Interview
de Biram Dah Ould Abeid à La Nouvelle Expression
Biram
Dah Ould Abeid, Président de IRA et Chargé de Mission de
SOS-Esclaves, est un homme engagé pour la cause des droits humains.
Iconoclaste, partisan d'un discours en rupture totale avec le
conformisme et la langue de bois, Ould Abeid, égal à lui-même,
nous parle de son combat et fait une analyse sans concession de la
situation du pays.
La
Nouvelle Expression :
IRA-Mauritanie
vient d’élire son Bureau Exécutif. Allez-vous demander la
reconnaissance de votre organisation aux autorités politiques? Biram
Dah Abeid : IRA-Mauritanie a été
dotée depuis toujours et à sa naissance d’instances dirigeantes,
bien que pas très visibles et affichées, pour des motifs de
stratégie et d’autres raisons tactiques et sécuritaires
inhérentes à toute action de contestation visant un objectif
sérieux dans ce pays. Mais il est vrai que la restructuration du
Bureau Exécutif, en ce moment et de cette manière, doit répondre à
plusieurs impératifs que vous pouvez imaginer, car IRA a subi des
obstructions, diabolisations et interdictions, et focalise, plus que
toute autre formation politique ou civile, l’ire des pouvoirs
publiques et des groupes dominants qui en sont les détenteurs. Cette
restructuration permet donc de libérer certains militants de valeur
des occupations bureaucratiques pour un travail de terrain et
d’arrière-garde, tout en propulsant à l’avant-garde des hommes
et des femmes d’expérience pouvant porter le message de IRA au
sein des forums et médias nationaux et internationaux.
Mais,
reconnaissance ou pas de IRA, ce qui est sûr, c’est que la
pseudo-démocratie mauritanienne sera mise à rude épreuve car
reconnaître notre organisation c’est, à coup sûr, permettre à
beaucoup de jeunes hommes et de jeunes femmes mauritaniens dotés
d’un enthousiasme et d’un engagement sans précédant de
matérialiser le courant d’idées et de masses auquel nous ne
cessons d’appeler, courant qui aboutira à l’abolition des
privilèges illicites d’une élite d’une communauté au détriment
des autres et à la déconstruction idéologique et religieuse
des mentalités esclavagistes et des préjugés ethniques ainsi
qu’à la subversion des coutumes et rapports sociaux
obscurantistes et inégalitaires; toutes ces tares qui continuent de
pérenniser les misères des franges les plus larges de la
population mauritanienne : les Hratin (esclaves et anciens
esclaves de Mauritanie), les ethnies noires (Peulh, Soninké, Wolof,
Bambara) et autres castes qui gémissent jusqu’à nos jours sous
les lois inhumaines de la préférence raciale, ethnique, de langue
ou de naissance.
Le
refus de reconnaissance, tel que nous allons y réagir, sera une
occasion pour les plus optimistes des partenaires internationaux de
la Mauritanie , de se rendre à l’évidence que la Mauritanie est
dirigée par un système minoritaire et anti-démocratique, usant
de la supercherie et de la désinformation pour donner le semblant
d’une image d’Etat démocratique; or, cette démocratie de forme,
réfractaire, sur toutes les lignes, à l’esprit et à la lettre de
l’Etat de droit, limite clairement, dans ses pratiques, ses
garde-fou et ses tabous, le seuil d’idées et d’actions de toute
organisation politique ou civile à vocation progressiste.
La
Nouvelle Expression :
Le
jeudi 3 juin 2010, IRA-Mauritanie a organisé une soirée artistique
et festive dans le stade de Sebkha à Nouakchott. Les journaux qui
ont rapporté l’information ont parlé d’un assagissement de IRA;
qu’en est il?
