A.H.M.E.

INTERVIEW 14:

 

                  img4.gif                                Interviews de Birame Ould Dah Ould Abeid                                                                                                 

 
 

 Interview de Biram Ould Dah ould Abeid à www.haratine.com

 Bonjour, M. Biram Ould Dah Ould Abeid, Président de l’IRA-Mauritanie et Chargé de mission auprès de SOS-Esclaves


1.
Haratine : La rapporteuse des nations-unies a constaté que, malgré la loi 2007 criminalisant l’esclavage, les pratiques esclavagistes n’ont pas disparu en Mauritanie. Qui est à l’origine de cette mission de l’ONU ?  La rapporteuse et son équipe ont-elles bénéficié de la liberté nécessaire pour
accomplir leur mission?

        BDA: L’origine de la mission de la rapporteur des Nations-Unies sur les formes contemporaines d’esclavage est l’action de lobbying inlassable de Sos.Esclaves et IRA-Mauritanie ainsi que d’autres organisations abolitionnistes comme l’Association des Haratines d’Europe et surtout l’appui d’organisations internationales de droits humains comme Anti-Slavery international entre autres.

                   Mais j’ai constaté que les milieux officiels en Mauritanie ainsi que de pseudo-journalistes inféodés au système esclavagiste mensonger ont voulu distiller dans l’opinion publique que la venue de cette mission fait suite à la demande du gouvernement mauritanien, ce qui est faux car la rapporteur elle même a démenti cette information dans un point de presse. Le gouvernement  n’a  donné son accord à cette visite que moins d’une semaine avant son arrivée à Nouakchott. Donc, elle craignait beaucoup que sa visite ne soit annulée par un système habitué à narguer la communauté internationale.

                  La rapporteur n’a pas bénéficié de la totale liberté de mouvement parce que les autorités ont utilisé l’alibi sécuritaire pour empêcher la mission de découvrir beaucoup de sites autour des villes et dans le monde rural qui en disent long sur la condition de misère des populations serviles et sur la responsabilité des pouvoirs publics dans la persistance de l’esclavage et de ses dérivées qui sont non-moins graves et illicites.

 

2. Haratine : Vous venez d’effectuer une longue tournée en Europe sur le thème des droits de l’Homme. Votre message sur les conditions dramatiques que vivent les victimes de l’esclavage en Mauritanie a-t-il été entendu par vos collègues et le public européens ?

             BDA: Nos collègues membres de la société civile, intellectuels, journalistes, syndicalistes ou élus…  commencent à mesurer à juste hauteur l’ampleur du forfait de l’esclavage et pratiques analogues  qu’imposent la minorité arabo-berbère de Mauritanie à la majorité composée de Hratin (esclaves et anciens esclaves ) et de Noirs dans le pays. Nos amis d’Occident, des diplomates et le personnel des organismes internationaux sont entrain de réaliser la duplicité du système esclavagiste et raciste de l’oligarchie arabo-berbère et cette phase de lucidité  va les amener à comprendre qu’à l’instar de l’ex régime d’apartheid le système en vigueur en Mauritanie est un cancer dans le flanc de l’Afrique, un deuxième Prétoria en Afrique de l’Ouest.

 

3.Haratine : Selon les autorités mauritaniennes, il n’existe que des séquelles de l’esclavage 
dues à la pauvreté des Haratine. Pourquoi adoptent-elles cette attitude à l’égard des victimes ?

BDA: Cette attitude est une forme de négationnisme, et le négationnisme est propre aux bourreaux qui ne sont pas repentis . Les segments tribaux arabo-berbères dominants ont depuis des siècles fondé un mode de vie basé sur l’esclavage et pratiques similaires.  La thèse des séquelles dans laquelle ils étaient confortés par le rapport de 1983 qu’un responsable onusien, de nationalité belge et du nom de Marc Bossuet a produit au cour d’une mission identique que celle de la  rapporteur Gulnara Shahinian vient de voler en éclat. En effet, la rapporteuse de l’ONU, à la fin de sa mission a livré des informations sur l’ampleur de l’esclavage en Mauritanie, lesquelles informations viennent démentir le rapport de Bossuet de 1983.

           La thèse des séquelles facilite aux groupes dominants esclavagistes qui détiennent les leviers de commande dans le pays de se dédouaner de leur forfait continu, de poursuivre l’arnaque des bailleurs de fonds internationaux et le détournement de l’argent de la lutte contre la pauvreté à son propre compte.
 
 

 4. Haratine : Comment peut-on lutter contre la pauvreté des Haratine ( thèse de l’Etat et des esclavagistes maures ) alors que la Charia et la tradition instaurent un système d’exploitation des victimes de l’esclavage ? Ce système est basé sur la Zakat(dîme religieuse), la saddagha(l’aumône), la hëdiya(le don inventé par les marabouts), l’achat de la liberté… au bénéfice des Maures.

 BDA : L’esclavage se pérennise tant que le système de compartimentalisation sociale, pyramidal, hiérarchique, endogame et farouchement discriminatoire, fondé sur une légitimation multiséculaire, idéologique et religieuse de l’esclavage, du travail esclavagiste, de la séparation des familles, du travail des enfants et de la captation d’héritage..etc durera. Ce système social repose sur l’exclusion des esclaves et anciens esclaves, leur privation effective de l’éducation et de la formation professionnelle, leur exclusion économique et de la propriété foncière, leur expropriation systématique des terres viables et cultivables  au profit des féodalités tribales et théocratiques, des milieux de l’agro-business et de la hiérarchie militaire ethniciste arabo-berbère…etc. Tant que ce système de captation du labeur des Hratin, des richesses nationales, de l’aide au développement et de l’argent de la lutte contre la pauvreté par une oligarchie ethnique et de classe n’a pas été déconstruit par une action vigoureuse émanant de la base et capable de s’installer au sommet du pouvoir et de l’exercer assez durablement, rien ne pourra changer la donne de la pauvreté et de la paupérisation des larges franges serviles de la population mauritanienne.   

 

5.  Haratine : On l'avait surnommé le candidat des pauvres. Maintenant, on l'appelle 
« président » des pauvres dont la majorité est haratine. Cette appellation
    est-elle méritée ?

            BDA: De mon point de vue, c’est un président comme tous les autres qui l’ont précédé à la tête de l’Etat mauritanien depuis que les Français ont légué le pouvoir aux arabo-berbères au détriment des autres composantes nationales du pays ; c’est un président des Maures qui met tout en œuvre pour maintenir et renforcer les fondements et l’ossature de l’Etat ethnique, esclavagiste et nègrophobe que les arabo-berbères se sont taillés par le fer, le sang et l’humiliation d’êtres humains au cœur du continent noir.

 

6.  Haratine: Dans sa campagne présidentielle, le candidat Ould Abdel Aziz avait
ignoré la question de l’esclavage et les moyens pour combattre ce fléau. Que vous inspire  cette attitude ?

             BDA: C’est une démarche strictement conforme à la position ethnique et de classe à laquelle ne  dérogent que certaines personnes rares et mises au banc de la collectivité-communauté dominante ; tous les régimes qui se sont succédés en Mauritanie, y compris le régime de l’ intermède  « démocratique » de Sidi Mohamed ould Cheikh Abdallahi, ont d’une manière ou d’ une autre une démarche qui vise essentiellement le camouflage de ce cancer dont souffre l’Etat,  qui gangrène les relations inter et intracommunautaires et qui prolonge le martyr de la   composante Hratin. Ceci dans le but  de maintenir et d’assurer un bien-être et un mode de vie au  profit de la communauté dominante ainsi que des privilèges illicites du point de vue de tous les   droits.

                        Cette attitude, hélas, dénote du mépris souverain que ces dirigeants et leurs groupes réservent à  leurs concitoyens implorés par la dureté de ce phénomène et des multiples discriminations qui se  trouvent être ses séquelles.

 

7.Haratine: Vous êtes un militant abolitionniste engagé. Comment voyez-vous l'avenir de ce noble combat ? 

             BDA:  L’avenir de ce combat n’est pas parsemé de roses ; c’est un combat qui devient de plus en plus  difficile dans une ambiance où le politiquement correct amène les plus grands militants à se faire  une image de « fréquentables » au prix de positions tactiques ou stratégiques dont le maintien,  advienne que pourra, est nuisible  à l’avancée de la cause des humbles et au triomphe de la  justice.

 
 

8. Haratine: Donnez-nous votre opinion sur les activités que mènent l'Association des Haratine de Mauritanie en Europe (A.H.M.E) et de son Site : http://www.haratine.com/ et ce, huit ans après sa création,  le 13 Juillet 2001?

BDA: L’Association des Haratines de Mauritanie en Europe relaie honorablement à l’étranger le  combat que nous menons à partir de l’intérieur, nous nous complétons parfaitement et l’apport  de cette association est indispensable au mouvement abolitionniste. Le site quand à lui , il abat  un travail d’information, de documentation et de coordination colossal et extrêmement utile   pour l’avenir du pays tout entier.



 
9. Haratine: Votre dernier mot à nos lecteurs ?

            BDA: La lutte continue.

 

L'équipe du site http://www.haratine.com/ vous remercie infiniment d'avoir répondu à nos questions.

 

"Notre but c'est la prise du pouvoir en Mauritanie"


L’Initiative pour la Résurgence du Mouvement Abolitionniste en Mauritanie (IRA), est sidérée par le fait que le président Ould Abdel Aziz ait signé le livre d’or de Gorée, alors que ce qui s’est passé à Gorée est toujours d’actualité chez-eux.

Son président,
Biram Ould Dah Ould Abeid, dénonce ce qu’il qualifie de complicité de l’Etat du Sénégal avec l’esclavagisme en Mauritanie.

Rencontré lors de son passage la semaine dernière à
Dakar, il continue de s’insurger contre les atteintes aux droits de l’homme dans son pays, le «Code esclavagiste» basé sur une fausse interprétation du Coran et la logique de répression de son mouvement par le gouvernement qui voit en ce que fait l’IRA sa fin. Entretien.

L’esclavage est criminalisé en Mauritanie, est-ce à dire que l’IRA a accompli sa mission?

Il existe encore en 2013 des pratiques esclavagistes en Mauritanie. L’Initiative pour la Résurgence du Mouvement Abolitionniste en Mauritanie (IRA) est un groupe de militants mauritaniens ayant comme objectif de lutter contre l’esclavagisme. C’est une initiative de sept personnes. Elle a des sections et des représentations dans toutes les régions du pays, au Sénégal, en Afrique, en Europe, aux Etats-Unis, au Canada.

La Constitution criminalise l’esclavage. La loi qui interdit l’esclavage a été votée le 8 août 2007, mais en réalité, la pratique perdure encore. C’est une loi pour une consommation étrangère. C’est pourquoi nous continuons le combat. Avant l’IRA, aucun esclavagiste dans les groupes arabo-berbères n’était inquiété. Elle a permis pour la première fois à la minorité blanche de goûter à la prison. On a obligé l’Etat à adopter des lois contre la pratique.

L’esclavage est criminalisé par la Constitution. Aussi, depuis, le nombre d’esclaves libérés ou affranchis se chiffre en terme de milliers voire de dizaines de milliers.

L’Etat a refusé de nous reconnaître et a opté pour la répression tous azimuts de nos marches, sit-in et autres manifestations. Chaque année, nous faisons l’objet de poursuites judiciaires: un ou deux procès par an depuis 2008, car nous sommes une organisation interdite.

Mais à force de réprimer, nous enregistrons des adhésions de nouveaux membres. Aujourd’hui, on assiste à un militantisme ouvert et des résistances partout avec des marches, sit-in, malgré la non reconnaissance de l’IRA. Ce qui fait que la peur s’installe de plus en plus dans le camp de la minorité blanche qui pratique l’esclavage.

Toutes ces actions nécessitent d’énormes ressources. Où l’IRA trouve-t-elle ses moyens?

Nous sommes une organisation non reconnue, les bailleurs ne peuvent pas nous financer. Toutefois, nos faibles moyens sont comblés par l’esprit de sacrifice de nos membres, le discours très clair et porteur d’espoir auprès des populations et dans lequel elles se retrouvent.

Vous dites que vous vivez tous les ans sous le coup de répressions et de procès. Quels actes importants avez-vous posé à ce jour?

En janvier 2011, moi et cinq autres des membres de l’IRA avions été poursuivis, suite à une plainte d’une dame esclavagiste que nous avions dénoncée. Et c’est la première fois qu’un procès politique est transformé en procès d’Etat. Le procureur de la République qui est le ministère public a perdu la bataille.

Nous avions remporté ce procès en étant très offensif et agressif contre l’Etat, en récusant le tribunal qui n’était composé que de blancs pour juger des noirs. Donc le tribunal était disqualifié. Néanmoins, nous avions été condamnés à un an de prison ferme.

Mais à cause de la pression populaire qui ne faiblissait pas dans le pays, et la pression internationale, l’Etat a fini par céder, craignant un soulèvement populaire et a fait arrêter la femme esclavagiste qui avait elle aussi été condamnée à six mois de prison. C’est la première fois qu’on en arrive là avec un esclavagiste. Désormais, la psychose est dans le camp du groupe qui pratique l’esclavage.

La communauté internationale, les Ong de défense des droits de l’homme, l’Union européenne, les Etats-Unis ont réclamé notre libération sans condition. L’Etat a eu peur et au bout de quatre mois d’incarcération, nous avons été libérés. Et lorsque le président Ould Abdel Aziz nous avait proposé la grâce présidentielle, nous avions refusé. Ce qui avait ému plus d’un et augmenté la sympathie des populations, sympathie qui se traduit toujours par des adhésions massives. Nous sortirons de prison vainqueur trois mois après. C’était la première victoire.

La deuxième victoire, c’est l’incinération du «Code de l’esclavage». Le 26 avril 2012, nous avons incinéré publiquement des livres esclavagistes, des documents légalisant l’esclavage. C’est un acte fort que nous avons posé pour protester contre la mauvaise interprétation du Coran, la mauvaise publicité et le Code négrier. C’est un acte qui a suscité une vague de sympathie et l’adhésion de nouveaux militants à la cause abolitionniste.

Cet acte a constitué également une torture morale et psychologique chez les peuples arabo-berbères. Il s’en est suivi un conseil présidentiel où le président a convié des représentations diplomatiques et organismes internationaux représentés en Mauritanie.

Il a sollicité désormais leur soutien, intimant l’ordre de nous écraser à tout prix. Pour montrer leur adhésion à cette idée du président, la minorité arabo-berbère esclavagiste a organisé une marche de soutien jusqu’au palais où elle a été reçue par le président de la République.

Des appels à notre pendaison ont été même lancés par des érudits de la minorité arabo-berbère, des oulémas qui dirigeaient des mosquées. C’est un grand coup car c’est au nom de ce Code de l’esclavage qu’ils commettent des viols sur des femmes et des filles avec abstraction de leur âge, les esclaves et leurs descendants sont exclus de l’héritage de leurs ascendants.

(…) Aussi, la castration est une réalité, elle existe bel et bien dans les livres que nous avons incinérés. Selon ces textes, si un esclave vit sous le toit du maître qui a des femmes et filles, pour éviter la tentation et que ces dernières ne tombent sous son charme, il est permis de le castrer.

Et la suite ?

La réaction de la communauté des opprimés a été rapide. Face aux manifestations populaires réclamant le respect de la Constitution, l’égalité de tous devant la loi qui criminalise l’esclavage, l’Etat a reculé. Depuis lors, nous sommes devenus l’organisation la plus populaire en Mauritanie. Nous avons réussi la transformation de la lutte d’élites en lutte populaire, couronnée de succès.

En cinq ans d’existence, toute la communauté internationale a pris acte des pratiques esclavagistes dont l’Etat est complice. L’IRA attire de plus en plus de rapporteurs des Nations Unies sur les droits de l’homme vers la Mauritanie.

IRA est un mouvement de droit civique redouté, qui a même entrainé une révolution de la religion musulmane basée sur une mauvaise interprétation du Coran suivant le rite «Malékite» qui n’existe qu’en Mauritanie. Donc, l’incinération a été une étape pour rendre un grand service au Coran qui était interprété faussement.

Mais malgré tout vous n’êtes pas reconnu et l’esclave existe encore en Mauritanie?

Malgré des centaines de plaintes, les victimes sont là, mais l’Etat n’a encore intenté aucun procès. Par contre, quand nous avions dénoncés une dame, j’ai été arrêté dans des conditions atroces alors que je n’ai reçu aucun mandat. Le quartier a été quadrillé, l’électricité, l’eau et l’internet coupés, donc complètement isolé.

De quelques centaines de personnes à mon arrestation, le nombre de militants de l’IRA est passé à des milliers à ma sortie de prison. L’essor du mouvement constitue le rouleau compresseur pour démystifier le pouvoir. Nous refusons la clandestinité à laquelle le gouvernement veut nous confiner.

Tous nos dirigeants sont connus, même s’il y a certains cadres dans l’administration, dans des entreprises et autres secteurs qui nous soutiennent discrètement, pour ne pas subir des représailles. D’ailleurs, nos manifestations sont les plus populaires actuellement en Mauritanie. Nous mobilisons plus que tous les partis politiques, même celui au pouvoir.

Je crois que la Mauritanie finira par tomber dans l’escarcelle de la majorité. Notre but c’est la prise du pouvoir en Mauritanie. Nous sommes majoritaires. Pour cela, nous avons créé un parti politique: le Parti Radical pour une Action Globale (RAG).

Un parti automatiquement interdit par les autorités, craignant de perdre le pouvoir vu l’espérance, l’espoir que le peuple, la majorité porte en ce parti auquel il se reconnaît et qui prend en compte ses préoccupations, ses aspirations. C’est le seul parti politique qui est interdit par le pouvoir en Mauritanie.

Le pouvoir ne s’est pas limité là, il a interdit également les candidatures indépendantes. Nous sommes interdits de participer aux élections législatives prochaines, nos membres sont interdits de se présenter en candidatures indépendantes. Donc le gouvernement actuel voit en ce que nous faisons sa fin, c’est pourquoi il verrouille toutes les portes.

Qu’est-ce qui explique votre présence à Dakar?

Notre présence au Sénégal c’est pour dénoncer la complicité de l’Etat du Sénégal avec l’esclavagisme en Mauritanie, avec un président complice de l’esclavage. Nous sommes là pour protester contre le fait que le livre d’or de Gorée a été ouvert à Ould Abdel Aziz, un négrier, lors de sa visite au Sénégal. Nous croyons fermement que celui qui laisse perdurer la pratique de l’esclavage dans son pays en 2013 ne doit pas signer ce livre d’or, vu ce que symbolise Gorée.

La Mauritanie est un Etat qui pratique l’apartheid en Afrique de l’Ouest à nos jours. Il y a encore 20% de la population qui sont des esclaves sans aucun droit. Ils n’ont pas accès à la santé, à l’éducation, etc. Ils sont réduits aux travaux domestiques et autres charges de leurs maîtres, battus, torturés et réduits à tous les travaux, même domestiques et ménagers. Les femmes sont violées ou simplement réduites en esclaves sexuels.

Le fait que le président Ould Abdel Aziz ait signé le livre de Gorée nous a sidérés alors que ce qui s’est passé à Gorée se passe en Mauritanie actuellement, sous son magistère. Si nous sommes là, c’est pour dire aux Sénégalais qu’à 250 km de là, il y a ce qui s’est passé durant des siècles à Gorée.

Vous êtes porteur du combat d’une communauté. Comment cohabitent votre communauté (noire) avec les arabo-berbères?

La cohabitation avec les communautés blanches n’est pas des meilleures. Nous vivons dans l’adversité. C’est l’atrocité entre esclaves et descendants d’esclaves et les communautés arabo-berbères. Ils vivent dans les quartiers chics, administratifs et nous dans les bidonvilles. C’est eux les employeurs, les gouvernants et nous les employés, nous sommes les pauvres sans moyens. Il y a une suspicion permanente entre nous.

Pourtant le président l’Assemblée nationale est un noir, n’est-ce pas un gage d’ouverture des autorités?

Le président de l’Assemblée nationale est un noir, mais nous ne le considérons pas parmi nous. Il fait partie de ceux qui sont cooptés par le système, le pouvoir. Il fait partie de ces noirs corrompus par le régime pour entériner sa politique. Quand nous avions été condamnés, quand il s’est agit de nous pendre, il a été de ceux qui soutenaient cette cause.

Et les médias mauritaniens dans tout ça. Relaient-ils vos activités?

Les médias en Mauritanie se sont inscrits dans une campagne de dénigrement international qui, au lieu de contribuer à discréditer le mouvement, au contraire, nous a valu de la publicité. Ça a permis aux gens de mieux nous connaitre et il y a eu des adhésions massives. Les médias sont de connivence avec le pouvoir. Tous les grands groupes de presse appartiennent à des arabo-berbères. Aucun «hartani» (communauté noir mauritanienne) ne dispose d’un média en Mauritanie.

Notre mouvement est pacifique, nous sommes contre toute violence, mais l’Etat a choisi la répression pour nous faire taire, avec une force de nuisance extraordinaire. Nous sommes privés de média et de ressources, ceux qui travaillent dans l’administration ou des entreprises sont privés de tous avantages dus à leur rang, ils n’ont pas accès aux soins.

Ibrahima Diallo


Source :http://www.sudonline.sn/notre-but-cest-la-prise-du-pouvoir-en-mauritanie_a_
15617.html


 

Trois questions à Biram Dah ABEID, président de l’Initiative de Résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA) en Mauritanie :

 

« Sans entreprendre des mesures d’équité et de réformes drastiques, visant l’égalité et l’affranchissement économique, en faveur des noirs et des Hratin, les lois anti-esclavagistes ne produiraient que de la frustration»

Le Calame : Votre mouvement a organisé le mardi dernier un sit in devant la représentation des Nations Unies à Nouakchott. Quels étaient les objectifs de ce sit in ?

Biram Dah ABEID : Nous avons organisé cette manifestation, le 3 septembre 2013 devant le siège des Nations-Unies dans la capitale Nouakchott, afin de sensibiliser la communauté internationale et surtout le rapporteur spécial de l’ONU sur le racisme, la xénophobie et l’intolérance, lors de sa visite en Mauritanie, sur la persistance, dans le pays, d’un racisme domestique et d’Etat, frappant la majorité du peuple mauritanien. Par majorité numérique, j’entends les Hratin ou autochtones noirs (plus de la moitié de la population) assimilés et assujettis  à l’esclavage par les Arabo-berbères, les ethnies noires - Peulh, Soninké, Wolof et Bambara ; ce racisme se manifeste par des pratiques d’exclusion, de divers degrés, allant des exécutions extrajudiciaires et des pogroms à visée d’épuration ethnique, à l’inégalité devant la loi, l’inégalité des chances, jusqu’à la sacralisation, la codification et donc la légitimation de l’esclavage des noirs, établissant ainsi leur infériorité de fait, parfois au nom des préceptes religieux en vigueur dans la République Islamique de Mauritanie. Notre objectif était aussi de mettre l’accent sur l’impunité dont bénéficient les membres de l’élite au sein de la communauté minoritaire et dominante arabo-berbère, une oligarchie-aristocratie-théocratie raciale, qui a fondé et bâti son mode de vie sur la traite des noirs et l’esclavage ; ce faisant, elle a fini par ancrer, dans la pratique de l’Etat et des rapports sociaux, une hiérarchie du genre humain, rendue rigide, par une interprétation fallacieuse de l’Islam, et une duplicité envers le droit international. Nous avons voulu dénoncer, par ce sit in, les pratiques, crimes et délits de racisme dont souffrent quotidiennement les populations Hratin et noires victimes de travaux forcés, de traites des personnes, à l’intérieur de la Mauritanie et vers les pays du Golfe. Nous parlons, ici, d’esclavage racial et par ascendance, d’expropriations foncières, de marginalisations dans l’appareil d’Etat, d’exclusions et de privation de pièces d’état-civil, etc.


Vous avez dit que vous voulez attirer l’attention du Rapporteur spécial des Nations Unies sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance, actuellement en visite dans notre pays sur le problème de l’esclavage en Mauritanie. Au-delà de l’application des textes criminalisant ce phénomène, ne pensez-vous pas qu’il faut d’abord le combattre sur le plan économique ?


En effet, sans entreprendre des mesures d’équité et de réformes drastiques, visant l’égalité et l’affranchissement économique, en faveur des noirs et des Hratin, les lois anti-esclavagistes ne produiraient que de la frustration. L’exclusion matérielle des Hratin et des noirs, résulte de décennies de pouvoirs publics connivents et historiquement solidaires ; cette ligne officieuse de discrimination et de marginalisation des noirs et des hratin, qui a accompagné la dérive ethnicisée du pouvoir en Mauritanie, atteint son paroxysme, de nos jours ; ainsi, dans les ports de Mauritanie et ses centres urbains, une bourgeoisie non-productive arabo-berbère exploite sans merci, sans aucun souci des lois et conventions en vigueur, ni même de la paix civile, des armées d’employés et d’ouvriers noirs et hratin, réduits à survivre, juste survivre à l’oppression qui les nourrit. Je souligne que les fortunes qu’étalent les riches personnalités arabo-berbères sont loin d’être le fruit d’un labeur ou du travail dur ; au contraire, ces richesses sont le fruit, facile, de la politique de prédation tribale que les différents régimes civils et militaires arabo-berbères ont adopté pour créer et faire prospérer des réseaux de solidarité clientélistes, au détriment de l’Etat. Les noirs et les hratin sont maintenus à la périphérie du système ; les banques de l’Etat, les sociétés publiques ont été bradées, pillées, dans une totale impunité, par des personnalités arabo-berbères et selon la logique de l’alternance rotative, afin de satisfaire aux demandes -successives - de chaque clan. Des prêts faramineux et jamais remboursés leur ont été octroyés, des domaines cultivables et constructibles alloués au détriment des noirs et des hratin, dans les banlieues et taudis des grandes villes, la vallée du fleuve Sénégal et les régions agro-pastorales du centre-est. C’est une véritable colonisation économique, après celle administrative. Dans le Sud, les populations Hratin et noirs, vivant de la terre ont subi une méthodique spoliation, sous couvert de décisions de l’Etat Mauritanien, devenu ainsi le parrain de l’expropriation d’une race par une autre. Les noirs et hratin du Sud-Ouest, de l’Est et du Centre-Est, se retrouvaient alors déportés dans leur propre pays, sur les terres de leurs ancêtres ; et ce sont, à présent, des multinationales étrangères qui commencent à acquérir le sol nourricier, de la main des notables tribaux qui les ont acquis par le truchement et la connivence de gouvernements privatisés, de facto.

La manne financière issue de notre richesse halieutique n’a bénéficié qu’à nos compatriotes arabo-berbères, pourtant, ironie du sort, si éloignés, dans l’histoire, de tout rapport avec la mer et pour la plupart rétifs à en consommer le produit ; c’est l’Etat lui même qui a décidé et agi ainsi, laissant pour les noirs et les hratin, les ingrats et harassants rôles de matelots et autres emplois subalternes. Youssouf Sylla, Omar Yoro Dia et feu Koulibaly Bakary ne vont pas me démentir ; eux qui, noirs de leur Etat, ont été sanctionnés et ruinés, pour avoir osé s’aventurer sur le terrain de l’ambition économique, du rêve de la richesse que les côtes poissonneuses de la Mauritanie autorisent.

Et concernant les mines, le fer, l’or, le pétrole, le cuivre, leurs découvertes s’abattent comme des malédictions sur les ouvriers noirs et hratin surexploités par les sociétés de sous-traitance agréées par l’Etat au profit, exclusif, des arabo-berbères. Dans ces sociétés, les cadres noirs et hratin sont surchargés de tâches, au mépris du droit du travail et privés de promotions à cause de leur race et de leur naissance. Les entreprises de sous-traitance leur appliquent des pratiques d’esclavage moderne prohibées par les normes internationales.

Les voici exclus, des avantages que les sociétés étrangères, basées en Mauritanie, octroient aux entreprises de sous-traitance des divers services. Pour preuve, prenons par exemple, Kinross-Tasiast : sur quatre cent entreprises mauritaniennes de sous-traitance, une seule entreprise de transport est la propriété d’un hartani, Abdallahi Ould Breihem ; une sur 400 ! Imaginez, en conséquence, la proportion dans d’autres domaines !!!

Ce dernier, en contrepartie de ses services, ne bénéficie que d’un montant mensuel dérisoire de seize millions d’ouguiya (52 460 Dollars US) sur une somme pharaonique de six milliards d’ouguiyas (19 millions 680 mille Dollars US) qui va dans les poches des 399 sociétés de sous-traitance détenus par les arabo-berbères ; mais malgré l’absence totale de bénéficiaire hratin de cette manne, le hartani, à la ponction ultra-congrue, Abdallahi Ould Breihem, a vu ses contrats résiliés au profit d’un sous-traitant arabo-berbère !!! Pour satisfaire aux exigences de partage du gâteau au sein du groupe dominant, l’injustice doits s’abattre sur les autres mauritaniens : c’est la loi du genre et la règle inavouée du système.

L’exclusion et la discrimination qui frappent les Hratin dans les corps de l’Etat mauritanien ainsi que les entreprises publiques commencent à se reproduire, voire se transposer, auprès des sociétés étrangères qui opèrent dans notre pays. Ces entrepreneurs doivent éviter de se retrouver complices, supplétifs inconscients d’une iniquité contraire à leurs valeurs et à leur histoire, sous peine de devoir en payer le prix lourd, en terme de revendication catégorielle et de perte d’image.


Vous avez toujours dénoncé le fait que les haratine sont exclus du tissu économique. Comment peut-on remédier à ça ? Est-il possible de créer des hommes d’affaires haratine ex nihilo ?


L’Etat pourrait bel bien remédier à cette situation d’exclusion des Hratin en combattant le préjugé Roi et Originel, véhiculé par la mentalité sociale mauritanienne, Khaldounienne, qui stigmatise la race noire et la perçoit comme un réservoir d’ouvriers, de travailleurs et d’esclaves, appelés à créer par le labeur du corps, la félicité pour la « race supérieure ». Il importe, d’abord, de déconstruire cette croyance inscrite dans les codes « religieux » mauritaniens, les livres nègriers que nous avons eu la chance d’incinérer une certaine journée du 27 avril 2012 ; il convient d’interdire l’enseignement de tels ouvrages quand ils stigmatisent le noir, le chosifient et confèrent à son exploitation un caractère sacré. Il faut ensuite donner une âme et une substance dissuasive à une justice du travail et à une justice tout court ; il y a lieu d’abolir ce privilège qui enrichit les oisifs au détriment des acteurs de plus-value, bref, interdire les situations de monopole au profit des sociétés arabo-berbères de sous-traitance de la main-d’œuvre hratin et noire. L’Etat suscitera une classe d’affaires noire et hratin, par une procédure transparente de prêts bancaires et autres formes économiques, monétaires et budgétaires d’encouragement des personnes honnêtes et travailleuses, donc par des méthodes et procédures licites, un peu à l’inverse de la genèse du capital privé national, depuis le coup d’Etat du 10 juillet 1978. Le pillage à grande échelle de la Mauritanie et l’instauration d’un rythme d’alternance prétorienne aux fins d’en garantir la rotation date de cet évènement ; ainsi, patiemment et sans que le fait ne soulève plus de protestation, l’Etat mauritanien privatisé, a, par des méthodes illicites, tordues et discriminatoires, fait naitre des dizaines, voire des centaines de richissimes entrepreneurs arabo-berbères et maintenu, la majorité, dans la misère. Cette majorité ne se tait plus. Voilà la grande nouvelle !


Propos recueillis par Ahmed ould Cheikh

Source : http://www.lecalame.info/interviews/item/1158-trois-questions-%C3%A0-biram-dah-abeid-
pr%C3%A9sident-de-l%E2%80%99initiative-de-r%C3%A9surgence-du-mouvement-
abolitionniste-ira-en-mauritanie


 

Entretien avec Biram Dah Abeid, président d’IRA-Mauritanie


Afrikum@.org-- Dans cet entretien exclusif avec le Président de l’Initiative de Résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA)  de  Mauritanie, Biram Abeid Dah revient sur son engagement, les difficultés rencontrées  par son mouvement et le dernier manifeste des hratines. Qu’en est-il de sa rencontre avec Obama à Dakar ?

« Le Hartani et le Bidhani racontent deux destinées différentes, opposées, que seule l’égalité parfaite concilierait un jour. »


Votre présence à  Dakar coïncide avec celle d'Obama, Ira s'investit-elle dans la diplomatie?La diplomatie d’Ira s’est développée dans un environnement d’adversité très particulier. Dans ce contexte,  Ira a marqué des points importants  car notre résistance juridique basée sur le droit international   a impressionné les mauritaniens des couches défavorisées, des intellectuels.  Elle a acquit le respect des organismes internationaux, des ONG, des représentations diplomatiques.   Ma présence ici à pour objet d’animer le symposium organisé par IRA, section  Dakar, et d autres agendas dont la présence du président américain qui est aussi importante.
Y a-t-il audience avec le président américain ?

Je pense qu’au stade actuel des choses je préfère garder le silence jusqu’ à la fin de la visite du président Américain.


Quelles sont les difficultés rencontrées par Ira sur le terrain aujourd'hui ?
Ira rencontre plusieurs difficultés sur le terrain. Mais heureusement l’étau s'est desserré autour d’Ira. De fait,  l'organisation  a gagné haut la lutte  autour de la sacralité du code noir, du code négrier, des livres esclavagistes en Mauritanie. Cette bataille qui a été dure , nous a imposé un régime de détention, de privation de libertés et d’isolement, qui est l’ un des plus durs ;  c’est une arrestation très violente qui a mis en scelle des forces d'élites, de la police et de l'armée, mauritaniennes qui ont cerné tout un quartier, ils ont arrosé le quartier où j’habite, de grenades lacrymogènes et de bombes assourdissantes, parfois de balles réelles. Ainsi, ils ont procédé à une opération musclée, pour faire douter les humbles populations de voir l’espoir poindre à l'horizon  à travers l’engagement et l'activisme d’IRA. Je pense que cette bataille a mis en branle  une campagne de diabolisation internationale de la part de l'Etat Mauritanien, par média interposés ; cette campagne de terreur sans précédent a été déjouée par notre détermination. Or, la bataille, nous avons fini par la gagner avec le prix internationaux  dont le dernier est le prix Front Line Defenders qui m’a été décerné le 3 mai dernier par le président Irlandais. Cette distinction   est  l’une des plus prestigieuses qu'un militant des droits de l'homme puisse obtenir. C’est  une reconnaissance internationale, le jury aussi est international, les bailleurs de fonds et les soutiens  comme l’EU et les grandes puissances démocratiques, tout cela n'est pas peu. Je peux dire que l'étau s'est vraiment desserré autour d'IRA. Malgré tout cela et surtout notre forte popularité à travers le monde, Ira reste  toujours interdite par les autorités mauritaniennes et nos activités restreintes ; notre coopération avec les organismes internationaux et les Etats dans le monde demeure fortement limitée  à cause de notre défaut de reconnaissance. Les difficultés sont énormes en Mauritanie en ce sens  que les groupes dominants qui ont fondé leur mode de vie sur l'esclavage, la prédation des droits de l'homme, impriment, à l'Etat, un cachet raciste et esclavagiste. Ce système maintient une grande partie de la population dans les chaînes de l'esclavage et/ou de la marginalisation, du fait de la couleur de la peau et de la naissance. Tout ce que je viens de dire représente, entre autres, des difficultés énormes qu'il faudrait dépasser un jour. Pour ce faire, il y a un travail à mener au quotidien ; C’est ce qu’Ira fait. Aujourd'hui, le groupe minoritaire arabo-berbère détient tous les pouvoirs politique, économique,  militaire, intellectuel et religieux en Mauritanie. Cette entité factice n’a pas rompu la chaîne de solidarité des pratiques esclavagistes, malgré notre activisme destiné à ce groupe et à tous les autres ...Cet agglomérat compact est toujours dopé par les privilèges illicites  qui découlent de l’état de fait, de nature raciste ; de telles faveurs sont taillées par le feu, le sang et la terreur sur le flanc ensanglanté des hratines et des noirs de Mauritanie.


