A.H.M.E.

COMMUNIQUE 334:  

 

 

                          UNION DES FORCES DE PROGRES (UFP)

                                          Souveraine gabegie




                                                                                         Sommaire


La présente note, intitulée « Souveraine gabegie », est relative à la gestion par le pouvoir des grandes Entreprises Publiques en particulier, et des finances publiques en général.

Elle rappelle tout d’abord la tendance du gouvernement d’Ould Abdoul Aziz à ne pas respecter la réglementation en matière de dépenses publiques. Tendance qui s’explique par « l’origine putschiste » du pouvoir actuel. Quelques exemples : le sort réservé aux 50 millions de $ octroyés par l’Arabie Saoudite et dépensés sans avoir été soumis au parlement ; les 9 milliards engagés dans le cadre de la dernière opération d’urgence sans que soit préalablement pris le décret d’avance les programmant.

S’agissant de la gestion des Entreprises Publiques, le document révèle que trois d’entre elles (SOMELEC, SNDE, SOMAGAZ) croupissent sous une dette colossale des banques privées (55 milliards) consentie sous forme de découverts avec des intérêts de 25%, situation qui profiterait à « 4 ou 5 hommes d’affaires et banquiers mauritaniens qui se verraient offrir l’équivalant de 10 fois le budget alloué aux projets prioritaires de lutte contre la pauvreté et destiné à un million quatre cent mille (1 400 000) Mauritaniens vivant dans l’extrême pauvreté : le tout, en dormant sur leurs deux oreilles et sur le dos du contribuable ».

La note cite une étude réalisée sur financement de l’Agence Française de Développement, selon laquelle la situation de la SOMELEC serait catastrophique et donc révélatrice de cette politique démagogique, dans la mesure où la charge financière de cette société pour 2010 s’élève à « 15% du chiffre d’affaires, plus que la charge du personnel 12%, mettant la SOMELEC en situation de quasi-faillite ».

Le document précise en outre que le pouvoir, non seulement gère mal les Entreprises existantes, mais continue d’en créer de nouvelles « qui sont autant de gouffres financiers ». Il cite à ce propos la création de deux Entreprises nouvelles : Maurtanian Airlines et la Société de Transport Public, la STP, et se pose la question de savoir « à quoi rime cette obsession des autorités à créer des Sociétés Publiques ? ». Réponse : la volonté du pouvoir de régler des comptes avec des hommes privés à la fidélité politique douteuse ou encore plus « simplement de mettre la main sur toutes les ressources de l’Etat à travers des Entreprises Publiques aussi déficitaires et inopportunes qu’elles soient, mais qui sont autant de sangsues permettant de ponctionner les maigres ressources du trésor public ».

En conclusion, l’UFP suggère la création de Commissions parlementaire sous le haut patronage du Président du Sénat, du Président de l’Assemblée Nationale, du Premier Ministre et du leader principal de l’Opposition. Leurs missions:

Commission 1
- Etablir la situation exhaustive des engagements des entreprises publiques et clarifier les conditions d’attribution des marchés publics.

Commission 2
- Réaliser l’audit des comptes du trésor public et établir la situation d’exécution du budget de l’Etat en recettes et en dépenses sur les trois dernières années

Commission 3
-Etablir la situation exhaustive des engagements hors budget de l’Etat.

Introduction

Bien gérer les Entreprises Publiques est une condition nécessaire de la bonne santé de ces entités dont l'existence et la pérennité sont importantes pour la fourniture de biens et services aux citoyens, en particulier les plus démunis.

Au lieu de s'atteler à cette tâche, le pouvoir en place s'est évertué, par une gestion calamiteuse et irresponsable, à enfoncer les Entreprises Publiques les plus importantes au plan social (SOMELEC, SNDE, SOMAGAZ, ....) dans une situation financière catastrophique qui, si elle continuait, conduirait fatalement à leur faillite, privant ainsi le citoyen de services et produits de base essentiels.

Au lieu de sauvegarder la pérennité de ces Entreprises, de concevoir et mettre en œuvre des politiques pour la fourniture des services et produits de base aux citoyens à des conditions accessibles, le pouvoir s'est lancé tous azimuts dans la création de nouvelles entreprises, sans étude préalable et avec un grand tapage médiatique et démagogique vantant sa prétendue volonté de créer des entités au service des plus démunis. Et ce, au moment où l'on a purement et simplement abandonné la SONIMEX, laissant ainsi le champ libre à des monopoles privés de fait, régnant sans partage sur le marché de denrées de première nécessité avec les conséquences que l'on sait en matière de montée vertigineuse des prix.

Cette vaste entreprise s’accompagne d’une gestion princière des finances publiques depuis près de trois ans.

Dans ce qui suit, nous tenterons de lever le voile sur la partie visible de l’iceberg afin d’attirer l’attention sur le danger, que cela représente pour le pays et suggérer une démarche pour y mettre un terme.