B.D.A. :
Dans le cadre du plan d’action de la Commission
culturelle d’IRA, l’accent a été mis sur la nécessité pour
l’Organisation d’agir envers les couches sociales et composantes
ethniques et sociales interdites d’antenne à la radio et la
télévision mauritaniennes et leurs artistes exclus par le
Ministère de la Culture des activités et subventions de ce
Département. Cette politique sectaire d’exhibitionnisme de la
culture et des arts de la communauté arabo-berbère parallèlement à
un acharnement officiel visant à confiner les cultures et artistes
des autres groupes nationaux dans l’invisibilité totale,
relève du plan général qui, depuis la naissance de la Mauritanie ,
tente d’assoir l’hégémonie d’une minorité sur les autres. Et
cette tendance n’a pas empêché de mettre au banc les rares
intellectuels et artistes d’origine arabo-berbère qui ont eu le
courage d’émettre des idées peu conformistes. IRA a tendu la main
à tous ces exclus et est entrain de s’engager avec eux dans
une action de développement des arts et cultures au service de la
citoyenneté, et pour découvrir et mettre en orbite des talents;
ces talents qui vont aussi, à travers le théâtre, la musique, la
poésie et la peinture, se mettre au service de la cause de la
citoyenneté qui est celle de IRA.
Et
au cours de cette soirée à laquelle je n’étais pas présent, le
président de la Commission de la Communication , Mohamed Vall Ould
Sidi Moyla, a fait le discours que certains journaux et sites ont
repris; je n’y vois pas de changement d’attitude ou
d’orientation de notre Organisation, comme je ne trouve pas qu’elle
manquait de sagesse, pour qu’elle ait besoin de s’assagir. IRA
est toujours égale à elle-même : nous appelons les choses par
leur nom contrairement à tous les autres; pour nous, il y a en
Mauritanie des Arabes et des Berbères, bien qu’ils ne font qu’un
seul groupe maintenant et au détriment de la culture et de
l’histoire de celui des deux groupes le plus nombreux : les
Berbères. Pour nous encore, les Hratin représentent, au
moins, plus de la moitié de la population totale de Mauritanie, ils
ne sont pas arabes et leurs liens avec les groupes arabo-berbères ne
sont que des liens d’esclavage et de dépendances quasi-similaires
à l’esclavage; nous considérons que la société et l’Etat
mauritaniens sont bâtis sur une idéologie et une gouvernance
racistes et esclavagistes; nous considérons que, depuis la naissance
de ce pays, les pouvoirs publics, qui sont en vérité des pouvoirs
ethniques, ont assurés et assurent toujours l’impunité et la
soustraction totale à la loi de tous les crimes et délits de
racisme et d’esclavage qu’un arabo-berbère a commis ou peut
commettre contre un Noir ou un Hartani; nous considérons que la
version locale et officielle du code de droit musulman malékite est
bien travestie parce que bien cadrée au code d’esclavage et de
castification sociale et les ulémas qui sont l’incarnation
nationale de l’Islam sont corrompus au vu et au su de tous et
n’ont jamais, de mémoire de Mauritanien, désavoué une injustice,
ni en leur nom personnel, ni au nom de la religion qu’ils se
targuent de représenter, parmi les nombreuses injustices qui
s’abattent et qui se sont toujours abattues sur les groupes les
plus humbles. C’est ça notre position depuis toujours et que nous
considérons on ne peut plus sage parce que fondée sur une analyse
fidèle et sans complaisance de certaines réalités qu’il faut
indubitablement attaquer frontalement en vue d’une possible
résolution avant qu’il ne soit trop tard. La sagesse n’est pas
tourner en rond et se voiler la face, et ceux qui pensent qu’ils
ont réussi quelque chose ou qu’ils vont le réussir parce que le
pouvoir les intègrent ou les tolèrent doivent déchanter; la lutte,
la véritable lutte, n’est pas la recherche de certificats de bonne
conduite de la part des groupes dominants, qu’ils soient dans la
majorité ou dans ce que vous appelez l’opposition.
La
Nouvelle Expression : Pour les oulémas, on se souvient de la
dénonciation de feu imam Bouddah Ould Bouceiry des tueries de 89
(événements), alors qu’actuellement nos leaders religieux font du
problème palestinien un problème personnel. Qu’avez-vous à dire
à ce propos?