Vous dites souvent qu'il faut couper les têtes du serpent, l'opposition classique et le pouvoir. Pensez-vous qu'il y a une troisième voie ?
Bien sur. Ira à inventé la troisième voie. Je considère que l'opposition et le pouvoir sont issus d’un même système. Ce sont deux faces d'une même pièce de monnaie. Leur contradiction est pour nous une querelle  d'enfant gâté autour d'un héritage illicite. Je pense qu'ils utilisent les mêmes instruments, la même rhétorique, par exemple leur unanimité à élever à la sacralité des livres que nous avons incinérés  le 27 avril 2012.  Cet acte symbolique à suscité, en leur sein, puis contre eux, une véritable levée de bouclier, comme disent les journalistes. Il y a des passages et des routes qui sont déblayés avec ce courage et  la détermination des membres d’IRA à braver les obstacles, afin de briser les chaînes de l’esclavage des consciences. Dans les grandes lignes, l'Etat  mauritanien sert encore les intérêts des esclavagistes et obscurantistes du XXI  siècle,  autour de dogmes religieux dont le détournement initial, voire la fabrication, porte la volonté manifeste d’instaurer l’inégalité entre les musulmans. Il  n y a de différence : l Etat mauritanien reste au service, quasi exclusif de la minorité arabo-berbère ; le négationnisme de l'esclavage, les préjugés  ethniques contre  les noirs, l’assimilation forcée des hratines, ce sont les manifestations quotidiennes, banalisées, de cette préférence ; Je pense que le partage entre le pouvoir et l'opposition partisane relève d’une complicité nécessaire par delà les divergences de forme, pour que le système se perpétue. C'est bonnet blanc et blanc bonnet. A y regarder de près, tous ceux qui sont reconnus et réputés liés à la pratiques du racisme et de l'esclavage  se trouvent dans les deux camps, celui de l'opposition et celui du pouvoir. Idéologiquement le rapport entre opposition et pouvoir en Mauritanie, est synonyme de contradiction sur l’accessoire et de consensus sur le fond : l’autorité matérielle et le leadership moral appartiennent, de droit et de fait, à l’ethnie des Bidhanes ; qu’elle soit minoritaire n’y change rien.


Quelle est la position de Biram en ce concerne le dernier manifeste des hratines du 29 avril dernier, vous aurez quitté la salle, pour divergence avec certains passages qu'en est-il vraiment?Au nom d’Ira, j’ai participé à la rédaction du document ; on l’a rédigé selon la vison qui peut être une rupture, une nouveauté. Mais à notre grande surprise lorsque le document se lisait dans la salle, il s'est avéré qu’il a subi des modifications, il a été travesti, on a tordu le coup  à la substance du message. Et de manifeste hratine, il s'est transformé en manifeste bidhane. C'est donc un manifeste des groupes dominants, parce que j ai senti puis vu, dans mon dos, l’empreinte des plus brillants laudateurs du système Ould Abdel Aziz ; ce sont des gens  reconnus pour leur faux témoignage et introduits comme faire-valoir parmi les hratines, pour combattre ceux qui luttent contre l'esclavage et semer la discorde ; j ai vu devant moi un peloton de la Coordination de l’opposition Démocratique(COD), des pseudo militants de la lutte abolitionniste et pourtant prompts à s’afficher, en concurrence avec le pouvoir du moment, dans le soutien aux esclavagistes, quant il le faut. Donc je reproche à un tel document d'avoir neutralisé la charge réformatrice contre le rite esclavagiste, les dogmes esclavagistes, contre les livres négriers et racistes, ceux que nous avons brulés.

Je reproche à ces pages attiédies de ranger les hratines, dans la communauté arabe de Mauritanie ; pour nous, notre identité plurielle, à la fois africaine, arabo-berbère et islamique, nous résume moins que le legs spécifique, exceptionnel de notre oppression à travers les siècles ; en cela, il est une insulte et une infamie de nous réduire à figurer dans l’histoire des maitres, nous figer comme appendice de leur anthropologie. Le Hartani et le Bidhani racontent deux destinées différentes, opposées, que seule l’égalité parfaite concilierait un jour.

Nous  n’acceptons guère, une identité par décret politique de la part de nos anciens bourreaux qui veulent toujours reconduire une majorité artificielle en Mauritanie pour justifier l’accaparement du pouvoir et la sujétion des autres communautés. Nous refusons que les hratines soient instrumentalisés que leur identité soit manipulée. Et c'est vraiment dommage que le document  ait entériné ce grand dogme du pouvoir et des groupes dominants qui exploitent les hratines ! Nous reprochons à ce document le fait qu’il n’ait pas mis l'accent sur l'esclavage. C'est finalement un document qui se focalise sur les séquelles de l’esclavage, donc opportuniste ; cette déviation porte la marque de cadres et de mouvements hratin opportunistes, des activistes et cadres tout simplement instruits qui se sont trop vite rêvés révolutionnaires. Certains d'entre eux nourrissent, depuis des décennies, le terreau de l'opportunisme en Mauritanie. Vraiment là ou le bas blesse c'est l'élite qui marchande au nom des autres en brisant ainsi l'espoir des couches défavorisées,  sans défenses ...Je considère que la lutte des hratines ne peut pas être abrégée à la production de documents. Si vraiment c'est un document des hratines, il devrait mettre l'accent sur les luttes des hratines sur le terrain et reconnaître, par exemple, le rôle insigne de Ira et d’autres organisations abolitionnistes et antiracistes  en Mauritanie ; la démarche de rupture doit être réelle et théorisée...À mon humble avis,  il n y a rien d’autre à faire que de devoir lutter contre toute forme de domination...Je  ne puis admettre que des cadres et organisations se prennent pour des portes- parole d'une communauté alors qu’ils n’ont rien donné de leur temps, consenti aucun sacrifice pour défendre l’idéal tapageusement revendiqué. Je dis que le document à été détourné par les groupes dominants qu'ils  soient du pouvoir ou de l'opposition et c'est pourquoi je me suis retiré et j'ai dit bon vent à ces continuateurs s'ils peuvent réussir la lutte au profit des plus humbles, sans arpenter, pour autant, les vrais chemins qui mènent vers la liberté.

De plus, le document à entériné une propagande relative au coup d’Etat de 1987 fomenté par les FLAM, selon la version officielle.  Alors, cela relève plutôt du mensonge éhonté d'un système inique qui va nier jusqu'à l'existence d'une communauté et justifier la répression contre les négro- africains durant les années 87-89. En 1987, il n y'a pas eu de début d’exécution d’un coup d'Etat, soyons justes ! Certains officiers noirs ont pensé  prendre le pouvoir, un point c’est tout! Et je considère que les FLAM étaient loin de ce putsch programmé.


Vous pensez que les mauritaniens doivent être livrés à une thérapie sociale?
Absolument, il nous faut une thérapie sociale dans le sens plein du terme. Il nous faut la  refondation de l'Etat mauritanien. Tous les corps doivent être reconstruits, le corps des administrateurs, des officiers de la police judiciaire, des oulémas qui sont des vecteurs de la suprématie, de la vision d'une société archaïque. Il  y a également les entités traditionnelles, les tribus, les clans dépositaires de l'idéologie de domination, dépositaire de systèmes de valeurs contraires aux normes des droits de l’homme et de démocratie, qui sont encore  un trésor puissant et s'allient avec l'Etat pour sauvegarder leurs intérêts. Il nous faut guérir les descendants maîtres du complexe de supériorité généalogique, briser la mémoire tribale et ce, par le métissage, les unions exogamiques, un concept qui effraie tant parmi les Bidhanes, parce qu’il tend à briser la base eugénique de la domination.


Propos recueillis par Moulaye Ismaël KEITA et Ismaël Aidara à Dakar.
Source :  http://www.afrikuma.org/

 

 

Leila Mint Ahmed Ould Khliva, épouse de Birame Ould Abeid dans une interview exclusive au Calame


''Quand le Président d'un Etat prétendument démocratique se permet d'interférer publiquement et d'anticiper sur le verdict du procès d'un citoyen, je crois que les choses sont déjà réglées''.

La maison du président de l'Initiative de Résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA), située au PK 10 de Ryad, était calme, en cette soirée du samedi 23 juin 2012. Ce n'est plus la grande animation du temps où le leader de l'IRA était encore en liberté. Sa femme Leila, à peine la trentaine, était là, entourée de trois militants de l'organisation.

Tout était austère. La maison où elle venait de déménager, avec ses cinq enfants et quelques victimes des "séquelles de l'esclavage", dont les deux frères Yarg et Saïd, était encore un grand chantier, sans eau ni électricité. Et, comme par hasard, juste à la veille de l'arrestation de son mari, le 28 avril dernier, le sénateur de Ouad Naga, Ahmedou Ould Chemad, a demandé à la famille de Birame de lui libérer sa maison, sous prétexte de l'avoir vendue. Mais, malgré tout ce dénuement, Leïla semble avoir gardé un assez bon moral pour se permettre d'évoquer quelques anecdotes.

Selon elle, les deux petits esclaves Yarg et Said, qui apprennent à l'école privée Cheikh Yacoub, se sont classés, respectivement, premier et troisième de leur classe. " Fini ", dit-elle en riant, " le temps de la poursuite des chameaux dans les confins d'Agchorguitt où les deux petits esclaves ont été arrachés à leurs anciens maîtres les Ehl Hassine ". Leila se comporte en véritable cheftaine. Sans bouger, elle donne les ordres par téléphone. Un bon zrig, très rafraîchissant, puis un excellent thé à la menthe, agrémenté par les histoires des trois militants présents.

Quand Lehbouss, le quatrième enfant de Birame, âgé d'à peine trois à quatre ans, vient se joindre à l'assistance, toute l'attention se porte sur lui. Sa maman lui demande de réciter quelques slogans qu'il a mémorisés, pour les avoir régulièrement entendus de la bouche des militants de l'IRA. D'abord un peu gêné, l'enfant s'en donne bientôt à coeur joie : "Cha'al, Cha'al, Ya Biram! "(brûle, brûle, ô Birame !), "Houriya Houriya" (Liberté, liberté) ou "Telssouhoumwala bine zidouhoum" (libérez-les ou ajoutez-nous à eux).

Après deux mois de détention (28 avril 2012 au 27 juin 2012), Birame Ould Dah Ould Abeid et ses six codétenus (le journaliste Oubeïd Ould Imigine, Ahmed Ould Hamdi, Abidine Ould Maatala, Yacoub Diarra, El Id Ould Lemlih et Boumediene Ould Bata) seront présentés, au Parquet, le mercredi 27 juin prochain, pour avoir incinéré, le vendredi 27 avril 2012, des traités du rite malékite. A la veille d'un jugement que tout le monde attend, Le Calame a interrogé Leïla Mint Ahmed Ould Khliva, l'épouse du président d'IRA

Le Calame : Avez-vous eu l'occasion de voir votre mari depuis son arrestation ? Le cas échéant, à la suite de quelles démarches ?

Leïla Mint Ahmed Khliva : La seule fois où j'ai pu le voir, plusieurs heures durant (de 9 heures à 16 heures) c'était le mercredi dernier 20 juin. Avant cela, je le voyais, de temps à autre, à travers des vitres. Il m'a fallu trois semaines de tracasseries, de va-et-vient dans les dédales d'une administration pénitentiaire peu coopérative et, au bout du compte, l'intervention d'une haute personnalité de l'Etat, pour pouvoir, enfin, voir mon mari.

Les premiers temps de sa détention, il était isolé dans une petite pièce exigüe et chaude. Son moral est resté bon, quoiqu'il soit malade et souffre de gastrite. Mais il a, quand même, reçu la visite d'un médecin et quelques potions traditionnelles que je lui ai amenées.

- Quels sont les détails de cette histoire d'incinération des livres et qu'est ce qui s'est passé au cours de la nuit du 27 avril?

- (Rires) Pour ce qui de l'incinération, je n'ai appris cela qu'une fois les livres brûlés. Le soir, aux environs de 21 heures, alors que je dormais et que Birame était au salon avec quelques personnes, plusieurs voitures de police ont entouré la maison et attaqué violemment, à coups de grenades lacrymogènes, ses occupants: les femmes, les enfants et quelques visiteurs totalement innocents, alors même que Birame s'apprêtait à sortir à leur rencontre.

Cependant, je cautionne entièrement l'acte de mon mari, car j'estime que certains passages de ces livres ne sont plus d'actualité et permettent, juste, aux esclavagistes de justifier leurs abominations à l'encontre de personnes sur lesquelles ils n'ont absolument aucun droit, du point de vue même de l'Islam, car les oulémas ont prononcé le non-fondement légal de l'esclavage, dans les années 80, sous Haïdalla, ce qui a entraîné son abolition.

Je considère, en tant que militante d'IRA, que ce geste est un acte de militantisme qui aura permis de reposer la problématique de l'esclavage qui touche des centaines voire plus d'un million de Mauritaniens.

La grande instrumentalisation politique et le tapage médiatique qui ont été entretenus autour prouvent qu'il y a anguille sous roche.

- Le salaire de votre mari est suspendu, depuis le mois de février. De quoi vivezvous, aujourd'hui ?

- De la grâce d'Allah. Certaines bonnes volontés, des proches parents, dont mon père et ma mère, et de fidèles amis à mon mari, des militants et des personnalités anonymes contribuent à ce que rien ne manque dans la maison.

Je profite de l'occasion, à travers les colonnes de votre respectable journal, pour leur exprimer, publiquement, toute ma reconnaissance et tous mes remerciements.

- Le procès de votre mari est prévu pour le mercredi 27 juin 2012. Quel message voulez-vous adresser aux juges en charge du dossier ?

- Le message que je voudrais leur adresser est celui qu'Allah leur a déjà exprimé : lorsque vous avez en charge cette terrible mission, jugez équitablement entre les gens.

Mais que peuvent-ils, les pauvres ? Quand le Président d'un Etat prétendument démocratique se permet d'interférer publiquement et d'anticiper sur le verdict du procès d'un citoyen, je crois que les choses sont déjà réglées. Je sais qu'il faut beaucoup de courage, de bonne conscience et de rectitude morale pour que ces magistrats sortent de la logique du Président.

- Voulez-vous adresser un mot aux organisations des droits de l'Homme?

- Naturellement. Un vibrant hommage, un mot de remerciement et de reconnaissance pour toutes les organisations, nationales et internationales, le collectif des avocats, les personnalités de divers horizons et à la presse, pour qu'ils exercent davantage de pression afin que Birame et ses amis, qui ne sont que des détenus d'opinion, en arrestation arbitraire injustifiée, soient, purement et simplement, relaxés.


PROPOS RECUEILLIS PAR SNEÏBA EL KORY.


 

  

Interview de Birame Ould Abeid à La Tribune

 La Tribune N°539 du 28/02/11

Biram Ould Abeid, Président de L’IRA à la Tribune : « ce sont les autorités qui se sont graciées elles-mêmes. »

La Tribune : Quelles les leçons que vous avez tirées de votre séjour en prison ?

Biram Ould Abeid : j’ai compris qu’il faut d’abord continuer ma lutte avec courage et abnégation, pouver ensuite aux autorités de mon pays que mes amis et moi, nous étions l’objet d’une machination et prouver enfin à l’opinion nationale et internationale que l’esclavage existe en Mauritanie.
 

La Tribune : Comment avez-vous accueilli votre libération ?

B.O.A : Les gens ont dit que nous étions graciés et nous disons que ce sont les autorités qui se sont graciées elles-mêmes. Elles ont su qu’elles sont sur la mauvaise voie et elles été dérangées par les soutiens qui nous étaient faites par les hommes politiques nationaux et les organisations internationales des droits de l’homme.
 

La Tribune : Moins de deux semaines après votre sortie de prison, vous venez de déterrer un cas présumé d’esclavage sur une mineure. Est-ce pour dire que votre lutte continuait durant votre incarcération ?

B.O.A :(Rires) ! Notre lutte continue et continuera jusqu’à l’éradication totale de l’esclavage et l’effacement de ses séquelles. Depuis notre cellule, nous continuions la lutte et dehors les militants de L’IRA menaient à bien leur mission. La lutte continue et nous ne baisserons jamais nos bras tant que l’esclavage existe.

Propos recueillis par Ould Sidi
Source:
http://www.fr.essirage.net/index.php/actualites/280-esclavagisme-presume-a-arafat-biram-
et-ses-amis-reviennent-a-la-charge

 

 

 

 

                BIRAM OULD ABEID, PRÉSIDENT DE L'IRA

www.cridem.org

" Nous continuerons la lutte au profit des causes pour lesquelles Ould Dahoud a sacrifié sa vie "

Question : quelle est votre appréciation de la peine de six mois d'emprisonnement ferme dont vous avez écopée (vos deux camarades et vous) et celle similaire qui a été infligée à Mme Moulmine Mint Bakar (dénoncée par l'IRA, pour pratiques d'esclavage) ?
Biram Ould Abeid : tout d'abord, sachez que je ne suis nullement surpris du harcèlement dont mon organisme Ira - Mauritanie, et moi-même font l'objet de la part du pouvoir. Cet acharnement du régime contre nous depuis son avènement depuis août 2008 était bel et bien annonciateur de la répression qui nous attend tant que nous percevrions dans notre engagement. En effet, cet engagement et cette défiance face au régime est un choix irréversible, quel qu'en soit le prix que nous devrions payer. Acet égard, l'agression dont j'ai été l'objet le 13 décembre, les blessures graves que j'ai subies, le passage à tabac et autres formes de tortures, ma diabolisation dans les médias publics ou autres, ma condamnation avec mes camarades, tout ceci était bien prévisible, pour tous ceux qui connaissent la nature du système qui nous gouverne. Mais c'est notre persévérance dans notre ligne d'action radicale et sans compromission doublée de notre discours de démystification du système raciste et esclavagiste et de remise en cause de ses fondements idéologiques et religieux qui viendront à bout des tentatives grotesques du Général Ould Adel Aziz de créditer son pouvoir de démocratique et respectueux des droits de l'homme, aux yeux de la communauté internationale.
Nous y arriverons au péril de nos vies, mais nous y arriverons c'est sûr. Et nous sommes au début de cette réussite car, nous constatons que le pouvoir n'a d'autres réponses à note discours mobilisateur
et nos actions légales et pertinentes sur le terrain que la violence indicible et l'instrumentalisation
des appareils sécuritaires et judiciaire pour notre répression et l'interdiction de nos cadres légaux d'association, d'action et d'expression. Concernant la condamnation de Mouloumine Mint Bakar Vall à six mois de prison ferme, c'est une manoeuvre de diversion. Le chef d'inculpation, d'exploitation de mineurs est faux, archifaux. Moulomine est prise en flagrant délit de pratiques esclavagistes sur deux mineures qui sont ses esclaves par ascendance.
Ce sont selon le code d'esclavage traditionnel légitimé par la version Mauritanienne du rite Musulman Malekite en vigueur dans le pays, des propriétaires à Madame Mouloumine qu'elle a hérité de ses ascendants. donc elles ne sont pas des esclaves économiques comme le prétendent certains négationistes de l'opposition Mauritanienne, moins encore des mineures exploitées ans bases ni fond d'esclavage comme le disent les autorités judiciaires pour confronter la ligne négationiste qu'adopte le gouvernement mauritanien à propos de l'esclavage. De ce fait, Mouloumine devait être jugée selon les textes de la loi criminalisant l'esclavage et les pratiques esclavagistes qui stipulent que ce crime est passible d'une peine allant de cinq à dix ans de prison ferme. C'est pourquoi je voudrais que les ONGs qui assistent les mineures et leurs avocats-conseils interjettent en appel à ce jugement pour qu'au terme des voies de recours nous pussions soumettre ce déni de justice aux instances judiciaires internationales. Mais d'autre part, Mouloumine, ses parents et ses avocats doivent s'armer de vérité et de courage et de ne pas accepter de se taire sur la discrimination dont Mint Bakar Vall fait l'objet par ces poursuites et ce jugement car d'autres personnes ayant été l'objet de dénonciations de notre part et de la part d'autres ONGs , pour pratiques avérées d'esclavage sur mineurs notamment, et dont les faits sont similaires ou même pires que ceux reprochés à Mouloumine n'ont jamais été inquiétées. Les plaintes contre eux, notamment déposées par les victimes elles-mêmes, les ayants droit des victimes et aussi les ONGs, sont pendantes devant la justice ou classées méprisamment sans suite. Et, sans être exhaustif, je peux citer les deux familles Ehel Veyjeh et Ehel Elhaj à ( Yedaly, Gorguy et Feyliha) à Rosso, Viyah ould Mayouf, ex colonel et exministre ( à Atar), Abderahmane et Toumena fils et fille Dhournoureine à Teyarett, Vatma Mint Baya qui a fait don de sa petite esclave à sa cousine à Toujounine, Mohamed Ould Nebbi qui détenait les deux enfants de Tarba à Guerou, Bemba Ould Heina qui détenait Messouda Mint Tewva à Boghé, El Hacen Ould Yehdih ( RKiz) , Abdallahi ould Bonel Moctar qui détenait Habi Mint Rabah et ses enfants à Eychaya ( Mederdra)…..etc. Pourquoi donc, pour des faits identiques dans toutes ces affaires, seule Mouloumine écope et pas les autres ? Il serait utile et libérateur pour la défense et parents de Mouloumine d'attaquer cette poursuite à travers cet angle qui fait apparaître son caractère sélectif et injuste.

Question : certains milieux officiels et sécuritaires vous reprochent d'avoir franchi les lignes rouges sur plusieurs questions dont celle des forces armées nationales que vous avez indexé de manières répétées comme étant un vivier de discrimination…
Biram Ould Abeid : qui est donc habileté et fondé à tracer les limites des lignes et à déterminer leur couleur ? Et surtout pour nous les communautés de ce pays meurtries par l'esclavage, le racisme et l'arbitraire. Est ce que ce sont ceux qui privent depuis plusieurs décennies les négro Mauritaniens de leur citoyenneté qui sont fondés à leur montrer la ligne rouge ? Est ce que ce sont ceux qui privent depuis des siècles les Haratins de faire partie de l'humanité qui sont fondés à leur fixer la ligne rouge ? Est ce que ce sont ceux qui persécutent et diabolisent les progressistes et les justes parmi les personnalités et cadres de la communauté arabo-berbère qui ont la légitimité de leurs dicter leur ligne rouge ? Pour moi, les institutions militaires et sécuritaires appellent plus que jamais, non seulement la réforme mais la refonte systématique, profonde et radicale. L'armée a dévié de sa mission depuis plusieurs décennies en investissant le champ politique. Un champ politique qui lui est interdit selon l'esprit de tous les lois, et qu'elle occupe ostensiblement et indubitablement, sous différentes formes ou couvert depuis 1978 jusqu'à nos jours. Autant que la parti RCD dans la Tunisie de Ben Ali, que la parti communiste en Chine, l'armée mauritanienne joue bel et bien le rôle du parti-Etat en Mauritanie. Vous savez tous que les officiers supérieurs qui tiennent l'armée et l'Etat Mauritaniens, ont chacun ses députés, ses sénateurs et ses maires qui l'a fait élire par son influence politique qui a pour base l'argent et les moyens de l'Etat et l'autorité
qu'il incarne. Vous savez aussi que c'est au sein de l'institution militaire que le nettoyage ethnique a été réalisé de la manière la plus systématique entre 1986 et 1992. Ce nettoyage continue, de manière
insidieuse. Ce nettoyage consiste en un filtrage des recrutements sur des bases ethniques et communautaires qui a consisté à fermer les corps des officiers et les postes de commandement aux Harratins et aux négro Mauritaniens sauf de rares cas qui sont les exceptions qui confirment la règle. Pour ces raisons et plusieurs autres, l'armée et les forces de sécurité ne peuvent pas être mis à l'abri des critiques. Les officiers de cette armée sont aussi liés aux milieux affairistes, beaucoup d'officiers supérieurs ont aussi des alliances très fortes avec des familles Trabelsi nationales. la trabelsisation est beaucoup plus forte chez nous que dans la Tunisie de Ben Ali, car là-bas il n'y avait qu'une seule famille Trabelsi contrairement à la Mauritanie.
D'autre part chacun sait que les forces de sécurité sont conçues pour casser les Harratins, lesquels sont perçus comme la force montante dont le réveil est menaçant pour le système, un système qui est battu sur leurs et leurs désolations.

Question : avez-vous un dernier mot ?
Biram Ould Abeid : mon dernier mot c'est ma fierté d'avoir vu mon sang couler pour la cause anti-esclavagiste pendant cette matinée du 13 décembre 2010 à Arafat. Je me joins par ailleurs par la prière, le deuil et le recueillement à la famille Dahoud et j'affirme que le sacrifice de leur fils ne sera pas vain. Nous continuerons la lutte au profit des causes pour lesquelles Ould Dahoud a sacrifié sa vie.

 

 

                            Birane Ould Dah Abeïd à Biladi

 

«Nous revendiquons une certaine radicalité pour rompre avec la complaisance et la compromission»
Birane Ould Dah Abeïd, est le leader de l’IRA (Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste) et assure actuellement la présidence tournante du Flere (Front de lutte contre le racisme, l’esclavage et l’exclusion en Mauritanie), une organisation née récemment. Il répond aux questions de Biladi.

Biladi : Le FLERE (Front de lutte contre le racisme, l’esclavage et l’exclusion en Mauritanie) vient de naître. Ceux qui souhaitaient une jonction entre des harratines et negro-mauritaniens, ont atteint leur objectif n’est-ce pas?


Birane Dah Abeïd (B.D.A) : Je tiens à apporter une nuance dans les propos de votre question. Tout d’abord il ne s’agit en aucun cas d’une jonction entre les H’ratine et les Négro-africains, ce n’est pas ma vision des choses. Et ce que je peux espérer, c’est une jonction entre tous les justes. Il importe donc de sortir de ce cliché, de ce fantasme entretenu et conforté par nos adversaires. Aussi, je tiens à dire qu’il est du devoir déontologique d’une certaine presse mauritanienne d’éviter la caricature, les raccourcis qui consistent à présenter nos actions comme un front contre nos concitoyens arabo-berbére (beydhane). L’histoire de notre pays est empreinte d’un système politique par lequel une minorité arabophone n’a pas accepté la diversité ethnique et culturelle de la Mauritanie dans son projet politique. C’est contre cette minorité là et le système de domination qu’elle a entretenu que nous nous battons  de façon active et il ne s’agit pas d’y faire face seulement dans la passivité. L’objectif, par ailleurs étant la revendication d’une justice sociale pour toutes les composantes de la Mauritanie quelques soient leurs origines. 

Biladi : Quelle sera votre stratégie de lutte contre les maux que vous dénoncez? Le droit? Et si cela ne fonctionne, qu’allez-vous quels sont les moyens que vous envisagiez de mettre en œuvre?

B.D.A : Là aussi, il est essentiel de préciser une fois de plus ma pensée, car à mes amis et moi, certains milieux  nous prêtent une image qui est en contradiction avec ce que nous pensons pour la Mauritanie. Notre engagement n’est pas communautaire et il ne le sera pas, quand bien même que nous pensons que tout combat ayant pour ressorts idéologiques le communautarisme est illusoire, voué à l’échec et est sans lendemain pour la Mauritanie. Le communautarisme n’est pas une réponse aux problèmes de notre pays. A cet effet, il importe de souligner que nos moyens de combats s’inscrivent dans les canaux de la légalité nationale et internationale loin de la violence physique qu’on nous prête  à tort de vouloir mettre en œuvre. Nous revendiquons une certaine radicalité pour rompre avec la complaisance et la compromission. C’est pour cela que nos adversaires nous dépeints sous l’image de communautaristes et autres attributs qui y sont subséquents. Sur un plan juridique, l’Etat de droit en Mauritanie est à construire et personne ne conteste ce besoin d’Etat qui se fait sentir à tous les niveaux. Son corpus juridictionnel n’apporte pas de réponses à la question de l’Esclavage, au passif et actif lourds de la Ségrégation raciale et de l’Exclusion. Il importe pour nous de se battre aussi sur ce terrain qui, selon nous a besoin d’une refondation complète.

Biladi : L’ensemble de composantes ethniques   ne doivent-elles pas être tenues pour responsables en ce qui concerne l’exclusion que vous dénoncez. Après tout des pans entiers de différentes communautés du pays ont soutenu le putsch du 6 août, dénoncé par certains intellectuels comme un coup d’Etat raciste qui vise à contrecarrer le changement ?

B.D.A : Une fois de plus vos propos méritent des rectifications. Loin de moi de se poser en donneur de leçon aux journalistes et aux médias, mais je suis toujours surpris du niveau extrêmement bas dans lequel vous situez nos actions. Il y a une réalité incontestable dans ce pays : la domination politique, économique et sociale de nos concitoyens beydanes comme vous dites est une réalité, elle n’est pas une vision simpliste de l’esprit ! Aussi, il n’échappe à personne l’agencement sociologique qui détermine en dernière instance le pouvoir politique et ses tenants en Mauritanie du fait justement de la prégnance des repères culturels dans les rôles politiques de tout mauritanien. En cela toutes les communautés en présence dans notre pays sont réfractaires à tout ce qui heurte l’agencement de leurs structures sociales avec des différences ici et là. Mais cela ne doit pas être une justification pour s’accommoder de réalités sociales qui réduisent l’individu à l’état animal. La présence de certains de nos concitoyens toutes communautés confondues au sein du système de domination s’inscrit dans une posture qui consiste à préserver des privilèges acquis par la promotion de la médiocrité. Ils en deviennent les otages et les instruments à la fois en ce sens que leurs rôles et leurs poids sont nuls. Cela ne date pas du régime issu du coup d’Etat du 6 Août, disons que les auteurs de ce coup, se sont accommodés de stratégies expérimentées et mises en œuvre par leurs prédécesseurs dont ils sont d’ailleurs le produit fini…

Biladi : Vous êtes opposés «par principe aux coups d’Etats» mais vous n’avez pris part aux manifestations qui suivirent le putsch du 6 août 2008,  parce que «le régime de Sidi vous a donné beaucoup de fil à retordre» en ce qui concerne le combat contre l’esclavage. Ne regrettez vous pas cela. Après tout sous le magistère de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdellahi, la Mauritanie a adopté une loi criminalisant l’esclavage, tandis que le régime qui se dit issu du putsch qui l’a renversé a tout simplement enterré cette question?

B.D.A : C’est votre interprétation et je vous en laisse la liberté ! Mon opposition au Coup d’Etat du 6 Août 2008 n’a pas été naturellement médiatisée comme celle d’autres personnes dont le poids politique est supérieur au mien je l’avoue. Cependant, je tiens à souligner que je n’ai pas accepté d’être l’instrument de certains milieux autour du FNDD et cela je l’assume. Ceci étant, je tiens à préciser tout de même qu’au vu et au su de tous, j’ai refusé de marcher avec le putsch malgré les sollicitations et les avances de ses dirigeants, cela doit vous prouver qu’il n’ya pas accointance entre le pouvoir et moi en termes de dividendes…Mon engagement ne peut faire l’objet d’un marchandage quelqu’en soit la nature…En ce qui concerne la loi criminalisant l’esclavage en Mauritanie on ne peut que la saluer, mais en tant que conquête historique et de haute lutte du mouvement abolitionniste et surtout de son dirigeant et symbole le président Messaoud Ould Boulkheïr. Par contre, je reproche au président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi comme à son successeur, qu’adopter une loi contre l’esclavage ne suffit pas à son éradication, il faut l’appliquer. D’ailleurs cette loi comme les précédentes souffrent de leur non application, la faute à une administration complice, à un pouvoir frileux et un manque de volonté politique certaine. Le fait que le régime issu du coup d’Etat ait enterré cette loi en est la preuve s’il en fallait une !

Mercredi, 08 Décembre 2010

Propos recueillis par Samba Camara
Source:
http://www.rmibiladi.com/

 

 

 Birame Ould Dah Ould Abeid « Il est évident que Ould Abdel AZIZ et
l’Opposition mauritanienne sont par ailleurs solidaires contres la majorité du peuple mauritanien... »

 


L’Initiative pour la résurgence du mouvement Abolitionniste en Mauritanie qui avait présenté des cas d’esclavage devant les autorités mauritaniennes compte porter plainte contre l’Etat mauritanien. Son président Birame Ould Dah Ould Abeid explique les raison de ce projet et réagit sur d’ »autres questions d’actualité : la création de l’ANLSERLP (agence nationale de lute contre les séquelles de l’esclavage, pour la réinsertion et lutte contre la pauvreté), les enregistrements concernant le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz, etc. 

Vous envisagez de porter plainte pour un cas d’esclavage que vous avez présenté la semaine dernière et à propos duquel votre organisation IRA a eu quelques échauffourées avec les autorités. Alors, où en êtes-vous ?

Birame  Dah Ould Abeid : Mais c’est faux ! On n’a jamais eu d’échauffourées avec la police. Ce sont les media esclavagistes qui distillent des informations fausses et diffamatoires qui visent à porter préjudice à l’image de notre organisation qui est pacifique et non violente dans sa contestation. Le 28 mars passé les militants d’IRA ont été purement et simplement attaqués par des unités de police armées jusqu’aux dents et qui les ont tabassés et inondés de bombes lacrymogènes et assourdissantes. Il ya eu 5 arrestation et 11 blessés parmi nos militants.  Nos militants arrêtés, ont été libérés au bout de 72 heures après avoir subi tortures et humiliation de la part des commissaires de police et tortionnaires attitrés que sont le commissaire  Damess Ould Lekbed et l’inspecteur Amadou Mbodj. 

 

Et votre plainte alors ? 

BDA : Notre plainte ne concerne pas seulement cette affaire d’esclavage qui n’est que le côté visible de l’iceberg.  La plainte est en cours et nous la portons contre l’Etat mauritanien qui continue à bafouer  les lois nationales et constitutionnelles de la Mauritanie, lois qu’il avait édictées lui-même contre l’esclavage.  Le gouvernement mauritanien, que dirige le président Mohamed Ould Abdel Aziz, continue à enfreindre avec un mépris extrême, les conventions et normes internationales ratifiées par la Mauritanie. Ainsi de nombreuses familles issues des groupes arabo-berbères dominants continuent-elles à pratiquer le crime abominable de l’esclavage par ascendance (être esclave parce que fils d'esclave), sur  des Hratin(communauté servile, plus de cinquante pour cent de la population totale). De nombreux auteurs de ces crimes (travaux forcés et sans rémunération, viols, châtiments et mutilations corporels,  exploitation des mineurs et mise en péril de scolarité..ect) furent arrêtés grâce à l'intervention des militants d'IRA. Mais, à chaque fois et malgré les preuves irréfutables étayant leur culpabilité, ils furent  tous, purement et simplement libérés par le ministère public. Jamais ils ne furent traduits  devant les juridictions compétentes pour subir les sanctions prévues. Quant aux victimes, elles ont à chaque fois été  abandonnées à leur sort dans un dénuement total après avoir trimé toute leur vie sans  aucune contrepartie et contre leur gré pour leurs bourreaux. 

Vous dites d’abord le Président en parlant de Mohamed Ould Abdel Aziz, ce qui ressemble à une reconnaissance de son autorité. Ensuite, vous lui faites porter la responsabilité de l’impunité des présumés coupables d’esclavagisme. Ne pensez-vous pas plutôt que c’est à la justice de faire son travail et non le président qui est le chef de l’exécutif ?

BDA : non, non ! Les cas d’esclavage ne sont jamais arrivés devant les juges assis. La majeure partie de ces graves affaires ont été classées sans suite par le parquet acquis quasi automatiquement aux esclavagistes et les rares affaires dans lesquelles le ministère publique décide d’inculper les contrevenants, grâce à la mobilisation et au bruit que fait IRA, les coupables sont libérés pour de bon au bout de quelques jours de détention.  C’est au niveau du parquet que tout se décide ; c’est devant le procureur de la République que toutes ces affaires ont été éteintes. C’est faux cet alibi qui selon les proches du président Ould Abdel Aziz, c’est une justice indépendante qui a libéré les présumés esclavagistes ; ils cherchent  à se disculper en nous faisant croire à l’indépendance de la justice. Et puis l’indépendance de la justice l’Etat ne songe à l’invoquer que dans le domaine  de l’esclavage, mais en sous main, ils donnent l’ordre au juger de libérer les criminels.  Après ils diront publiquement que c’est la justice qui a fait son travail alors que tout ce qui se fait dans les affaires d’esclavage viole ouvertement la loi pour éviter de l’appliquer. Il s’agit là d’un formatage, d’un complot.