I Gestion princière des Finances Publiques

On savait le pouvoir très peu enclin, en général, au respect de la légalité (peut-il en être autrement pour un régime issu d'un coup d'Etat ?). On pouvait deviner que ses origines et sa culture putschistes auraient des effets sur son respect des procédures de Dépenses Publiques. De nombreux indices montraient que la seule légalité qui valait pour le régime en place, était celle qui allait dans le sens des seules volontés de son Chef Suprême. Bref rappel de quelques exemples récents :

- Les 50 millions de $, offerts par l'Arabie Saoudite, et destinés au renforcement de notre système de sécurité, dont le sort n'a jamais été éclairci, et dont l’utilisation n’a jamais été soumise à l'examen du Parlement. N’empêche, le Président de la République a publiquement fait l’aveu d’en avoir dépensé une partie, ce qui constitue une très grave infraction économique passible de poursuites judiciaires.
- Le Décret d'Avance de la dernière opération de solidarité (9 milliards) a été signé deux mois après l'exécution du volet de cette opération relatif à la stabilisation des prix. C'est ce qu'on appelle mettre la charrue avant les bœufs. La vente des terrains des anciens Blocs Rouges, qui a été le prétexte au racket des deux plus importantes institutions économiques du pays (la BCM et, plus particulièrement, la SNIM) était, semble-t-il, destinée à couvrir une partie de l’opération, en attendant la bienveillance de la prochaine mission du FMI.
- Deux localités (Termesse et M'Beit Lahwach), fruits de l’imagination du chef de l’Etat, surgissent des sables, financées à coût de milliards, sur fonds publics, sans que les budgets relatifs à leur création aient été soumis à l'avis des élus du peuple.
- L’ultra concentration du pouvoir de décision financière entre les seules mains du chef de l’Etat permet à celui-ci de piétiner au quotidien, sans gêne, et la loi des finances et les procédures et règlements en vigueur. De ce fait, les finances du pays sont gérées comme un bien personnel.
Il était prévisible qu’une telle gestion mette l’économie du pays dans un état déplorable. Comme l’a confirmé l’équipe du FMI dans son rapport sanctionnant la Première Revue de l’Accord Triennal au titre de la Facilité Elargie de Crédit (séjour en Mauritanie du 15 au 26 septembre 2010) « fortement tributaire du secteur minier, qui, en 2010 représente 75% des exportations du pays, mais seulement 3% de l’emploi. Près d’un Mauritanien sur deux vit en deçà du seuil de pauvreté, et une partie importante de la population continue d’être aux prises avec l’insécurité alimentaire »

II Faillite des Entreprises Publiques et menaces sur le système financier et bancaire

On savait tout ce qui précède, ou on le pressentait. Ce que l’on ignorait, c’est qu’une catastrophe autrement plus sérieuse se préparait, dont les dimensions dépassent l’entendement du Mauritanien moyen. Un tsunami dont l’épicentre se situe au cœur des Entreprises Publiques les plus importantes.

La question est on ne peut plus sérieuse. Il ne s’agit ici ni des 90 milliards que l’Etat a empruntés allègrement sous forme de Bons du Trésor, ni des arriérés fournisseurs sur l’Etat qui avoisinent les 40 milliards d’ouguiya cumulés en seulement 3 ans (soit près du double des 22 milliards que le régime du colonel Taya avait accumulés en 20 ans). C’est beaucoup plus insidieux et juridiquement plus complexe : il s’agit de la dette des Entreprises Publiques auprès des banques privées locales et donc de la gestion de cette partie vitale du patrimoine de la collectivité.

Que l’on s’entende bien, il ne s’agit pas ici de remettre en cause la pertinence pour un Etat de disposer d’Entreprises Publiques, particulièrement dans des secteurs sociaux où l’obligation de résultat ne se mesure pas seulement à travers le solde du bilan comptable, mais aussi à travers(i) la qualité du service rendu aux populations et (ii) la santé économique de l’Entreprise confirmant sa viabilité et donc son aptitude future à remplir la mission qui est la sienne.

Il est aujourd’hui établi, que trois Entreprises Publiques totalisent à elles seules 55 milliards d’ouguiya de dettes (Somelec ; 35 milliards ; SNDE : 12 milliards ; Somagaz : 8 milliards) pour un taux de découvert moyen effectif de 25%, soit une charge bancaire annuelle de 13 milliards 750 millions d’ouguiya (ou l’équivalent de 2 fois le budget de la Santé, 2.5 fois celui du Développement Rural ou encore 7 fois celui des Affaires Sociales de l’Enfance et de la Famille).