B.D.A.
: C’est vous qui affirmez ça; cette sortie de feu Bouddah contre
les massacres des Noirs à Nouakchott, moi, ce que je sais, c’est
que les massacres ont continué après 89 et se sont prolongés dans
les casernes et dans les villes et villages de la Vallée. On n’a
jamais vu cet imam ou un autre se dresser contre ce phénomène et ça
ne l’a pas empêché de continuer à se la couler douce. Mais cet
imam défunt a vécu comme esclavagiste, dans une société
esclavagiste, il n’ jamais rien dénoncé de cet ignoble crime. Au
contraire, moins d’une année avant sa mort, il est intervenu
auprès des juges du tribunal de Nouakchott pour aider un de ses
cousins à usurper la maison d’une vielle femme hartania (féminin
de hartani ou ancien esclave); ces victimes hratin de Bouddah sont
là, et ils courent toujours derrière leurs droits usurpés par les
soins de cet imam. Je peux même vous aider à les rencontrer…
Mais, je voudrais souligner ici, que les éléments soit disant
progressistes parmi les Arabo-berbères, surtout les gauchistes et
les islamistes, ont des positions assez bonnes contre le racisme
d’Etat. Ils courent derrière une image d’internationalistes ,
mais concernant l’esclavage, ils sont les idéologues du déni et
les principaux penseurs des croisades politiques et médiatiques
antiabolitionnistes . Nous pouvons citer, en guise d’exemples :
l’ex-Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, Isselmou Ould
Abdel Kader, l’avocat Mohameden Ould Ichidou et tous les Salafistes
qui se prétendent réformistes, sauf Ahmed Ould Wediaa et Jemil Ould
Mansour. Et je voudrais souligner ici que l’engagement pour les
droits des êtres humains est un tout indivisible; on ne peut pas
lutter contre le racisme ici et se ranger du coté de l’esclavage
là-bas et vouloir être reconnu comme défenseur des droits humains.
C’est pourquoi, il est paradoxal que les avocats Mohameden Ould
Ichidou et Yarba Ould Ahmed Saleh sont toujours cités par la presse
d’ici comme défenseurs des droits humains alors que les victimes
du servage et de l’esclavage dans la Sebkha d’Idjil et la commune
de Lexeiba 2 ont ces deux hommes sur le dos depuis des années.
Ces deux hommes n’ont jamais cessé de manipuler les juges et
profiter de la vulnérabilités des Aghzazir et autres Hratin paysans
de Lexeiba 2 pour leur imposer, par la loi, des redevances à
caractère esclavagiste et de servage au profit de la féodalité
Kunta Ehel Hemod et d’un autre suzerain, au Sud, Yacoub Ould Moussa
Ould Cheikh Sidiya.
Quant
à l’engagement, dont vous parlez, des ulémas mauritaniens pour la
Palestine, je veux dire à ceux-ci qu’ils doivent s’engager
d’abord pour eux-mêmes; ils doivent, en tant que religieux, avoir
plus de dignité et un souci pour les plus humbles, ils ne doivent
pas rivaliser avec les laudateurs de tous acabits devant les cours
des princes. Ces gens, en bons et sincères musulmans, doivent
d’abord se dresser contre l’esclavage et le racisme, deux
phénomènes dans lesquels les ulémas de notre pays sont des
actionnaires majoritaires, surtout en ce qui concerne l’esclavage.
Pourquoi ne défendent-ils pas les Hratin contre l’esclavage et
pratiques similaires, et qu’est ce qu’ils font, ou ont fait,
contre le martyr des Noirs de Mauritanie? Qu’est ce qu’ils ont
fait contre le génocide du peuple du Darfour? Donc, leur Islam à
eux, est révélé seulement pour défendre les Arabes? Est-ce qu’on
peut déduire de leur position de non solidarité avec les Hratin,
eux et les autres nationalistes arabes, que les Hratin ne sont pas
Arabes? Donc ils (les Noirs et les Hratin) sont dans la même loge
que les Kurdes et les gens du Darfour? Mais après tout, je sais que
vos ulémas diront le contraire de ce qu’ils disent maintenant sur
la Palestine si le chef de l’Etat décide de rétablir les
relations avec Israël; ils feront volte-face, comme ils le faisaient
par le passé sous Ould Taya. Pour finir, je pose une question :
quelle est la différence, selon l’Islam, entre l’esclavagisme,
le racisme et le sionisme?