Mais au delà de ça, n’êtes vous pas en train de changer de discours par rapport à Ould Abdel Aziz lorsque vous indexez son entourage ou ses proches en disant clairement que des groupes aussi bien dans l’opposition que dans son entourage l’ont fait reculer lorsqu’il a essayé de gérer cette question d’esclavage ? 

BDA : Je n’ai pas dit qu’il a  géré ces questions ! J’ai dit qu’il a tenté. Et on a vu que le pouvoir a tenté à travers l’interpellation et la mise en examen de criminels d’esclavage. Mais très vite le gouvernement s’st racheté auprès des esclavagistes. Le pouvoir s’est racheté auprès de ces esclavagistes en s’empressant de donner l’ordre de libérer les coupables et partant en sévissant contre les abolitionnistes. Ceci est en réponse à la pression des groupes dominants arabo berbères qui continuent à investir le pouvoir et à le dominer.  Et je pense toutefois  que le président Ould Abdel Aziz est au courant de toutes ces affaires.  Avec son entourage, ils ont pris des options électoralistes, ethniques et racistes pour le traitement de ces problèmes de la manière qui arrange le plus, les segments dominants, les grands électeurs et bien sûr ceci ne peut être obtenu qu’au détriment du droit et des victimes. L'impunité des crimes d’esclavage et la protection que l’Etat offre aux esclavagistes est une option politique du pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz et de tous les régimes qui se sont succédés en Mauritanie jusqu’à nos jours. Cette impunité  a bénéficié à toutes les catégories ethniques et sociales des esclavagistes. Pourtant, la plupart des bénéficiaires de cette impunité sont au service d'un Etat censé avoir signé la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen. A titre d'exemple, je peux citer:   Rahma mint Legreyve, cadre au ministère mauritanien de l’Education Nationale, Mohamed Salem ould Mohamedou ould Aguigah, homme d’affaires, Moulaye ould Bohdel, cadre au Ministère des Finances et son épouse Khadijetou mint Bohdel dite Yemhelha, cadre au Ministère de la Justice.


Devant quelles juridictions devra atterrir votre plainte ?

BDA : Nos plaintes atterriront auprès des instances internationales  parce que la Mauritanie a signé et ratifié des lois et conventions internationales comme celle contre la torture et la traite des personnes. Les mécanismes en la matière nous permettent  d’accrocher l’Etat partie qui minimise la portée des conventions ou enfreint ses engagements; la récidive et l'arrogance constituent ici des circonstances aggravantes.  

Qui sont  les avocats qui vous soutiennent ?

BDA : Ils sont nombreux au  barreau de Nouakchott et parmi les  associations d’avocats de par le monde. Ce sont-là des  partenaires  qui s’engageront avec force et disponibilité à nos cotés. Il y a nos avocats également dont Maitre Ould Deyhi, membre du Bureau Exécutif  de l’IRA et avocat à la Cour, Maitre El Ide Ould Mohamedn et Me Bah Ould Mbareck, tous deux avocats au barreau de Nouakchott.  Il y a également l’ISLP qui est une institution internationale d’avocats volontaires. Cette organisation internationale d’avocat est basée à Paris et New York et compte parmi nos partenaires. Elle va aussi entrer en action. 

Bien tout ceci coïncide avec la création d’une agence qui selon par l’Etat mauritanien est
destinée à la lutte entre autres des séquelles de l’esclavage.  Certains considèrent que la
création de cette agence sur les centres d’une autre, l’ANAIR, destinée elle à la prise en
charge des déportés revenus au pays, risque de créer des problèmes entre communautés harratines notamment et négro-africaines.  Quelle est votre lecture au niveau de l’IRA de la création de l’Agence pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage et pour la réinsertion ?

BDA : Cette institution, bien que figurant sur la liste des mesures que le mouvement abolitionniste a toujours réclamées  au près des pouvoirs publics et des partenaires internationaux, reste néanmoins une mesure secondaire et fatalement infructueuse si d’autres orientations urgentes et indispensables n'étaient pas simultanément prises et engagées.  Il s’agit premièrement de la reconnaissance claire et non-équivoque par le gouvernement mauritanien de l’ampleur des pratiques esclavagistes au sein la société, deuxièmement de  l’application effective et résolue par les pouvoirs publics et les tribunaux des lois et normes punissant l’esclavage, troisièmement de l’abolition du code de l'esclavage véhiculé dans les référentiels constitutionnels et de droit en Mauritanie que représentent des manuels écrits au moyen-âge musulman et qui continuent à être à la base de la formation des juges, des officiers de police judiciaire, des imams et des érudits dans ce pays et quatrièmement de  l'engagement d'une enquête nationale indépendante dont l'objectif est de quantifier l’esclavage sous toutes ses formes en Mauritanie.

Et par rapport au fait que cette agence se crée juste au moment où est dissoute l’ANAIR ?

BDA : Il est regrettable que cette agence soit instituée sur les décombres de l’agence pour la réinsertion des Mauritanien qui ont été expropriés, radiés et déportés pendant la tentative de génocide qui a endeuillé les noirs entre 1986 et 1992 ; il est aussi à déplorer que la création de cette institution soit une occasion pour le pouvoir de mettre en avant, dans les médias publics, les pelotons de laudateurs, des spécialistes du mensonge et du faux témoignage, qui rivalisent de zèle, insultent les abolitionnistes et nient les pratiques esclavagistes ; par ce procédé fait de fanfaronnades et de diabolisation, le gouvernement mauritanien fait perdre ici une occasion importante pour un dialogue constructif entre organisations anti-esclavagistes et pouvoir en place dans le pays ;  nous considérons que c’est le comble de la malhonnêteté et de la mauvaise foi que les autorités mauritaniennes se servent de la création de cette agence comme couverture et diversion pour perpétrer une série de mesures d’élargissement illicite de prévenus esclavagistes ainsi que des actes d’agression, d’arrestation et de torture contre des militants anti-esclavagistes.

Cette agence est dirigée par l’ancien ministre de la Communication. Et certains groupes harratines ont contesté cette nomination.  Où vous situez-vous par rapport à ce fait ?

BDA : A mon avis,  la tare congénitale de cette agence demeure la nomination à sa tête de Hamdi ould Mahjoub. En effet, le désormais ancien ministre de la communication de Mohamed ould Abdel Aziz, est un homme qui détient de loin le palmarès le plus exécrable parmi tous les activistes pro-esclavagistes en Mauritanie  et Dieu sait qu’ils sont légion.  Cet homme a été le premier des ministre de la communication de Mauritanie à avoir  publiquement orchestré une mise en scène mensongère et indigne sur les écrans de la télévision officielle le 13 décembre 2010, pour justifier ma propre arrestation et ma soumission à la torture en compagnie de mes camarades d’IRA pour avoir dénoncé les pratiques criminelles d’esclavage que la belle sœur de Hamdi ould Mahjoub, une femme cadre à la Banque Centrale de Mauritanie, Mouloumnine mint Bakar Vall, imposait à deux fillettes hratin, Nana et Salma. Le comble de l’ignominie et de la manipulation a été atteint lorsque le ministre de la communication faisait passer en boucle sur le petit écran des images d’atrocités qui avaient eu lieu en Somali et au Rwanda  pour dire que ce sont là des massacres que les abolitionnistes auraient commis à l'encontre la police mauritanienne ; il envoya aussi une équipe de la télévision officielle qui filma Mint Bakar Vall et ses victimes, tout en prenant le soins de faire dire aux victimes mineures des témoignages archi-faux disculpant leurs bourreaux, ce qui correspond à  une tentative  de couvrir le crime de la part du ministre car sa belle sœur et protégée avait fini par être inculpée même si l’influence et la détermination du ministre l'avaient finalement tirée de prison après avoir passé seulement neuf jours de détention au lieu des six mois fermes auxquels  le tribunal l’avait condamnée. Hamdi ould Mahjoub, en tant que ministre de la communication, a été aussi le grand artisan de la campagne orchestrée par les médias mauritaniens à partir du 27 avril 2012, juste après l’incinération symbolique des codes d’esclavage en vigueur en Mauritanie. Notre ministre, parachuté à la tête de l'Agence censée lutter contre les séquelles de l'esclavage, avait orchestré, fomenter ter et fabriquer, tel un Gobbels moyen, la diffamation, la diabolisation, l’étiquetage et les appels au meurtre contre les membres et dirigeants de l’organisation anti-esclavagiste IRA-Mauritanie. il est l’artisan des faux témoignages qu’avait utilisés le ministère public contre les membres d’IRA pour les inculper d’apostasie et justifier la demande de leur pendaison. Comment le chef de l’Etat peut- il choisir cet homme en espérant qu’il fasse du bon en matière d’esclavage? Il s'agit-là d'une farce de très mauvais goût!

Question : Pour parler de tout-autre chose. Vous êtes sans doute au courant des enregistrements qui, selon certains medias, impliqueraient Ould Abdel AZIZ dans des affaires de blanchiment d’argent… 

BDA : Pour tout vous dire, je ne les ai pas écoutés. Je n'ai pas de temps  à perdre à les écouter car je pense que AZIZ ou n'importe qui d’autre, fort de sa position de chef d’Etat ou de membre influent de la hiérarchie militaire, n’a absolument pas besoin, pour s’enrichir, de recourir au blanchiment d’argent. Je pense surtout que l’Opposition mauritanienne, incapable d’attaquer Aziz sur les vrais problèmes, comme l’esclavage, le racisme, les expropriations des terres et autres injustices dont souffrent les Harratines et les Noirs, cette Opposition, en évitant les problèmes de fonds, est condamnée à se rabattre sur des faux problèmes comme la balle qui avait blessé Aziz en octobre dernier, les présumés enregistrements téléphoniques ou le limogeage de l’ex-président de la cour suprême. Voyez-vous,  les vrais problèmes sont ailleurs.  Il est évident que Ould Abdel AZIZ et l’Opposition mauritanienne sont  par ailleurs solidaires contres la majorité du peuple mauritanien  qui pâtit de ses problèmes. Cette majorité est faite de  Noirs et de Hratin. L’Opposition perd son âme en détournant l'attention des populations. Elle n’ose s'attaquer aux  vrais problèmes des populations mauritaniennes, des petites gens. C'est cette attitude qui nourrit l'amalgame  entre Pouvoir et Opposition.

Question : Vous ne soutenez donc pas l’opposition qui demande le départ d’Ould Abdel Aziz ?

BDA : Comment et pourquoi pourrais-je soutenir une COD qui avait demandé en chœur  avec le président  Aziz de nous excommunier, mes camarades et moi et de nous  condamner pour apostasie pour avoir donné aux flammes des codes de l'esclavage qui ne méritent que feu pour avoir mis au feu des générations de notre communauté au fil des siècles ? Pourquoi soutiendrai-je des formations politiques qui réduisent une religion aussi égalitaire et tolérante que l’Islam en un Code noir et en un dogme négrier inhumain, intolérable et sauvage ? Comment pourrais-je soutenir des formations politiques qui soutiennent, au moins par leur silence, les segments et familles dominantes qui continuent à pratiquer le forfait de l’esclavage dans toutes les villes et tous les villages de Mauritanie ? Pourquoi ces partis d’Opposition n'étaient-ils pas allés à Inal, à Sorimallé ? Pourquoi ne soutiennent-ils pas les Veuves, les Orphelins ? Pourquoi… ? Il ya des "pourquoi" à n’en pas finir, mais tous ces questionnement légitimes sont des critiques adressées autant aux partis qui se disent de l’Opposition qu’aux autres formations qui se disent de la Majorité, en somme  aux deux têtes du système qui nous opprime, aux deux facettes de la même monnaie. D'aucuns nous opposent la thèse selon laquelle, le problème de l'esclavage se résoudrait tout seul à l'occasion de l'avènement de l'Etat de droit. Ils oublient seulement que l'Etat de droit ne tombe pas du ciel. Il se conquiert. Il s'arrache à coups de sit-in, de protestations, de sacrifices, de séjours en prison et très souvent d'impopularité. Le combat antiesclavagiste est la matrice au sein de laquelle naîtra l'Etat de droit. C'est l'école où nous apprendrons aux Mauritaniens l'Etat de droit. Évidemment, on n’apprendra pas une telle thèse dans les manuels des jurisconsultes esclavagistes qu'IRA avait laissé dévorer par les flammes...

Propos recueillis par Kissima Diagana et Aboubecrine Ould Sidi
Source:
www.kissimadiagana.blogspot.com

 

 

 Interview de Biram Ould Dah Ould Abeid à SOS-Abbere

SOS Abbere a le plaisir d’interroger  pour  vous  Mr Biram Ould dah ould ABEID militant infatigable des droits de l’homme en Mauritanie. Un bras de fer, une incompatibilité d’humeur, des divergences de fond ou de principes, peu importe, le mettent en situation de confrontation, ouverte en ce moment avec le régime de mohamed ould abd el aziz. Nous avons recueilli pour vous ses impressions sur toutes les questions ou presque d’actualité à ce sujet. Nous le remercions très chaleureusement d’avoir bien voulu se prêter à ce jeu de question- réponse, nous saluons au passage sa franchise et sa disponibilité.

 Mr Biram Ould Dah ould ABEID bonjour!

SOS Abbere Pour commencer, quelle explication donnez-vous à la décision des autorités mauritaniennes dernièrement de vous démettre de vos fonctions de conseiller de la Commission nationale des droits de l'homme ?

La révocation de mon poste de conseiller à la CNDH, un poste modeste et purement technique est un acte qui eu lieu de le cadre des tentatives répressives et non sans maladresses des autorités de mon pays de me discréditer, me faire taire ou m'intimider. L'épilogue de ces procédés à été déclenché avec détermination et véritable intention de nuire par les services de renseignements en novembre 2009 après le passage de la femme rapporteur spécial des Nations-Unies sur les formes contemporaines d'esclavage; les conclusions de cette dernières ont fait voler en éclat les thèses sur lesquelles les autorités et groupes dominants mauritaniens se sont adossés depuis 1983 pour nier l'existence de l'esclavage en Mauritanie; ces thèses qui escamotent la situation des pratiques esclavagistes en Mauritanie en ne parlant que de séquelles( résumées dans le duo pauvreté et analphabétisme) avaient fait l'objet des conclusions du rapport que le juriste belge Marc Bossuet lors de sa visite chez nous en cette date. En 2009,le rapporteur actuel, madame Gulnara Shahinian a rassemblé des preuves irréfutables sur la persistances de pratiques esclavagistes très dures, multiformes et a pu mesurer, dans son rapport, la mauvaise foi des autorités mauritaniennes concernant la mise sur pieds et l'application des lois sur l'esclavage et pratiques assimilées à l'esclavage. Ce revers qu' a subit la politique de dénis actif du pouvoir mauritanien m'a été endossée et depuis lors je suis la cible de campagne de presse suscitées par le pouvoir dans ses différents compartiments, que ce soit les milieux journalistiques qui lui sont inféodés, les services de renseignements ou le clergé, donc la taxation d'agent sioniste, de raciste armé par l'étranger et sur le point de déclencher une guerre civile, d’apostat ennemi de la religion du peuple et de l'État, l'Islam, d'opportuniste cupides enrichi par les ongs ennemies de la Mauritanie...L'ancien président de la CNDH Mohamed Said ould Hamody a toujours refusé d'obtempérer aux injonctions du pouvoir lui demandant de me limoger en mettant en avant bien sur,mes compétences et ma conformité avec l'esprit du contrat qui me lie à l'institution, l'employeur et en faisant valoir son indépendance d'esprit et l'indépendance de la Commission. Le nouveau président quand à lui est un commis de l'État, il a toujours obéit au doigts et à l'œil et sa nomination sonne le glas de toute indépendance de cette institution qui devrait se conformer aux principes de Paris; la preuve les premiers jours de son mandat à la tète de la CNDH elle a été vidée de toutes les personnes connues pour des positions en faveur des droits humains, les organisations et personnalités du FONADH, Boubacar Messaoud,Fatimata Mbaye, Samory ould Beye, Mamadou Saar, Lalla Aicha, bref toutes les personnes et ongs appartenant à ce réseau qui a prs en charge et non sans sacrifice la défense des droits humains en Mauritanie jusqu'à nos jours. Donc, vu le rôle d'inféodation et de dépendance que le pouvoir veut imprimé à la CNDH, la logique est de me faire partir.

 

SOS Abbere : Pouvez-vous-nous édifier davantage sur votre mouvement IRA-Mauritanie ?

BDA : IRA-Mauritanie est une organisation qui tend à valoriser l'héritage des luttes et engagements des mauritaniens contre l'esclavage, pour les droits humains, pour l'État de droits, elle veut aussi secouer la situation de léthargie et de lassitude qui a commencé à gagner le front des droits humains à cause de la politisation à outrance de la vie nationale, sa forte bipolarisation entre deux grands pôles qui, concernant le fonds et les préoccupations, sont peu soucieux des droits humains et font peu de place aux grandes questions qui sont celles des discriminations raciales et de naissances qui structurent la société, la gabegie, le népotisme, la torture, l'intolérance...Donc au delà de la démocratie de forme dans laquelle se complaisent les groupes dominants, la classe politique et les partenaires extérieurs, nous luttons pour la démocratie dans son fonds, pour l'État de droits, au-delà du suffrage universel, de la mise sur pieds des institutions de l'environnement démocratique, nous que soit effectif en Mauritanie, une égalité des races, des cultures, des langues, une égalité à la naissance, une égalités des chances, devant la lois, une équivalence des vies, des sangs, ce qui ne pourra se réaliser que par la suprématie du droit et la fin de l'impunité, impunité qui est encore reine sous notre pseudo-démocratie.

 

SOS Abbere : Qui vous a mandaté au sein de cette organisation pour parler au nom de la cause des harratine ?

BDA : Je pense que la problématique Hratin en Mauritanie est une problématique à grands enjeux politiques et de droits humains, c'est une grande question nationale, tous les partis politiques du pays, toutes les organisations ou ongs ont le droit de réfléchir sur cette questions comme tant d'autres et concevoir les solutions possibles et lutter pour les réaliser ou les faire accepter, ceci est un précepte très élémentaire que je saches; mais depuis quelque temps j'entends des propos et des discours ridicules de la part du groupe des Hratin instrumentalisés par le pouvoir du général Aziz contre IRA-Mauritanie,ces propos sont du genre: nous n'avons pas mandaté IRA de parler au nom des Hratin, nous n'avons pas mandaté Biram de parler en notre nom; mais c'est bète de penser que je parle en leur nom ou au nom des Hratin, mais ce sont beaucoup de Hratin qui , sans demander l'avis de ce groupe, se reconnaissent en notre discours et en nos positions.

 

SOS Abbere C'est un choix personnel, consensuel, un engagement de principe ou encore un soulèvement de conscience contre une situation révoltante et insupportable perpétrée exclusivement à l' encontre de votre communauté harratines ?

 BDA: Oui en effet, tout ce que vous dite est vrai sauf que je n'ai pas besoin de consensus pour m'engager et agir, la recherche du consensus dans notre société et au sein de nos cercles dirigeants à toujours été l'occasion de sacrifier les plus humbles et de reconduire les les injustices et les privilèges illicites organiques à notre système de pensée, notre système politique, social et religieux. D'autre part; l'injustice dans le sens large du terme n'est pas le lot exclusif des Hratin, d'autres groupes, des familles ou des individus de toutes les ethnies et groupes subissent d'une manière structurelle ou conjoncturelles des situations d'oppression ou de dénis de droit.

 

SOS Abbere : Avez-vous des militants pour ne pas dire des adhérents combien sont- ils si ce n'est pas indiscret ?

BDA: Je n'ai pas de statistiques à donner mais tout ce que je peux dire c'est que les adhésion à IRA se font ces derniers temps, le plus souvent par groupes et à un rythme assez accéléré et lors de mon retours d'Europe à Nouakchott, le 31 mars, le rassemblement spontané des militants et sympathisants de IRA-Mauritanie devant ma demeure, alerté par la rumeur d'une possible arrestation, ce rassemblement  était évalué à des centaines de gens, si ça peut vous donner une idée.

 

SOS Abbere : Parmi vos militants, adhérents ou cadres dirigeants y a-t-il des maures qui se sont révoltés sur leurs propres méthodes d'exploitations en affranchissant des esclaves ?

BDA : Parmi nos militants, adhérant ou cadre dirigeants, il y a des maures mais ce sont des maures qui se sont affranchis des préjugés esclavagistes et ethniques bien avant leur adhésion à IRA, mais il y a des militants et sympathisants maures qui soutiennent IRA parce qu'ils ont été soutenus par nous même dans des affaires ou lis étaient victimes d'injustice et depuis ces expériences ils apportent leurs soutien à l'organisation.

 

SOS Abbere : Quels sont vos apports avec le pouvoir actuel ?

BDA : Ce sont les rapports que vous connaissez à travers la presse; inamicaux et conflictuels à plus d'un titre.

 

SOS Abbere Mr Aziz semble bien être sur la bonne voie par rapport à l'épineux problème dû au passif humanitaire pourquoi piétine-t-il à votre avis sur le dossier des hratin ?

BDA : Ni sur la question du passif humanitaire, ni sur celle de l'esclavage le général Aziz n'est sur la bonne voie; il est toujours sur le registre du dénis et de l'impunité assurée au coupable à travers la solidarité ethnique et de classe.

Ceux qui ont pensé, exécuté la tentative de génocide contre les noirs et qui en ont bénéficié bénéficie toujours de l'immunité devant la loi et continue de bénéficier sous ce régime de position de choix dans les sphères de décisions et d'influences; la prétendue réparation est en vérité une corruption versée à quelques individualités parmi les victimes et ayant droit en contre partie du faux témoignage et du reniement actif des crimes qui ont endeuillé les noirs de Mauritanie pendant les années de braises et les séquelles qu'ils ont engendré. Le retours des déportés du Sénégal et du Mali vers la Mauritanie s'est avéré être un leurre et l'ANAIR ( Agence Nationale d'Accueil et d'Insertion des Réfugiés), confiée à ceux parmi les Noirs qui ont battue leur carrière      sur la démarche de l'échine pliée pour convenir au système,s'est révélée une supercherie. La situation de ceux qui sont revenus est plus que jamais plus désolantes que celles qu'ils vivaient au Sénégal ou au Mali car ni terres, ni

biens , spoliés à l'occasion de leurs déportations ne leurs sont restitués; ils n'ont pas bénéficié d'infrastructures sociales dans leurs nouveau camps; dans la plupart des cas, leurs villages sont toujours occupés par d'autres personnes, leurs maisons comme leurs terres de cultures, et à chaque fois qu'ils essayent de les récupérer les tribunaux et administrations les déboutent automatiquement et les forces de sécurité se chargent de brimer et de torturer ceux qui veulent faire de la résistance à cet arbitraire institutionnalisé.

 

SOS Abbere : Avez-vous des problèmes particuliers au niveau de la liberté d’expression en Mauritanie ?

BDA: Ceux qui s'expriment librement en Mauritanie et qui s'inscrivent en faux contre le discours du pouvoirs et la pensée traditionnelle des élites dominantes s'exposent à être privés des médias publics et largement mis en quarantaine par la presse indépendante qui représente en grande partie la société traditionnelle. Quelqu'un d'aussi téméraire, sur le plan des idées et des positions, ne pourra obtenir un emploi ni dans le secteur public ni dans le privé, il est obligé de se contenté du chômage, ce sont ici des mesures de rétorsion que l'État et la société emploient automatiquement contre les esprits libres. Celle là est la démarche adoptée contre les éléments parmi les Noirs et les Hratin qui franchissent ce rubicond parce que, les réprimer d'une manière classique est devenue périlleux pour le système; un système assis sur l'hégémonie d'une minorité ethnique et qui, de plus en plus usé, ne peut plus supporté

d'enclencher des spirales de répressions de groupes dont les activistes sont dotés de larges relais à l'extérieur. C'est pourquoi, la répression dans ses formes classique, arrestation, emprisonnent.. s'abbat de nos jours, sans s'embarrasser des formes, sur les contestataires originaires de l'ethnie dominante: Hanevy ould Dahah,Abdelfettah ould Abeydna ou Iselmou ould Abdel Kader...

 

SOS Abbere : Quelle signification peut-on donner à votre communication récemment devant un panel de journalistes et d'ONGs au Sénégal dans ce contexte de morosité économique et diplomatique entre la Mauritanie et le Sénégal?

BDA: Cette communication n'a aucun lien ou rapport avec la conjoncture diplomatique actuelle entre la Mauritanie et ses voisins; nous avons fait beaucoup de déplacement en Europe invités par des organisations, des institutions, des universités, des intellectuels ou personnalités politiques, ces milieux soutiennent notre cause et appuient cette lutte que nous menons contre les anachronismes comme l'esclavage par ascendance et les violations des droits humains qui en dérivent ou le racisme primaire, social et d'État, deux phénomènes vivaces dans toutes les zones de frottement entre populations noires et autres arabo-berbères et qui  structurent  certains pays sur le continent noir comme le S Soudan et la Mauritanie. Malheureusement la perpétuation de ces deux phénomènes est accompagnée d'un silence, voire d'une complicité coupable des organismes et pays Africains; Omar El Béchir, l'un des plus grands racistes et criminel du siècle est largement soutenu par l'Union Africaine contre les victimes non-arabes des son génocide au Darfour et contre la justice internationale. L'État Mauritanien qui,à l'instar du Soudan perpétue presque un apartheid dans l'autre coté de l'Afrique continue, avec l'aide des pays Africains, à narguer la communauté et la justice internationale. Nous récusons et nous appelons les sociétés civiles et politiques Africaines à récuser, dans ces cas d'espèces, toute solidarité continentale ou confessionnelle; nous considérons qu'au tant les Africains se sont mobilisés contre l'apartheid et ont dénoncé la traite atlantique ( péchés de l'Homme Blanc), ils doivent aussi le faire contre tous les autres systèmes honnis, qui ont martyrisé et qui continuent encore à martyriser les Noirs mais si ces phénomènes sont l'œuvre de non-européens comme la traite Arabo-musulmane,l'esclavage interne en Afrique surtout celui qui continue à être exercé par les Arabes, les Berbères et les Touareg contre les Noirs en Mauritanie,au Soudan,au Mali, au Niger ou au Tchad...Je suis venu donc au Sénégal pour poser ce problème au moment ou le parlement de ce pays votait une loi qui considère la traite Atlantique comme un crime contre l'humanité alors que de l'autre coté du fleuve qui uni nos deux pays des être humains continuent à vivre les affres de l'esclavage le plus dures et inhumain avec la complicité de l'État.

 

SOS Abbere Lors de cet entretien avec la presse et la société civile sénégalaise vous avez déploré en ces termes « le niveau d'engagement très faible des gouvernements africains, notamment les voisins immédiats de la Mauritanie, dans le soutien au combat difficile que mènent lespopulations victimes de discriminations en Mauritanie ; je cite les Hratin (esclaves et anciens esclaves) et les ethnies noires. » qu’attendez-vous au juste de ces gouvernements et en particulier de celui du Sénégal voisin immédiat de votre pays ?

BDA : J'attends plutôt de mes collègues de la société civile,intellectuels ou universitaires du Sénégal, qu'ils puissent aider les décideurs sénégalais à se hisser à un niveau d'humanité et de conscience pouvant les amener à prendre leurs responsabilités vis à vis de violations graves des droits humains à caractère raciste et esclavagiste dans un pays avec qui ils entretiennent des relations de fortes amitié et coopération. L'aveuglement du pouvoir de la minorité ethnique en Mauritanie et le silence complice des voisins de ce pays pourra conduire, quand la désespérance atteins son comble en Mauritanie, à l'embrasement de la sous région toute entière.

 

SOS Abbere Pourquoi délimitez-vous le champ de votre combat pour la cause des hratin en le situant entre des organisations de couleurs « comme IRA-Mauritanie ou SOS Esclave » et le pouvoir en place alors que c' est un grand problème de société, qui met en jeu la crédibilité de tout une nation ?

BDA : IRA-Mauritanie et SOS.Esclaves ne sont pas des organisations de couleurs, ce sont des organisations pluriethniques et généralistes des droits de l'homme, bien que IRA est d'autre part un mouvement d'idée qui remet en cause de manière frontale et radicale les idées reçues, la pensée et le référentiel idéologique de la société mauritanienne, référentiel coutumier, religieux ou culturel qui fait la fortune des injustices, des inégalités et des violations des droits...sachant que presque tout ce référentiel réfractaire aux principes universels de liberté, de justice et d'égalité est intégré dans le discours et rhétorique officiels de l'État Mauritanien.

 

SOS Abbere L'esclavage dans notre pays est un phénomène de société d'une dimension nationale hélas! Bien des citoyens comprennent cela autrement c'est-à-dire qu'il s agit pour eux d' un combat entre arabo-berbère et hratin, c' est ce que vous ne cessez de dire à chaque fois que l' occasion vous est offerte, ma question est pourquoi discréditez vous l'ensemble d'une communauté ?

BDA: L'esclavage en tant que pensée stigmatisante, au sein de nos différents groupes ethniques, pour toutes les personnes liées en fait ou de par leurs origines, même lointaines, à l'esclavage est une réalité qui se passe de commentaire. Dans tous les compartiments de notre vie sociale, politique, économique ou autres, des privilèges indus ou des misères injustes sont banalement octroyés ou infligées selon les strictes critères de naissance. D'autre part la communauté arabo-berbère parmi toute les communauté nationale est dans une situation particulièrement dangereuse par rapport à la problématique explosive de l'esclavage et de ses séquelles en Mauritanie.

Premièrement c'est la communauté au sein de la quelle l'esclavage continu encore à faire partie intégrante du mode de vie, donc il est une pratique, dans ses formes les plus dures et révoltantes c'est à dire le travail sans repos et non rémunéré, le travail des enfants, le viol ou ce que les gens appelle le droit de cuissage, le dénis de propriété et des droits à la succession, privations de scolarité...

Deuxièmement c'est la communauté qui détient le plus grand nombre de populations serviles qui sont les hratin(esclaves et anciens esclaves des Arabo-berbères),caste liée par une commune condition et un commun destin et qui représente plus de la moitié de la population mauritanienne toutes ethnies et groupes réunis.

Troisièmement, c’est au sein de cette communauté Hratin, contrairement aux groupes serviles des autres composantes nationales, que la lutte anti-esclavagiste et pour la citoyenneté est la plus développée à travers l'existence de mouvements comme ELHOR,des ongs comme SOS.Esclaves ou IRA-Mauritanie, des partis politiques comme Action pour le Changement ou accessoirement APP ou même des formations syndicales comme CLTM.

Quatrièmement, c'est le groupe arabo-berbère qui a hérité le pouvoir de la France colonisatrice et qui, bien que arithmétiquement très minoritaire détient le pouvoir en Mauritanie tout en faisant la résistance face à toutes les idées, appels ou injonctions émanant de l'intérieur ou de l'extérieur et visant la déconstruction de l'idéologie et la subversion des rapports esclavagistes dans notre soc2ité. Cette résistance se manifeste par la politique active de dénis qui est la ligne suivie par tous les régimes qui se sont succédés en Mauritanie, et par l'immunité totale accordée par les pouvoirs publics depuis plus de cinq décennies à tous les présumés coupables des cas avérés d'esclavage dont le dernier en date, très graves et aux preuves irréfutables,a défrayé la chronique il y a quelques semaines.

Cinquièmement, l’idée du repentir semble loin, très loin malheureusement d'avoir vraiment commencer son chemin au sein des élites dirigeantes de  cette communauté car en plus du dénis opposé au lobbying des abolitionnistes,les courants,partis politiques ou individualités les plus progressistes parmi les arabo-berbères( UFP,Islamiste réformistes,Mohameden ould Ichidou,Iselmou ould Abdel Kader...) opposent ouvertement ou d'une manière malicieuse,fine et sournoise, la diabolisation, aux montées en créneaux de plus en plus vives des franges militantes Hratin contre un statuquo multiséculaire.

Mais malgré tout ça notre combat n'est pas contre les arabo-berbères mais contre l'esclavage et autres formes de discriminations et malheureusement c'est l'État et la communauté arabo-berbère dans sa grande majorité qui s'interpose à travers ses écrivains,ses journalistes,ses intellectuels, ses partis politiques qu'ils soient libéraux,gauchistes,nationalistes,islamistes, même s'ils sont à couteaux tirés sur d'autres questions de la vie nationale, leurs positions vis à vis de nous sont et restes identiques,c'est cette position d'interposition qui est synonyme de défense du statuquo esclavagiste,cette position qui dénote de l'instinct de conservation de l'hégémonie de la minorité ethnique arabo-berbère,c'est une position ethnique et de classe de laquelle l'élite arabo-berbère dans ses courants et individus les plus progressistes n'a pas pu s'affranchir, c’est cette attitude largement partagée, mais c'est vrai, à des dégrées de zèle et de retenue différents selon les courants qui partagent cette communauté et les différents cursus des hommes,c'est cette attitude qui fait que la lutte contre l'esclavage se confond avec un combat contre les arabo-berbères.

Mais il ne faut pas perdre de vue que des personnalités très connues parmi cette communauté occupe des positions dirigeantes au sein des courant abolitionnistes constitués en très larges parties de Hratin, comme Abdel Nasser ould Yessa dit Jemal à SOS.Esclaves ou Mohamed Vall ould Sidi Moyla au sein de IRA-Mauritanie pour ne citer que ces deux là.

 

SOS Abbere : Etes vous au courant qu'un hartani appelé Messoud Ould Boulkheir «Président de l assemblée nationale » est la troisième personnalité dans le protocole d’état si bien que sa formation politique ne détient pas plus que 4 députés au parlement ?

BDA : Je pense que cette stigmatisation du mérite qu'a le président Messoud ould Boulkheir d'occuper le perchoir, la présidence de l'assemblée nationale en Mauritanie autour de laquelle j'ai les généraux putschistes et leurs laudateurs faire de l'agitation est un faux débat. Messaoud n'a pas moins de mérite que les gens qui ont occupé cette position avant lui ou qui l'occuperons ultérieurement,que ça soit sur le plan des principes,de l'engagement,de la moralité;de la compétence ou aussi de la popularité si vous le voulez ainsi. Honnêtement vous savez qu'il est plus méritant à cette poste que tous ceux qui y l'ont précédé la preuve c'est sont attitude sans précédant quand le fer est devenu rouge,au moment du putsch de Ould Abdel Aziz quand tous les fils des grandes tentes ou de grandes cases occupant des postes de choix,ont préférer plier l'échine et brouter sans songer aux principes. Mais ce questionnement est un questionnement féodal et injuste,typique de l'esprit esclavagiste mauritanien, ça renvoie aussi à ce dont nos détracteurs nous taxent toujours, que nous prenons l'esclavage comme prétexte pour pouvoir occuper des postes; ceci est faux, l'esclavage pour nous n'est ni un alibis moins encore un cheval de bataille,c'est une bataille à gagner et nous la gagnerons à n'importe quel prix et le minimum de ce prix c'est le refus des postes qui sont liés à la compromission, ce que Messoud a fait pendant plusieurs décennies si la mémoire des sociétés esclavagistes est si courte. Et je voudrai dire ici aux deux pôle de la féodalité arabo-berbère, le pôle de la majorité actuelle et celui de l'opposition que le président Messaoud est élu président de l'assemblée nationale ou dans un autre poste plus élevé, ou s'il est comme en juillet passé présenté candidat du FNDD ou d'une coalition de partis plus dans une future élection,que ceci de notre point de vue n'atténuera aucunement notre engagement, notre détermination et notre promptitude à la dénonciation de toutes les pratiques ou discriminations que notre communauté ou des éléments de notre communauté pourront subir; que les uns et les autres cessent de nous tympaniser par des expressions du genre: on a élu Messaoud président de l'assemblée nationale, on a présenté Messoud aux élections présidentielles, alors que vous avez toujours présenter à vos élections présidentielles des hommes parmi vous qui n'ont aucune qualité par rapport à Messoud sans toutefois que vous demandiez à leurs tribus cette transactions que vous nous demandez les uns et les autres de considérer cette élections au perchoir ou cette candidature aux présidentielles comme synonyme de la fin de notre calvaire, de nos marginalisations et de l'esclavage. Ni le président Messoud ni nous même nous ne voyons les choses avec autant de légerté, autant de mépris de la souffrance humaine dont le pôle de la majorité et certains dirigeant en vue de l'opposition comme Mohamd El Moustapha ould Bedredine veulent présenter ces deux faits qui ne sont en réalité que le résultat d'une ascension logique et contextuelle due aux mérites personnels du président Messoud ould Boulkheir.