Face à une telle situation, tout observateur doué d’un minimum de bon sens est en droit de se poser les questions suivantes :

Le remboursement de la dette des Entreprises Publiques est-il envisageable ?
Essayons d’être optimistes et prenons l’hypothèse d’un rééchelonnement, en faisant abstraction des inévitables nouveaux besoins en financement de ces Entreprises structurellement déficitaires. Il faudrait, dans cette hypothèse, verser aux banques un montant annuel de 19 milliards 368 millions d’ouguiya. En d’autres termes, 4 ou 5 hommes d’affaires et banquiers mauritaniens se verraient offrir l’équivalant de 10 fois le budget alloué aux projets prioritaires de lutte contre la pauvreté et destiné à un million quatre cent mille (1 400 000) Mauritaniens vivant dans l’extrême pauvreté ; le tout, en dormant sur leurs deux oreilles et sur le dos du contribuable.

L’Etat peut-il, dans de telles conditions, échapper à la faillite financière ?
Derrière la faillite des Entreprises Publiques concernées, c’est celle du système bancaire lui-même qui se profile. Le non-paiement de cette dette provoquera la faillite automatique du système bancaire et donc la perte des avoirs des déposants entraînant des banqueroutes en cascades, dans tous les secteurs économiques.

L’ossature de l’Etat fragilisé à l’extrême par la déstructuration de l’appareil administratif, ne pourra y résister, et aucune force n’aura le pouvoir de maintenir la cohésion d’un tissu social fragmenté, miné par l’injustice, l’ignorance et la misère.

Il est évident que la faillite prévisible et inéluctable des principales Entreprises Publiques, aura des conséquences désastreuses sur les finances de l’Etat et sur toute l’économie. En attendant, on devine aisément le calvaire moral des dirigeants de ces entités, du moins ceux d’entre eux dotés d’un minimum de conscience patriotique ou entrepreneuriale, face au spectacle de leurs Entreprises saignées à blanc par les banques.

Les décideurs politiques pensent-ils sérieusement pouvoir afficher, à perpétuité, « des réalisations » financées sur découvert bancaire ?
Un tel comportement en dit long sur le phénomène «Président des pauvres ». On le sait bien, il ne dispose pas d’une baguette magique pour réaliser ce que ses prédécesseurs n’ont pu accomplir. Son seul « atout », pour multiplier les « réalisations », est qu’il est infiniment plus porté à prendre à la légère, des engagements sans se préoccuper de sa capacité à les respecter et encore moins de leurs éventuelles conséquences négatives sur le patrimoine de la Nation.
Car obliger des Entreprises Publiques aux missions sociales fondamentales, à systématiquement financer leurs activités par des découverts bancaires, est techniquement absurde et ridicule, économiquement suicidaire et juridiquement passible de poursuite pour crime économique. Toute entrée de trésorerie est aussitôt engloutie par les intérêts sur les découverts présents. Et tout besoin nouveau de financement ne fera qu’alourdir davantage la charge financière dans un infernal engrenage dont le terme fatal sera sinon la mise en faillite, du moins une privatisation au rabais.

A-t-on eu à l’esprit ce réflexe premier, de tout planificateur responsable, qui consiste à hiérarchiser les priorités en faisant un bon arbitrage entre des secteurs sociaux tous prioritaires ?
Dans cet ordre d’idées, à quoi peuvent bien servir l’extension limitée d’un réseau électrique ou la construction de quelques kilomètres de routes goudronnées, quand l’une et l’autre sont réalisées au détriment des exigences élémentaires en matière d’Education, de Santé et de lutte Contre la Pauvreté ?
C’est un peu comme si un chef de famille, non content d’arracher ses enfants à l’école, de les « mal-nourrir » et de sacrifier leur santé, s’endettait pour le seul plaisir de les exhiber dans des habits neufs, deux ou trois jours de fête par an.
Le rapport de l’étude sur la Restructuration du Secteur de l’Electricité en Mauritanie, réalisée cette année sur financement de l’Agence Française de Développent (AFD), affirme que la SOMELEC paie aux banques privées sous forme d’intérêt sur les découverts, des montants supérieurs à sa masse salariale ! Ainsi, la charge financière de la société de l’électricité a englouti en 2010 « 15% du chiffre d’affaires (plus que la charge du personnel 12% !), mettant la SOMELEC en situation de quasi-faillite »

Les perspectives à court et moyen terme sont encore plus sombres, dans la mesure où la SOMELEC, déjà structurellement déficitaire (la production d’un kw n’est couverte qu’à 25% par la vente), entend doubler sa production en 2012. Aussi, comment compte-t-on faire pour lui éviter la banqueroute financière qui se profile à l’horizon et qu’induit son modèle de fonctionnement ? Plus elle produit, plus elle perd, dans les proportions d’un facteur démultiplicateur. A un moment où le plan d’action élaboré pour un réel redressement de cette Entreprise et qui s’étale sur six ans (2009-2015), chiffre les besoins de financement à 244 millions d’Euros soient cent milliards d’Ouguiyas !
Croit-on réellement pouvoir relever ce défi en recourant aux découverts bancaires ?