La
Nouvelle Expression : Vous n’êtes pas de l’opposition,
vous?
B.D.A. :
Pour être clair, IRA est pour le moment une
organisation apolitique, donc elle n’est affiliée à aucun parti,
moins encore à un pôle ou bloc de partis, chacun de ses membres est
libre de voter pour le parti de son choix, mais les fonctions
dirigeantes dans les partis politiques sont incompatibles avec toute
fonction dirigeante ou de représentativité dans IRA. Quant à moi,
j’appuie politiquement le parti APP (Alliance Populaire
Progressiste) qui me semble la formation politique la plus
progressiste et cohérente, la plus proche des Mauritaniens, en
général, et des franges déshéritées, en particulier. Mais,
d’autre part, je sais que l’opposition et la majorité ne sont,
en dernier ressort, que les deux factions d’un même système car,
en dehors de Messoud, tous les protagonistes se valent : Ely
Ould Mohamed Vall, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, Ahmed Ould
Daddah, Mohamed Ould Abdel Aziz… tous ces gens ont travaillé,
travaillent encore et travailleront pour renforcer l’hégémonie de
la minorité arabo-berbère sur les autres communautés Hratin et
nègro-mauritaniennes . Néanmoins, je concède à Sidi Mohamed
Ould Cheikh Abdallahi un ascendant moral certain sur tous les autres.
Mais, avec tout ce que les optimistes parmi nous veulent lui prêter,
il n’a rien fait pour les communautés opprimées; la loi sur
l’esclavage dont il se targue aurait pu être confectionnée sous
n’importe quel Chef d’Etat parmi les candidats qui étaient en
compétition en 2007. Et Sidi, en Zawi (masculin singulier de Zwaya
qui est l’ordre de la noblesse du livre chez les Arabo-berbères)
pur jus, fit passer la loi de la manière où elle profite seulement
aux groupes esclavagistes, et à eux seuls car il n’a jamais
accepté que la loi soit appliquée; il faisait parfois, en personne,
obstruction à la loi quand il s’agit d’un cas d’esclavage.
Pour lui, cette loi n’est pas destinée à l’application mais
pour faire le change devant la communauté internationale et les
bailleurs de fonds, et il a réussi.
La
Nouvelle Expression : Et
Ahmed Ould Daddah qui est le président en exercice de la COD
(Coordination de l’Opposition Démocratique) en Mauritanie, chef de
file de l’Opposition démocratique et président du plus grand
parti d’opposition, le RFD (Rassemblement des Forces Démocratiques)
?
B.D.A. :
Opposition, opposition… mais, pour nous,
opposition ne se résume pas au départ de Aziz, de Sidi ou de
Maawiya; notre calvaire et nos maux ont commencé avant tous ces
hommes et ont continué avec la chute de ceux qui sont déjà
partis, mais ils resteront en l’état, nos problèmes, après Aziz
si nous continuons à suivre une opposition comme celle de Ahmed Ould
Daddah qui est le plus loin possible de nos problèmes; car il ont
dénoncé dans le régime de Aziz la situation des habitants des
bidonvilles déplacés, la non transparence de la Commission
nationale des marché, les velléités dictatoriales du Général.
