A.H.M.E.

COMMUNIQUE 354:  

 

 

14 juillet:"de qui se moque-t-on?", demande des Africains

Le Béninois Francis Kpatindé a baissé le son de sa télévision, mercredi 14 juillet , quand les soldats de 13 pays africains défilaient à Paris, pour la fête nationale française. "De qui se moque-t-on?", s’est-il demandé, choqué que Paris célèbre ainsi l’indépendance de ses ex-colonies. "Est-ce qu’on imaginerait que le Royaume-Uni...

...demande au président américain de venir commémorer à Londres l’indépendance des Etats-Unis" ? interroge M. Kpatindé, ancien rédacteur en chef de l’hebdomadaire Jeune Afrique, né il y a 54 ans au Dahomey, actuel Bénin. Ce porte-parole d’un organisme international à Dakar, s’exprimant à titre strictement personnel, n’a pas non plus apprécié de voir des chefs d’Etat africains au pouvoir depuis 23 ou 28 ans entourer le président français. "La plupart des dirigeants africains convoqués à Paris n’incarnent pas l’Afrique de l’espoir, l’Afrique des Lumières, l’Afrique de la démocratie", a-t-il jugé, soulignant que "plusieurs d’entre eux sont d’anciens officiers ayant troqué l’uniforme militaire contre un costume de chef d’Etat". A Dakar, le directeur de la radio privée sénégalaise Futurs Medias, Mamoudou Ibra Kane, a aussi senti "l’exaspération" le gagner, au moment de cette "grande parade sur les Champs-Elysées". Pour lui, la plupart des Sénégalais ne pouvaient pas se reconnaître dans cette cérémonie parisienne. "C’est très difficile de faire passer dans l’opinion qu’il est pertinent pour l’ancienne puissance coloniale de célébrer elle-même, dans sa capitale, les 50 ans d’indépendance de ses anciennes colonies", relève-t-il. "Le président Nicolas Sarkozy ne s’est pas déplacé en Afrique pour les célébrations des indépendances. Et on voit des chefs d’Etat africains accourir autour de lui pour le 14 juillet, jour de la fête nationale française (...) Cela illustre peut-être ce complexe du colonisé que certains gardent encore vis-à-vis de Paris", suggère-t-il. Pour le politologue béninois Paulin Missihoun, de l’Université d’Abomey Calavi à Cotonou, "c’est bien d’aller défiler sur les Champs-Elysées, mais au-delà de ce simple défilé, l’Afrique francophone attend plus de sincérité dans les relations avec l’ancienne puissance coloniale". "La France - comme le disait un homme politique de ce pays - n’a pas d’amis, elle n’a que des intérêts. C’est fou de penser que le fait d’être invité à un défilé militaire doit changer quelque chose. Que non! Les Africains doivent faire face à leur avenir et arrêter de compter sur et avec la France". A Libreville, où le défilé était retransmis en direct par la première chaîne publique de télévision, la presse gabonaise était partagée mercredi. "Le Gabon et l’Afrique honorés à Paris", titrait en une Gabon-Matin, édité par l’Agence gabonaise de presse (officielle). Ce quotidien se réjouissait que "des contingents du continent noir" puissent "témoigner, sur le sol où sont tombés des milliers de braves tirailleurs (soldats africains ayant combattu dans l’armée française, ndlr) des progrès réalisés par les pays d’Afrique en matière de défense et de sécurité". Mais le bimensuel gabonais privé Misamu présentait plutôt comme """"un triste jour" ce "14 juillet 2010 qui ravive le souvenir de tant d’années de colonisation, de domination, de spoliation, d’humiliation, de chosification". L’invitation à défiler à Paris "embarque des âmes naïves dans des considérations qui n’ont de sens qu’aux yeux du colonisateur alors que bien d’Africains n’y voient que démagogie et grossier mensonge d’un pays qui n’a guère changé dans sa considération envers ses anciennes colonies. Une considération empreinte de mépris", a estimé Misamu.

Afp

 

 

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