La SOMAGAZ, quant à elle, n’est pas dans une meilleure situation. En sus du poids de la dette soulignée plus haut, elle est l’objet d’une gestion calamiteuse que symbolisent ses coûts d’importation deux fois supérieurs à ceux de nos voisins du Sénégal (1420 $ la tonne contre 600 $).
Son approvisionnement traverse lui aussi une période de grande incertitude, dans la mesure où son appel d’offre lancé cette semaine a été déclaré infructueux, faute d’un nombre suffisant d’offres (un seul soumissionnaire). La légitime question se pose alors de savoir à qui profite sa mort programmée, comme l’est celle de la SONIMEX, toutes deux piliers de toute politique d’approvisionnement au profit des populations les plus pauvres.

De manière plus générale, le secteur stratégique de l’énergie travers ces jours-ci, par la faute des tâtonnements du pouvoir, une zone de fortes turbulences, au point ou l’approvisionnement du pays dans les trois volets du secteur n’est plus sécurisé.

Ainsi :
- i) l’étude financée par l’Agence Française de Développement (l’AFD), censée constituer une feuille de route pour la SOMELEC, lui donnant une visibilité sur l’avenir, tarde à être validée par le Gouvernement.
- ii) l’appel d’offre pour le cabotage (transport de Nouadhibou à Nouakchott) du carburant, lancé cette semaine, a été lui aussi déclaré infructueux par manque de candidats intéressés. Exactement comme l’a été celui de l’approvisionnement du pays par la Somagaz. C’est comme si le manque de transparence du pouvoir, dans le domaine de l’attribution des marchés publics, fait fuir les fournisseurs étrangers.

Le plus affligeant dans tout cela, est que les pouvoirs publics ne semblent pas avoir conscience de la gravité de la situation. Á moins qu’il ne s’agisse d’une politique délibérée.

III Créations anarchiques de nouvelles Entreprises Publiques : nécessité sociale ou démagogie populiste ?

Incapable de gérer correctement les Entreprises Publiques existantes, le pouvoir ne cesse d’en créer de nouvelles, qui sont autant de gouffres financiers potentiels. Et ce, sans avoir tiré toutes les leçons des échecs passés.

A cette fin, la SNIM désormais perçue comme la poule aux œufs d’or du régime, est sans cesse sollicitée, au risque de mettre en péril sa santé financière encore fragile, obtenue au prix d’innombrables efforts et de sacrifices de son personnel. Quarante millions de $ ont ainsi été mobilisés par la société minière pour le projet d’une société aérienne (Mauritanian Airlines) dont aucune étude de rentabilité n’a pu déterminer la pertinence.

Trois avions dont deux au moins sont de véritables épaves, sont achetés dans le cadre d’un marché aux conditions on ne peut plus opaques, faisant jaser à propos d’énormes dessous de table. L’improvisation a fait le reste. La nouvelle Compagnie n’a jusqu’à présent pas obtenu son agrément (CTA) devant lui permettre d’effectuer ses premiers vols commerciaux. En attendant, les appareils si chèrement acquis, sont immobilisés sur le tarmac, générant des charges fixes d’au moins 30 millions d’Ouguiyas par mois, sans compter le manque à gagner induit par cette immobilisation.
Une certitude demeure : ce projet a déjà fait des dégâts collatéraux très graves. Dès l’annonce de la création de la nouvelle société, la compagnie Mauritanie Airways a mis la clef sous le paillasson, et des centaines d’employés ont été mis au chômage rejoignant dans la détresse ceux de la défunte Air Mauritanie, en plus des préjudices subis par la clientèle et les Agences de voyages mauritaniennes.

Pourquoi le pouvoir s’arrêterait-il en si bon chemin ? Une nouvelle société de transport urbain, STP a également vu le jour. « Sur instruction du Chef de l’Etat ». Et là aussi, en toute improvisation, sans étude préalable ni cahier des charges ! Il n’est pas alors étonnant qu’au bout de seulement quelques semaines, elle s’est mise à battre de l’aile.
Cette fois, ce sont les hommes d’affaires qui sont priés de mettre la main à la poche, à coups d’intimidations, de menaces et de chantages. Et pourtant la rentabilité de la dernière idée de notre « guide éclairé » est loin d’être établie.
En effet, la situation présentée par le directeur lors du dernier Conseil d’Administration, a fait ressortir que le prix autorisé d’un ticket de bus, ne couvre que 30% du coût du transport d’un passager. Avec en perspective, l’inéluctable détérioration de cette situation, au fur et à mesure que le matériel de transport vieillit et que les coûts d’entretien et de maintenance s’accroissent.