 

Tiré de SOS-ABBERE: http://www.sosabbere.asso.st/index.php?option=com_content&view=article&id=287:interview-
µexclusive-de-mr-biram-ould-dah-ould-abeid&catid=1:actualites&Itemid=28

 
 


Birame Ould Dah : « L’enrôlement n’est qu’une partie du système
d’arbitraire que Ould Abdel Aziz a bien enraciné dans ce pays »

 

Birame Ould Dah, accueilli, par les militants et sympathisants de l'IRA-Mauritanie, à l'Aéroport International de Nouakchott

Le président de l’IRA-Mauritanie Birame Ould Dah Ould Abeid est rentré en Mauritanie dimanche soir. A l’Aéroport International de Nouakchott, Birame Ould Dah Ould Abeid a été accueilli par des centaines de militants venus lui témoigner leur sympathie. Ses militants lui ont organisé une parade au centre-ville de Nouakchott avant de regagner son domicile, à Pk,  où il nous a accordé cette interview exclusive. Entretien.
 

L’enrôlement que vous avez vivement critiqué se poursuit. Alors, quelle est votre première réaction, après une absence de plus d’un mois du pays ?

Je considère que Ould Abdel Aziz, non seulement il s’est allié avec les forces les plus rétrogrades de la Mauritanie en l’occurrence les forces esclavagistes, mais il les couvre d’une manière très insolente et très insultante pour le droit international et la démocratie. Il continue à investir les gens qui ont fait l’épuration ethnique pendant les années 86-92.

Ils continuent à les nommer à des postes-clefs comme Ould Meguett, Ould Hadi, Ould Arbi Jidein, Ould Znagui, comme bien d’autres. Mais, aussi, il a commencé maintenant à récidiver l’épuration ethnique à travers l’enrôlement qui est une épuration ethnique d’une autre forme mais aussi qui est accompagnée par sa détermination à liquider même les manifestants pacifiques à l’instar de Lamine Mangane et de tous les autres qui ont été fauchés par les balles dans le cadre d’une manifestation pacifique.

Avec l’enrôlement, Mohamed Ould Abdel Aziz a mis en place l’ivoirité que Gbagbo avait approfondie pour éliminer des ethnies bien déterminées de la Côte d’Ivoire. Autant Ould Abdel Aziz a enclenché cet enrôlement pour aussi éliminer des catégories, des ethnies bien déterminées. Nous allons combattre jusqu’à ce qu’Ould Abdel Aziz finisse comme Gbagbo, Khadafi, Sadam Hussein.

Au-delà de ses objectifs, qu’est-ce que vous attendez de Mohamed Ould Abdel Aziz, par rapport à l’enrôlement ?

IRA n’attend rien de Mohamed Ould Abdel Aziz et des laudateurs et thuriféraires qui l’entourent. Nous attendons du peuple
mauritanien qu’ils s’insurgent, comme il a commencé à le faire déjà. Nous comptons sur le développement du mouvement des droits civiques, du mouvement de contestation civique que nous avons enclenché et que « Touche pas à ma nationalité » a bien compris et bien développé. Nous considérons que l’enrôlement n’est qu’une partie du système de ségrégation raciste et esclavagiste et du système d’arbitraire, du crime de sang que Ould Abdel Aziz a bien enraciné dans ce pays, a bien reconduit dans ce pays. On attend du peuple mauritanien qu’il combatte Ould Abdel Aziz et le met hors d’état de nuire et du système tout entier.

 

Bientôt, on va célébrer le 28 novembre, date à laquelle vous avez prévu de se rendre à Inal. Où en êtes-vous par rapport aux préparatifs ?

Ils vont bon train. Ils sont en bonne voie. Beaucoup d’organisations civiles et politiques mauritaniennes qui se trouvent à l’intérieur comme à l’extérieur du pays vont aller à Inal. Inal est certainement le coup d’envoi d’une grande action qui va davantage ébranler le système de l’impunité que continue à entretenir le général Ould Abdel Aziz et la junte avec lui ici en Mauritanie.

 

18 octobre 2011
Source : www.info2larue.wordpress.com

 


Biram Dah ABEID, Président de IRA-Mauritanie « Le dialogue politique n’a aucun sens tant que le système de l’Etat et la démocratie chez nous, sont biaisés à la base et instaurent l’hégémonie d’une minorité ethnique sur des franges majoritaires »

Le Véridique : Dans vos propos, on a quelque part l’impression que vous lancez un appel à la revote. N’est ce pas là quelque chose de dangereux ? Biram ould Dah ould Abeid : En vérité, les propos qui sont les miens, et le discours, cadrent avec l’évolution du mouvement pour les droits civiques en Mauritanie, cette phase actuelle est très cruciale et, le discours, les concepts et les mots d’ordre sont conçus après consultations d’un cercle de cadres et de personnalités qui ont en charge l’orientation idéologique du mouvement.

Mais à la validation, l’accent est toujours mis sur les demandes de justice et d’équité que sont prêtent à revendiquer avec détermination et sacrifice les franges opprimées parmi les Hratin et/ou autres ethnies noires de Mauritanie. Et s’il y a dangers dans cette évolution, ce doit être la sentence de l’Histoire, imparable et sans appel, qui condamne les systèmes iniques et injustes, après avoir atteint un certain degré de déconfiture, à souscrire volontairement à la vérité, la justice et au droit, sous peine d’essuyer des secousses brutales qui précéderont le triomphe d’un model social et de gouvernement plus juste, c’est une fatalité scientifique et historique.

 

Le Véridique : N’ y a-t-il pas de solutions intermédiaires ? Si nous savons que le hartani et le bidhani sont socialement, culturellement et religieusement les mêmes.

Biram ould Dah ould Abeid :
Les mêmes, Hratin (communauté d’esclaves et anciens esclaves de Mauritanie) et Bidhan (segments tribaux arabo-berbères dominant en Mauritanie) ? Non il ne sont pas les mêmes, des traits physiologiques et culturels dont l’idéologie sociale et religieuse dominante tient fortement compte, comme elle tient aussi compte du statut social qui les sépare sur lequel se fondent l’endogamie, la séparation nette et claire, notamment dans les rôles et fonctions dans la société, dans la division du travail et des espaces habitables, cette dualité Hratin-Bidhan se projette très clairement dans le face à face dramatique entre riches et pauvres, employés et employeurs, féodaux et métayers, officiers supérieurs et militaires subalternes, magistrats et prisonniers, habitants de quartiers chics et population des bidonvilles, maitres et esclaves… Hélas, hormis la regrettable et périlleuse voie des secousses violentes, il n y a qu’une seule voie possible, noble tout de même, très noble et difficile d’accès pour les âmes insalubres, c’est la renonciation volontaire et systématique des groupes dominants aux privilèges illicites qu’ils se sont tallés par le fer, le sang, les larmes au détriment des autres ; donc l’Etat mauritanien doit procéder à sa déconstruction et à sa refonte sur de nouvelles bases.

 

Le Véridique : Quelle lecture faites-vous de la situation politique du pays notamment sur la question du dialogue que chaque partie appelle de ses vœux mais qui tarde à venir ?

Biram ould Dah ould Abeid : Le dialogue politique n’a aucun sens, de mon point de vue, tant que le système de l’Etat et la démocratie chez nous, sont biaisés à la base et instaurent l’hégémonie d’une minorité ethnique sur des franges majoritaires.

 

Le Véridique : Etes vous prêt à discuter avec le pouvoir sur la question de l’esclavage et qu’allez vous apporter de nouveau ?

Biram Ould Dah ould Abeid : Le vivre-ensemble, la paix civile, l’édification de l’Etat de droit, donc la gouvernance démocratique et le développement, sont des objectifs que les mauritaniens ne peuvent assurer sans l’éradication de l’esclavage et les discriminations et injustices contre les Hratin, qui s’y rattachent, l’abolition du racisme et la persécution culturelle contre les Nègro-mauritaniens, la refonte et reconstruction des différents corps d’Etats comme les forces armées et de sécurité, un nid de tortionnaires ce qui fait de cette armée une milice arabo-berbère qui fait et défait les pouvoir et annihile tout espoir de démocratisation véritable, les corps des magistrats, des officiers de police judiciaires et des administrateurs de commandement doivent être dissouts et rebâtis sur des bases républicaines, multiethniques et égalitaires en vue rompre avec leur image actuelle face aux citoyens, qui renvoie aux rapports administration coloniale face à des indigènes… Donc la question de l’esclavage est colossale, mais elle n’est pas unique comme question qui plombe l’avancée de la Mauritanie, mais elle est collatérale à bien d’autres questions, aussi importantes ; et, même si cette question n’avait pas existé, ou n’existerait plus, nous aurons suffisamment de raisons pour nous engager avec autant de sacrifice et de détermination pour les autres causes, justes, que vous n’avez pas cité et qui relèvent de nos priorités.

 

Le Véridique : Quel bilan faites-vous des cinquante années d’indépendance de la Mauritanie ?

Biram ould Dah ould Abeid : L’indépendance n’est pas encore nationale, depuis cinquante ans, elle est l’indépendance d’une seule faction des composantes nationale, la communauté arabo-berbère, qui a bénéficié des faveurs et de la complicité de la puissance coloniale ; d’autre part, cette journée du 28 novembre ne peux plus être l’occasion d’ambiances festives pour un mauritanien épris de justice, de vivre-ensemble et respectueux de la dignité humaine depuis le supplice des soldats-martyrs à Inal pendant cette désormais funeste date du 28 novembre 1991. Donc le bilan des 50 ans de la Mauritanie est largement négatif en ce sens que le système d’Etat ethnique et de ségrégation continue à renforcer aveuglement sa dérive suicidaire ne laissant aucune chance aux communautés humiliées que l’option du choc par la violence indicible

 

Le Véridique : Que pensez-vous de la réaction d’un groupe de cadres et de personnalités Hratin contre votre organisation et vous même tout dernièrement dans la presse ?

Biram ould Dah ould Abeid : L’histoire de toutes les bonnes causes nous enseigne que, dans les moments cruciaux, le camp des victimes, comme celui des dominants, ne pourra se prémunir de cette discorde, qui place les âmes les plus fragiles parmi la communauté des victimes, dans le camp de leurs bourreaux et projettent en même temps, les sublimes âmes issues des groupes dominants du coté de la justice et des humbles. Mais je voudrais vous dire à ce propos, que j’ai le devoir de défendre les victimes, qu’elles soient avec ou contre moi, qu’elle soit esclave dans son accoutrement et corvées traditionnels comme Moulkheir(affaire Viyah ould Mayouf), Hana mint Salem(affaire du colenel Sid’Ahmed ould Hamedy), ou que cette victime soit esclave à col blanc comme le groupe de cadres Hratin instrumentalisés par l’Etat et les groupes esclavagistes pour s’en prendre à nous ; donc autant les uns et les autres ont besoin de notre protection car ils sont tous moralement résignés et matériellement soumis aux forces qui les tiennent sous leur coupe.

Le Véridique : Une cassette circule aujourd’hui entre les mains des Mauritaniens. Dans cette cassette on vous entend proférer des menaces à l’encontre de la communauté arabe en Mauritanie et vous tenez des propos trop vulgaires à l’endroit de certains Ulémas.

Biram ould Dah ould Abeid :
Cette cassette est un enregistrement frauduleux opéré par des individus proches de ould Dedew en collaboration avec les services de renseignements qui par le biais d’un membre de l’IRA se sont introduits dans mon domicile en abusant de sa confiance. Ils ont engagé une discussion trop provocatrice et tenu à mon égard des propos agressifs, je suis resté bien sur ferme sur les positions qui sont les miennes. Il y a des ajouts à mes propos, donc des passages montés de toutes pièces. Mais, concernant les passages authentiques, je ne me sens guère gêné parce que la confrontation à laquelle je me livre est une confrontation avec l’opinion publique esclavagiste et raciste envers laquelle je peux tenir tous propos vrai et/ou juste. Cette opinion là est composée d’une aristocratie tribale et religieuse parmi lesquels figurent certains soit disant Ulémas dont le plus en vue actuellement est Ould Deddew. A mes yeux ces gens là ne sont pas des symboles et mois je ne fais pas la compétition pour plaire à cette opinion dont les faiseurs et leaders sont les symboles de nos misères.

Nos adversaires, désespérés de ne pouvoir arrêter le déploiement des idées de IRA dans l’opinion, essaient de nous mettre en mal (par le mensonge et l’intoxication ) avec trois pôles qui représentent pour nous, des soutiens et alliés naturels : les hommes symboles de la lutte pour la démocratie et les droits humains( Messaoud ould Boulkheir, Boubacar ould Messaoud…), avec le commun des croyants en nous taxant d’ennemis de l’Islam, avec la communauté internationale en propageant que nous sommes adeptes de la violence. Je les défis de réussir de nous disqualifier aux yeux d’un seul de ses pôles et je persiste et signe : la décennie à venir sera celle de la refondation de l’Etat et de la société mauritaniens. Ce changement radical se fera soit par la renonciation du groupe dominant à sa domination et sa souscription au droit comme seul arbitre, soit par une révolution. Le choix reviendra au groupe dominant. Ceci est une demande populaire, c’est inévitable, car c’est la roue de l’histoire, c’est une fatalité imparable ou par l’intermédiaire de notre organisation. Il faut préciser ici que cela n’est pas consécutif à une action de violence que je compte projeter personnellement. Je tiens ici à préciser que la propagande à laquelle se livrent certains ne me gène guère.

samedi 14 août 2010
Source : http://www.leveridique.info/article999.html


Interview de Biram Dah Ould Abeid à La Nouvelle Expression
 

Biram Dah Ould Abeid, Président de IRA et Chargé de Mission de SOS-Esclaves, est un homme engagé pour la cause des droits humains. Iconoclaste, partisan d'un discours en rupture totale avec le conformisme et la langue de bois, Ould Abeid, égal à lui-même, nous parle de son combat et fait une analyse sans concession de la situation du pays.

 

La Nouvelle Expression : IRA-Mauritanie vient d’élire son Bureau Exécutif. Allez-vous demander la reconnaissance de votre organisation aux autorités politiques?
Biram Dah Abeid : IRA-Mauritanie a été dotée depuis toujours et à sa naissance d’instances dirigeantes, bien que pas très visibles et affichées, pour des motifs de stratégie et d’autres raisons tactiques et sécuritaires inhérentes à toute action de contestation visant un objectif sérieux dans ce pays. Mais il est vrai que la restructuration du Bureau Exécutif, en ce moment et de cette manière, doit répondre à plusieurs impératifs que vous pouvez imaginer, car IRA a subi des obstructions, diabolisations et interdictions, et focalise, plus que toute autre formation politique ou civile, l’ire des pouvoirs publiques et des groupes dominants qui en sont les détenteurs. Cette restructuration permet donc de libérer certains militants de valeur des occupations bureaucratiques pour un travail de terrain et d’arrière-garde, tout en propulsant à l’avant-garde des hommes et des femmes d’expérience pouvant porter le message de IRA au sein des forums et médias nationaux et internationaux.

Mais, reconnaissance ou pas de IRA, ce qui est sûr, c’est que la pseudo-démocratie mauritanienne sera mise à rude épreuve car reconnaître notre organisation c’est, à coup sûr, permettre à beaucoup de jeunes hommes et de jeunes femmes mauritaniens dotés d’un enthousiasme et d’un engagement sans précédant de matérialiser le courant d’idées et de masses auquel nous ne cessons d’appeler, courant qui  aboutira à l’abolition des privilèges illicites d’une élite d’une communauté au détriment des autres et à  la déconstruction idéologique et religieuse des mentalités esclavagistes et  des préjugés ethniques ainsi qu’à la subversion des coutumes  et rapports sociaux obscurantistes et inégalitaires; toutes ces tares qui continuent de pérenniser les misères des franges les plus larges de la population mauritanienne : les  Hratin (esclaves et anciens esclaves de Mauritanie), les ethnies noires (Peulh, Soninké, Wolof, Bambara) et autres castes qui gémissent jusqu’à nos jours sous les lois inhumaines de la préférence raciale, ethnique, de langue ou de naissance.

Le refus de reconnaissance, tel que nous allons y réagir, sera une occasion pour les plus optimistes des partenaires internationaux de la Mauritanie , de se rendre à l’évidence que la Mauritanie est dirigée par un système minoritaire et anti-démocratique, usant  de la supercherie et de la désinformation pour donner le semblant d’une image d’Etat démocratique; or, cette démocratie de forme, réfractaire, sur toutes les lignes, à l’esprit et à la lettre de l’Etat de droit, limite clairement, dans ses pratiques, ses garde-fou et ses tabous, le seuil d’idées et d’actions de toute organisation politique ou civile à vocation progressiste.

 

La Nouvelle Expression :      Le jeudi 3 juin 2010, IRA-Mauritanie a organisé une soirée artistique et festive dans le stade de Sebkha à Nouakchott. Les journaux qui ont rapporté l’information ont parlé d’un assagissement de IRA; qu’en est il?

 B.D.A. : Dans le cadre du plan d’action de la Commission culturelle d’IRA, l’accent a été mis sur la nécessité pour l’Organisation d’agir envers les couches sociales et composantes ethniques et sociales interdites d’antenne à la radio et la télévision mauritaniennes et  leurs artistes exclus par le Ministère de la Culture des activités et subventions de ce Département. Cette politique sectaire d’exhibitionnisme de la culture et des arts de la communauté arabo-berbère parallèlement à un acharnement officiel visant à confiner les cultures et artistes des autres groupes nationaux dans l’invisibilité totale, relève du plan général qui, depuis la naissance de la Mauritanie , tente d’assoir l’hégémonie d’une minorité sur les autres. Et cette tendance n’a pas empêché de mettre au banc les rares intellectuels et artistes d’origine arabo-berbère qui ont eu le courage d’émettre des idées peu conformistes. IRA a tendu la main à tous ces exclus et est entrain de s’engager avec eux  dans une action de développement des arts et cultures au service de la citoyenneté, et pour découvrir et mettre en orbite des talents;  ces talents qui vont aussi, à travers le théâtre, la musique, la poésie et la peinture, se mettre au service de la cause de la citoyenneté qui est celle de IRA.

Et au cours de cette soirée à laquelle je n’étais pas présent, le président de la Commission de la Communication , Mohamed Vall Ould Sidi Moyla, a fait le discours que certains journaux et sites ont repris; je n’y vois pas de changement d’attitude ou d’orientation de notre Organisation, comme je ne trouve pas qu’elle manquait de sagesse, pour qu’elle ait besoin de s’assagir. IRA est toujours égale à elle-même : nous appelons les choses par leur nom contrairement à tous les autres; pour nous, il y a en Mauritanie des Arabes et des Berbères, bien qu’ils ne font qu’un seul groupe maintenant et au détriment  de la culture et de l’histoire de celui des deux groupes le plus nombreux : les Berbères. Pour nous encore, les Hratin représentent,  au moins, plus de la moitié de la population totale de Mauritanie, ils ne sont pas arabes et leurs liens avec les groupes arabo-berbères ne sont que des liens d’esclavage et de dépendances quasi-similaires à l’esclavage; nous considérons que la société et l’Etat mauritaniens sont bâtis sur une idéologie et une gouvernance racistes et esclavagistes; nous considérons que, depuis la naissance de ce pays, les pouvoirs publics, qui sont en vérité des pouvoirs ethniques, ont assurés et assurent toujours l’impunité et la soustraction totale à la loi de tous les crimes et délits de racisme et d’esclavage qu’un arabo-berbère a commis ou peut commettre contre un Noir ou un Hartani; nous considérons que la version locale et officielle du code de droit musulman malékite est bien travestie parce que bien cadrée au code d’esclavage et de castification sociale et les ulémas qui sont l’incarnation nationale de l’Islam sont corrompus au vu et au su de tous et n’ont jamais, de mémoire de Mauritanien, désavoué une injustice, ni en leur nom personnel, ni au nom de la religion qu’ils se targuent de représenter, parmi les nombreuses injustices qui s’abattent et qui se sont toujours abattues sur les groupes les plus humbles. C’est ça notre position depuis toujours et que nous considérons on ne peut plus sage parce que fondée sur une analyse fidèle et sans complaisance de certaines réalités qu’il faut indubitablement attaquer frontalement en vue d’une possible résolution avant qu’il ne soit trop tard. La sagesse n’est pas tourner en rond et se voiler la face, et ceux qui pensent qu’ils ont réussi quelque chose ou qu’ils vont le réussir parce que le pouvoir les intègrent ou les tolèrent doivent déchanter; la lutte, la véritable lutte, n’est pas la recherche de certificats de bonne conduite de la part des groupes dominants, qu’ils soient dans la majorité ou dans ce que vous appelez l’opposition.

 

La Nouvelle Expression : Pour les oulémas, on se souvient de la dénonciation de feu imam Bouddah Ould Bouceiry des tueries de 89 (événements), alors qu’actuellement nos leaders religieux font du problème palestinien un problème personnel. Qu’avez-vous à dire à ce propos?

 B.D.A. : C’est vous qui affirmez ça; cette sortie de feu Bouddah contre les massacres des Noirs à Nouakchott, moi, ce que je sais, c’est que les massacres ont continué après 89 et se sont prolongés dans les casernes et dans les villes et villages de la Vallée. On n’a jamais vu cet imam ou un autre se dresser contre ce phénomène et ça ne l’a pas empêché de continuer à se la couler douce. Mais cet imam défunt a vécu comme esclavagiste, dans une société esclavagiste, il n’ jamais rien dénoncé de cet ignoble crime. Au contraire, moins d’une année avant sa mort, il est intervenu auprès des juges du tribunal de Nouakchott pour aider un de ses cousins à usurper la maison d’une vielle femme hartania (féminin de hartani ou ancien esclave); ces victimes hratin de Bouddah sont là, et ils courent toujours derrière leurs droits usurpés par les soins de cet imam. Je peux même vous aider à les rencontrer… Mais, je voudrais souligner ici, que les éléments soit disant progressistes parmi les Arabo-berbères, surtout les gauchistes et les islamistes, ont des positions assez bonnes contre le racisme d’Etat. Ils courent derrière une image d’internationalistes , mais concernant l’esclavage, ils sont les idéologues du déni et les principaux penseurs des croisades politiques et médiatiques antiabolitionnistes . Nous pouvons citer, en guise d’exemples : l’ex-Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, Isselmou Ould Abdel Kader, l’avocat Mohameden Ould Ichidou et tous les Salafistes qui se prétendent réformistes, sauf Ahmed Ould Wediaa et Jemil Ould Mansour. Et je voudrais souligner ici que l’engagement pour les droits des êtres humains est un tout indivisible; on ne peut pas lutter contre le racisme ici et se ranger du coté de l’esclavage là-bas et vouloir être reconnu comme défenseur des droits humains. C’est pourquoi, il est paradoxal que les avocats Mohameden Ould Ichidou et Yarba Ould Ahmed Saleh sont toujours cités par la presse d’ici comme défenseurs des droits humains alors que les victimes du servage et de l’esclavage dans la Sebkha d’Idjil et la commune de Lexeiba 2  ont ces deux hommes sur le dos depuis des années. Ces deux hommes n’ont jamais cessé de manipuler les juges et profiter de la vulnérabilités des Aghzazir et autres Hratin paysans de Lexeiba 2 pour leur imposer, par la loi, des redevances à caractère esclavagiste et de servage au profit de la féodalité Kunta Ehel Hemod et d’un autre suzerain, au Sud, Yacoub Ould Moussa Ould Cheikh Sidiya.

Quant à l’engagement, dont vous parlez, des ulémas mauritaniens pour la Palestine, je veux dire à ceux-ci qu’ils doivent s’engager d’abord pour eux-mêmes; ils doivent, en tant que religieux, avoir plus de dignité et un souci pour les plus humbles, ils ne doivent pas rivaliser avec les laudateurs de tous acabits devant les cours des princes. Ces gens, en bons et sincères musulmans, doivent d’abord se dresser contre l’esclavage et le racisme, deux phénomènes dans lesquels les ulémas de notre pays sont des actionnaires majoritaires, surtout en ce qui concerne l’esclavage. Pourquoi ne défendent-ils pas les Hratin contre l’esclavage et pratiques similaires, et qu’est ce qu’ils font, ou ont fait, contre le martyr des Noirs de Mauritanie? Qu’est ce qu’ils ont fait contre le génocide du peuple du Darfour? Donc, leur Islam à eux, est révélé seulement pour défendre les Arabes? Est-ce qu’on peut déduire de leur position de non solidarité avec les Hratin, eux et les autres nationalistes arabes, que les Hratin ne sont pas Arabes? Donc ils (les Noirs et les Hratin) sont dans la même loge que les Kurdes et les gens du Darfour? Mais après tout, je sais que vos ulémas diront le contraire de ce qu’ils disent maintenant sur la Palestine si le chef de l’Etat décide de rétablir les relations avec Israël; ils feront volte-face, comme ils le faisaient par le passé sous Ould Taya. Pour finir, je pose une question : quelle est la différence, selon l’Islam, entre l’esclavagisme, le racisme et le sionisme?

 

La Nouvelle Expression : Vous n’êtes pas de l’opposition, vous?

 B.D.A. : Pour être clair, IRA est pour le moment une organisation apolitique, donc elle n’est affiliée à aucun parti, moins encore à un pôle ou bloc de partis, chacun de ses membres est libre de voter pour le parti de son choix, mais les fonctions dirigeantes dans les partis politiques sont incompatibles avec toute fonction dirigeante ou de représentativité dans IRA. Quant à moi, j’appuie politiquement le parti APP (Alliance Populaire Progressiste) qui me semble la formation politique la plus progressiste et cohérente, la plus proche des Mauritaniens, en général, et des franges déshéritées, en particulier. Mais, d’autre part, je sais que l’opposition et la majorité ne sont,  en dernier ressort, que les deux factions d’un même système car, en dehors de Messoud, tous les protagonistes se valent : Ely Ould Mohamed Vall, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, Ahmed Ould Daddah, Mohamed Ould Abdel Aziz… tous ces gens ont travaillé, travaillent encore et travailleront pour renforcer l’hégémonie de la minorité arabo-berbère sur les autres communautés Hratin et nègro-mauritaniennes . Néanmoins,  je concède à Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi un ascendant moral certain sur tous les autres. Mais, avec tout ce que les optimistes parmi nous veulent lui prêter, il n’a rien fait pour les communautés opprimées; la loi sur l’esclavage dont il se targue aurait pu être confectionnée sous n’importe quel Chef d’Etat parmi les candidats qui étaient en compétition en 2007. Et Sidi, en Zawi (masculin singulier de Zwaya qui est l’ordre de la noblesse du livre chez les Arabo-berbères) pur jus, fit passer la loi de la manière où elle profite seulement aux groupes esclavagistes, et à eux seuls car il n’a jamais accepté que la loi soit appliquée; il faisait parfois, en personne, obstruction à la loi quand il s’agit d’un cas d’esclavage. Pour lui, cette loi n’est pas destinée à l’application mais pour faire le change devant la communauté internationale et les bailleurs de fonds, et il a réussi.

 

La Nouvelle Expression :   Et Ahmed Ould Daddah qui est le président en exercice de la COD (Coordination de l’Opposition Démocratique) en Mauritanie, chef de file de l’Opposition démocratique et président du plus grand parti d’opposition, le RFD (Rassemblement des Forces Démocratiques) ?

 B.D.A. : Opposition, opposition… mais, pour nous, opposition ne se résume pas au départ de Aziz, de Sidi ou de Maawiya; notre calvaire et nos maux ont commencé avant tous ces hommes et  ont continué avec la chute de ceux qui sont  déjà partis, mais ils resteront en l’état, nos problèmes, après Aziz si nous continuons à suivre une opposition comme celle de Ahmed Ould Daddah qui est le plus loin possible de nos problèmes; car il ont dénoncé dans le régime de Aziz la situation des habitants des bidonvilles déplacés, la non transparence de la Commission nationale des marché, les velléités dictatoriales du Général. Tout ceci c’est des vérités qu’il faut dire, mais il y a d’autres vérités que l’opposition, en général, et Ahmed Ould Daddah, surtout et en particulier, ne voudront pas dire. Ainsi, sous le régime de Aziz, il y a le racisme d’Etat, à travers les recrutement à la fonctions publique et dans les différents corps d’armes, à travers les nominations dans la fonction publique; il y a la discrimination contre les Hratin dans les tribunaux et devant la police judiciaire; il y a les expropriations foncières à caractère raciste et esclavagiste auxquelles s’adonnent l’administration et la justice mauritanienne contre les Noirs et les Hratin; il y a le calvaire des veuves et des orphelin des tueries extrajudiciaires que tout le monde passe sous  silence; il y a les pratiques esclavagistes qui défrayent la chronique et que Ould Abdel Aziz et son pouvoir escamotent et dénaturent en assurant l’impunité aux bourreaux; il y a une école des cadets militaires qui a été réservée à une certaine classe de la communauté arabo-berbère comme au bon vieux temps de l’apartheid. Et l’opposition et Ahmed Ould Daddah n’acceptent jamais de dénoncer ces faces de l’injustice qui sont pour nous mille fois plus graves que le coup d’Etat contre Sidi, la falsification des élections ou le refus d’appliquer les accords de Dakar. Pour moi, les Noirs et les Hratin ne sont pas concernés par cette opposition tant sa ligne est celle-là : Aziz couvre la gabegie, l’incurie, vous le dénoncez; il couvre les esclavagistes et son gouvernement prend des actes racistes vous ne bronchez pas, et vous voulez que les victimes de ce que vous refusez de dénoncer  vous suivent  pour vous permettre d’assouvir vos ambitions personnelles ou de prestige, ou vous  permettre d’opérer un recentrage tribal ou régional du centre de gravité du pouvoir exclusif des lignages arabo-berbères dominants : c’est absurde. En tout cas, avec Ahmed Ould Daddah, les Noirs et les Hratin auront la malchance d’avoir leurs espoirs trahis plus que toute autre fois. Tout dernièrement, il a réagi à une question d’un journaliste qui lui demandait que pensait la COD des tracasseries qu’imposent le pouvoir de Aziz au président de IRA, Biram Dah ABEID. Ahmed Ould Daddah a répondu qu’il ignore complètement Biram. Après la conférence, certains de ses conseillers lui ont fait le reproche que cette réponse n’était pas la meilleure; et vous savez quoi? Celui qui prétend devoir nous diriger répond que sa réponse était destinée à Messaoud Ould Boulkheir qui est à ses cotés pendant la conférence de presse et qui, selon Ahmed Ould Daddah, serait satisfait de cette réponse négative et mensongère plus que toute autre. Cette manière de penser et d’agir est d’une bassesse et d’une immoralité indignes d’un prétendant à la Magistrature Suprême … Il est du devoir des composantes opprimées de ce pays de se sacrifier pour renverser le pouvoir de la théocratie salafiste et oligarchie militaire, personnifiées par Ould Dedew et Ould Abdel Aziz, comme elles doivent être déterminées à barrer la route au danger national que représente Ahmed Ould Daddah.

 

La Nouvelle Expression : Vous êtes dur contre Ahmed Ould Dadah. N'oubliez pas que lors des premières élections présidentielles de 2007, jugées démocratiques, il est allé au second tour avec Sidi Ould Cheikh Abdellahi…

 B.D.A. : A quoi ça me sert de me rappeler de sa position dans les élections de 2007? Ce dont je me rappelle, surtout, c’est qu’il n’a jamais pris une position conséquente pour l’intérêt de la Mauritanie , ou pour la défense de la justice ou des plus faibles. Toutes ses positions sont connues, au fil de sa carrière politique, comme étant des positions opportunistes. Toutes les positions et actions qu’il entreprend sont toujours mues par son ambition démesurée pour diriger le pays et sa soif insatiable du pouvoir et du prestige. Mais Dieu fait bien les choses : Il l’a toujours recalé. Et je pense que la plus grande erreur du FNDD, c’est d’avoir coordonné avec Ahmed Ould Daddah; et, parallèlement, l’acte le plus lucide et décisif de Aziz, dans sa lutte contre les forces anti-putsch, c’est d’avoir écarté Ahmed Ould Daddah.

 

La Nouvelle Expression : Justement, d’aucuns disent que vous n’avez pas pris une position contre l’agression israélienne de la flottille pour Gaza?

 B.D.A. : Qui? Qui a dit ça? Si c’est le gouvernement du Fatah ou celui du Hamas, ces mouvements n’ont jamais soutenu les populations Hratin et noires dans leur martyr qui continue par la perpétuation de l’esclavage et du racisme d’Etat en Mauritanie. Nous sommes des victimes, des martyrs et des opprimés privés de liberté et de justice comme eux. Eux, en Mauritanie, ils ont choisi publiquement le camp de nos bourreaux; ils n’ont aucun droit d’exiger de nous quoi que ce soit. En notre âme et conscience nous sommes contre l’acte israélien contre la flottille, et nous sommes opposés à bien des actes perpétrées par l’armée israélienne en Palestine; mais en même temps, nous sommes opposés aux crimes que commettent, toujours sans repentir, les gouvernements arabo-musulmans au Soudan, en Mauritanie, en Iran, en Libye, en Arabie Saoudite, en Egypte… Nous le clamons haut et fort et advienne que pourra : nous sommes totalement en dehors de cette solidarité confessionnelle dans laquelle, malheureusement, toute les forces politiques et civiles en Mauritanie sont enrégimentées; celle qui consiste à ce que les mêmes partis, les mêmes milieux et mêmes personnalités qui dénoncent Israël et manifestent contre ses crimes, sont paradoxalement les mêmes qui manifestent pour soutenir Omar Hassan El Béchir contre le peuple martyr du Darfour. Ce sont les mêmes qui ont soutenu et soutiennent des dictateurs sanguinaires comme Saddam Hussein, Muammar Ghadhafi, Mahmoud Ahmedinenejad ou Maawiya Ould Sid’Ahmed Taya. Ce sont encore les mêmes qui ont été les idéologues, les instigateurs et les exécutants de la tentative de génocide contre les Noirs de Mauritanie; ce sont eux aussi qui continuent à nier activement les crimes de cette tentative de génocide; c’est aussi les mêmes qui continuent à s’adonner aux pratiques esclavagistes et discriminatoires contre les Hratin, et c’est eux qui procurent l’impunité et le faux témoignage à ceux qui pratique l’esclavage en Mauritanie. Et parmi ces gens, il y a aussi de présumés tortionnaires et de présumés coupables de viols et pratiques esclavagistes, et tous ce monde est loin d’être repenti; et vous voulez que nous manifestons et dénonçons de concert avec ces gens. Non, ce n’est pas possible.

Mais, ça m’étonne fort que des Mauritaniens, qui se disent progressistes, des dirigeants noirs de Mauritanie, rescapés des tueries et purges dans ce pays, des dirigeants Hratin dont la communauté continue à vivre l’enfer de l’esclavage, des défenseurs des droits humains; ça m’étonne, dis-je, que tous ces gens puissent appeler à manifester contre les crimes israéliens et pour les Palestiniens, sans qu’ils ne puissent d’abord appeler à manifester contre les crimes de l’Etat mauritanien contre les noirs et les Hratin. Ils doivent appeler à manifester contre le négationnisme de l’Etat mauritanien, de la classe politique mauritanienne, du clergé mauritanien, contre les pratiques esclavagistes chaque jour dénoncées et toujours impunies à Nouakchott ou ailleurs. Balayons d’abord devant nos portes. Ces manifestations et dénonciations sélectives ne sont pas sincères et ne nous concernent pas; ces partis politiques et personnalités mauritaniennes ne sont ni avec la justice ni avec les droits humains : ils sont, toutes tendances confondues, avec un nazisme arabe et nous ne sommes pas obligés de choisir entre ce nazisme-là et le fascisme des dirigeants de l’Etat d’Israël.