Tout ceci c’est des vérités qu’il faut dire, mais il y a
d’autres vérités que l’opposition, en général, et Ahmed Ould
Daddah, surtout et en particulier, ne voudront pas dire. Ainsi, sous
le régime de Aziz, il y a le racisme d’Etat, à travers les
recrutement à la fonctions publique et dans les différents corps
d’armes, à travers les nominations dans la fonction publique; il y
a la discrimination contre les Hratin dans les tribunaux et devant la
police judiciaire; il y a les expropriations foncières à caractère
raciste et esclavagiste auxquelles s’adonnent l’administration et
la justice mauritanienne contre les Noirs et les Hratin; il y a le
calvaire des veuves et des orphelin des tueries extrajudiciaires que
tout le monde passe sous silence; il y a les pratiques
esclavagistes qui défrayent la chronique et que Ould Abdel Aziz et
son pouvoir escamotent et dénaturent en assurant l’impunité aux
bourreaux; il y a une école des cadets militaires qui a été
réservée à une certaine classe de la communauté arabo-berbère
comme au bon vieux temps de l’apartheid. Et l’opposition et Ahmed
Ould Daddah n’acceptent jamais de dénoncer ces faces de
l’injustice qui sont pour nous mille fois plus graves que le coup
d’Etat contre Sidi, la falsification des élections ou le refus
d’appliquer les accords de Dakar. Pour moi, les Noirs et les Hratin
ne sont pas concernés par cette opposition tant sa ligne est
celle-là : Aziz couvre la gabegie, l’incurie, vous le
dénoncez; il couvre les esclavagistes et son gouvernement prend des
actes racistes vous ne bronchez pas, et vous voulez que les victimes
de ce que vous refusez de dénoncer vous suivent pour
vous permettre d’assouvir vos ambitions personnelles ou de
prestige, ou vous permettre d’opérer un recentrage tribal ou
régional du centre de gravité du pouvoir exclusif des lignages
arabo-berbères dominants : c’est absurde. En tout cas, avec
Ahmed Ould Daddah, les Noirs et les Hratin auront la malchance
d’avoir leurs espoirs trahis plus que toute autre fois. Tout
dernièrement, il a réagi à une question d’un journaliste qui lui
demandait que pensait la COD des tracasseries qu’imposent le
pouvoir de Aziz au président de IRA, Biram Dah ABEID. Ahmed Ould
Daddah a répondu qu’il ignore complètement Biram. Après la
conférence, certains de ses conseillers lui ont fait le reproche que
cette réponse n’était pas la meilleure; et vous savez quoi? Celui
qui prétend devoir nous diriger répond que sa réponse était
destinée à Messaoud Ould Boulkheir qui est à ses cotés pendant la
conférence de presse et qui, selon Ahmed Ould Daddah, serait
satisfait de cette réponse négative et mensongère plus que toute
autre. Cette manière de penser et d’agir est d’une bassesse et
d’une immoralité indignes d’un prétendant à la Magistrature
Suprême … Il est du devoir des composantes opprimées de ce pays
de se sacrifier pour renverser le pouvoir de la théocratie salafiste
et oligarchie militaire, personnifiées par Ould Dedew et Ould Abdel
Aziz, comme elles doivent être déterminées à barrer la route au
danger national que représente Ahmed Ould Daddah.
La
Nouvelle Expression : Vous êtes dur contre Ahmed Ould Dadah.
N'oubliez pas que lors des premières élections présidentielles de
2007, jugées démocratiques, il est allé au second tour avec Sidi
Ould Cheikh Abdellahi…
B.D.A. :
A quoi ça me sert de
me rappeler de sa position dans les élections de 2007? Ce dont je me
rappelle, surtout, c’est qu’il n’a jamais pris une position
conséquente pour l’intérêt de la Mauritanie , ou pour la défense
de la justice ou des plus faibles. Toutes ses positions sont connues,
au fil de sa carrière politique, comme étant des positions
opportunistes. Toutes les positions et actions qu’il entreprend
sont toujours mues par son ambition démesurée pour diriger le pays
et sa soif insatiable du pouvoir et du prestige. Mais Dieu fait bien
les choses : Il l’a toujours recalé. Et je pense que la plus
grande erreur du FNDD, c’est d’avoir coordonné avec Ahmed Ould
Daddah; et, parallèlement, l’acte le plus lucide et décisif de
Aziz, dans sa lutte contre les forces anti-putsch, c’est d’avoir
écarté Ahmed Ould Daddah.