La dizaine d’hommes d’affaires qui ont accepté de contribuer à ce projet, à raison de 100 millions d’ouguiya chacun, l’ont fait pour s’acheter une paix avec le régime. Sous d’autres cieux, cela s’appelle extorsion de fonds ou racket, toutes pratiques dignes des seigneurs de la guerre, et réputées peu rassurantes pour le climat des affaires.
Les seuls bénéficiaires de cette dernière trouvaille se trouvent être de « nouveaux riches » de la «Mauritanie Nouvelle », connus pour leurs entrées au sommet de l’Etat. On leur aurait adjugé les juteux marchés de l’approvisionnement en carburant de la flotte de la STP, de son entretien et de sa maintenance. Car dans la précipitation qui a présidé au lancement de ses activités, on a oublié de doter cette société du minimum vital à savoir : un atelier mécanique, une cuve de stockage et une pompe à gasoil.
Devant de tels agissements, l’observateur ayant à cœur les intérêts de son pays ne peut que se demander à quoi rime cette obsession des autorités à créer des Sociétés Publiques. En toute improvisation, au risque de mettre en péril le bien collectif, au moment ou elles prônent à tout vent la lutte contre la gabegie.
Est-ce pour régler un compte avec certains privés nationaux dont la fidélité politique est mise en doute ? Ou s’agit-il plus simplement de mettre la main sur toutes les ressources de l’Etat à travers des Etablissements publiques, si déficitaires et inopportuns soient-ils mais qui sont autant de sangsues, permettant de ponctionner par l’intermédiaire d’hommes de confiance, nommés complaisamment, les maigres ressources du trésor public ?

Il y a en tout cas des signes qui ne trompent pas, car révélateurs des usages des Républiques bananières et puisées dans la culture des mafias. Ils se déclinent en trois étapes :

(1) jeter les anathèmes sur les agents de l’administration afin de les culpabiliser;
(2) procéder à des nominations clientélistes ;
(3) multiplier les marchés de gré à gré et s’ouvrir ainsi des boulevards de malversation tout en jouant au moralisateur.

IV Que faire pour sauver l’économie et la stabilité ?

On le voit donc, cette politique de mise en faillite d'Entreprises Publiques et de création anarchique de nouvelles, rentre dans le cadre d'une vaste opération de souveraine gabegie tout en cherchant à duper les citoyens sur une prétendue prise en main de leurs besoins essentiels.
Pour nous faire démordre de ce constat, il faudrait alors qu’on nous donne des réponses convaincantes aux questions suivantes :

Comment va-t-on rembourser des bus achetés aux Iraniens à crédit, à 30 millions d’ouguiya l’unité, alors que les conditions de départ de cette Entreprise font état d’une perte prévisible d’au moins 600 millions d’ouguiya par an ?
Comment va-t-on assurer la pérennité d’une compagnie d’aviation dont les vieux appareils, achetés à coup de dizaines de millions de dollars, ne sont pas autorisés depuis des mois à voler sur les lignes internationales ?
Où sont passés les 8 milliards d’ouguiya avancés par la BCM à la SONIMEX ? La question est d’autant plus légitime que l’ancien directeur général M. Moulaye El Arbi, affirme, documents à l’appui, avoir laissé la contrepartie sous forme de stocks et de dépôts au Trésor ; des témoins attestent que ces stocks ont été bradés pour, semble t il, financer la campagne du Général candidat. Quoi qu’il en soit, il est intriguant que personne ne réponde aujourd’hui devant la justice de cet énorme gâchis, au moment où d’autres croupissent en prison pour beaucoup moins que cela.
Comment est-il possible que le Trésor public continue d’effectuer des règlements en dehors du circuit budgétaire, comme c’est le cas pour les 500 cents millions utilisés pour faire bâtir la localité de Termesse, montant dont la dépense a été autorisée par simple lettre ministérielle au Trésorier Général ?
Nous avons déjà connu par le passé une situation semblable, où un pouvoir, se croyant affranchi de tout compte à rendre à l’opinion, qu’elle soit nationale ou autre, s’était arrogé le pouvoir d’agir à sa guise, ne tenant compte ni des intérêts collectifs du moment ni de ceux des générations futures. Dans sa course folle, il avait entraîné le pays entier vers l’abîme, et gravement entamé sa crédibilité vis-à-vis de ses partenaires internationaux. Ce fut l’affaire des faux chiffres, révélée au cours de la première transition 2005-2007.
Malgré leurs multiples Missions de Revues, qui séjournaient dans le pays tous les trois mois, les bailleurs de fonds ont fait preuve d’une indulgence coupable en fermant les yeux sur des pratiques frauduleuses qui étaient pourtant un secret de polichinelle. Et la Mauritanie dut payer par la suite un tribut très lourd, sous forme de pénalités sur le Droit de Tirage pour les agissements de l’ancien pouvoir.
Nous avons, aujourd’hui, toutes les raisons de penser que l’Histoire est entrain de se répéter, en bégayant. Car nous ne voyons pas comment, avec les pratiques aventuristes que nous venons de décrire, le pouvoir actuel pourrait se sortir des lacets de ses propres pièges, autrement que par l’usage de faux et la manipulation des chiffres.
Cette inquiétude est d’autant plus légitime que le Rapport de la Mission du FMI, cité plus haut, reprend à son compte les chiffres très optimistes communiqués par les Pouvoirs Publics. Prenons donc acte, pour l’Histoire, de ce bel optimisme dont a fait encore preuve l’Equipe Mauritanie de cette Institution :
-Inflation à un chiffre, 6% en 2010 - Dépréciation de l’Ouguiya de seulement 9% par rapport au $ en 2010 - Déficit budgétaire contenu à 3% du P.I.B hors pétrole en 2010 - Croissance du P.I.B de 5.6% pour 2011 - 2.7 mois de réserves pour les importations pour 2011
Nous devons savoir qu’il n’est plus permis que la vigilance soit à nouveau mise à défaut. Que le FMI ne nous dise pas demain : « nous ne savions pas », et vous devez payer pour les mauvais agissements de votre gouvernement.
Par delà nos différences, et en dépit de nos divergences politiques, il est une évidence : il est absolument impossible d’assurer la pérennité de notre pays dans les conditions de gouvernance que nous venons de décrire sommairement. Tous, ensemble, nous sommes obligés d’y faire face et avant tout disposer d’un état des lieux et le préalable indispensable à l’adoption de toute solution. Aussi réclamons-nous la constitution en urgence de Commissions Parlementaires (Majorité –Opposition) chargées des missions suivantes :