 

La Nouvelle Expression : Ne pensez-vous pas que vous avez un discours violent qui peut conduire à des actions violentes?

 B.D.A. : C’est faux, je n’ai pas un discours violent, mais un discours tranché, sans amalgame et qui sort du seuil de pensées fixé par le système pour préserver les acquis et privilèges illicites par une minorité sur le dos de populations majoritaires mais victimes de leurs appartenances ethniques ou de leurs naissances. Notre discours n’a de violent que le fait qu’il rappelle à ceux qui fondent leur prestige, leur pouvoir ou leur richesse sur les désolations ou les misères de leurs semblables. Notre discours ne semble violent qu’à ceux-là à qui il rappelle qu’il faudra compter, inéluctablement, avec la fatalité qui présidera à l’abolition de tous les rapports de forces iniques comme ceux sur lesquels reposent les équilibres sociaux et ethniques en Mauritanie. C’est une sonnette d’alarme qui doit aider toutes les parties pour une prise de conscience de l’impérieuse nécessité de la moralisation et l’humanisation des rapports sociaux et de l’importance salvatrice de la primauté du droit sur l’instinct jahélite (obscurantiste) de l’Assabiya… Au lieu que «tout le monde» cherche en l’IRA et son président les fauteurs de violence, que dites-vous des gens qui ont tué, torturé, violé? Ces bourreaux qui sont pourtant tous connus des ayant droit des victimes, des rescapés et du commun des Mauritaniens, et qui continuent de jouir du prestige social le plus élevé, des hautes fonctions de l’Etat et de l’honorabilité due aux élus. Les fauteurs de violence de 1990  et 1991, ceux du 8 juin 2003, ceux que votre gouvernement est entrain de blanchir après le massacre de Lemgheity, de Ghallawiya, de Tourine et j’en passe, alors qu’ils persistent et signent (ce qui n’a pas empêché le nouveau Mufti de l’Etat de les blanchir, contredisant publiquement les juges); les juges qui se sont fait tout petits à l’image de la classe politique si prompte toujours à taxer IRA de violence. Mais personne n’a osé broncher et répliquer à Ould Dedew. Donc, au lieu de s’occuper d’une supposée violence que nous, nous pourrions prôner dans le futur, soyez conséquents d’abord avec ceux qui ont perpétré la violence; mais vous allez me dire que vous allez plutôt les récompenser comme ont été récompensés ceux qui ont massacré les militaires et civils noirs en 90-91, et qui ont fomenté le 8 juin 2003.

 

La Nouvelle Expression : De grands hommes avant vous et votre ère, qui ont gagné des luttes semblables à la vôtre, avaient préconisé la non violence dans le verbe  et dans les actions… Ne serait-t-il pas plus bénéfique pour vous de suivre leur exemple?

 B.D.A. : A une partie de cette question je pense avoir répondu, mais je saisis cette occasion pour préciser un fait historique à beaucoup de nos détracteurs qui, à travers leurs argumentaires erronés, tentent d’introduire l’exemple de Nelson Mandela comme un exemple de combat par la non-violence. Ici, sans dénier à la non-violence ses vertus auxquelles j’adhère, je précise que Nelson Mandela et son mouvement l’ANC (African National Congres) ont engagé la lutte armée contre le système d’apartheid. Et pendant tout le temps que ce leader africain a passé en prison, les autorités de Pretoria lui proposaient un marché : dénoncer la lutte armée que menait La Lance de la Nation (la branche armée de l’ANC), en contrepartie de son élargissement. Mandela a catégoriquement refusé ce marché jusqu’à la capitulation du régime d’apartheid.

Propos recueillis par Seydi Moussa Camara

 

Le Calame : Biram Ould Dah Ould Abeid, président d 'IRA,
dans une interview exclusive.

« Nous sommes pour le renversement de l'ordre social en vigueur mais en conformité, d'abord au droit international, ensuite aux lois et règlements de la Mauritanie »


Le Calame : Vous venez d'achever une marche dite contre l'esclavage dans plusieurs villes et localités du pays. Pourquoi cette entreprise ? Quelle évaluation en faites vous?

Biram Ould Dah Ould Abeid: En effet, IRA vient d'achever La Marche des Hratin contre l'Esclavage et pour la Liberté, sur un parcours de plus de 2500 km ; cette entreprise répondait à l'attente des populations des villes et villages qui jalonnent la route Nema- Nouakchott ; à diverses occasions, elles sollicitaient, déjà, la présence d'IRA et de son président ; d'autre part, cette action relève de la stratégie d'IRA dont l'un de ses axes majeurs et constants est de délocaliser, décentraliser notre lutte ; nous entendons déployer nos méthode de contestation sociale, idéologique et religieuse, à l'intérieur du pays, Nouakchott, la capitale, ayant été jusqu'à présent le principal champ de notre expérimentation, non sans réussite, Dieu merci.

Cette tournée avait aussi pour objectif, d'enfoncer le ventre mou de l'idéologie de la soumission, de la résignation, des livres et dogmes négriers, tout ce socle de l'hégémonie et de la supériorité ethno-sociale sur lequel reposait l'esclavage mauritanien, depuis des siècles ; nous étions partis au fin fond du pays pour revendiquer, porter et répéter nos coups de massue contre le système de domination féodale et inhumain ; l'évaluation que nous avons fait de cette visite doit se passer de commentaire, car l'accueil populaire, l'enthousiasme des citoyens et leur adhésion massive au combat d'IRA ont été attestés et se sont soldés par la constitution de bureaux et de représentations d'IRA dans toutes les régions, villes ou localités

visitées ; donc, l'événement a produit une évolution qualitative, en l'occurrence, l'élargissement de la base sociale d'IRA, sa décentralisation à l'intérieur de la Mauritanie et la dissémination de ses principes idéologiques, religieux, de droit, jusque dans les campagnes isolées.

 

-Au cours de cette caravane, vous avez eu à connaître des cas avérés d'esclavage. Est-ce à dire qu'en dépit des textes récemment adoptés par le gouvernement, les pratiques persistent. Est-ce que les victimes sont conscientes de l'évolution des textes et qu'elles doivent se battre pour pousser les autorités à appliquer les textes ?

Les autorités mauritaniennes, la classe religieuse et la classe politique, toutes tendances confondues, bref, toutes ces corporations étatiques ou non-étatiques, constituées ou noyautées par les segments dominants esclavagistes, ne font rien, absolument rien, pour que les victimes de pratiques esclavagistes puissent prendre conscience de l'iniquité de la variante pseudo-malékite de l'Islam qui les a maintenus - eux et leurs ancêtres – en dehors de l'Humanité ; bien au contraire, l'État, les partis politiques et le clergé, ont bien montré le degré de leur communion grossière, anti-islamique et hors-la loi, par l'appel au meurtre contre IRA, l'avant-garde et fer de lance des luttes pour les droits et les conquêtes démocratiques ; toutes ces institutions, partis ou corporations, ont rivalisé de zèle, au grand jour, pour jurer être les gardiens et protecteurs des codes d'esclavage, ignobles et d'un autre temps, écrits, légitimés et sacralisés dans les livres visés par notre acte symbolique d'incinération, en avril 2012. Et comme vous le savez vous mêmes, gens du journal Le Calame, votre directeur, Ahmed Ould Cheikh, à l'instar les principaux directeurs et éditorialistes, des principaux organes de presse dits indépendants, Mohamed Vall Oumère de la Tribune, Isselmou ould Moustapha de Tahalil, Alhaiba de Akhbar.info et j'en passe, tous ces praticiens de l'écriture aux prétentions progressistes pompeuses, n'ont pas pu déroger à la règle d'or qui régissait les différentes corporations de l'ethnoclasse dominante. Ainsi, lors de la bataille autour de la sacralité des livres négriers, ces hommes se sont allègrement départis de leur vernis de modernisme, pour verser, sur nous, de vénéneuses encres ; à coup de propos, d'articles et d'éditoriaux inquisiteurs ils nous ont qualifiés d'ennemis de

Dieu, de la nation et de la société idéale offensée ; le ridicule ne tue pas car cette crème de la crème de cadres classés " progressistes " de la communauté arabo-berbère, en des moments et sur des questions de rupture historique, n'a pas pu se distinguer des aboyeurs professionnels comme ce repris de justice évadé des cachots d'un pays voisin, Cheikh Ould Horma, éphémère ministre, par accident ou faute de mieux ou ce pique-assiette, nourri à la sève du charlatanisme, laudateur de petit acabit, Beitoulah Ould Ahmed Leswed. Je puis en citer, à la pelle, mais la pelle risque de se salir. Dans toutes ces instances et à tous les niveaux de la production sociale de valeurs, ce sont les groupes dominants esclavagistes qui font l'opinion, tirent et fabriquent les termes de la stigmatisation ; le monopole du savoir religieux, cumulé et renforcé depuis des siècles, auquel s'ajoute la maîtrise des positions statutaires dans l'État, leur permet, au-delà même de la solidarité tribale, d'étouffer toutes les formes de contre-culture ou de contre-morale ; leur ligne de riposte, généralement superficielle, laconique, toujours occasionnelle et pourtant sans appel révèle un début d'anomie, un repli défensif, de moins en moins créatif, presque las. En 20 ans, leur stratégie de négationnisme, de duplicité, d'hypocrisie et de diversion - qu'ils servent à la communauté internationale pour s'attirer une respectabilité indue- n'a pas varié. Ce sont de telles faiblesses que nous sommes allés exposer, à nos concitoyens. Nous voici entrés dans la phase de la remise en question du système, quant à ses fondements ; nous le mettons désormais en demeure de se découvrir, de se défaire des oripeaux, pour défendre sa raison d'exister : le mensonge de la supériorité raciale qui permet, encore, de posséder, de s'enrichir, d'exercer le pouvoir et de mieux vivre, par l'exploitation de l'autre. Et si, finalement, tout cela n'était qu'une vaste et vieille supercherie, pour engraisser, à vie les maîtres et leur descendants, une escroquerie de gens paresseux, veules et finalement si peu musulmans ?!!!! Cette hypothèse, je la partage avec beaucoup de camarades, au sein et en dehors d'IRA. Elle implique, de notre part, une meilleure coordination pour mettre un terme à cette arnaque multiséculaire, dont la violence symbolique et physique frappe des générations d'esclaves, impunément !

Oui, au cour de notre marche nous avons découvert des cas avérés de pratiques d'esclavage par ascendance, des enfants, filles et garçons, séparés de leurs mères, esclaves elles aussi et affectées, à servir d'autres foyers, dans les différentes branche de la famille élargie des maîtres; ces filles et garçons ont témoigné de leur enfance assassinée par la privation de l'affection parentale, la privation de scolarisation, le travail forcé, dur et sans repos, les châtiments corporels et le lot quotient de violences et de viols sexuels ; de Néma, en passant par Guerou (ville du centre du pays), jusqu'à Dar Naim (quartier périphérique de Nouakchott), nous avons statué sur ces pratiques d'esclavages, traditionnel et/ou moderne et saisi les autorités judiciaires, administratives et sécuritaires compétentes ; hélas, le pouvoir chien de garde de la domination, est toujours muré dans sa logique de déni et de recherche systématique d'alibis, pour reproduire, toujours, le même réflexe d'impunité au profit des contrevenants à des lois pourtant explicites ; ces textes édictés et rappelés, dans une démarche de plus en plus futile, ostentatoire, grouillante de mauvaise foi, insultent l'opinion nationale et internationale, par une exhibition inversement proportionnelle à l'application. Cette attitude de ruse, de faux semblants et de partialité dissimulée, des autorités judiciaires et administratives mauritaniennes, devant les crimes d'esclavage, vient s'aligner sur les consignes, explicites, du chef de l'État Mohamed Ould Abdel Aziz et ses différents collaborateurs, ministres ou diplomates, à chaque occasion où ils évoquent, en public, le thème de l'esclavage. Avec cette incohérence et inconduite, les premiers responsables du pays, foulent, au pied, les lois qu'ils ont eux mêmes pris la décision souveraine de promulguer, au nom de la République.

 

-On vous prête l'intention de mettre en place un parti politique pour continuer votre combat. Est-ce à dire que votre ambition dépasse aujourd'hui celle des droits de l'homme?

L'exposition et la montée en flèche de la popularité d'IRA et ses dirigeants, suite à l'action salvatrice et bénéfique d'incinération des livres et référentiels esclavagistes, a permis aux personnalités, cadres, militants et sympathisants d'IRA, d'avoir l'ambition de voir naître un parti apte à défendre, sur la scène politique, les idéaux et principes de liberté, de justice, d'égalité et d'équité ; ce choix s'est davantage imposé lors du constat de la bataille sur la légitimité, véracité et sacralité des codes d'esclavage ; à ce moment-là, tous les partis politiques mauritaniens, hormis le RD de Moustapha ould AbeidArahmane et le MPR de Hamidou Baba Kane, se sont fendus, sans aucune retenue dans le mensonges et la diffamation, des communiqués, des déclarations d'hostilité

à notre endroit ; la plupart appelaient à des marches et des mobilisations - restées, malheureusement pour eux, mono-colores, seule la communauté arabo-berbère s'étant mobilisée pour notre inquisition. Ils nous ont craché leur venin, réclamant notre mort, pendaison et autres châtiments, nous reprochant- prétendaient-ils - d'avoir envoyé au bûcher, leurs livres sacrés, leurs croyances, leurs idoles vénérées; nous, nous avons jeté, au feu purificateur, quatre exemplaires, de leurs écrits esclavagistes qui ont consumé et fait holocauste de notre peuple

Hratin depuis bien des siècles; à ma connaissance, ces partis politiques mauritaniens n'ont pas encore exprimé une position de regrets ou de remords sur cette question qui reste posée, pendante et d'acuité ; l'omission implique que l'aile politique d'IRA, indépendante de l'ONG de promotion des droits humains, doit voir le jour pour défier de pied ferme, les formations politiques, prétendues démocratiques, qui revendiquent, avec arrogance, provocation et assurance grossière, la sacralité, la légitimité et le droit de faire valoir, des codes négriers, des visions obscurantistes et des lois inégalitaires en contradiction totale avec tous les normes et conventions internationales.

 

-Pensez-vous que le gouvernement reconnaîtra votre parti ?

Le manque de reconnaissance du futur parti qui va constituer l'aile politique d'IRA, ne nuira pas, de mon point de vue, à son implantation sa force, sa capacité de mobilisation, ses ressources de résistance, car ce sera une formation née de l'expérience et de la sève du combat d'IRA ; comme vous le savez, IRA est stoïque, sobre, spartiate, dotée de forte capacités d'endurance, de résistance et de survie, dans les épreuves les plus difficiles, les environnements les plus hostiles et les situations les plus désemparées ; durant les moments d'adversités les plus pénibles, nous avons sentis la main de Dieu, la protection divine. Et je ne pense pas que le pouvoir en

Mauritanie, répétera, avec le futur parti politique, l'erreur d'appréciation et de stratégie qui l'a conduit à refuser la reconnaissance d'IRA; je crois qu'ils n'ont plus le droit à l'erreur ; au contraire, la logique et le bon sens, ainsi que le minimum d'équité, devrait dicter, à l'État mauritanien, de reconnaître, et IRA Ong, et le parti éponyme.

Nous sommes ici pour le renversement de l'ordre social en vigueur mais en conformité, d'abord au droit international, ensuite aux lois et règlements de la Mauritanie.

 

-Depuis quelques temps on évoque l'éventualité d'organiser des élections municipales et législatives. Pourriez-vous y prendre part ? Que faudrait-il pour y aller ?

La réponse à cette question concernerait ceux qui sont responsables et qui ont la destinée de cette formation politique en gestation, et, moi je n'en fais pas partie.

« Avec la Marche contre l'esclavage, nous étions partis au fin fond du pays pour revendiquer, porter et répéter nos coups de massue contre le système de domination féodale et inhumain »

 

- Pour permettre l'organisation d'élections apaisées et inclusives, le président de l'Assemblée Nationale, Messaoud Ould Boulkheir a proposé une solution de sortie de crise laquelle suggère la mise en place d'un gouvernement de large ouverture, ce que d'ailleurs le président Aziz a rejeté. Avez-vous été saisi de cette proposition ? Pensez-vous qu'elle pourrait servir de base de discussions entre la COD et la majorité présidentielle ?

« La solution juste est définitive de ce grand dossier qu'est le passif humanitaire va rester tributaire d'une démarche consensuelle, » basée sur la vérité, le droit, la réparation et la mémoire»

Pour moi, la crise, la vraie, la crise qui couve et se développe dangereusement, c'est celle qui est liée à la persistance du système de domination qui met les Hratin à la marge du bien être social et du développement ; c'est cet état de fait de ségrégation qui éjecte la majorité résignée, soumise et travailleuse, du droit à la propriété foncière dans les zones d'habitations comme dans les oueds ou zone de culture ; c'est cet état de pauvreté et de paupérisation de la main-d'oeuvre et classe Hratin, dans des taudis et quartiers délabrés et affamés, qui ceinturent les quartiers résidentiels, riches et chics, où vit et se multiplie, insouciante et repue, l'intelligentsia araboberbère, aux commandes du pays ; la crise pour moi, c'est la persistance, massive et multiforme, des pratiques d'esclavage direct, sur plus de 20 pour cent de la population mauritanienne, sans que la classe politique ne s'en émeuve, sans que les instigateurs du crime, les féodalités tribale et cléricale ne s'en repentent, sans que l'État et la justice acceptent de jouer le rôle de garant des droits et de l'intégrité physique et morale des victimes ; la crise pour moi c'est la crise des nationalités et de cohabitation entre ethnies noires de Mauritanie, arabo-berbères et Hratin de ce pays ; c'est la crise qui consiste au refus de l'État et de la classe politique, de solder par des mécanismes conformes aux normes internationales, légaux et transparents, les passifs et actifs lourds, de la tentative de génocide qui a endeuillé les ethnies noires de Mauritanie, pendant les décennies passées; la crise pour moi c'est la crise de l'école, la crise du système judiciaire, la crise de l'économie, celle de l'emploi... .Ce qui se passe entre les partis politiques qui se font appeler la COD, d'un côté, et ceux, arrimés au pouvoir de Mohamed ould Abdel AZIZ, et qui se font appeler majorité, cette prétendue mésentente dans le système, n'en n'est pas une, il s'agit du leurre habituel de querelles de préséance, à l'intérieur de la même épicerie. Je dirai qu'elle ressortirait bien plus du quotidien d'enfants gâtés, se chamaillant sur un héritage mal acquis. Quant aux discussions entre la

COD et le Pouvoir, elles ne m'intéressent pas en ce sens qu'elles sont des conciliabules entre les deux factions d'une fratrie, entre les représentants d'une seule communauté dominante, les maures, solidaires au fond ; les protagonistes de ces querelles de tente, s'accordent, tous à éviter les sujets de la rupture historique, ce lendemain d'égalité à quoi nous, nous travaillons, pas eux. Sur le dernier aspect de votre question, je confirme qu'un proche collaborateur du président Messaoud Ould Belkheir, m'avait saisi au début du mois d'octobre pour me demander de lui donner deux noms de dirigeants d'IRA qui doivent avec moi, être conviés à la cérémonie de lancement de l'Initiative en question ; c'est à ce niveau que nous en sommes, encore.

 

La presse a relayé des informations selon lesquelles vous allez rééditer l'incinération des livres de rite malékite, ce qui vous avait valu une détention de plusieurs mois. Intox ou information ?

IRA ne menace pas, IRA ne gesticule pas, IRA agit.

 

-L'IRA se bat pour le règlement du dossier du passif humanitaire. Après Inal en 2011, il ya eu Sorimalé et Inal 2012. En quoi ces pèlerinages ont-ils permis de faire avancer le dossier ?

Je pense qu'il est indiscutable que l'irruption d'IRA sur la scène nationale et internationale, a immanquable et assez profondément, bousculé les tabous, fait bouger les lignes et, assez profondément changé la perception des enjeux ; ceci a été valable, pour la question de l'esclavage car, avant IRA, les esclavagistes n'avaient jamais goûté au vécu des postes de gardes à vue ou des cellules de prison ; concernant le passif humanitaire, avant IRA, Inal, Sorimalé, ou tout autre site de deuil, n'ont jamais été commémorés sur le territoire national, au grand et en plein air et, dans la capitale, de surcroît, sur le principal site, souvenir de l'épuration et vecteur de la mémoire ; cette action a produit ses effets, dont l'un, et non des moindres, est d'avoir ouvert, balisé et sécurisé les boulevards aux veuves, orphelins, autres ayant-droits des victimes et toutes les femmes et tous les hommes, de Mauritanie et d'ailleurs, épris de compassion; mais je vous promets que vous allez encore déceler, très clairement, dans le développement futur de la stratégie d'IRA et l'évolution des choses, les résultats positifs des actions d'Inal et de Sorimalé sur le devenir de la Mauritanie égalitaire et multinationale, notre projet, notre mission.

 

-En dépit des appels au droit de vérité et de justice, le gouvernement a décidé récemment de la clôture de ce douloureux dossier. Pensez-vous qu'il est épuisé, sinon que reste-t-il à faire pour le solder ?

La solution juste est définitive de ce grand dossier va rester tributaire, d'une démarche consensuelle, basée sur la vérité, le droit, la réparation et la mémoire, bref ce qui peut créer les conditions d'une véritable réconciliation ; donc, tout reste à faire. Dieu a interdit de tuer l'innocent. Croyez vous que l'on peut clore, par décret, autant de meurtres ? Décidément, les dirigeants mauritaniens ne lisent pas ou n'ont jamais eu le sens de la perspective historique !

« Les principaux directeurs et éditorialistes, des principaux organes de presse, tous ces praticiens de l'écriture aux prétentions progressistes pompeuses, n'ont pas pu déroger à la règle d'or qui régissait les différentes corporations de l'ethno-classe dominante »

 

Le 13 février 2013
PROPOS RECUEILLIS PAR DALAY LAM/ Le calame-Mauritanie

 

 

Interview de Birame Ould Dah, président de l’IRA :
« L’Etat mauritanien arme les arabo-berbères
comme le régime soudanais arme les Janjawides
»

 

M.Birame Ould Dah, membre de la Commission Nationale des Droits de l’Homme et président de l’Initiative de Résurgence du mouvement Abolitionniste en Mauritanie (IRA), s’exprime sur l’esclavage et les brûlantes questions de l’heure. Entretien.

Le Divan : La lutte contre l’esclavage constitue votre cheval de bataille. Les autorités mauritaniennes ont cependant toujours nié l’existence de ce phénomène et parlent plutôt de séquelles de l’esclavage. Comment jugez-vous cette attitude ?

Birame Ould Dah : Je pense que la question de l’esclavage reste une problématique fondamentale dont dépend non seulement la démocratie dans le pays, mais aussi l’existence des règles de l’état de droit. De cette question dépend aussi la paix civile future dans le pays.
L’esclavage en tant que pratique reste un mode de vie de la communauté arabo-berbère .Il reste aussi relégué dans une zone de non droit par les corps d’état chargés de dire et d’appliquer la loi :officiers de police judiciaire, magistrats, administrateurs de commandement à cause de leur unicité de destin avec ceux qui le pratiquent.
La communauté haratine, nombreuse et laborieuse mais pauvre tout de même est systématiquement marginalisée se doit un jour de relever la tête pour remettre en cause la violence systématique qui l’humilie. En effet, nous constatons qu’il ne se profile à l’horizon aucune prise de conscience de la part du pouvoir ou des lignages arabo-berbères dominants qui ont bâti un régime de privilèges sur l’esclavage et les dominations.

Le Divan : Donc vous trouvez que c’est par la violence qu’on peut changer cet état de choses ?

B.O.D : Oui, le choc par la violence indicible ; car ceux qui portent la bonne parole, qui tirent la sonnette d’alarme et qui appellent à la solution par le droit sont comme nous diabolisés, diffamés et mis en quarantaine, ce qui anéanti leurs efforts. De ce fait, cela ouvre la porte aux jeunes qui sont dans nos dos qui trouvent que la lutte pacifique ne donne pas de résultat, ce qui renforce le camp de l’action violente.
Le cas des Aghzazirs est très flagrant avec l’implication des pouvoirs politique, parental et partant népotiste et des tribunaux instrumentalisé s par les groupes dominants esclavagistes dans des décisions administratives et judiciaires qui corroborent l’esclavage et ses pratiques. En effet, les féodaux kounta qui exploitent les Aghzazirs utilisent de nos jours l’influence qu’ils ont à travers les liens de parenté avec l’actuel président pour faire passer la légitimation de leurs redevances sur les Aghzazirs qu’ils considèrent comme des serfs. Et à travers ce népotisme, ils obtiennent le concours des autorités dans cette affaire. Donc l’Etat nie l’existence de l’esclavage parce que ce sont ceux qui sont aux affaires qui le pratiquent et en profitent.

Le Divan : Donc pour vous, il n’ y a eu en Mauritanie aucune avancée dans la lutte contre l’esclavage ?

B.O.D : Aucune avancée n’est à signaler. La loi qui a été adoptée récemment, c’est tout juste pour faire le change devant la communauté internationale. Dans l’entendement des autorités, cette loi n’est pas faite pour être appliquée. En effet, depuis sa promulgation, des cas d’esclavage avérés ont été amenés devant les autorités compétentes mais n’ont jamais été reconnus ni sanctionnés. Donc une impunité totale est assurée. Aucun juge ne peut appliquer la loi sur l’esclavage car s’il le faisait, il sera indexé par les parents du condamné et cela va se retourner contre lui.
S’agissant de la campagne dont vous avez parlé, il n’ y a jamais eu de campagne de sensibilisation sur l’esclavage. Celle à laquelle vous faites allusion et qui a eu lieu à l’époque du président Sidi avait été orchestré contre nous, les militants anti-esclavagistes. Quand à Aziz et ses amis, ils n’ont jamais reconnu l’existence de l’esclavage pour le combattre.

Le Divan : Dans son discours de politique générale, le premier ministre avait prôné une discrimination positive en faveur des couches marginalisés. Qu’en pensez-vous ?

B.O.D : C’est pour tromper l’opinion internationale. Avant de prôner la discrimination positive, il faut d’abord instaurer la justice.

Le Divan : Et à propos du dernier conclave du parti au pouvoir sur les 50 ans d’indépendance ?

B.O.D : C’est une rencontre vide de sens. Nous ne sommes pas d’accord avec eux sur les thèmes. Les vrais problèmes de la Mauritanie n’ont pas été évoqués à savoir la question de la cohabitation, la discrimination raciale, le racisme d’état contre les noirs…Ces questions ne sont pas encore soldés et ne peuvent pas être évacués. Il y a aussi le régime social, culturel et économique imposé aux haratines qui consacre leur marginalisation et leur assimilation forcée. Autre question d’envergure nationale : c’est la propriété foncière. Les populations noires et haratines sont expropriées. Leurs terres deviennent des colonies et les arabo-berbères se conduisent comme des colons. Qu’ils soient administrateurs, officiers ou hommes d’affaires ; que ça soit à Nouakchott ou à l’intérieur du pays, eux seuls ont droit de porter des armes. Ils organisent au grand jour des tournois de tir à la cible alors qu’un noir ou un haratine pris avec une arme, c’est la prison. De ce fait, les arabo-berbères préparent la guerre civile. L’Etat les arme au détriment des autres comme le régime soudanais qui arme les Janjawides.
Autant Sadam Hussein a été un appui décisif pour les Maures sous Moawiya pour exterminer les noirs, autant Omar El Béchir et Ahmédi Nejad vont appuyer l’élite arabo-berbère pour casser le réveil des haratines et les écraser.

Le Divan : Que pensez-vous du dialogue engagé par les autorités mauritaniennes avec les Salafistes ?

B.O.D : C’est une manière pour la communauté arabo-berbère dirigée depuis toujours par le clergé (chefs religieux) d’assurer l’impunité à ses enfants impliqués dans des crimes de sang. C’est là un complot contre la vérité, contre le droit et contre le droit international. C’est un complot ethnique. C’est un procédé pour tromper l’opinion publique internationale, pour tromper nos partenaires. C’est une manière de blanchir des crimes de terrorisme. Et je ne peux que dire ici que la société arabo-berbère est structurée par le fanatisme religieux et la xénophobie confessionnelle dû à une forte religiosité. Je dis bien religiosité et non piété, c’est très différent. Il n’existe pas de différence de principe entre Hamden Ould Tah, Mohamed El Hacen Ould Dedew et Ahmedou Ould Lemrabott avec les jihadistes comme Semane et ses amis. La seule différence c’est une différence dans la tactique. La franchise dans ce dialogue est plutôt à rechercher du coté des Salafistes pas de celui des Oulémas. Dedew avait invoqué une obligation de soutenir El Béchir dans sa guerre contre les populations du Sud Soudan ;Ould Tah avait quant à lui loué les vertus de l’esclavage et cautionnée l’utilisation de la violence pour accéder au pouvoir. De son coté, Ould Lemrabott avait qualifié tous ceux qui étaient contre le putsch de 2008 d’alliés des mécréants ce qui revenait à dire qu’ils sont tous des mécréants.

Le Divan : Un mot sur la lutte contre la gabegie menée par le président Aziz ?

B.O.D : Cette lutte ne nous concerne pas. Ce n’en est pas une. La gabegie, c’est le système raciste et esclavagiste qui exploite la population mauritanienne, les communautés laborieuses. Ce système  raciste instaure l’injustice partout. La gabegie, elle est interne à la communauté arabo-berbère. C’est entre eux, donc c’est loin d’être notre priorité. Notre priorité à nous, c’est la déconstruction de l’Etat ethnique et esclavagiste qui a porté au pouvoir Moktar Ould Dadah, Haidalla, Moawiya, Ely, Sidi, Aziz…Eux tous l’ont servi avec les mêmes ailes même si c’est de manière différente.

Propos recueillis par Bakari Guèye
Source le divan

 

 

 

 

Réaction à la première réponse de M. Birame à Divan

 A M. Birame Ould Dah, membre de la Commission Nationale des Droits de l’Homme et président de l’Initiative de Résurgence du mouvement Abolitionniste en Mauritanie (IRA) Je vous salue et vous recommande d’accepter de parler avec moi au forum que tu choisiras :

D’abord la question posée n’est pas confortablement installée dans son contexte historique car depuis 1983 tout un processus de remise en cause de l’esclavagisme a été engagé dans le pays. En 1982, la question posée aux oulémas était de se prononcer sur « la légalité islamique ou non des pratiques esclavagistes en Mauritanie ».

On a bien dit esclavagistes et non « séquelles », monsieur le journaliste. Mais aujourd’hui on peut bien parler de séquelles car, il n’ y a pas d’esclavagisme dans le sens étymologique du terme, sinon voudriez-vous bien baliser un seul de ses marchés.

Cher Birama vous faites une fausse différence quant vous faites une séparation de niveau entre la démocratie et ce que vous appelez les règles d’un Etat de droit. C’est une approche purement sans motif et qui ne tient pas la route dans la nomenclature de la bonne gouvernance internationale car on peut parler de démocratie hors des frontières des règles de jeux démocratiques qui se fondent sur les droits et devoirs citoyens.

Ensuite vous mêler votre vision de l’esclavagisme, de la démocratie avec celle de la paix sociale comme si demain grondait le tonnerre de la révolte des « esclaves », ce qui voudra dire aller tout droit à la rébellion, à la casse dans le pays. C’est vraiment l’incitation à la révolte ce qui suppose de fracasser les règles de jeu démocratiques en cours et casser le processus de mobilité sociale dans le pays.

L’esclavage n’est pas un mode de vie, c’est un système de production selon les marxistes qui a précédé le système féodal, bien que l’esclavagisme a été pratiqué jusqu’au début de 1912 par les « maîtres anglo-saxons et franco germains. C’est une pratique purement lucrative selon les exportateurs d’esclaves via Gorée. C’était donc une affaire de fric et non de système de production ou de mode de vie.

L’esclavagisme est une pratique très berbère et très negro-africains en effet. Je vous invite à aller au Guidimakha et voir la mosquée des esclaves et celle des nobles, le cimetière des esclaves et celui des nobles. Pour ne pas parler de politique ou d’attaque moral, que veut dire l’histoire de la mosquée de Bouly ? Pourquoi l’embargo contre un Diabira ?

Extrait de commentaires recueillis pendant ces 26 dernières années :

« Comment vous expliquez Mr Birama que les Hemmedy, les M’bareck Ould Abeidy, son fils, Abdi, les Ould Snih et même nos compatriotes Haratines bien installées dans l’argent et la corruption ont dirigé et géré en maître ce que vous appelez les arabo-berbères. Par quelle voie promotionnelle ont passé ces traditionnels Haratines pour gérer les maures ? Pas, et surtout surtout pas, par la voie du mal et de la violence mais par la voie porteuse de la sagesse »
.

Vous faites aussi beaucoup de philosophie sur l’unicité du monde et vous faites remonter les approches de l’être et du non-être rien que pour dire que tous complotent contre les Haratines. Mais Dieu sait qui a comploté contre les siens et qui continue de le faire. Dieu sait qui a vendu les Haratines dans tous les marchés hebdomadaires des opportunismes politiques dune élite de Haratine qui a toujours mis au devant la question de l’esclavagisme pour vendre à bon prix. Birama.

« N’oublie pas Ould El Haimer et qu’est-il aujourd’hui et hier dans le fiasco dont tu parles. Il devient un maître, qui s’embourgeoise au dépens des Haratines qu’il a vendus ». « Mon ami Birama, où est Boidjel et qu’est qu’il devient avec son « haratisme » d’antan. Il a vendu au marché, récupéré son fric et devient « chef général des Tendgha ». Que devient Sghair Ould M’bareck Il a aussi vendu ses harratines à la mémoire de sa mère Ghdheifa ».

« Mais vous avez tous vendu vos frères dans les salons des régimes politiques, pour l’argent les voitures, la supériorité économique et politique et vous vous permettez de parler de « droit aux haratines ». C’est vraiment odieux,car vous ressemblerà la chienne de Ehel Legreive qui leur chue sur la tête et se fâche par dessus le marché. Ou bien voudriez-vous manger seuls la gomme et les Haratines meurent de ballonnement à votre place » ? C'est bien ça la lutte contre les sequelles de l'esclavagisme.

Modèle des propos d’un bon courtier esclavagiste sur le point d vendre les siens au pouvoir :

« Oui, le choc par la violence indicible ; car ceux qui portent la bonne parole, qui tirent la sonnette d’alarme et qui appellent à la solution par le droit sont comme nous diabolisés, diffamés et mis en quarantaine, ce qui anéanti leurs efforts. De ce fait, cela ouvre la porte aux jeunes qui sont dans nos dos qui trouvent que la lutte pacifique ne donne pas de résultat, ce qui renforce le camp de l’action violente ».

Malheureusement, il n’existe plus de pouvoir politique pour acheter les personnes assoiffées de postes de responsabilités. C’est bien fini cette stratégie des anciens leaders des dits « Haratines ». Je vous conseille de travailler avec notre collègue Boubacar Ould Messoud qui sait par quel chemin s epose la question de l’injustice sociale dans le cadre d’un pays en voie de construction démocratique.

Les aigris n’ont plus aucun pouvoir de mobilisation des haratines et moins la capacité de descendre dans la rue. C’est le trompe œil dans sa splendeur et c'est bien la démocratie qui fait que vous dites vous ce que vous desirez bien que vous êtes inveti d'une lourde responsabilité:commission nationale des droits de l'homme et incitation à la révolution et à la casse!

Visitez le Commissarit aux Drots de l'homme, à l'action humanitaire et aux relations avec la societé civile. Visitez les réalisations en faveur des zones de pauvretés. Suivez la politqiue d'appui aux plus vulnerables. Après veuillez revoir et refaire votre plaidoyer pour les esclaves

Chighali Mint Mohamed Ould Taleb
Présidente de Association pour la promotion économique et sociale.