La
Nouvelle Expression : Justement, d’aucuns disent que vous
n’avez pas pris une position contre l’agression israélienne de
la flottille pour Gaza?
B.D.A. :
Qui? Qui a dit ça? Si c’est le gouvernement du
Fatah ou celui du Hamas, ces mouvements n’ont jamais soutenu les
populations Hratin et noires dans leur martyr qui continue par la
perpétuation de l’esclavage et du racisme d’Etat en Mauritanie.
Nous sommes des victimes, des martyrs et des opprimés privés de
liberté et de justice comme eux. Eux, en Mauritanie, ils ont choisi
publiquement le camp de nos bourreaux; ils n’ont aucun droit
d’exiger de nous quoi que ce soit. En notre âme et conscience nous
sommes contre l’acte israélien contre la flottille, et nous sommes
opposés à bien des actes perpétrées par l’armée israélienne
en Palestine; mais en même temps, nous sommes opposés aux crimes
que commettent, toujours sans repentir, les gouvernements
arabo-musulmans au Soudan, en Mauritanie, en Iran, en Libye, en
Arabie Saoudite, en Egypte… Nous le clamons haut et fort et
advienne que pourra : nous sommes totalement en dehors de cette
solidarité confessionnelle dans laquelle, malheureusement, toute les
forces politiques et civiles en Mauritanie sont enrégimentées;
celle qui consiste à ce que les mêmes partis, les mêmes milieux et
mêmes personnalités qui dénoncent Israël et manifestent contre
ses crimes, sont paradoxalement les mêmes qui manifestent pour
soutenir Omar Hassan El Béchir contre le peuple martyr du Darfour.
Ce sont les mêmes qui ont soutenu et soutiennent des dictateurs
sanguinaires comme Saddam Hussein, Muammar Ghadhafi, Mahmoud
Ahmedinenejad ou Maawiya Ould Sid’Ahmed Taya. Ce sont encore les
mêmes qui ont été les idéologues, les instigateurs et les
exécutants de la tentative de génocide contre les Noirs de
Mauritanie; ce sont eux aussi qui continuent à nier activement les
crimes de cette tentative de génocide; c’est aussi les mêmes qui
continuent à s’adonner aux pratiques esclavagistes et
discriminatoires contre les Hratin, et c’est eux qui procurent
l’impunité et le faux témoignage à ceux qui pratique l’esclavage
en Mauritanie. Et parmi ces gens, il y a aussi de présumés
tortionnaires et de présumés coupables de viols et pratiques
esclavagistes, et tous ce monde est loin d’être repenti; et vous
voulez que nous manifestons et dénonçons de concert avec ces gens.
Non, ce n’est pas possible.
Mais,
ça m’étonne fort que des Mauritaniens, qui se disent
progressistes, des dirigeants noirs de Mauritanie, rescapés des
tueries et purges dans ce pays, des dirigeants Hratin dont la
communauté continue à vivre l’enfer de l’esclavage, des
défenseurs des droits humains; ça m’étonne, dis-je, que tous ces
gens puissent appeler à manifester contre les crimes israéliens et
pour les Palestiniens, sans qu’ils ne puissent d’abord appeler à
manifester contre les crimes de l’Etat mauritanien contre les noirs
et les Hratin. Ils doivent appeler à manifester contre le
négationnisme de l’Etat mauritanien, de la classe politique
mauritanienne, du clergé mauritanien, contre les pratiques
esclavagistes chaque jour dénoncées et toujours impunies à
Nouakchott ou ailleurs. Balayons d’abord devant nos portes. Ces
manifestations et dénonciations sélectives ne sont pas sincères et
ne nous concernent pas; ces partis politiques et personnalités
mauritaniennes ne sont ni avec la justice ni avec les droits
humains : ils sont, toutes tendances confondues, avec un nazisme
arabe et nous ne sommes pas obligés de choisir entre ce nazisme-là
et le fascisme des dirigeants de l’Etat d’Israël.
