liberté d’expression inédite ?

    Ethmane Ould Bidiel: C'est parce que nous jouissons comme vous le dites d'une liberté d'expression inédite et que cet espace n'est pas exploité ou refusé par une tierce partie que j'ai peur. En effet, soit ce mouvement clandestin a peut être des choses beaucoup plus gênantes à dire, soit il a un agenda dont l'exécution nécessite de rester dans l'anonymat. Dans les deux cas ce n'est pas un signe de bon augure.

    Je pense qu'il faut prendre au sérieux ces tracts ne serait-ce que par leur contenu. Les chiffres avancés, par FUAH, sur la nature de l'exclusion des Haratines sont très précis et reflètent la réalité à 99% des cas. Les faits et les pratiques dénoncées sont les mêmes que le mouvement El Hor a décriés à sa création. Donc il va falloir trouver des solutions rapides pour que ce mouvement ne fasse des émules. Ce n'est par des mesures concrètes qu'il peut être contrecarré, jamais par les slogans creux ou la mobilisation des experts de renseignement.

    En effet il faut se rappeler que les cadres de cette communauté sont aujourd'hui, presque, tous mécontents à cause du niveau de l'ostracisme qui les touche et lequel va crescendo, contrastant avec l'espoir et les attentes que le régime en place avait suscités au lendemain de son avènement. Les inconditionnels de l'Internet constatent avec surprise le niveau de sympathie manifesté à ce mouvement clandestin; et cela je ne saurait l'attribuer qu'à la déception des Haratines que d'aucuns accusent à raison ou à tort d'être les principaux électeurs du Président, Sidi Ould Cheïkh Abdallahi.

    La situation qui prévaut actuellement et que marque la tension entre les populations à l'intérieur (lesdits anciens esclaves anciens maîtres), l'exclusion des Haratines de l'administration et autres centres des décisions par le biais d'une politique sélective et arbitraire de nomination, la misère, le coup onéreux de la vie et le chômage sont autant de facteurs qui contribuent à l'extrémisme. C'est pourquoi il est plus qu'urgent de rectifier le tir et revaloriser tout le monde et éviter une provocation qui ne fait l'affaire que des anarchistes et les nihilistes…

    Propos recueillis par
    Kissima

    Source :
    La Tribune ( Mauritanie ) n° 390

     

  

 

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