 

 

La Mauritanie, où l’histoire se conjugue au présent

Interview directive : Monsieur Birame ould Dah ould Abeid, Juriste. Conseiller à la Commission National mauritanienne des Droits de l’Homme. Membre de SOS-Esclave. Président de
l’IRA-Mauritanie : Pour l’éradication définitive de l’esclavage et l’apartheid en Mauritanie.

 

OCVIDH. Initiative de Résistance du Mouvement abolitionniste – Initiative pour la Résurgence du Mouvement abolitionniste. Pouvez-vous nous préciser la signification de l’acronyme et des origines de la création de votre organisation ?

Birame ould Dah ould Abeid. Cet acronyme est la résultante d'une large concertation au sein des groupes des cadres, des jeunes, d'ouvriers et paysans qui constituent maintenant ce mouvement. Il allie la reconnaissance et l'intégration de la lutte ainsi que du sacrifice des aînés d'une part, et l'impérieuse nécessite pour les générations montantes de secouer une certaine léthargie sur le champs de bataille de l'action pour la conquête des droits civiques des populations Hratin dont le martyr se prolonge par la volonté de l'État Mauritanien et pour le bien-être des groupes dominants. Les origines de la création de notre organisation sont, entre autres, l’impossibilité (dans le cadre de la bipolarisation des forces politiques et civiles nationales) de donner la place qui lui revient à une questions d'importance majeure comme celle des Hratin : populations majoritaires victimes de pratiques esclavagistes inhumaines, d'exclusions systématiques et de discriminations de naissance.

 

OCVIDH. L’IRA-Mauritanie coexiste avec d’autres associations qui luttent contre l’esclavage, notamment l’AHME de Yahya ould Ciré, SOS-Esclavage de Boubacar ould Messoaoud, voire le parti APP (Alliance Populaire Progressiste) de Messaoud ould Boulkheir qui s’était vu interdire l’Action pour le Changement. Comment définirez-vous la singularité de votre association et son rapport aux autres organisations des droits de l’homme en général ?

B.D.A.
Notre organisation partage beaucoup de chose avec les organisations et parti politique que vous venez de citer, nous nous épaulons; ou du moins, nous, de notre coté, nous les soutenons sans réserve dans leurs actions visant la fin de l'impunité, l'avènement de la justice et de la démocratie en Mauritanie. Mais il se peut que nous nous distinguions sur la scène nationale par la remise en cause radicale et sans détours des fondements idéologiques, culturels, religieux et constitutionnels d'un État Mauritanien indubitablement à essence raciste et esclavagiste. Nous remettons en cause l'arabité des Hratin, l'assimilation forcée des berbères et la mise à mort de la langue Znaga, étouffement culturel imposé aux Noirs, nous nous inscrivons en faux par rapport au pourcentage des Arabes décrété par l'État et les groupes dominants, nous récusons le rite malékite(version locale de Charia islamique) obscurantiste,esclavagiste, tribaliste et sectaire, nous optons pour la laïcité de l'État avec un nouveau et équitable découpage territorial, une revalorisation de toutes les langues et cultures et un recensement des populations sur la base de l'ascendance et de l'adhésion volontaire au groupe de son choix. Etc.

OCVIDH. Vous vous refusez au concept de séquelles de l’esclavage et insistez sur la persistance réelle de l’esclavage en Mauritanie, soixante ans après son indépendance, le phénomène rejoint-il ce que les négro-mauritaniens appellent la question nationale pour dénoncer la domination exercée par la minorité arabo-berbère. Comment expliquerez-vous cette stagnation de la conscience sociale et politique ancrée dans histoire depuis la délégation du pouvoir par les Français aux arabo-berbères?

B.D.A. Le concept de séquelles d'esclavage est une invention pernicieuse des pseudo-communistes Mauritaniens (PKM et MND) à l'instar d'ailleurs d'un autre terme, nationalistes étroits, qui a désigné les personnalités et cadres Noirs qui se dressent contre le racisme, à la vindicte de l'État raciste. Ces deux pseudo-mouvements communistes sont en vérité des formations dominées par des féodaux et nationalistes arabo-berbères et leur habile duplicité leur a permis de maintenir un pied au sein des camps progressistes tout en jouant le jeu du statu quo et de l'ethno-classe arabo-berbère dominante. Ils ont donc inventé le terme séquelles d'esclavage qui est en vérité une forme de négationnisme des pratiques esclavagistes massives et multiformes qui perdurent encore en Mauritanie. Notez encore qu'il y a un fait de télescopage entre les deux phénomènes, le racisme et l'esclavage en Mauritanie et par les deux s'exprime la domination des arabo-berbères en tant que groupe identitaire, distinct et solidaire détenant tous les leviers de commande dans le pays, s'arrogeant des privilèges illicites et exerçant une justice de classe. Quant à la stagnation de conscience depuis le départ du colonisateur
c'est un fait dû à plusieurs paramètres parmi lesquels il faudra citer la mise au service de l'État Mauritanien indépendant de la machine diplomatique de l'ancienne métropole contribuant ainsi à fabriquer une image fausse de la Mauritanie, pays majoritairement arabe, pauvre, égalitaire, voire démocratique et les réseaux de la France-Afrique, les amis de la Mauritanie ont toujours vendu une image inexacte du pays coupant toute possibilité de lien ou de soutien extérieur aux mouvements anti-racistes et anti-esclavagistes de la Mauritanie.


 

OCVIDH. L’ouverture démocratique prônée par Maawiya Sidi Ahmed Taya a créé parmi les leaders politiques des conflits de leadership. La discorde entre Messaoud ould Boulkheir et Ahmed ould Daddah semble reproduire la même question d’incompatibilité entre désir d’émancipation noire et volonté de domination arabo-berbère. Est-ce que le candidat Chbih ould cheikh Mélaïnine aurait raison en inscrivant dans son programme une confédération des régions selon leur composante sociale ?

B.D.A. J'affirme sans risque de me tromper que le système de domination arabo-berbère se déploie partout, et au delà de l'émiettement ou de la bipolarisation entre les différentes factions tribales, politiques ou idéologiques des segments arabo-berbères. Qu'ils soient de l'opposition et des gens du pouvoir, de gauche ou de droite, d'obédience islamiste traditionnelle ou salafiste, ces différentes écoles se retrouvent aisément dans une logique de maintien et de renforcement de la suprématie de l'élément Arabe sur les autres composantes nationales. Je ne pense pas, d'autre part, que Chbih ait raison d'envisager le système confédéral selon la composante sociale pour plusieurs raisons dont je peux retenir le fait que les Hratin sont partout et dans toutes les régions et ne peuvent pas se distinguer d'une région ou d'une autre. Mais quand le découpage territoriale est accompagné du recensement transparent et sur des bases justes et seines, du démantèlement des féodalité tribales et théocratiques qui captent les suffrages et les labeurs des plus humbles,de la redistribution équitable des biens et services, le triomphe de l'égalité des chances et devant la loi, bref la déconstruction du système de l'État ethnique et de classe en vigueur et qui se développe depuis 50 ans, ceci et ceci seulement est la voix du salut.



OCVIDH. La junte militaire putschiste prétend améliorer la situation des droits de l’homme, quelle explication donnez-vous au coup d’Etat du 6 août 2008 faisant suite au putsch du 3 août 2005 perpétré par le même général Aziz au pouvoir ?

B.D.A. L'action et le cheminement graduels de Mohamed ould Abdel Aziz pour s'installer constitutionnellement au pouvoir ont été , apparemment pensés et mûris par l'homme durant les très longues années passées au services de l'ex-dictateur Maawiya ould Sid'Ahmed Taya et le coup d'État du 06 août est un acte anticipé (à cause du coup de griffe inattendu de Sidi ould Cheikh Abdallahi, le limogeage des généraux) de l'épilogue d'accaparement du pouvoir savamment orchestré par un homme patient et ambitieux. Je ne connais de cette prétendue amélioration des droits de l'homme que prétendent les militaires et leurs laudateurs que la réussite dans une démarche de coudoiement de certaines victimes de l'épuration ethnique qui a endeuillé les populations noires de Mauritanie pendant les années de braise.



OCVIDH. L’opposition qui a participé à l’élection présidentielle qui semblait perdue d’avance, tout en dénonçant des irrégularités, peut-elle être tenue pour responsable du fait accompli de l’installation du général Aziz au pouvoir, peut-elle jouer son rôle de contrepoids face à la dérive dictatoriale du régime en place ?

B.D.A. L'opposition ne fat pas le poids devant le renforcement de l'emprise du pouvoir du général sur le pays, celle-ci s'accentue inéluctablement et les dernières élections municipales et le flirt au grand jour de certaines personnalités de marque de cette opposition avec le général en sont des preuves irréfutables. Je pense d'autre part que c'est par défaitisme et manque de confiance en elle même que l'opposition a choisi des semblants d'élections, perdues d'avances, au lieu d'une confrontation au prix lourd mais salvatrice pour la démocratie et l'État de droit.


OCVIDH. La légitimité de l’actuel pouvoir en Mauritanie issu d’un coup d’Etat pose problème. Quel espoir pour les victimes face à un régime lancé dans un processus d’assainissement de la vie politique, financière, pendant que le cercle dirigeant immédiat n’échappe pas aux plaintes pour crimes de tortures, voire de meurtres, sachant que le 28 octobre 2009 l’interpellation d’un ancien ministre de l’intérieur, membre de la délégation présidentielle à Paris, Lembrabott Sidi Mahmoud ould Cheikh accusé de tortures, a été empêchée par le Ministère des affaires étrangères français ?

B.D.A. Les victimes des violations des droits humains passées et celles de nos jours n'ont aucun espoir de voir la justice rendue sous ce régime qui s'appuie allègrement sur des milieux civils et militaires ayant participé activement à la tentative de génocide contre les Noirs et s'adonnent de nos jours aux pratiques esclavagistes et à de faux témoignages sur la persistance de l'esclavage. Le gouvernement de la France fidèle à lui même fera échec de manière volontaire à toute action judiciaire nationale ou internationale visant la mise au banc des accusés les coupables de crimes de pouvoir en Mauritanie, c'est une constance de la politique de la France


OCVIDH. Le 28 novembre 2009, une manifestation musclée a mobilisé des associations des droits de l’homme dont l’OCVIDH, des mouvements de libération de la Mauritanie comme le FLAM, des partis politiques comme le NPA, l’IRA-Mauritanie représentant l’initiative abolitionniste. Cependant, jusque dans les rangs des victimes des déportations, tortures, emprisonnements arbitraires, assassinats massifs, des éléments ont boycotté la manifestation. Est-ce là un coup réussi de la junte au pouvoir de disperser la fronde des victimes historiques d’esclavage, de tueries, de marginalisation des Noirs en Mauritanie ?

B.D.A. Je ne pense pas que ce soit un coup réussi du pouvoir, mais c'est plutôt l'une des tentatives vaines et répétées de tout système en bute à des passifs lourds et handicapants de se départir du fardeau qu'il traîne et parce que ces fardeaux contiennent les germes de la destruction inéluctable du système qui les a perpétrés. Mais d'un autre coté, je suis obligé de concéder que certaines victimes et certaines formations qui se sont illustrées dans cette lutte pour la reconnaissance des exactions contre les Noirs et leurs réparations, sont traversées de nos jours par des tendances gagnées par le doute, le penchant au repos et à certaines sinécures que système peut procurer en contrepartie de volte-face. A ce propos, le communiqué des FLAM, vantant les mérites des soi-disant cent jours de pouvoir du général Aziz me parait très curieux, ainsi que certains refus d'illustres rescapé de la tentative de génocide, de témoigner comme à l'accoutumée pendant la journée du 28 novembre et les exemples peuvent s'allonger. Mais je reste persuadé que le triomphe du droit et l'aboutissement de la justice sont inéluctables car les reniements et les transfuges peuvent servir momentanément les plaidoiries des bourreaux mais ne peuvent en aucun garantir la quiétude perpétuelle pour les coupables.


OCVIDH. Le 24 mars 2009, d’anciens officiers de l’armée ont rencontré le général Aziz, avaient-ils raison dans leur démarche, quelle est votre position dans la polémique que soulève leur initiative parmi les militants des droits de l’homme ?

B.D.A. Ma positon concernant une question d'aussi grande importance comme ce que les gens appellent le passif humanitaire, est que toute démarche par rapport à ce problème doit impérativement obéir à la prise en compte des paramètres de l'unicité de l'action des associations et formations de défense des victimes et la fermeté sur les principes mondialement observés dans les cas d'espèces, c'est-à-dire : la vérité, la justice, les réparations et la mémorialisation.


OCVIDH. D’après la junte au pouvoir le « dossier du passif humanitaire est clos ». Quel est votre avis là-dessus ?

B.D.A. Ce n'est pas un dossier, c'est une grande, très grande question et la clore nécessite indubitablement le passage de manière concertée- ce qui n'a jamais été le cas - avec tous les acteurs légitimes, de la vérité à la justice vers les réparations et le travail pour la mémoire.


OCVIDH. La mesure de résolution par la junte du passif humanitaire consiste en une prière pour le repos des âmes des défunts, l’indemnisation des victimes, et le rapatriement des déportés, ce qui n’a pas apaisé les ressentiments et le sentiment d’injuste qu’expriment les victimes à l’instar du Collectif des veuves qui s’estime abusé par le COVIRE. Aurait-on négligé des préalables à toute résolution pérenne des crimes perpétrés contre les Négro-mauritaniens ?

B.D.A. Ce que la junte a opéré, c'est du déjà-vu, c’est une manière d'occulter le problème et d'éviter son règlement, c'est de la poudre aux yeux. Est ce que Dieu accepte la prière des assassins? Et parmi le groupe de militaires au pouvoir, il y a des présumés tortionnaires. Est ce que la question est une question d'argent? À mon avis, non. Est-ce que les Mauritaniens ont pu connaître la vérité? Pas du tout que je sache. Est ce que des mesures ont été prises pour que ce genre d'atrocités ne se répète pas ? NON ! Et non encore, parce que les coupables ne se sont pas encore repentis et l'idéologie raciste et esclavagiste structure encore l'État et la société.


OCVIDH. Comment le président de l’IRA-Mauritanie qui jouit d’une reconnaissance internationale, juge-t-il les péripéties française, africaine et européenne qui ont conduit à la légitimation du coup d’Etat du général Aziz ?

B.D.A. Je juge les rôles respectifs de Abdoulaye Wade, du dictateur Ghadafi et de la monarchie marocaine complice, pernicieuse et inamicale vis à vis du peuple Mauritanien, les deux premiers ont eu raison de la position prompt et ferme de l'Union Africaine. Quand à l'Union Européenne, dés le départ, son action a été malicieusement plombée par les menées du trio France-Espagne-Allemagne. Et après tout, le système international s'accommode toujours très vite des faits accomplis car les putschistes utilisent les richesses de l'État conquis pour intéresser des personnages et réseaux influents capables d'orienter la position d'un État comme le club de la France-Afrique ou des Amis de la Mauritanie.


OCVIDH. Lors d’une conférence de presse tenue le 3 novembre à Nouakchott, le rapporteur de l’ONU, Mme Gulnara Shaninian déclare : «"Il existe en Mauritanie toutes les formes d’esclavage: travail des enfants, travail domestique, mariages d’enfants et trafic d’être humains. » En votre qualité de président de l’IRA, quel bilan dressez-vous de l’expérience de votre Association et des autres acteurs contre les tares esclavagistes et négrophobes, le tribalisme, la force comme moyen d’accaparement du pouvoir, autant d’aspects qui freinent le développement de la Mauritanie actuelle ?

B.D.A. Le bilan de la résistance ou des résistances contre les différentes formes d'oppression, de discrimination, d'esclavage ou autres, ne peut en aucun cas être l'apanage d'une ou de quelques organisations ni de quelques individus et moins encore d'une générations déterminée. Autant les injustices les plus extrêmes ont précédés la naissance et l'ancrage de l'État esclavagiste et raciste Mauritanien autant les résistances ont été animées soutenues par les élites et les masses. Nous nous retrouvons dans ce lot de mouvements, d'organisations et de partis, mais aussi d'individualités et de personnalités qui ont donné des résultats significatifs à nos différentes causes qui n'en sont qu'une, sans que toutefois la victoire soit acquise. Je pense que nous devons redoubler d'effort pour la victoire totale, celle de tout le monde, celle qui n'adviendra qu'avec le démantèlement de l'État ethnique et esclavagiste et le triomphe du droit
et de l'Etat de droit.


OCVIDH. A l’heure actuelle où des courants internes et externes liés à des revendications syndicales, sociales et politiques, des problèmes de terrorisme en considération de l’enlèvement de trois humanitaires espagnols le 29 novembre entre Nouakchott et Nouadhibou, et la suppression du rallye Paris-Dakar en 2008, quelle est votre autopsie de la viabilité à plus ou moins long terme de la Mauritanie ?

B.D.A. Je pense qu'il serait intéressant que les victimes des violations des droits humains en Mauritanie et leurs assistants creusent sans se décourager pour mettre à l'épreuve les lois et juridictions au sein du monde libre, notamment les closes concernant la compétence universelle. Ceci permettra à coup sur d'épingler certains coupables et, de ce fait obtenir des jurisprudences, ou du moins maintenir la pression sur les présumés criminels.

Le 01/01/2010
Propos recueillis par Dioum Ali, Bâ Idrissa, Fall Moctar

 

Interview avec Birane Ould Dah Ould Abeidna,
membre de SOS Esclave,...

 

...membre et dirigeant de l'IRA "Initiative de  Résistance du Mouvement Ablutionniste" et partenaire de beaucoup d'Universités et Initiations des Droits de l'Homme dans le monde.
 

Assiraje Hebdo: Quels sont les motifs d'un lancement d'une campagne internationale de lutte contre le phénomène de l’esclavage en Mauritanie?
Birane Ould Dah Ould Abeidna
: En vérité, c'est une campagne sur la scène Internationale, sur la persistance de l'esclavage en Mauritanie et sur la collusion flagrante et continue des autorités judiciaires, avec les criminels d'esclavage.

C'est pour cela, nous avons entamé à travers trois cas très flagrants d'esclavage ici en Mauritanie qui sont les cas de Hana Mint Mariya qui est la petite esclave qui a été vendue par le Substitut du Procureur Moustapha Ould Hamed Ould Said a ses maîtres, et du berger esclave ou ancien esclave qui a été assassiné par ses employeurs ici aux environs de Mederdra.

Un crime crapuleux qui a été banalisé par le Magistrat Souleymane Diarra qui est lui-même un homme a l'intégrité très douteuse. Il a blanchi les criminels et les assassins et ça va dans le cadre de la banalisation des crimes de sang qu'on commet sur les esclaves.

Il y a aussi l'affaire de Aicha Mouy Mint Brahim dont la sœur Zeinabou est décédée et dont Mohameden Ould Cheikh Hamaoullah a pris tous les biens et capté l'héritage par des prétentions esclavagistes malgré tous les jugements rendus, il n'a pas restitué le jugement car les autorités judiciaires et administratives prétendent que cet homme est issu d'une grande famille c'est-à-dire fils de famille religieuse, de ce fait intouchable.

Ce sont ces cas qu'on présente à la Communauté Internationale pour que l'Etat Mauritanien soit interpellé sur l'ajustement d'une justice qui est une justice de classe et non citoyenne.


Assiraje Hebdo : Pourquoi selon vous l'abolition de l'esclavage traîne malgré la parution de trois lois en 1981, 2003 et 2007 ainsi que de circulaires décrétant son abolition? Ne pensez-vous pas qu'il y ait une complicité entre les autorités et des commerçants des esclaves du moment que le Parlement Mauritanien a entériné en 2007 une loi criminalisant l’esclavage ?
Birane Ould Dah Ould Abeidna
: Parce que ces lois sont des lois qui ne sont pas destinées a être appliquées. Ces segments esclavagistes, ce sont eux qui dominent l'Etat et le Parlement, c'est eux qui ont édicté ces lois dans l'optique de faire l'impression que ce problème est résolu.

Ils ne peuvent pas laisser l'esclavage puisque leur mode de vie est basée sur ça, et même leur rite Malikite. Parce que le rite religieux Malikite est le premier code noir de l'humanité, donc le premier code de l'esclavage de l'humanité.

Ce code continue à être en vigueur, et ce groupe c'est eux qui donnent le coup des magistrats, des autorités judiciaires et des corps des administrateurs. C'est pourquoi, ils s'emploient d'une manière systématique à camoufler et à cacher le problème. Et s'il y a par hasard des hommes issus de la bled comme Souleymane Diarra qui est a la cour correctionnelle ici à Nouakchott, ils l'ont instrumentalisé dans le souci de plaire à ce groupe.


Assiraje Hebdo : Souvent certains esclaves libérés, retournent chez leur maître spontanément. Avez-vous mis en place des mécanismes pour remédier à ça ?
Birane Ould Dah Ould Abeidna
: Ca n'a jamais existé, ça c'est une invention des maîtres et des autorités judiciaires et politiques qui le soutiennent. C'est une invention des intellectuels de l'esclavage comme Mohameden Ould Jiddou, Kaber Ould Hamoudy, Yarbeu Ould Ahmed et Zein Ould Zeidane.

Ces hommes prétendent que l'ecalvage Mauritanien est un esclave social et humanitaire. C'est une manière de magnifier l'esclavage, que ces intellectuels sataniques bien réfractaires des droits de l'homme continuent à propager même sur les ondes de la radio pendant le règne de Sidi Ould Cheikh abdallahi, lorsque Kaber Ould Hamoudy dirigeait la radio nationale, Zein Ould Zeidane, la Primature et Ould Jiddou et Yarbeu étaient leur fanfarons sur les ondes de la radio nationale.

Et nous, nous avons libéré des esclaves, ils sont à côté de chez moi dans des baraques que leur a construit notre ONG SOS ESCLAVE. Ils sont à Atar et partout dans le pays. Ils ne songent jamais à retourner chez leur maître.

De toutes les façons si leurs maîtres leur nourrissaient, ce n'est pas gratuitement, c'est en contrepartie de travail dur, de viol, et en plus de cela ils avaient le strict minimum. Ils se lèvent les premiers et se couchent les derniers.


Assiraje Hebdo : Pouvez-vous nous dire le nombre exact d’esclavages en Mauritanie?
Birane Ould Dah Ould Abeidna : En ce qui concerne le nombre d'esclaves domestiques qui sont attachés à leur famille, on a pas encore d'une manière exacte pu déterminer leur nombre, parce que l'Etat Mauritanien refuse toujours malgré nos demandes répétés ainsi que les demandes des organismes Internationaux, de faire une enquête quantitative et qualitative sur l'esclavage en Mauritanie. Tout ça a cause de tabou sur l'Esclavage.

Selon nos propres investigations, qui ne sont pas très exactes, mais qui sont approximatives, il y a entre 300 000 et 500 000 esclaves domestiques qui continuent à subir le joug de l'esclavage, qui travaillent sans salaire, ils n'ont pas droit d'aller à l'école, ni aucun droit sur leurs enfants, ils n'ont pas de propriétés, ni le droit de l'héritage même le mariage ils le font par le consentement de leurs maîtres.


Assiraje Hebdo: Selon certaines informations, les commerçants d’esclaves trouvent un marché juteux dans les pays du Golfe ; entre ceux qui cherchent un esclave à affranchir pour expier un péché, d’autres qui souhaitent avoir une femme de compagnie, d’aucuns souhaitent avoir une aide ménagère sans complications administratives. Avez-vous découvert ces genres de réseaux de transit en Mauritanie ?

Birane Ould Dah Ould Abeidna : Il y a bien une filière ici qui écoule des esclaves vers les pays du golf pour les Emirs. Mohamed Hafez Ould Nahoui en fait partie, il est connu ici , pourtant c'est un grand ouléma. Il y'a aussi la famille de Noureyn qui avaient l'esclave Haneu Mint Mariya qu'on a dénoncé tout récemment vers le mois d'Avril.

Les frères Noureyn Abdourahmane qui est ici en Mauritanie et Ahmed qui est en Arabie saoudite ont une ONG soit disant de bienfaisance, mais au fond c'est une ONG d'écoulement d"esclaves vers les pays du Golf.


Assiraje Hebdo: Quand on parle d'esclave, on pense souvent a la Communauté Arabo-Berberes, est ce qu'il y a des cas d'esclavage dans la Communauté Negro-Aficaine ?
Biran Ould Dah Ould Abeidna: Les communauté Africaine ont leurs castes d'esclaves, mais la différence qu'il y a entre leurs esclaves et ceux de la Communauté Arabo Berbères est que l'esclave dans la Communauté NegroAfricaine est un esclave de caste qui subit le mépris du a sa caste et la discrimination dans le mariage etc. .Contrairement a ceux des Arabo Berbères qui travaillent sans salaire, de non accès a l'école, de séparation des familles et de privations de l'héritage


Assiraje Hebdo: votre Association a été primée du prix Anti Slavery International, qu’est ce que ça vous inspire ?
Birane Ould Dah Ould Abeidna : L'inspiration que ça me donne est que la reconnaissance ne vient jamais des pays musulmans, mais de l'occident. Ca veut dire aussi que si notre organisation suscite ici le suspicion et dans certains pays de la sous région, la suspicion, inspire en occident le respect et la solidarité en plus de cela ça nous encourage et nous renforce davantage dans notre lutte contre ce fléau.


Assiraje Hebdo: étant dans un pays à 100% musulman, pensez vous que les oulémas peuvent jouer un grand rôle pour éradiquer ce fléau ? Avez-vous collaboré une fois avec eux ?
Birane Ould Dah Ould Abeidna : Nos plus grands adversaires dans notre lutte pour éradiquer ce fléau, se sont les oulémas, et ce n'est pas étonnant parce qu'ils détiennent un grands nombre d'esclaves ainsi que les tribus soient disant maraboutiques.


Assiraje Hebdo: Actualité oblige, que pensez-vous de la rencontre de Dakar?
Birane Ould Dah Ould Abeidna: Nous en tant que défenseurs des droits de l'homme, nous accueillons très favorablement ces négociations. Nous prions pour que ces négociations aboutissent à un accord favorable et consensuel des protagonistes.

Le 09/06/09
Propos recueillis par Moustapha Lô
 Source :
Assiraje Hebdo

 

Interview avec Biram Ould Dah: «Les aristocraties guerrières représentant des obstacles sérieux à toutes avancées démocratiques.»

 

Tahalil Hebdo : La «délinquance» théologique et le «brigandage» des aristocraties guerrières soulevés dans votre tribune intitulée : «Rites nêgriers et fondementalismes identitaires, face à l’humanisme et l’universalisme de l’Islam» (Cf : http://www.journaltahalil.com/detail.php?id=2258),  sont des concepts qui peuvent renvoyer tout autant à l’époque médiévale en Europe qu’au monde musulman.  La traite negriere arabe, occidentale, et celle organisée par des rois africains, ne s’inscrivaient-elles pas dans ce cadre ?

Biram Ould Dah : La «délinquance théologique multiséculaire de notre classe maraboutique peut bien s’inscrire dans la ligne de dépravation de la nature des humains, habités par la faiblesse devant l’épreuve de la vie, devant les tentations d’ici bas et du pouvoir de domination; elle peu aussi renvoyer à l’époque médiévale en Europe en ce sens l’ordre du clergé, déifié par les gens du peuple, s’est permis toutes sortes d’abus au nom de Dieu. Ainsi, des indulgences ou rémissions par l’église des peines temporelles que les péchés méritent, inventée par le 215ème Pape Léon X (Jean De MEDICIS) et attaquées par Martin LUTHER en 1515, à l’inquisition, cette juridiction ecclésiastique d’exception instituée par le Pape GREGOIRE IX dans toute la chrétienté et dont l’activité s’échelonna du XIIIème au XVIème siècle, «les hommes de Dieu» trempèrent fortement dans l’avidité, la déshumanisation des humbles à travers l’instrumentalisation des préceptes divins
Mais aussi les graves manquements à l’orthodoxe et à la morale religieuses dont notre clergé est responsable fait partie de l’héritage (pas du tout négatif à cent pour cent) qui lui été légué par l’accumulation des Fatwa, jurisprudences et interprétations par commande d’émirs, sultans, épris de pouvoir et de dominations ainsi que par un souci permanent de légitimation ou de perpétuation des privilèges des communautés ou de groupes etc…
Peut-on dire même que la tendance historique et permanente à la subversion contre l’esprit originel de l’Islam relève d’un continuum anté - islamique socio-économique et mental, que cette religion n’est pas parvenue à rompre à l’instar de toutes les autres religions.
Il est un fait vrai et historique que c’est un homme d’Eglise qui a donné le coup d’envoi et la bénédiction à la traite Atlantique, les Oulémas et docteurs de la loi musulmane ont, au fil des siècles réglementé, légitimé, et banalisé la traite orientale, l’esclavage, et même le castrage ; et si la majorité des Africains poussés par les impératifs du mode et train de vie avaient suffisamment « d’arguments » pour s’engager dans l’organisation de la traite, deux des plus grands négriers de notre sous région : Samory TOURE et El Hadj OUMAR TALL, adossèrent leur forfaiture sur les règles du Jihad et de la religion musulmane.
Le concept de brigandage de l’aristocratie guerrière peut-être appliquée à tous les groupes s’arrogeant le monopole de la violence dans les sociétés sans autorité centralisée comme l’Arabie anté - Islamique, l’Europe Médiévale ou la Mauritanie précoloniale, et à presque la totalité de l’Afrique noire pendant le commerce triangulaire. Dans les cas de ce genre, la guerre est un mode de vie, l’économie est une économie de razzias et pillages; ces guerriers professionnels et de « naissance » détruisent, pillent et distribuent la mort pour se nourrir, vivre.

 
 

TH : Vous tenez à dissocier à l’Islam en tant que religion universaliste et humaniste où « Bilal l’Ethiopien », un homme noir, a joué un rôle de premier plan, des pratiques autorités temporelles et spirituelles qui se sont succédées sur le monde musulman en situant les déviances survenues à l’après période des khalifes Rachidiens. Que diriez- vous de l’époque d’Omar Ibn Abdel Aziz ?

BOD : Bien sûr que je dissocie l’Islam en tant que religion universaliste et humaniste, des pratiques et interprétations intéressées et à mobiles purement temporels d’individus ou de groupes dominants dans les sociétés des hommes. Les populations des tributs arabo - berbères qui méprisent le travail manuel et / ou sous le soleil, et toute endurance physique, ont interpréter un Islam de légitimation de l’esclavage, et ont fonder des rites négriers, pour cela, s’appesantir sur tout verset et toute citation dans le coran ou la sunna qui pourront de prêt ou de loin sous - tendre les textes, les jurisprudences ou les mentalités esclavagistes.
Au Sénégal, dans un contexte d’essor de l’agriculture arachidiere et de la traite de cette denrée, l’Islam se révéla confrérique donc fait d’allégeances et dons aux marabouts sur fond de sublimation du travail manuel, agricole et commercial surtout. Les chefs de confréries dans ce pays se révéleront les plus grand propriétaires des surfaces cultivables au Sénégal.
Effectivement toutes ces déviances ce sont enclenchées après la rupture du Khalifa Rachidien, et l’élimination physique, des centres décisionnels, des plus proches compagnons du Prophète Mohamed (Paix et salut sur lui) adeptes des premières heures qui avaient assimilé plus que quiconque l’esprit des enseignements de ce dernier.
Il est vrai que le passage de Omar Ibn ABDEL AZIZ à la tête de l’Etat Omeyyade est un intermède particulier bien que très éphémère dans l’histoire de l’Islam. Des historiens disent que c’est le cinquième Khalife Rachidien, cent années à peu près après le martyr du dernier d’entre eux, l’Imam ALI. A-t-on parlé de sixième ? jamais jusqu’à nos jours. Ceci peut nous faire dire que sa propulsion sur la tête de l’Etat est en quelque sorte un accident heureux; et sa notoriété tient beaucoup plus à sa piété qu’à une véritable entreprise de réforme à influence effective sur le système étatique, social et économique de la dynastie Omeyyade, qui est resté intact dans son caractère despotique, nobilier et tribal.

 
 

TH : La «délinquance » théologique le «brigandage» des aristocraties guerrières qui justifieraient le système inégalitaire se maintiennent- elles encore chez nous au XXIeme siècle ? 

BOD : Le poids des discours des érudits qui intercèdent toujours entre Dieu et les personnes et l’influence des lignages nobiliers qui, par le passé, monopolisaient la violence, et par le présent sont dépositaire du « rang » et des « honneurs », se font toujours fortement sentir dans toutes les sociétés Arabo – Islamiques, et particulièrement en Mauritanie.
Ici chez nous, les segments maraboutiques tiennent en échec toutes les tentatives de réformes juridiques et d’émancipations sociales par la main basse qu’ils font sur l’appareil judiciaire et leur manipulation du discours religieux; les aristocraties guerrières représentant des obstacles sérieux à toutes avancées démocratiques dans ce pays à travers l’institution militaire qui est leur chasse gardée et qu’ils utilisent depuis plusieurs décennies pour faire échouer toute expression de la volonté populaire et perpétuer un train et mode de vie d’aristocrates dans un Etat du 21ème siècle à travers la récurrence des coups d’Etat militaire et la mal gouvernance .

 
 

TH : Les idées égalitaires des principes universels des droits de l’homme prônées par l’occident sont perçues au niveau du monde musulman comme relevant d’une certaine hypocrisie. On s’empresse d’appliquer les résolutions des nations unies et de la cour pénale internationale sur l’Irak, l’Afghanistan et le Soudan, mais ce n’est pas le cas quand il s’agit d’Israël.

BOD : Ceci est malheureusement le point de vue de la majorité des peuples arabes musulmans, mais c’est très simple et assez superficiel de mon point de vue. Je souligne que l’homme le plus averti parmi nous, et la personne la mieux informée se retrouve automatiquement dans cette attitude de simplification et de souci de dévoiement de la justice et de la Cour Pénale Internationales de leurs rôles et buts originels. C’est une position davantage culturelle qu’un résultat d’une analyse sérieuse; pour moi je ne voie pas la différence entre les gouvernements sionistes Israéliens et les systèmes dictatoriaux, sanguinaires, corrompus, racistes, familiaux…dans l’Iraq de Saddam, la Mauritanie depuis 1960 à nos jours, le Soudan de Omar El BECHIR…sauf que les Israéliens sont effectivement démocratiques entre eux et leurs dirigeants beaucoup plus intelligents que les nôtres. Tenter de s’opposer à la justice internationale et aux droits de l’homme n’est pas la meilleur punition pour Israël et l’Occident mais c’est tout bonnement faire la part belle aux dictateurs et hommes d’Etat criminels et génocidaires, c’est les renforcer, c’est punir le peuple, les opprimés, c’est retarder la démocratie, c’est aussi permettre à ces dirigeants illégitimes de traiter seuls avec les puissances Occidentales et à leur avantage. Cette attitude est absurde, la Cour pénale internationale a jugé le Président et les Chefs Serbes qui sont coupables d’exactions et d’épurations contre les musulmans et aussi ceux jugés au Rwanda et ailleurs en Afrique ne sont pas des musulmans.
C’est pitoyable qu’un professeur d’université ou un avocat de Mauritanie ou du monde arabe, très convaincu nous dis que la CPI et sous les ordres des Israéliens et des Américains. Hors, Israël et les Etats-Unis n’ont jamais accepté de ratifier le Statut de Rome qui fonde la CPI.
La CPI est née de l’effort des défenseurs des Droits de l’Homme qui eux, s’opposent véritablement aux guerres que livrent les Etats-Unis et Israël aux autres. L’Union Africaine n’a pas raison quand elle dit que la CPI trille les africains pour les juger, ceci est faux parce que la RDC, le Rwanda ou l’Ouganda ont saisis la CPI lui demandant de statuer sur les présomptions qui pèsent sur certains de leurs citoyens ; c’est comme ça qu’elle a été compétente et non par un arbitraire que certains évoquent et qui n’est pas dans le cadre ses prérogatives ni de son mandat.

 
 

TH : Ou en êtes vous au mouvement abolitionniste mauritanien dans la traque des esclavagistes engagée ouvertement depuis le milieu de 2007?