Commission 1

Etablir la situation exhaustive des engagements des Entreprises Publiques et clarifier les conditions d’attributions des marchés de l’Etat en cours d’exécution.

Commission 2

Réaliser l’audit des comptes du Trésor Public et établir la situation d’exécution du budget de l’Etat en recettes et en dépenses sur les 3 dernières années

Commission 3

Etablir la situation exhaustive des engagements hors budget de l’Etat

Afin de garantir la transparence et la neutralité politique de ces Commissions, la coordination de leurs travaux sera assurée par une cellule composée soit des présidents de tous les groupes parlementaires, soit:

- du Président du Sénat

- du Président de l’Assemblée Nationale
- du Premier Ministre
- du Leader de l’Opposition démocratique

Nouakchott, le 21 avril 2011
La Commission d’études

 

 

                                   Mauritanie: UFP-Communiqué

Le pouvoir en place a recouru, hier après-midi, à la brutalité aveugle et disproportionnée pour réprimer les jeunes manifestants en dépit du caractère délibérément pacifique de leur mouvement, depuis son déclenchement, il y a quelques semaines.
D’ailleurs, jusque-là, le régime a bien toléré ces manifestations et eu une réaction positive allant de leur couverture médiatique à la tentative de récupération politique.

Que s’est-il donc passé, entre-temps, pour que cette jeunesse perçue par le régime comme exerçant, pacifiquement,son droit constitutionnel de manifester , devienne , tout à coup, à ses yeux, une bande de hors-la loi qui doit être réprimée avec une telle violence ?

Le régime a très mal apprécié la situation à double titre : d’abord lorsqu’il a misé sur la faible détermination des jeunes à poursuivre leurs manifestations pacifiques jusqu’à la satisfaction de leurs revendications légitimes et en optant pour la politique de l’autruche plutôt que de traiter, avec la célérité requise, lesdites revendications.
Il se trompe encore aujourd’hui en faisant le choix de la provocation et en tentant d’étouffer, dans l’oeuf, ce mouvement.

Nous avions mis en garde le pouvoir de céder à la tentation de la répression pour bafouer les libertés et droits publics dans ce contexte où le vent de changement balaie l’ensemble du monde Arabe. Nous précisions, alors que la meilleure façon d’y faire face, serait de traiter ce mouvement de manière positive.
Force est de constater, cependant, qu’en dépit des mutations régionales et internationales, le régime en place persiste dans son style fait de répression et d’exclusion face aux opposants.
C’est dans ce cadre que vient d’être interpellé, une nouvelle fois, le vice-président du parti de l’avant-garde, M. Moulay El Arby , sous le prétexte fallacieux de lutte contre la gabegie qui s’est avéré n’être qu’un alibi pour régler des comptes avec les opposants .

Tout le monde se souvient, en effet, des pressions que des lobbies connus avaient exercé sur M. Moulay El Arby lorsqu’il était directeur général de la SONIMEX avant le coup d’Etat de 2008 et la résistance courageuse qu’il y avait opposé, ce qui conduira les mêmes groupes à s’acharner sur lui dès le lendemain du coup d’Etat en le limogeant de son poste et lui imposant des poursuites judiciaires avant de le jeter en prison d’où il finira par être libéré une fois son innocence établie. Mais cela n’a pas suffi pour convaincre les lobbies de cesser leur acharnement en le faisant interpeller, une nouvelle fois, pour les mêmes motifs infondés.
Devant ces développements graves, l’ UFP :

- condamne fermement la répression pacifique d’hier ;
- met en garde le régime contre l’entêtement à réprimer les citoyens qui exercent leur droit constitutionnel de manifester pacifiquement et réitère son soutien total aux manifestants ;
- exige la libération immédiate et inconditionnelle de M.Moulay El Arby ;
- appelle l’ensemble des forces vives du pays à se dresser, fermement, contre la violation des libertés publiques.