La
Nouvelle Expression : Ne pensez-vous pas que vous avez un
discours violent qui peut conduire à des actions violentes?
B.D.A. :
C’est faux, je n’ai
pas un discours violent, mais un discours tranché, sans amalgame et
qui sort du seuil de pensées fixé par le système pour préserver
les acquis et privilèges illicites par une minorité sur le dos de
populations majoritaires mais victimes de leurs appartenances
ethniques ou de leurs naissances. Notre discours n’a de violent que
le fait qu’il rappelle à ceux qui fondent leur prestige, leur
pouvoir ou leur richesse sur les désolations ou les misères de
leurs semblables. Notre discours ne semble violent qu’à ceux-là à
qui il rappelle qu’il faudra compter, inéluctablement, avec la
fatalité qui présidera à l’abolition de tous les rapports de
forces iniques comme ceux sur lesquels reposent les équilibres
sociaux et ethniques en Mauritanie. C’est une sonnette d’alarme
qui doit aider toutes les parties pour une prise de conscience de
l’impérieuse nécessité de la moralisation et l’humanisation
des rapports sociaux et de l’importance salvatrice de la primauté
du droit sur l’instinct jahélite (obscurantiste) de l’Assabiya…
Au lieu que «tout le monde» cherche en l’IRA et son président
les fauteurs de violence, que dites-vous des gens qui ont tué,
torturé, violé? Ces bourreaux qui sont pourtant tous connus des
ayant droit des victimes, des rescapés et du commun des
Mauritaniens, et qui continuent de jouir du prestige social le plus
élevé, des hautes fonctions de l’Etat et de l’honorabilité due
aux élus. Les fauteurs de violence de 1990 et 1991, ceux du 8
juin 2003, ceux que votre gouvernement est entrain de blanchir après
le massacre de Lemgheity, de Ghallawiya, de Tourine et j’en passe,
alors qu’ils persistent et signent (ce qui n’a pas empêché le
nouveau Mufti de l’Etat de les blanchir, contredisant publiquement
les juges); les juges qui se sont fait tout petits à l’image
de la classe politique si prompte toujours à taxer IRA de violence.
Mais personne n’a osé broncher et répliquer à Ould Dedew. Donc,
au lieu de s’occuper d’une supposée violence que nous, nous
pourrions prôner dans le futur, soyez conséquents d’abord avec
ceux qui ont perpétré la violence; mais vous allez me dire que vous
allez plutôt les récompenser comme ont été récompensés ceux qui
ont massacré les militaires et civils noirs en 90-91, et qui ont
fomenté le 8 juin 2003.
La
Nouvelle Expression : De grands hommes avant vous et votre ère,
qui ont gagné des luttes semblables à la vôtre, avaient préconisé
la non violence dans le verbe et dans les actions… Ne
serait-t-il pas plus bénéfique pour vous de suivre leur exemple?
B.D.A. :
A une partie de cette question je pense avoir
répondu, mais je saisis cette occasion pour préciser un fait
historique à beaucoup de nos détracteurs qui, à travers leurs
argumentaires erronés, tentent d’introduire l’exemple de Nelson
Mandela comme un exemple de combat par la non-violence. Ici, sans
dénier à la non-violence ses vertus auxquelles j’adhère, je
précise que Nelson Mandela et son mouvement l’ANC (African
National Congres) ont engagé la lutte armée contre le système
d’apartheid. Et pendant tout le temps que ce leader africain a
passé en prison, les autorités de Pretoria lui proposaient un
marché : dénoncer la lutte armée que menait La Lance de la
Nation (la branche armée de l’ANC), en contrepartie de son
élargissement. Mandela a catégoriquement refusé ce marché jusqu’à
la capitulation du régime d’apartheid.
Propos
recueillis par Seydi
Moussa Camara
|