BOD: Le vote de la loi criminalisant l’esclavage en 2007 a été pour nous une occasion pour attaquer devant les tribunaux et administrations mauritaniennes tout criminel convaincu de pratiques esclavagistes. Mais après une série d’actions énergiques sur toute l’étendue du territoire nationale, nous avons vite déchanter car nous avons été largement édifiés sur les faits que le Président Sidi Mohamed Ould CHEIKH ABDELLAHI, son premier Ministre Zeine Ould ZEIDANE ainsi que leurs collaborateurs responsables des départements concernés, sont en vérité très hostiles à toutes veillétés d’application de cette loi et de toutes autres lois dont l’actionnement peut aboutir à des investigations ou des arrêts qui corroborent l’existence de l’esclavage, de la traite des personnes, des femmes, des enfants ou toutes autres formes de crimes ou délits se rapportant au racisme et autres discriminations, bref tous les grands crimes et délits qui se rattachent d’une manière organique au mode de vie, de penser ou de domination qui est de mise chez l’ethno-classe arabo-berbère dominante. Et déjà avant la chute du pouvoir démocratique, nous avons perdu la confiance en ce pouvoir. Le coup d’Etat du 6 août 2008 est venu ramener très en arrière, par l’attitude négationniste de la junte et de ses soutiens qui se recrutent presque tous au sein des mouvements politiques et milieu sociaux foncièrement esclavagistes et obscurantistes. Dans tous leurs discours, les militaires ont tenu à attaquer le Président renversé sur le vote de la loi criminalisant l’esclavage, un acte qu’ils jugent d’une extrême légèreté.
Ceci a fait que nous n’espérons rien d’eux dans ce domaine. Néanmoins nous continuons à établir des dossiers pour les victimes d’esclavage qu’on partage avec nos partenaires dans les organismes internationaux en attendant des jours meilleurs pour réattaquer les criminels et leurs protecteurs devant des juridictions saines et indépendantes.

 
 

TH : Que pensez- vous du règlement définitif du passif humanitaire annoncée lors de la visite du président du Haut Conseil d’Etat à Kaédi ?

BOD : Je pense que la visite du général Mohamed Ould ABDEL AZIZ à Kaédi, le discours et les actes symboliques et matériels qu’ont été faits représentent un pas dans la reconnaissance de ces crimes. Mais, il est impossible de clore un dossier qu’on n’a pas accepté d’ouvrir. Le groupe d’Ouléma cooptés, qui sont connus pour leur légèreté face à tous pouvoir, ne peuvent jamais imposer le droits à un pouvoir pour lequel ils plient l’échine. Ce qui a été déjà fait, l’a été dans l’opacité totale et seulement à une infime partie des victimes; il y avais un souci d’écarter les organisations des victimes, les organisations politiques, les ONGs des Droits Humains et les personnalités qui ont pris en charge cette questions depuis deux décennies. Aucun règlement de cette question n’est possible sans l’implication de toutes les parties nationales spécifiquement les Forces de Libération Africaine de Mauritanie (FLAM). Il faut que le mécanisme comporte la VERITE, la JUSTICE (la fin de l’impunité, la punition des coupables), les REPARATIONS, la MEMORIALISATION ; ces sont conditions standard à toute réconciliation véritable et durable, selon les normes déjà consacrées de justice transitionnelle si l’esprit de consensus le requière dans le cas de la difficulté et de l’inapplicabilité de la justice conventionnelle en la matière.

07/04/2009
Source : Tahalil Hebdo

 

Sommet arabe de Doha.

 Réaction de Birame Ould Dah au sujet de la décision des dirigeants arabes de soutenir Oumar El Béchir : «Je ne suis pas surpris de leur décision car ils sont tous issus de pouvoirs dictatoriaux ! ».

Malgré le soutien des dirigeants arabes apporté à Oumar El Béchir accusé de crime de guerre et de crime contre l’humanité par la Cour Pénale Internationale, Birame Ould Dah continue à croire que le Président soudanais répondra un jour de ses actes.

Il va même jusqu’à prédire la "chute du régime soudanais" incarné par Oumar El Béchir qu’il considère comme étant un "sanguinaire" qu’on peut loger à la même enseigne que Mouammar El Khadafi, Bachar Al-Assad
 

Le Rénovateur Quotidien : Les dirigeants arabes, lors du sommet de Doha qui s’est achevé, ce 30 mars 2009, ont déclaré leur soutien inconditionnel à Oumar El Béchir et rejeté le mandat d’arrêt émis contre lui. Que pensez-vous de cette attitude des dirigeants arabes ?
Birame Ould Dah :
L’attitude des dirigeants arabes par rapport au mandat que la Cour Pénale Internationale (CPI) a émis contre le dictateur sanguinaire, Oumar El Béchir, recoupe avec leur idéologie. Tous ces dirigeants arabes qui le soutiennent sont tous issus de pouvoirs familiaux, dictatoriaux et réfractaires à toute idée des droits de l’Homme, aux droits les plus élémentaires de la personne humaine.

De manière générale, les dirigeants arabes perçoivent les droits de l’Homme comme faisant partie des séquences et des facettes de la lutte civilisationnelle qu’ils se livrent avec le monde judéo-chrétien occidental. Ils considèrent les droits de l’Homme comme un cheval de Troie qui peut renverser leurs sociétés et leurs régimes au profit d’une domination et d’un envahissement culturel, civilisationnel et politique de l’Occident.

De toute façon, il n’y a rien à espérer de ces régimes. Je vois que la solidarité qu’ils se témoignent les uns des autres est une solidarité identitaire et culturelle. Pour les arabes, on doit défendre l’arabe.

Même ici, en Mauritanie, où il y a eu beaucoup de gens victimes de graves violations des droits de l’Homme -esclavage, passif humanitaire-, les commanditaires de ces crimes et leurs exécutants sont défendus : ils sont intouchables et l’impunité est de mise ! Tous ces régimes qui défendent Oumar El Béchir sont des régimes qui ont commis aussi des crimes. Ils pensent qu’ils doivent bénéficier de l’impunité totale dans le cadre d’une solidarité ethnique et culturelle.



Le Rénovateur Quotidien : La décision donc des dirigeants arabes ne vous a point surpris ?

Birame Ould Dah : Non, je ne suis pas du tout surpris de leur décision. C’est la meilleure décision qu’ils pouvaient prendre ! Les mouvements des droits de l’Homme et les mouvements de solidarité avec la CPI dans le monde arabe doivent réagir, s’organiser et lutter parce qu’il y a beaucoup de désinformations qu’on tient à l’endroit de la CPI.

Certains disent que celle-ci est une institution dirigée et manipulée par les américains et les israéliens. C’est faux ! Au contraire, la CPI est une institution issue de la lutte des militants des défenseurs des droits de l’Homme dans le monde. C’est eux qui ont donné naissance aux statuts de Rome qui fondent la CPI.

D’ailleurs, beaucoup de pays n’ont pas accepté d’adhérer à la CPI. Parmi, ces pays qui s’opposent farouchement à la CPI, on peut citer les Etats-Unis et Israël qui n’ont pas ratifié les statuts de Rome. De manière très bête et mensongère, les gens disent que la CPI est dirigée par les américains et les israéliens.

Je voudrais éclaircir ici un point essentiel. Dans le cadre du Soudan, il faut que les choses soient claires. Lorsque le génocide du Darfour a atteint son paroxysme, Luisa Arbour, présidente de la commission du Haut Commissariat aux Droits de l’Homme des Nations Unies, a envoyé un groupe de travail composé de 5 spécialistes, choisis sur des bases transparentes, chargés de faire un rapport sur ce qui s’est passé au Darfour.
Bien sûr que c’est en coordination avec l’Etat soudanais qui a accepté de collaborer avec ce groupe de travail qui a, à son tour, remis ce rapport à Luisa Arbour. Cette dernière a envoyé le rapport au Conseil de sécurité des Nations Unies qui a saisi la CPI.


Le Rénovateur Quotidien : Estimez-vous, à la suite de ce rapport remis à Luisa Arbour que les faits incriminés au Président soudanais, Oumar El Béchir, sont fondés ?
Birame Ould Dah : Bien sûr que ce sont des faits fondés ! Il y a des centaines de milliers de personnes qui ont été tuées au Darfour par l’armée soudanise et les milices armées manipulées par l’Etat soudanais.

C’est un génocide à caractère ethnique parce que les gens qui sont visés, ce sont les "Awadis" et les "Aghawas" qui ne sont pas arabes. On les a éliminés pour mettre à leur place des tribus arabes qu’on amène du Tchad et d’ailleurs. C’est des centaines de milliers de personnes qui ont été persécutés.

Le Soudan pouvait ne pas accepter le principe de l’enquête du groupe de travail. Et, quand un pays accepte de collaborer, il doit assumer. La CPI est une institution indépendante. Certains disent même qu’elle est contre les musulmans. En Bosnie, les musulmans ont été massacrés par les chrétiens orthodoxes et la CPI les a jugés. Ce n’est pas un tribunal de chrétiens contre les musulmans. Les gens qui se sont attaqués aux musulmans ont été jugés.


Le Rénovateur Quotidien : Au sujet du mandat d’arrêt émis contre Oumar El Béchir, tous les pays ne sont pas sur la même longueur d’ondes. De grandes puissances comme la Chine et la Russie ne sont pas favorables à l’arrestation du président soudanais. A votre avis, y’a-t-il de fortes forces pour que la CPI puisse juger Oumar El Béchir ?
Birame Ould Dah : Je suis sûr et certain que le Président soudanais, Oumar El Béchir, ira devant la Cour Pénale Internationale parce que c’est la tendance générale dans le monde que les droits de l’Homme vont crescendo.

Je sais qu’à partir de l’intérieur de l’Etat soudanais et des institutions soudanaises, il y aura un enclenchement d’un processus d’évolution qui va aboutir à la chute du régime soudanais et à la livraison de Oumar El Béchir pour répondre de ses crimes.

C’est valable aussi pour les gens qui se cachent derrière les systèmes de l’impunité comme ici en Mauritanie où des gens ont commis des crimes comme l’esclavage, des discriminations contre les noirs toujours victimes de racisme. Tous les arabes -Mouammar Khadafi, Bachar Al-Assad- qui soutiennent Oumar El Béchir, un jour ou l’autre, paieront de leurs crimes.


Propos recueillis par Babacar Baye Ndiaye
Source : Le Rénovateur Quotidien (Mauritanie)

 

 

Mauritanie : esclavage, islam et « démocratie »

En Mauritanie, des centaines de milliers de Noirs sont toujours réduits en servitude. Biram Dah Abeid, militant de l’ONG SOS-Esclaves dénonce un phénomène largement sous-estimé. La Mauritanie a interdit l’esclavage en 1980, mais aucun maître n’a encore été condamné à des peines de prison. Biram Dah Abeid, un affranchi, donnait récemment une conférence au titre provocateur : «L’esclavage et l’islam». Rencontre à Genève.

Quelles formes prend l’esclavage dans la Mauritanie d’aujourd’hui ?

L’esclave domestique est rattaché au maître et à sa famille. Il accomplit toutes les tâches ménagères pénibles, sans rétribution. Il n’a aucun droit sur ses enfants, ne peut accéder à la propriété, ni aller à l’école. Il est privé d’état civil et peut être cédé, loué, gagé ou prêté.

Cette condition se transmet de génération en génération et les enfants, qui doivent travailler dès leur plus jeune âge, sont partagés entre les membres de la famille du maître. 300’000 – 500’000 personnes sont concernées [100’000 selon Le Monde], dans un pays de 4 millions d’habitants.

Il y a aussi l’esclavage sexuel. Le code musulman malékite, version locale de la sharia islamique, donne au maître le droit de cuissage sur ses femmes, indépendamment de leur nombre, leur âge et leur consentement. Toutes les filles en servitude sont mères très jeunes et leur progéniture n’est pas affranchie de ce joug.

80% de la population d’esclaves est composée de femmes et d’enfants parce que les garçons, dès l’adolescence, s’enfuient pour aller grossir les rangs des bidonvilles. Chaque responsable mauritanien possède des esclaves - certaines familles en ont des milliers – et il y en a même dans les ambassades et les missions diplomatiques mauritaniennes à l’étranger. Enfin, il y a les esclaves agricoles. Ils cultivent les terres, mais n’ont aucun droit à la propriété.

L’Etat ne fait-il rien pour lutter contre ce fléau ?


Il a criminalisé l’esclavage en 2007. Mais le code malékite est la source de la législation et aucune loi ne peut le contredire. En 2008, notre ONG a déposé 143 plaintes, mais elles ont toutes été déboutées. Les lois sont destinées seulement à l’Occident.

Un esclave peut-il s’affranchir ?


Oui, son maître peut l’affranchir, mais il ne devient jamais un homme libre. Les affranchis subissent une «castification», une discrimination comparable à celle des Intouchables en Inde. Il y a entre 1’200’000 et 1’600’000 affranchis. Moi-même, j’en suis un, ce qui ne m’évite pas les stigmates.

La brève parenthèse démocratique n’a-t-elle donc rien changé ?


Non ! L’ossature du système de domination, esclavage et discrimination raciale érigée par les Maures est restée intact. Le génocide perpétré contre les Noirs, entre 1986 et 1992, et l’esclavage sont restés impunis et leurs auteurs sont toujours les vrais dirigeants du système.

Le 03/03/09

 Source : Human Rights Tribune

 

Bios Diallo face à Birame Ould Dah

 

Dans notre édition du 19 janvier, N°24, nous avions reçu dans notre rubrique Face à… le député Mohamed El Moktar Ould Zamel. Dans un débat, à bâton rompu, l’homme politique et ancien ministre parla de tout. Et de… sa vision de l’esclavage chez nous. Un sujet, on le sait, polémique.

Dès le lendemain de la parution du journal, et sa mise en ligne sur le Net, un groupe d’hommes se disant anciens esclaves et Hratin nous fait état de sa vive colère : au téléphone et d’aucuns nous rendront même visite ! «Comment pouvez-vous ouvrir vos colonnes à un homme qui nie la réalité de l’esclavage, et la marginalisation des cadres hratin ?

Nous, nous pouvons vous prouver qu’il existe encore des esclaves dans ce pays, disent-ils. Nous, qui sommes-là, nous sommes toujours des esclaves, puisque considérés comme tels. Et beaucoup de nos fils sont là, avec les diplômes qu’il faut, mais peinent à trouver leur place à cause de leur statut !»

Après de longues discussions, la rédaction décide de leur accorder la parole. Mais, pressés de voir leur «droit de réponse» publié, puisque cette rubrique Face à … est tous les quinze jours, ils réagissent sur le Net et dans la presse arabe. Ils désignent par contre leur porte-parole, le très activiste Biram Ould Dah Ould Abeid, pour notre rencontre.

Ce professeur de français, qui a depuis déserté le chemin des classes pour se consacrer «à la libération des esclaves et Hratin», est sur tous les fronts. En Mauritanie et à l’étranger où il est régulièrement invité. Au moment où nous publions cette interview il se trouve en tournée européenne qui le conduira en Italie, en Suisse et en France où il co-animera avec l’écrivain franco-algérien Malek Chebel une conférence sur Islam et esclavage au CAPE, le 17 février.

Souvent décrié, mais redouté pour ses coups de gueule par moment impulsifs selon certains, ce Chargé de mission auprès du président de l’organisation SOS-Esclaves, Conseiller du président de la Commission Nationale des Droits de l’Homme, et par ailleurs membre du Bureau exécutif de l’organisation Arabe des droits de l’Homme, nous a reçu à son bureau 3 jours après la visite des siens. L’entretien est tendu.

Esclavage, L’incertain combat.

Le Commissariat aux droits de l’homme, à l’Action Humanitaire et aux Relations avec la Société Civile, vient de lancer une campagne de sensibilisation sur ce qu’il appelle les séquelles de l’esclavage. Une bonne nouvelle, pour vous !

Biram Ould Dah Ould Abeid : Bon, cela dépend de ce que vous entendez par bonne nouvelle ! L’institution que la junte militaire appelle Commissariat aux Droits de l’Homme, et ce qui suit, s’active depuis quelques semaines en effet dans le cadre d’une campagne générale. Pour moi, cette campagne est simplement démagogique et électoraliste. Je veux dire d’une évidente légèreté.

Pourquoi ?

Soyons sérieux, si les gens voulaient faire quelque chose de conséquent, ce n’est pas avec un montant de un milliard quatre cent millions de nos ouguiyas [1 400 000000 UM], annoncé par le Commissaire, qu’ils allaient s’afficher ! Cette somme est on ne peu plus dérisoire, voire ridicule. Car ce taux ne saurait venir à bout de la détresse matérielle et morale multiséculaire de plus de la moitié de population mauritanienne, j’ai nommé les Hratin.

Je constate alors que le pouvoir, qui affiche son déni et son négationnisme n’a ni les aptitudes morales, ni idéologiques, encore moins politiques, qui lui permettraient de se départir d’une position anachronique qui l’a toujours maintenu dans l’observation des faits, et jamais de les combattre. Je doute donc qu’il puisse prendre à bras-le-corps une légitimité qui n’attend que son feu vert.

Je n’invente rien. On constate tous les jours des pratiques esclavagistes d’un autre âge. Quand bien même il arrive que la presse titre sur les faits à ses Unes. Puisque l’ignoble oppression, dont sont victimes ces Mauritaniens d’une certaine zone, ne se cache pas toujours. A cela il faudra ajouter des procès des victimes devant des tribunaux. Moments bien entendu douloureux, malgré le manque de considération qu’on accorde à la chose.

Mais qu’on ne s’y trompe pas, ces vexations ne feront qu’alimenter les tensions sociales. Dans les centres urbains, et le monde rural, sur fond de lutte des classes se cristallisant sur les captages d’héritage, la séquestration de femmes et d’enfants, le travail sans salaire, l’expropriation foncière, le viol légalisé et ou sacralisé… . Je cite là des faits répréhensibles qui sont entrain de dresser des populations, qui devraient être les mêmes, les unes contre les autres. Voilà pourquoi, à la lecture de tout ceci, je ne peux être d’accord avec des autorités réfractaires au changement.

Pour vous rien de rassurant, jusque dans les termes posés ?

Absolument ! Très mal même. En ce sens que c’est la position traditionnelle des bourreaux, donc des segments esclavagistes. Je m’adresse surtout aux personnes se trouvant au sein des cercles du pouvoir décisionnel. Ceux-là même qui veulent continuer à cacher l’esclavage, et assurer l’impunité à ceux qui ne peuvent pas s’en départir à cause de leur mode de vie qui s’y base. Voilà comment on invente des pièces de théâtre à puzzle pour désinformer et faire le change devant l’opinion publique internationale.

Qu’est-ce qui vous gène, dans cette campagne ? Le fait de n’avoir pas été associés ?


Nous ne sommes pas gênés, c’est le Commissariat qui est gêné par la réalité implacable. Puisque nous, nous sommes implantés depuis de longues dates sur le terrain. Et la scène internationale, non plus, ne constitue aucun mystère pour nous. Observateurs et organismes préoccupés par la défense des droits humains, nous prennent en compte. Agir, en nous ignorant, c’est partir, d’avance, sans aucun crédit. Tant avec les victimes, que face aux institutions ciblées. D’autre part, pour que nous nous associons à une entreprise, il faudra que celle-ci émane de qui de droit et de mon point de vue l’acteur en présence est un intrus.

Selon les autorités, vous ne faites qu’utiliser injustement la misère d’autres. Sans qu’on ne puisse réellement vérifier vos allégations. C’est ce que les gens en cours d’arguments croient savoir. Et ils le soutiennent comme intox pour discréditer ma personne, et celle des gens qui travaillent avec moi. Ce qui ne m’empêchera pas de dire que les autorités ont été depuis toujours sous l’emprise et l’influence des forces féodales et esclavagistes. Donc elles ne pourront jamais être objectives, car on ne peut être juge et partie.

Ceci dit, les organisations Sos-Esclaves, l’Association des Femmes Chefs de Familles, la Commission Nationale des Droits de l’Homme et le Forum des organisations nationales des droits de l’homme [Fonadh, ndrl] savent de quoi je parle. Puisqu’elles reçoivent régulièrement dans leurs locaux des dizaines de victimes de pratiques esclavagistes.

Et il n’échappe à personne que des membres des autorités judiciaires, administratives et sécuritaires font régulièrement fi des procès verbaux confirmant ces pratiques. Mais, malgré toutes ces entraves aux lois, des missions d’organisations sous régionales, régionales et internationales spécialisées, traquent sans cesse ces horreurs.

L’ampleur du phénomène est là, et les victimes toujours victimes. Ce qui fait mal dans tout ça, ce sont les tentatives des pouvoirs publics, et des groupes dominants, à vouloir cacher la pratique et d’en faire un sujet tabou. Donc rien qui facile l’éradication du phénomène. Je dirai même que l’esclavage reste une réalité très banale dans nos différentes communautés mauritaniennes.

Très concrètement où trouve-t-on ces esclaves, dont vous ne cessez de parler ?

Ces esclaves, vous les connaissez. Vous les voyez ! Aucun Mauritanien ne peut dire qu’il ignore leur existence. Ils sont dans la campagne, et ici à Nouakchott avec leurs maîtres dans les quartiers chics. Chics, pour leurs propriétaires bien entendu ! Tout comme dans d’autres grandes villes du pays. Ils sont des domestiques, sous les tentes de leurs maîtres, et quand c’est dans la lointaine brousse ils sont derrière les troupeaux de ceux-ci.

Et ils sont des travailleurs sans propriétés et sans salaires. Ils triment, épuisent leurs forces dans les domaines terriens de féodalités tribales et théocratiques. Une fois de plus, si cela se perpétue, c’est avec la bénédiction des différents pouvoirs qui se sont succédés en Mauritanie. Pour remonter plus loin, je dirai même depuis la colonisation.

J’ai entendu quelqu’un dire, dans votre bureau, qu’il fallait déposer une plainte contre le colon français ! Pourquoi ?

Ben, comme vous le savez, avant la colonisation, les aristocraties guerrières ou théocratiques, arabo-berbères et noires, dans la contrée qui s’appelle maintenant la Mauritanie, avaient fondé un mode de vie basé sur l’esclavage. Ce mode ignoble bénéficiera d’un traitement de faveur de la part du pouvoir colonial. C’est pourquoi nous estimons que la France a été complice et qu’elle peut être poursuivie !

Mais…


Mais quoi ? Il a été prouvé que les traités que les chefs Maures ont pu obtenir des Français contenaient des closes stupéfiantes. Bien que non écrites, ces clauses, permettaient aux premiers de garder leurs esclaves sans être inquiétés. C’est donc de la complicité.

Que faites-vous à présent ?


Ce qui nous avons toujours fait, à savoir œuvrer, sans relâche, à l’affranchissement des victimes. Nous avions libéré, à Sos-Esclaves, certaines. Des gestes d’audace jusqu’à la barbe de certaines autorités à Atar, Nouakchott et ailleurs dans ce très vaste territoire de plus d’un million de kilomètres carrés qu’est la Mauritanie. Ces nouveaux libérés sont, ici à Nouakchott, chez Boubacar Messaoud et chez moi.

Qu’est-ce qui empêche aux esclaves de recouvrer leur liberté ?


Plusieurs paramètres…Nous pouvons citer, pour commencer, le manque de volonté des maîtres arabo-berbères qui usent à leur guise des leviers de commandes. Et ne se cachent pas de leur volonté farouche à continuer de se tailler une main-d’œuvre gratuite conformément à leur mode de vie qui perdure au détriment des principes des droits de l’homme et du respect du droit international.

Cette mauvaise volonté se traduit par le déni dont usent également des gens comme l’ancien ministre et député, Mohamed El Mokhtar Ould Zamel, l’obscur avocat Ould Ichidou, ou encore Kaber Ould Hammoudi, directeur de cabinet du Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi et ex-directeur général de la Radio-Mauritanie. Tousces gens sont des chantres et idéologues au même titre que d’autres dans l’ombre ou connus de la scène étatique!

Ce n’est pas une preuve que…

Que si quand même ! Si on a des gens comme ça, sensés défendre les droits de l’homme et qui en tordent les premiers le cou comment voudrez-vous que des avancées s’opèrent ? Ensuite arrive l’impunité dans laquelle baignent les criminels. Les différentes lois, restées inappliquées, n’ont pu produire aucun effet dissuasif à cause de ces complicités.

Un troisième point, non moins choquant, est le fait que les autorités n’ont jamais accepté de donner un investissement économique digne de ce nom aux esclaves afin de leur faire prendre la route vers l’affranchissement. Car on ne peut être libre sans moyens économiques. C’est l’économie qui tient les gens en esclavage!

Voilà pourquoi, démunis de tout, les esclaves songent peu à leur liberté. C’est ce qui se cache derrière la réalité des propos, lorsque des gens vous disent que leurs esclaves sont attachés à eux et ne veulent en aucun cas les quitter ! C’est faux, c’est juste qu’ils n’ont pas les moyens de leur émancipation. Donc ils restent là, pour leur survie. Pendant ce temps ils perpétuent la suprématie du maître. Quatrième point, et non des moindres, ce qu’on pourrait associer à une révolution culturelle.

Voilà un autre segment d’hypocrisie et de malhonnêteté à couper le souffle, et qui prend pour tribune les médias (ceux de l’Etat en particuliers), les espaces religieux, à savoir les mosquées, les partis politiques et les organisations de la société civile. Toutes ces voix, que je viens de citer, participent à une campagne permanente de désinformation. Jusque dans les écoles. Contrairement à ce qu’on aurait pu attendre des programmes scolaires, à savoir la déconstruction idéologique de l’esclavage. Et l’on s’adosse à la religion, qui devient un facteur de légitimation. Alors que, aux dires de certains, la religion est contre l’oppression d’un homme par son semblable !

Vous dites, souvent, qu’en cas de litige la parole de ces esclaves n’est jamais prise au sérieux. Au tribunal, c’est la leur contre celle du maître.

Et les jeux toujours faits. Les plaintes des victimes des pratiques esclavagistes sont toujours cachées, ignorées et dénaturées par les autorités administratives et judiciaires. Car administrateurs, magistrats et officiers de polices judiciaires, à l’instar du clergé national, sont recrutés dans les milieux obscurantistes et esclavagistes. Et ceux qui ne sont pas de nature de cette trempe subissent une cure d’amaigrissement humain pour les mettre au dressage. Ce qui les rend désormais programmés à la tache, ne jamais se ranger du côté des esclaves. Tout cela est méchant et inhumain.

[Un moment de souffle. Il transpire, malgré le temps doux]. Il est de notoriété publique que les dizaines de cas d’esclavage avéré, qui ont été portés devant les autorités par nos soins, les victimes et la Commission Nationaledes Droits de l’Homme, la CNDH, n’ont jamais bénéficié des enquêtes préalables nécessaires. Au contraire, cela a toujours été l’occasion pour les autorités de nous stigmatiser ; reléguant ainsi volontairement les crimes d’esclavage que nous exposant comme étant des affublements.

Ainsi tous les cas d’esclavage, agricole ou de servitude foncière, qui ont été dénoncés ce sont terminés par la victoire des maîtres devant la justice et l’administration. Dans cent pour cent des cas les esclaves ont été déboutés. Ceci ne peut se produire que lorsque nous sommes face à une justice dirigée, ethniquement partisane.

L’esclavage n’est pas l’apanage de la seule communauté, non ?


Oui, l’esclavage existe aussi dans les autres communautés noires du pays. Mais cela est loin d’être comparable avec ce qui se pratique chez les Arabo-berbères. Chez les Peuls et les Soninkés cela est moins rude, et plus culturel. Or là ce sont de rudes brimades et physiques et psychologiques. Victimes, nous sommes neutralisées par un système qui conjugue insulte et répression. Nous ne baisserons pas pour autant les bras ! C’est pourquoi aussi nous continuerons à user de l’arme qui nous soit accessible, la dénonciation. A toutes les échelles, nationale et internationale.

Plusieurs projets et financements ont été, régulièrement, alloués à ces… laissés-pour-compte. N’avez-vous pas, sincèrement, l’impression que même les leurs se préoccupent peu de leur sort si ce n’est…


Je sais qu’on raconte n’importe quoi au sujet de ces pauvres. Que nous autres ne sommes que des activistes, oeuvrant pour nous-mêmes ! Je demeure cependant certain que les financements on en parle plus sur le papier qu’on en voit sur le terrain. Ces projets, dont on parle à chaque fois, ne vont jamais vers les véritables cibles. Et parmi les preuves, je m’empresserai de citer d’abord Ould Dadde lui-même, Commissaire aux Droits de l’Homme, qui prétend que jamais l’Etat mauritanien ne s’est intéressé à ces laissés-pour-compte. Un pied de nez à ses prédécesseurs ?

Il y a aussi le rapport d’un éminent consultant de la Banque Mondiale, Pierter Smiths qui, en 2002, démontra à partir de sa connaissance du terrain, comment les chiffres de cette institution et son argent de la lutte contre la pauvreté sensé être destiné aux esclaves ne faisaient que le bonheur de certains groupes esclavagistes. Car c’est dans leurs poches que se retrouvaient les financements.

Ainsi, pendant qu’ils grossissaient leur cheptel, les misérables esclaves eux continuaient à labourer et à s’occuper de troupeaux ! C’est ça la vérité et la vie d’un esclave dans ce pays où sa place est dans les champs à réaménager des domaines cultivables ; pendant que le maître sirote, à l’ombre, son thé et planifie les dividendes de ses avoirs. Il saute à l’œil aussi que les esclaves sont d’une manière systématique exclus de la redistribution économique des richesses du pays parce qu’ils sont éjectés des réseaux de solidarités tribales qui se partagent le pouvoir, l’argent et les terres.

Cet éloignement institutionnalisé de cette couche pauvre et paupérisée se ressent aussi à travers l’exclusion de ses cadres et diplômés. Ces derniers peinent à trouver leurs places, repères, d’où l’impossibilité à intégrer les vrais appareils de l’Etat. Ils sont rarement visibles dans les centres de décisions. Qu’ils soient esclaves ou Hratins, ils ne sont qu’une infime minorité à se faire repérer, et le plus souvent pour jouer le jeu de dupes ! Les bourreaux de leurs ancêtres les considérant toujours comme des moins que rien !

Les autorités actuelles affichent une nouvelle ambition. Elle pourrait dépasser les précédents discours. Les autorités actuelles ne peuvent en aucun être à l’origine de l’entame véritable d’une politique d’abolition de l’esclavage et de l’éradication de ses séquelles. Et ce pour plusieurs raisons. La première est celle des conditions même de leur apparition. Nous savons tous que le pouvoir issu du 6 août peine à obtenir d’adhésion des justes, de certaines forces politiques également. Surtout les personnes qui tiennent rigoureusement à l’Etat de droit et qui se sont battues sur ce front depuis des décennies.

Et vous ne pouvez perdre de vue que la junte militaire n’a aucun répit lui permettant de s’atteler à autre chose qu’à sa légitimité. Elle est acculée de toutes parts. Certes elle multiplie les promesses, mais j’ai fort peur que celles-ci ne se révèlent lamentablement démagogiques, et au service médiatique simplement. Surtout pour le règlement d’un problème aussi structurel que l’esclavage et ses séquelles. Bon, peut-être qu’il franchira les embûches, et ce sera une heureuse surprise. Je dis ça, avec la presque certitude que c’est impossible, d’autant plus que les groupes réfractaires aux traitements de cette question ont repris du poil de la bête, après le coup d’Etat pour être les principaux soutiens de ce dernier.

Quels sont vos rapports avec les différents partis politiques ? Est-ce qu'il y en a qui prennent en charge vos revendications?

J’éviterai de généraliser. Mais moi, en tant que personne, j’ai des liens réels avec des partis politiques, tout comme de forts rapports avec certains hommes politiques progressistes. Il va s’en dire, évidemment, que le premier d’entre eux est Messaoud ould Boulkheir. Mes rapports avec ce dernier sont d’abord empreints d’admiration pour le combat que l’homme a de tout temps mené et porté. La trajectoire de son combat et la constance de ses positions sur toutes les questions. J’admire en Messaoud, aussi, le fait qu’il ne se départit jamais de sa culture de l’honneur, garde sa dignité.

Et croit particulièrement en l’unité nationale de la Mauritanie. Sa parole, même devant le fer rouge, ne change pas. Contrairement à une grande majorité de nos hommes politiques, notabilités tribales, personnalités religieuses et autres. Lui n’est jamais volatile. Voilà pourquoi il force le respect.

En dehors de l’Alliance Populaire Progressiste, l’APP de Messaoud donc, je reconnais et apprécie d’autres formations politiques. Je pourrais situer les Forces de Libérations Africaines de Mauritanie, FLAM, TAWASSOUL, le mouvement Conscience et Résistance, et enfin l’Union des Forces du Progrès, UFP. Je considère que toutes ces mouvances font partie, plus ou moins, du mouvement abolitionniste mauritanien.

Vous n’avez tout de même pas l’air d’être satisfait des partis politiques.

Je leur suis reconnaissant, pour la sympathie de certains. Mais je reste, en effet, insatisfait de leur apport qui aurait pu être plus important. Et surtout que à chaque fois que d’aucuns ont fait des gestes, c’était pour des démarches politiques, voire électoralistes. Ils y voient donc un probable palier pouvant conduire au pouvoir ! Or, pour moi, pour qu’un apport demeure significatif et efficace, il doit éviter les invitations électoralistes. Un combat doit rester permanent, et non avancer par saccades.

Et l'esclavage, compte tenu de ses formes ignobles, mérite un sacrifice désintéressé. Surtout si l’on aspire à une société juste. Or, ici en Mauritanie, cette pratique ronge, mine, l'unité nationale. Il est nécessaire de saper tous les symboles des aristocraties tribales et surtout théocratiques, notre version locale du rite malékite. Lequel est foncièrement esclavagiste et discriminatoire.

Lors des étaux généraux, un document dit Conscience Hratine a été distribué aux visiteurs. Vous reconnaissez dans ses revendications?

Je vais peut-être vous surprendre. La rhétorique de ce document est si tiède que je ne m’y reconnais pas ! Quand bien même je soutiens le contenu. Sans me cacher, également, je considère que cette démarche de publier des statistiques, pour montrer la réalité des choses, doit être poursuivie. Et ses auteurs, les initiateurs, devront assumer jusqu’au bout ce qu’ils étalent sur la place publique. Comme ça, plus personne ne pourra dire je ne savais pas. Je fustige par contre l’attitude de ceux parmi eux qui tentent de se dérober ou d’entreprendre par lâcheté un mouvement de volte-face face à la colère des tenants de l’assujettissement et de l’instrumentalisation des cadres Hratin.

Franchement, est-il vrai que les Hratins soient exclus, marginalisés?


Les Hratin sont-ils marginalisés ? Ça saute à l’œil nu, pour tout étranger qui débarque en Mauritanie, à plus forte raison pour les nationaux que nous sommes. Ne nous voilons pas la face. Et je maintiens que je n’exagère rien ! Au contraire, je crois que je suis modéré, voire doux dans mes propos. Il suffit de voir les vrais scénarios de vie dans lesquels les esclaves sont confinés. Ce qui m’afflige, c’est qu’il y a une sorte de cécité, dans ce pays, qui pousse tout le monde à se refuser à voir les choses qui crèvent l’œil ! [Il arrête de parler et fait quelques tours le long de son bureau]. Soyons sérieux…

Que pensez-vous des prochaines élections de juin?

Je préfère, franchement, ne pas évoquer cette farce.

Pourquoi ?

Le sujet ne m’intéresse pas. J’ose espérer simplement que les gens ont tiré des leçons de l’élection de Barak OBAMA, aux Etats-Unis. Cela est valable pour tous les pays non démocratiques. Et pour m’en tenir à la réalité qui est la nôtre, je vous laisse le soin de deviner le scénario qui pourrait faire trembler. Bref, le message est là. Mais pas question d’inviter à une quelconque viole
nce. Tout doit se faire par la simple voie des urnes, de la démocratie. La lutte pacifique.