Nouakchott, le 09/03/2011
Le département de la communication

 

 

 

UFP-Mauritanie :  La flambée des prix - Causes réelles et propositions



Après avoir ignoré la question de la flambée des prix (cf. le discours de politique générale du Premier Ministre devant le Parlement le 6 janvier dernier), et brutalement réveillé par la révolution tunisienne, le Gouvernement vient de lancer dans la précipitation et une médiatisation indue l’opération dite des « boutiques de solidarité ». Pour se tirer d’affaires, il s’évertue à mettre exclusivement sur le compte du marché international la responsabilité de la hausse vertigineuse des denrées depremière nécessité dans notre pays.

Certes, il est indéniable que notre pays n’a aucune prise sur les cours mondiaux. Par contre, le
Gouvernement a tort de vouloir cacher l’impact très négatif de facteurs internes qui amplifie la hausse des prix. Citons-en :


1 - La concentration monopolistique de l’importation des denrées de première nécessité. Ce processus qui s’est accéléré particulièrement ces dernières années, a eu pour conséquence de réduire le nombre d’importateurs de 15 à seulement 5 (qui ne sont en réalité que 3). L’un, par la part de marché qu’il contrôle, est désormais capable à lui seul d’imposer ses prix aussi bien aux consommateurs qu’à ses concurrents encore en lice. Cette emprise monopolistique privée sur la vie des Mauritaniens est le résultat, en grande partie, d’accointances avec le pouvoir en place et de privilèges et passe-droits qui font désormais de la libre concurrence un vain mot.

2 - Les marges bénéficiaires exorbitantes. Ce que révèle une analyse attentive de la structure des
prix : 32,9% pour le sucre, 49% pour le riz et 16,5% pour le blé par rapport au prix de revient rendu magasin du grossiste. Ces marges s’ajoutent à des taxes et charges multiples qui, toutes, dépendent de la volonté des décideurs.

3 - La manipulation des prix des hydrocarbures ( taxes et hausses successives) pour renflouer les caisses de l’Etat lourdement grevées par la mauvaise gestion, est un autre facteur d’amplification de la hausse des prix ; il est en effet bien connu que l’inflation de ce produit est la plus diffuse dans l’économie. Au lieu de s’attaquer à ces facteurs internes de la hausse des prix, le pouvoir a préféré lancer une prétendue « opération boutiques de solidarité », (au coût de neuf milliards d’ouguiyas dégagé hors budget et sans accord du Parlement) dont la mise en œuvre est confiée à un ou deux gros importateurs. Sur une population pauvre estimée officiellement à 1.380.000, seuls 600.000 sont pris en compte. De surcroît, la conception même de l’opération rend les boutiques du « Président des pauvres » pratiquement inaccessibles aux ruraux (77% de la population pauvre), voire aux défavorisés des villes, contraints à souffrir une peine et une humiliation disproportionnées pour accéder à une maigre ration quotidienne. D’où la désaffection notable des populations envers ces boutiques. La « solidarité » du Gouvernement, opération plutôt de propagande, risque de ne profiter qu’à quelques gros importateurs et distributeurs privilégiés.

Il est pourtant possible d’alléger les souffrances de nos populations par un train de mesures immédiates. Entre autres, le remplacement de l’opération « boutiques de solidarité »par un système de distributions gratuites périodiques aux groupes les plus vulnérables ou sans ressources ; le démantèlement de la situation de monopole d’importation de fait ; l’adoption du système de l’administration des prix des denrées de première nécessité et la décision d’une baisse générale d’au moins 15% qui laisse aux importateurs et distributeurs des marges bénéficiaires raisonnables ; la
création d’un observatoire des prix.

  1. Introduction


Notre pays est aujourd’hui l’objet d’une crise économique sans précédent caractérisée par une pauvreté aggravée par :
  Un chômage qui touche plus de 30% de la population active ;
  La contraction des activités du secteur privé national ;
 L’orientation des ressources de l’Etat vers des soi-disant projets d’infrastructures sans rapport avec les priorités du pays (Eléphants blancs) ;
  La cessation de paiement de certains établissements publics au moment où l’on en crée d’autres dont la rentabilité et l’intérêt économique sont loin d’être établis ;

  La chute des revenus des ruraux, consécutive, entre autres, à la baisse des prix des petits ruminants
 
Une montée vertigineuse des prix des denrées de première nécessité. Après avoir minimisé cette situation (le Premier Ministre ignore totalement la question des prix dans son discours devant l’Assemblée Nationale et accuse même l’opposition de mettre de l’huile sur le feu), le gouvernement, paniqué par l’exemple de la révolution du jasmin en Tunisie, lance brusquement, en grandes pompes, une opération dite de solidarité avec pour objectif annoncé, de venir en aide aux populations les plus démunies (deux ministres ont sillonné le pays pour propager une contre-vérité flagrante, à savoir une réduction des prix de 30%). Même si, en même temps, certains de ses supporters, tenaient un autre discours, clamant que, bien avant les pays arabes en ébullition, la
révolution a déjà été faite en Mauritanie par Mohamed Ould Abdel Aziz.