Propos recueillis par
Bios Diallo
Source : Al Mourabit (Mauritanie), N°27 du 11 février 2009

 

L'esclavage en Mauritanie - Interview à Biram Dah Abeid

 

Biram Dah Abeid est un responsable de l’Association mauritanienne SOS Esclave et conseiller à la Commission Nationale de Droit de l’Homme en Mauritanie. Il s’est engagé de longtemps dans la lutte pour l’abolition de l’esclavage. Ossin l’a interviewé pendant sa récente visite en Italie

1. Pouvez-vous parler de votre association au Public Italien ?


BDA: SOS-esclaves est une organisation généraliste des Droits de l’Homme qui met la lutte contre l,’esclavage en Mauritanie dans le coeur de ses activités. Elle a été créée en 1995 et a travaillé dans la clandestinité jusqu’à sa reconnaissance par le gouvernement en Mauritanie en 2005.

L’action de SOS-ésclaves a été émaillée par des tensions et bras de fer avec les différents gouvernements de la Mauritanie à propos surtout de l’esclavage domestique, agricole et sexuel qui continue a sévir et dont les victimes sont encore très nombreuses, se comptant par centaines de milliers et sont prédisposées à le subir par leur naissance selon la coutume et la religion dans ce pays.

SOS-esclave s’est aussi illustré par sa défense de toutes les victimes des violations des Droits humains, comme ceux de la torture, des arrestation arbitraires, de disparitions forcées, de jugements inéquitables, sans oublier son engagement a côté d’autres couches vulnérables de la société, comme les femmes, les mineurs, les handicapés et les victimes de la traite de personnes pour ne citer que ceux-là.

2. L’esclavage a été interdit en Mauritanie seulement en 1981. Pourquoi cette anomalie dans le cadre du Droit International?


BDA: L’historique du cadre juridique régissant l’esclavage dans la société maure n’a pas toujours été empreint d’un caractère abolitionniste, au contraire car bien avant l’Islam, l’esclavage a été déjà très ancré dans les sociétés des hommes de ces contrées saharo-sahéliens. Et après l’avènement de l’Islam, les groupes dominants dans nos différentes communautés arabes, berbères et noires réussirent à instrumentaliser les textes de la nouvelle religion pour légitimer et renforcer un système sociale esclavagiste.

 

Ensuite pendants la pénétration coloniale, les arabo-berbères obtinrent du colonisateurs Français des traités contenant des clauses non écrites mais solides maintenant sous leur joug une main-d’oeuvre servile abondante. Et pendant l’indépendance la Mauritanie en 1960, ces mêmes arabo-berbères héritèrent l’Etat postcoloniale de la France cachant et maintenant l’esclavage malgré des constitutions et des lois égalitaires en théories et la ratification de beaucoup de conventions pour donner le change à la communauté internationale.

 

En 1981 l’esclavage a été abolit sans toutefois être criminalisé ou pénalisé, et l’article 2 de cette abolition qui n’a jamais vu naître son décret d’application, disait: l’Etat va compenser les ayant droit qui ne sont que les maîtres détenteurs d’esclaves en contrepartie de cette abolition.

 

Donc cet même abolition n’a été qu’une reconnaissance de facto comme de jure de la légitimité et de la sacralité de l’esclavage mauritanien. Ainsi les maîtres ont continué de plus belles la séquestration de nombreuses populations serviles en réclament des créances à l’Etat à la lumière de cet abolition qui s’est transformée en ordonnance de séquestration des esclaves.

En 2007 le premier président démocratiquement élu en Mauritanie fait voter une loi criminalisant l’esclavage et les pratiques esclavagistes et fort de cet loi, moi même, en tant que chargé de mission de SOS-esclaves et conseiller de la Commission Nationale de droit de l’Homme , j’ai pu libérer 43 victimes d’esclavage domestique en présentant tous ces cas devant les autorités administratives, judiciaires et sécuritaires, même aucune enquête ou poursuite en bonne et due forme n’a été engagé, ce qui veut dire que la loi est toujours lettre morte car ce sont les membres des groupes esclavagistes qui dominent la justice, l’administration, l’armée, la diplomatie, la presse et le gouvernement ..etc

3. L’esclavage a été interdit mais il n’est pas encore considéré comme un crime en Mauritanie. Qu’est ce que votre association propose à ce sujet ?

BDA: Dans notre société, l’esclavage au lieu d’être considéré comme un crime, il est considéré comme une valeur sociale, plus même il est considéré comme un dogme de la religion musulmane, un pilier inhérent à la croyance et à la fois en Dieu. D’autre part la société elle même est hiérarchisée, castifiée de telle manière que les groupes dominants arabo-berbères doivent continuer à s’assurer une main-d’oeuvre servile et gratuite à travers l’esclavage, car le mode de vie et le partage des rôles dans la société leurs imposent cette attitude de groupe qui est anachronique et lourde de conséquences sur la paix civile.

A ce sujet notre association propose une campagne nationale systématique de dé légitimation de l’esclavage. Cette campagne doit être dirigée par des autorités supérieures de l’Etat à côté des chefs religieux, des élus du peuple et des membres de la société civile pour faire entendre à tous les citoyens que l’esclavage n’est non seulement une honte et un crime, mais aussi qu’il est contraire à la religion musulmane et qu’il représente un danger périlleux pour l’unité nationale en Mauritanie et la paix civile vue le nombre élevé des esclaves et anciens esclaves dans cet pays qui pâtissent d’une manière grave des séquelles de l’esclavage.

Il faut encore l’application de la loi soit systématique et rigoureuse pour créer la dissuasion contre les pratiques esclavagistes. En fin, il faut que l’Etat se charge de l’émancipation économique, sociale et culturelle des esclaves en leur créant des conditions de vie économiques meilleures en les scolarisant en dotant leurs villages et bidonvilles d’infrastructures sanitaires et hydrauliques et en insérant ceux qui viennent de quitter leurs maîtres dans la société.

4. Quel est votre opinion à propos du putsh des militaires ?


BDA: Mon opinion concernant le putsh du 06 Août 2008 en Mauritanie et que c’est une réaction des groupes dominants des milieux arabo-berbères racistes, esclavagistes et corrompus contre la démocratie, l’Etat de Droit et la bonne gouvernance en Mauritanie. C’est aussi une remise en cause de la stabilité politique et de la démocratisation en Afrique et dans la sous région. C’est aussi un défi pour la diplomatie européenne et occidentale à quel point elle peut rester ferme sur les principes qui sont à la base de ces relations avec le reste du monde.

5. Quelle est la situation sociale en Mauritanie ?


BDA: La situation en Mauritanie est très critique: il y a une minorité ethnique et de classes: les arabo berbères qui détiennent les leviers de commande politiques, économiques, militaires du pays au détriment de citoyens classés de seconde zone, c’est à dire les ethnies noires (Pulaar, Soninke, Wolof, Bambara) et des sujets de dernière zone que sont les Haratins (esclaves et anciens esclaves).

Les noirs sont victimes de racisme, de disparitions forcées, de déportations, d’exactions extrajudiciaires, d’expropriations et des radiations massives de secteurs publics et privés pendant les années de braises 1986 - 1992.

Les orphelins, les veuves, les radiés, les déportés et les victimes d’expropriation ne voient encore aucune ombre de vérité, de justice ou de réparations se profiler à l’horizon car les instigateurs de ce génocide, hormis l’ancien dictateur Maawuya Ould Sidi Ahmed Taya sont encore aux commandes du pays.

Quand à la large couche d’esclaves et d’anciens esclaves, pauvre et paupérisée, elle continue à subir impunément les pratiques esclavagistes ancestrales avec tous ce que cela comporte comme travail sans salaire, privation de scolarité, châtiment corporel, viol sexuel, expropriation foncière .. etc.

Ceux parmi eux qui vivent dans le monde rural sont enclavés dans des sortes d’Homeland sans le minimum nécessaire à la vie décente; quand à ceux qui ont fuient vers les villes, ils s’entassent dans des ghettos autour de grandes villes dans des milieux de paupérisation, de précarité totale et de délinquance ..etc.

Le 08 /12/08

 Source : Ossin (Italie)

 

 

Interview de Birame Ould Dah Ould Abéid

 

«Les autorités font tout pour nier l’existence de l’esclavage en Mauritanie et mettre les bâtons dans les roues du mouvement abolitionniste et des militants anti-esclavagistes »

    Dans la présente interview, que nous a accordée Birame Ould Dah Ould Abéid, membre de la Commission Nationale des Droits de l’Homme et de S.O.S. Esclaves, dans le cadre de la sortie du film «Chasseurs d’esclaves » produit par la télévision franco-allemande Arte, l’intéressé fait des révélations et brosse le tableau de la situation sociale du pays avec un focus sur la question centrale – celle de l’esclavage – phénomène que la société mauritanienne continue à appréhender comme étant normal et contre lequel personne ne doit s’insurger, ou se révolter. Quand à vouloir en sanctionner les auteurs, c’est du domaine de l’utopie.

    Comme vous allez le constater, il ne sera pas du tout tendre avec les magistrats, les officiers de police judiciaire, les administrateurs civils, les médias officiels qu’il considère comme les pires propagandistes de l’idéologie esclavagiste.

    Le Rénovateur Quotidien : Vous avez participé, avec Aminétou Mint Ely Moctar, à la réalisation d’un film d’Arte, intitulé «Chasseurs d’esclaves ». Comment est née l’idée de réaliser ce film?

    Birame Ould Dah Ould Abéid
    : J’ai été sollicité par Sophie Jeannot, qui est une journaliste-réalisatrice à Arte. Au cours d’une discussion que j’ai eue avec elle, elle m’a fait part de son intention de se déplacer jusqu’en Mauritanie pour nous accompagner dans l’une de nos actions pour libérer des esclaves en cas de plainte des leurs.

    Son arrivée a coïncidé avec une mission que je devais accomplir au nom de la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH). J’étais accompagné d’Aminétou Mint Ely Moctar.
    L’avocat Ishaq Ould Ahmed Hadi, qui devait être de la mission, s’est désisté à la dernière minute pour des raisons personnelles. Aminétou et moi sommes finalement partis seuls avec l’équipe d’Arte pour libérer Haby Mint Rabah, esclave depuis la naissance chez ses maîtres (Abdoulaye Ould Moctar et sa sœur Aminétou Mint Moctar).

    L’origine de cette mission, c’est la plainte introduite par Bilal Ould Rabah, frère de Haby Mint Rabah, auprès de S.O.S. Esclaves d’abord, puis auprès de la Commission Nationale des Droits de
    l’Homme (CNDH).

    Le Rénovateur Quotidien : Vous avez été mandaté, comme vous dites, par la Commission Nationale des Droits de l’Homme. Mais, concrètement, avez-vous rencontré des difficultés, des réticences sur le terrain de la part des autorités pour libérer Haby Mint Rabah ?


    Birame Ould Dah Ould Abéid
    : Effectivement ! Premièrement, nous avons dû faire face à
    l’hostilité manifeste des autorités administratives et judiciaires. Dès notre arrivée à Tiguint, nous avons été interceptés par un peloton de gendarmerie qui nous a cernés et conduits devant le chef
    d’arrondissement de cette bourgade.

    Nous nous sommes même engueulés avec lui puisqu’il voulait, lui et la gendarmerie, mettre en doute l’objet de notre mission en voulant nous empêcher d’y aller. Ils nous ont même empêchés de prononcer le mot «esclavage ». Ils ont voulu nous culpabiliser d’office en percevant notre mission comme une action subversive contre la société et l’Etat mauritanien.

    Le Rénovateur Quotidien : Et comment expliquez-vous ce refus de leur part ?


    Birame Ould Dah Ould Abéid
    : Ce refus s’explique par le fait que la société et l’Etat mauritanien restent dominés par l’idéologie esclavagiste. La pensée sociale continue à appréhender l’esclavage comme un phénomène normal et contre lequel on ne doit pas s’insurger, se révolter et qui ne doit pas attirer de sanctions, ni d’investigations.

    D’autre part, l’Etat mauritanien reste dominé par une communauté esclavagiste en l’occurrence la communauté arabo-berbère qui détient tous les leviers de commande du pouvoir.

    L’Etat aussi dans ses différents corps (administrateurs civils, magistrats, officiers de police judiciaire,…) est constitué en majorité d’esclavagistes. On ne peut compter sur de telles personnes, pratiquant l’esclavage pour le criminaliser, le combattre et l’éradiquer.

    Le Rénovateur Quotidien : Vous avez tenu beaucoup de conférences de presse sur la question de l’esclavage. Mais, visiblement, cela n’a pas servi à grande chose. Est-ce que c’est dans ce cadre que ce film a été réalisé, pour servir de moyen de pression sur les autorités pour qu’elles reconsidèrent davantage le problème de l’esclavage en Mauritanie ?

    Birame Ould Dah Ould Abéid
    : Je pense que ce film va constituer un jalon de plus dans la somme des documents visuels et sonores qui, sans aucune équivoque, mettent en lumière sur la question de l’esclavage en Mauritanie et mettent en accusation, devant l’opinion publique nationale et internationale, l’Etat mauritanien, ses fonctionnaires et ses oulémas qui essaient de cacher vaille que vaille la question de l’esclavage qui est un crime.

    Le Rénovateur Quotidien : On a vu dans ce film, un imam balayer du revers de la main l’existence de l’esclavage en Mauritanie. Cela vous écœure-t-il d’entendre de tels propos alors que tout le monde sait que l’esclavage existe en Mauritanie, sauf aux yeux de ceux qui le nient ?


    Birame Ould Dah Ould Abéid
    : Cet imam, c’est Mohamed El Hafedh Ould Enahoui, qui est un imam esclavagiste à plus d’un titre. Il est l’un des actionnaires dominants de la filière orientale de
    l’esclavage. Il fait passer des filles esclaves mauritaniennes vers le Golfe. Il est impliqué dans la tentative de faire passer une de ses esclaves, Zéina.

    C’est un imam qui pratique jusqu’à présent l’esclavage. Il a plusieurs femmes esclaves et sur lesquelles il exerce un esclavage sexuel.

    Le Rénovateur Quotidien : Pourquoi, ce monsieur n’est-il pas inquiété alors qu’il existe une loi criminalisant l’esclavage ?


    Birame Ould Dah Ould Abéid
    : Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi et son pouvoir n’ont pas fait la loi pour qu’elle soit appliquée. Ils ont fait la loi pour essayer de redorer le blason de la Mauritanie, en faisant de l’agitation et de la propagande sur cette loi. C’est pour faire le change devant la communauté internationale.

    Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi nie lui-même l’existence de l’esclavage. Il ne parle que de séquelles. Les ministres, les officiers de police judiciaire, les administrateurs civils ont classé tous les cas d’esclavage avérés qui ont été portés devant la justice et l’administration mauritanienne.

    Au jour d’aujourd’hui, depuis la promulgation de la loi (n°2007-048, Ndlr), il n’y a que 43 esclaves au total qui ont été libérés. Aucun des criminels soupçonnés d’esclavage n’a été poursuivi ni interpellé. Il n’y a aucune enquête en bonne et due forme.

    Le Rénovateur Quotidien : Quelle a été la réaction des autorités lorsque «Chasseurs d’esclaves » est sorti ?

    Birame Ould Dah Ould Abéid : Je ne sais pas, mais je sais que, lorsque nous avons amené Haby Mint Rabah, le Premier ministre de l’époque, Zéine Ould Zéidane, a joué des têtes et des pieds.

    Lui et sa directrice adjointe de cabinet, Mint Bourdid, ont inondé nos responsables supérieurs (la Commission Nationale des Droits de l’Homme, Ndlr) de plaintes et de messages pour dire que Haby Mint Rabah n’est pas une esclave, que c’était un kidnapping, que c’était femme libre qui vit avec ses parents.

    Le Premier ministre à l’époque (Zéine Ould Zéidane) était très solidaire des esclavagistes. Il avait même demandé qu’on reprenne Haby Mint Rabah pour la rendre aux gens présentés comme ses parents alors qu’ils ne sont que ses maîtres.

    Il n’y a pas un démenti plus grand que ces allégations tenues par le Premier ministre et sa directrice adjointe de cabinet.

    Le Rénovateur Quotidien : Au vu de tout cela, peut-on espérer la disparition imminente de
    l’esclavage en Mauritanie ?


    Birame Ould Dah Ould Abéid : Non ! On ne peut pas espérer une disparition proche de
    l’esclavage en Mauritanie. Loin s’en faut ! Les autorités, à travers l’action des magistrats, des officiers de police judiciaire, des administrateurs civils, à travers le discours des ministres, du Premier ministre et du président de la république, font tout pour nier l’existence de l’esclavage en Mauritanie et mettent les bâtons dans les roues du mouvement abolitionniste et des militants anti-esclavagistes.

    La destitution de l’ancien wali du Brakna, Sidi Maouloud Ould Brahim, qui a coopéré avec la mission de la CNDH qui a libéré la petite esclave Messouda Mint Hova des griffes de ses maîtres à Boghé en est une preuve évidente.

    Il est encore clair que les médias officiels (la radio et la télévision mauritaniennes) continuent à rebattre les oreilles des mauritaniens de discours négationnistes. Ces médias officiels subliment
    l’esclavage mauritanien en le rendant social, acceptable et sacré à travers plusieurs programmes comme El Beddaa qui met en relief toute l’arrogance ethnique et de classe de la communauté (arabo-berbère) qui détient tous les leviers de commande du pays.

    Cela dénote d’un grand mépris que ces autorités ont pour toutes les victimes, les militants des droits de l’homme en Mauritanie.

    Le Rénovateur Quotidien : Votre dépit et déception se comprennent parfaitement. Pensez-vous que le fait de porter la question de l’esclavage sur le plan international, comme en témoigne le film d’Arte (Chasseurs d’esclaves), reste l’unique solution de se faire entendre ?

    Birame Ould Dah Ould Abéid
    : Je pense que la seule solution, c’est de consolider le mouvement abolitionniste (mauritanien), le raffermir au niveau national, l’encadrer et surtout essayer d’explorer toutes les voies de lutte possibles.

    Mais encore, il faut s’inscrire dans le registre d’une dénonciation systématique de ce qui se passe en Mauritanie afin de porter la complicité des autorités mauritaniennes (politiques, judiciaires, religieuses…) devant la communauté internationale.

    Le Rénovateur Quotidien : Ne faudrait-il pas, toujours dans le cadre des voies de lutte contre
    l’esclavage, essayer d’initier une journée contre l’esclavage comme on l’avait fait au moment où la Mauritanie était confrontée au problème terroriste ?


    Birame Ould Dah Ould Abéid
    : Nous sommes sur un plan d’actions qui va englober tout cela. Il y aura bientôt une série de manifestations pour dire non à l’esclavage, mais aussi à certains anachronismes et phénomènes graves qu’on fait subir à des êtres humains en Mauritanie.

    Le Rénovateur Quotidien : La classe politique, dans son ensemble, est évasive sur la question de l’esclavage en dépit de son opposition de principe à ce phénomène. Pensez-vous que certains hommes politiques ont des privilèges à sauvegarder ?

    Birame Ould Dah Ould Abéid : Les partis politiques en général, ce sont des partis qui s’arriment à l’idéologie de la société. Je pense que, en dehors du parti APP (Alliance Progressiste Populaire, Ndlr) dont le chef Messaoud Ould Boulkhéir est le chantre incontesté de la lutte anti-esclavagiste en Mauritanie, le REJ ( Rassemblement pour l’Egalité et la Justice, Ndlr) de Cheikh Sid’Ahmed Dieng et Tawassoul de Jémil Mansour, il n’y a pas d’autres partis qui essaient de s’inscrire dans une optique abolitionniste.

    Je remarque que les autres partis n’accordent pas une importance à cela parce qu’ils ont une position de classe vis-à-vis de la question de l’esclavage.

    Le Rénovateur Quotidien : Je reviens de nouveau au film «Chasseurs d’esclaves ». Pensez-vous qu’il aura un impact au niveau des autorités ?

    Birame Ould Dah Ould Abéid
    : Je ne le pense pas. Aussi bien que les groupes dominants dont elles sont issues, les autorités sont imbues d’une forte arrogance et se caractérisent par une myopie qui va les perdre à la longue et je le regrette hélas. Ce film a eu un écho à l’étranger.

    A travers ce film, j’ai été invité par les députés verts au sein du parlement autrichien. J’ai été invité par des universitaires autrichiens et des personnalités françaises pour des contributions sur
    l’esclavage en Mauritanie, à la lumière de ce film.

    Le Rénovateur Quotidien : Récemment, notre pays, par la voix du Président de la République Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, s’est solidarisé avec Oumar El Béchir, le Président soudanais, accusé par le procureur de la Cour Pénale Internationale, de crimes commis au Darfour. En tant que défenseur des droits de l’homme, qu’en pensez-vous ?


    Birame Ould Dah Ould Abéid : Je soutiens sans réserve l’action de la Cour Pénale Internationale contre tous les criminels de droit commun, les coupables de crimes contre l’humanité, de crime de génocide ou de crimes de guerre.

    Omar Hassan El Béchir et ses collaborateurs doivent répondre des actes de génocide qu’ils ont commis au Darfour. La position de certains partis politiques et certaines personnalités notamment le Président de la République dénote que la Mauritanie et ses dirigeants reste encore un Etat réfractaire aux Droits de l’Homme.

    Contrairement à ce que disent certains détracteurs, la CPI n’est pas un tribunal américain ni un tribunal européen. La CPI est un tribunal international à laquelle les Etats de la communauté internationale, dans leur large majorité, hormis les Etats voyous comme le nôtre et le Soudan, ont déjà souscrit et ratifié la charte.

    En Mauritanie, il y a des criminels, notamment d’anciens chefs d’Etat ou hauts fonctionnaires de
    l’administration, qui doivent comparaître devant ce tribunal et nous ne ménagerons aucun effort pour qu’ils comparaissent.

    Le Rénovateur Quotidien : Vous venez d’évoquer d’anciens chefs d’Etat mauritaniens considérés par certaines organisations de défense des droits de l’Homme comme étant des criminels et des génocidaires. On cite souvent le nom de Maouiya Ould Sid’Ahmed Taya, qu’on accuse d’avoir commis des crimes

    contre les populations négro mauritaniennes. Actuellement, il vit, sans être inquiété, au Qatar. Etes-vous pour son extradition en Mauritanie pour qu’il réponde des accusations portées contre lui ?

    Birame Ould Dah Ould Abéid : Quand on l’extrade ici, il va trouver l’impunité ! Ici, c’est le pays de l’impunité. Il y a des gens qui ont commis des crimes de droits humains très graves, des crimes économiques, des crimes de génocide, des crimes contre l’humanité. Ces gens-là sont ici, sans pour autant être inquiétés.

    Pire encore, ils sont promus de jour en jour. Ils continuent de bénéficier des honneurs de la République. L’extrader ici (Maouiya Ould Sid’Ahmed Taya), non ! Je veux qu’il soit, comme tous les autres, jugé par la Cour Pénale Internationale.

    Mais le ramener en Mauritanie, c’est lui garantir une impunité totale. Ce n’est pas une justice de classe, une justice ethniciste, corrompue et prise en otage par des réseaux mafieux et esclavagistes qui peut juger ce genre de crimes et de criminels.


    Propos recueillis par Babacar Baye Ndiaye

    Source : Le Rénovateur (Mauritanie)

 

 

 Birame Ould Dah Ould Abeid à La Tribune

 

    « … le discours de la plupart des ministres et des chefs de missions (…) est resté «séqueliste » tout comme celui du chef de l’Etat. Il s’agit d’un négationnisme inlassable »

     Chargé de mission de SOS esclavage, Birame Ould Dah Ould Abeid, donne sa lecture de la campagne de sensibilisation sur la loi incriminant l’esclavage. Selon lui cette loi votée par le parlement en août 2007 est une version biaisée du texte initial élaboré durant la transition par le ministre de la Justice Mahfoud Ould Bettah. Birame Ould Dah Ould Abeid reproche entre autres à cette loi « la non prise en compte des problèmes de fond liés à la pratique esclavagiste ».

    La Tribune : Les autorités viennent d’entreprendre une vaste campagne de sensibilisation contre l’esclavage en Mauritanie. En tant que militant de droits de
    l’homme et membre actif de SOS-esclaves, êtes vous satisfaits ?



    Birame Ould Dah Ould Abeid : Pas du tout. Cette campagne n’était pas vaste contrairement à ce que vous dites. Elle était circonscrite. Donc limitée, non seulement dans le temps mais dans l’espace. Elle n’a été faite que dans les centres urbains ou chefs-lieux de département. Ceci n’est qu’une goutte d’eu dans l’océan, un coup d’épée dans l’eau. L’esclavage est une idéologie, une croyance une fois en Mauritanie.

    La Tribune : Pourtant ces chefs lieux de département sont des poches importantes de pratiques esclavagistes. Ce qui montre qu’une campagne ébranlée à partir de ces endroits peut bien avoir sa pertinence…

    Birame Ould Dah Ould Abeid : Parmi les poches de l’esclavagisme, il y a la capitale, Nouakchott qui n’a pas fait l’objet de cette campagne. Même dans les missions diplomatiques à l’étranger, l’esclavage est vécu…

    La Tribune : Pouvez vous citer des cas concrets ?

    Birame Ould Dah Ould Abeid : Plusieurs exemples d’ailleurs. Il y a ici un haut fonctionnaire de la Mauritanie qui détenait plusieurs esclaves à l’étranger. Ce n’est
    qu’après avoir quitté le poste qu’il s’est trouvé obligé de s’en départir.

    La Tribune : Mais, la loi contre l’esclavage a été votée par le parlement mauritanien, dont on peut dire aujourd’hui qu’elle reflète les aspirations des mauritaniens. Sans compter qu’il a été tenu compte de certaines propositions de SOS-esclaves. Qu’est-ce qui justifie votre pessimisme vis-à-vis de ces missions qui se sont rendues à l’intérieur du pays ?

    Birame Ould Dah Ould Abeid : Parlant d’abord du parlement, son vote ne reflète en rien la volonté ni de l’élu lui-même, ni des populations. Il y a des députés et des sénateurs qui ont voté la loi par obéissance au gouvernement et qui sont impliqués dans les cas
    d’esclavage. Leur vote te leur propos en public ne peuvent en aucun cas illustrer leur vie privée. Sauf dans de rares cas. S’agissant de SOS-esclaves, elle a marqué des points en faisant amender la loi. Mais elle n’est pas satisfaite encore.

    Le droit de cuissage, ‘tjowri’ en hassaniya n’a pas été incriminé dans la loi. La captation de l’héritage non plus n’a pas été explicitement criminalisée. Ce qui laisse une marge de liberté aux juges issus de couches esclavagistes pour débouter les esclaves par le biais d’interprétations déculpabilisant les maîtres… Les peines prévues sont loin d’être à la mesure du crime d’esclavage qui a été pratiquement « délictualisé »…On ne parle même pas du refus aux ONGs du droit d’ester en justice en faveur des victimes.

    En ce qui concerne les missions, notre pessimisme se justifie par rapport au processus même qui nous a conduits à cette campagne. Ce processus a débuté avec la mise en place du pouvoir démocratique. Il y a eu rejet aux oubliettes par le gouvernement actuel du projet ed loi confectionné sous le régime de la transition et sous le parrainage du ministre de la justice de l’époque Mahfoudh Ould Bettah. Ce projet de loi était beaucoup plus progressiste que le projet de loi ordurier que Zeine Ould Zeidane a présenté au parlement.

    Les amendements qui y ont été faits, l’ont été grâce à l’engagement du président Messaoud Ould Boulkheir et non par la volonté du gouvernement. L’autre problème,
    c’est que le coup d’envoi de la campagne fait par Sidi Ould Cheikh Abdallahi a été entaché de négligences en haut lieu. Et ces missions sont venues couronner la mauvaise foi des autorités supérieures de l’Etat en ce qui concerne l’éradication de
    l’esclavage. Ceci à travers plusieurs paramètres. Le premier paramètre se trouve être le discours de la plupart des ministres et des chefs de missions. C’est un discours resté «séqueliste » tout comme celui du chef de l’Etat. Il s’agit d’un négationnisme inlassable.

    On continue à parler de séquelles et non de pratiques avérées. On rassure les maîtres et on inquiète davantage les victimes…Même le temps imparti à la campagne relève du ridicule. Qu’une idéologie, des cultures et des « valeurs esclavagistes », résultats d’un matraquage séculaire puissent être extirpées le temps d’un seul discours de ministres, cela relève de l’utopie et de l’irréalisme. Les médias publics de l’Etat n’ont pas fait une couverture approfondie de cette campagne qui d’ailleurs n’a pas été orientée sur la vulgarisation de la loi.
     
    La Tribune : Y a-t-il eu des témoignages d’esclaves durant ces campagnes qui ont retenu l’attention des missionnaires ?

    Birame Ould Dah Ould Abeid : Il y a beaucoup de témoignages sur des cas d’esclavage. Il y a même eu des plaintes de victimes qui ont émaillé les journées. Que ce soit à Bir Moghrein, à Yaghref, à Atar, Medredra ou dans l’Assaba et aux Hodhs. Ce qui nous confirme l’attitude malveillante et hypocrite des autorités, c’est que tous ces cas avérés d’esclavages ont été déformés, niés ou ignorés par les autorités. J’en veux pour preuves, le cas de Oumoulkheir à Atar, celui de Haby Mint Rabah à Mederdra, etc. Ce sont des gens qui sont encore sous le joug de l’esclavage et dont les maîtres sont couverts par les autorités.

    Seul le cas de Vatma Mint Boulkheir exposé à Bir Moghrein a été traité séance tenante par le Wali du Tiris Zemmour, Ahmed Vall Ould Messaoud. Il s’agissait d’une femme qui avait fui ses maîtres au Sahara. Elle était avec ses deux filles. Le Maître avait envoyé une procuration en septembre 2007 à son cousin installé à Bir Moghrein pour lui signifier qu’il lui donnait l’eautorité sur ses esclaves. Et lorsque l’une des filles a voulu se marier, le nouveau maitre mandaté a exigé 300 000 UM. La pauvre femme a rassemblé avec toutes les difficultés 150 000 qu’elle a présenté à son nouveau maître qui finit par accepter.

    Quand la seconde voulut se marier ; il a exigé 400 000 UM. Et le mariage fut bloqué. Elle a porté publiquement plainte devant la mission. C’était le mardi 12 février 08 en présence du wali. Celui-ci a ordonné à la gendarmerie d’arrêter l’esclavagiste. Ce dernier s’est enfui pour aller se cacher au Sahara. Le wali a appelé les autorités sahraouies qui ont fait restituer l’argent et ont promis de sévir contre les deux coupables. D’autre part le wali a ordonné au préfet d’autoriser le mariage entre la fille et son prétendant, un militaire comme le mari de la première. Ce mariage a été scellé avant-hier (jeudi 14 février, ndlr)

    Propos recueillis par
    Kissima


    Témoignage :
     
    Je m’appelle
    Bilal Ould Rabah, j’ai 33 ans. J’étais charbonnier à Oueyviye, 49 Km Rosso. Je suis analphabète. Actuellement je ne travaille pas. Je suis venu à Nouakchott il y a près de trois semaines. Je suis venu me plaindre de mes maîtres avec qui ma grande sœur est restée en esclavage dans la localité Eychaya relevant du département de Mederdra. Elle a un enfant de trois ans, né handicapé physique. L’enfant est muet. Le père de cet enfant est le frère de la maîtresse de ma soeur.

    A
    Rosso, j’ai rencontré le wali du Trarza en compagnie de Boubacar Ould Messaoud (président de SOS-esclaves, ndlr). C’était le mardi 5 de ce mois. Il nous a envoyés à la brigade de gendarmerie de Mederdra. Le chef de brigade qui devait venir nous voir à 15 heures n’est venu nous voir que le lendemain matin à 8 heures. Il nous a accompagnés jusqu’au puit où ma sœur travaillait pour ses maîtres. Nous l’avons trouvée en train de puiser de l’eau…

    Elle s’apprêtait à charger les outres remplies sur les ânes. Je lui ai demandé de nous suivre. Elle nous a dit qu’elle ne pouvait pas quitter sa maîtresse qui était malade. J’ai demandé les nouvelles de son enfant. Elle m’a répondu qu’ils l’ont fait consulter au dispensaire de
    Tiguint…Le chef de brigade de la gendarmerie nous a dit de ne pas la déranger. Boubacar a réagit en français. Je ne comprends pas cette langue. Donc je ne peux pas savoir ce qu’il lui a dit.

    Nous sommes ensuite partis pour
    Nouakchott. Une semaine après, je suis parti à Medredra pour exposer le cas de ma sœur devant la commission de sensibilisation du Trarza. J’ai déclaré devant cette commission qu’ayant fait part aux autorités de la condition de servilité dont souffre ma sœur, elles n’ont pas daigné m’écouter et qu’elles n’ont rien fait pour m’aider. Voyant que le président de cette commission n’a pas accordé une importance à mon témoignage, j’ai décidé de porter plainte contre toutes ces autorités qui ont été informées et qui ont préféré se taire sur le cas de ma sœur qui est encore dans la servitude.

    20/02/2008

    La Tribune n° 387

     source : La Tribune (Mauritanie)

 

 

 Birame Ould Dah Ould Abeid

Birane Ould Dah Ould Abeid est militant anti-esclavagiste et membre de SOS Esclaves. Pendant la dernière campagne pour l’élection présidentielle, il était le porte-parole du candidat Zein Ould Zeidane.

« Je pense que les élus tiendront compte de nos observations »

Nouakchott Info : Pensez-vous que les parlementaires vont s’approprier les amendements au projet de loi portant incrimination et répression de l’esclavage proposés par SOS Esclaves ?

    Birane Ould Dah Ould Abeid : L’esclavage dans notre pays mine notre unité à l’intérieur et nous déshonore à l’extérieur. Cette pratique fait peser de menaces graves sur la paix civile et représente un handicap de taille pour le développement. C’est pourquoi, le projet de loi portant criminalisation et répression des pratiques esclavagistes doit représenter une réponse adéquate. Nous positivons et nous soulignons l’avancée non négligeable qui est à mettre à l’actif de la coalition au pouvoir.

    Cette avancée a sorti l’Etat mauritanien de son enlisement dans une bataille sémantique et terminologique contre un mouvement abolitionniste. Ce mouvement qui s’en sort avec davantage de crédibilité à l’intérieur et à l’extérieur. Néanmoins, les lacunes de taille que comporte le projet de loi doivent interpeller tous les mauritaniens. Cette loi indispensable à la concorde, à l’harmonie et au développement ne doit pas connaître le sort de celles d’avant. Autrement, nous ne sortirons pas de l’auberge des divisions et du déshonneur.

    Esclave, épaulé par de larges franges de la société civile et de la classe politique, a mené une campagne de sensibilisation auprès des autorités et des élus. Cette campagne, largement relayée par les médias nationaux et internationaux montre la pertinence des amendements apportés au projet de loi par notre organisation. La prise en compte de ces amendements permettra à la Mauritanie de prendre le chemin de la rupture avec des pratiques inhumaines et dégradantes. C’est pourquoi, je suis optimiste. Je pense que les états major politiques des groupes parlementaires et les élus prendront en compte nos observations.

NI : Vous avez été porte parole du candidat Zeine Ould Zeidane pendant la campagne pour la présidentielle. Il est premier ministre. Vous n’avez pas été nommé. Qu’est-ce qui s’est passé ?

    BODA : Mon adhésion à la candidature de Zein Ould Zeidane à la présidence de la République relevait de mon souci de faire la jonction entre le mouvement moderniste et jeune qui soutenait Ould Zeidane et le mouvement abolitionniste dont je suis un pur produit. Il est indéniable que le programme du candidat que j’ai soutenu était le plus abolitionniste après celui du président Messaoud Ould Boulkheir qui, lui, est le chantre incontesté de la lutte contre l’esclavage et toutes les autres formes d’injustice dans notre pays.

    Je voudrai préciser que mon adhésion à la candidature de Zein Ould Zeidane n’était assortie
    d’aucune condition de nomination ou de «
     casage ». Ma motivation état d’ordre politique et idéologique. Je peux citer à titre d’exemple les engagements pris dans le sens de la refonte de l’Etat et du règlement des grandes questions pendantes : le passif humanitaire, les déportés, l’esclavage, les relations avec Israël, le dossier des présumés salafistes…

 24 juillet 2007

Propos recueillis par Kh Diagana

 Source : Nouakchott Info

 

  

 

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