Au delà de la légalité plus que douteuse de cette opération, qui a consisté à puiser dans les maigres ressources du trésor public, plus de neufs milliards, hors budget, (Aucun acte légal ou réglementaire n a été présenté à la session parlementaire extraordinaire qui devait s’ouvrir
les jours suivants), nous présentons dans ce qui suit, une analyse du système d’approvisionnement du marché en denrées de première nécessité, et une critique de l’opération « boutiques de solidarité », afin de dévoiler sa nature réelle et faire des suggestions de mesures concrètes visant à alléger les souffrances des populations face à la montée vertigineuse des prix.

II. Principaux facteurs internes de la flambée des prix


La constitution de monopoles avec la complicité de l’Etat


    1. Le marché est approvisionné principalement par des importateurs, la production nationale de riz, de blé, et d’huile étant très faible et quasi inexistante pour beaucoup d’autres produits. Près de 80% des approvisionnements importés en riz, blé et sucre proviennent de trois gros importateurs. Le tableau ci-après donne les parts de marché de ces importateurs ainsi que leur évolution de 2009 à 2010 pour les trois denrées citées ci dessus.

      Tableau 1 : parts de marché des trois principaux importateurs


      Importateurs     Parts de marché 2009     Parts de marché 2010
      Groupe Ghadde     36%     43%
      Groupe MAOA     27%     24%
      Groupe AON     7%     12%
      TOTAL     70%     79%

      Il est très clair que nous faisons face à une situation de monopole avec position largement dominante pour le groupe Ghadde qui contrôle désormais 43 % du marché contre seulement 36 % pour les deux autres concurrents réunis les plus en vue, premiers importateurs du pays
      jusqu’en 2005. Il est aujourd’hui en mesure d’imposer les prix du riz, du blé, du sucre et de l’huile à tous les importateurs, y compris aux deux autres Groupes cités.

      Ce renversement des positions et le processus de concentration monopolistique se sont particulièrement accélérés au cours des deux dernières années. Il est alors plus que légitime de s’interroger sur l’incidence de la proximité avec le pouvoir actuel, dans cette évolution fulgurante. Par les accointances développées avec les régimes politiques successifs, et les avantages injustes que ces derniers accordaient (taxes douanières supprimées, transfert de devises aux meilleurs taux, accès prioritaires au quai des navires) les importateurs proches du pouvoir ont réussi à inverser les positions sur le marché et à en exclure les autres, les unes après les autres, ou à en faire leurs distributeurs.

      C’est ainsi qu’en dix ans, le nombre d’importateurs de blé, sucre et riz est passé de plus de
      15 à moins de 5 importateurs. Un tel monopole d’un groupe réduit ouvre la porte à tous les abus : entente illicite sur le prix, contrôle de réseaux de distribution, création de pénuries fictives, fausses déclarations sur la marchandise, prise en otage du consommateur, etc.…

      En plus d’être importateurs et réceptionnaires, ils sont pour la plupart, transitaires et manutentionnaires de leur propre marchandise. Face à leurs déclarations contradictoires sur la même marchandise auprès des différents guichets (douane, BCM etc.), les pouvoirs publics préfèrent fermer l’œil, prendre le risque de manques à gagner importants pour le
      trésor public sans impact par ailleurs sur le niveau des prix. La porte est ainsi ouverte aux manipulations de tout genre.

      La libre concurrence, « la main invisible et régulatrice du marché », invoquée par le libéralisme, disparaît ainsi. Des prix de monopole sont imposés sans égard à la loi de l’interaction libre entre l’offre et la demande. Pourtant aux USA, pays du libéralisme par excellence, les lois anti trusts ont été créées pour lutter contre ce diktat d’un groupe restreint
      sur la collectivité nationale. Chez nous, on fait la politique de l’autruche en laissant la voie libre aux monopoles privés. Serait-ce le renvoi de l’ascenseur en compensation du financement « salutaire » de la fameuse motion de censure pour renverser le gouvernement du Président Sidi Ould Cheikh Abdallahi en juin 2008 ou des grandes contributions à
      la campagne présidentielle 2009 ?

      Tout comme il est légitime de se poser la question de savoir à qui a profité la mort programmée de la SONIMEX, unique outil d’action de l’Etat sur le marché, auquel les
      pouvoirs publics avaient confié jadis, la difficile mais nécessaire mission, de stabiliser les prix en cassant les monopoles privés. La preuve irréfutable de cette mort programmée, est le fait que depuis le coup d’état de 2008, le registre au port affiche zéro bateau reçu par la
      SONIMEX.

      Cette société s’est pourtant, admirablement bien acquittée de sa tache de stabilisation des prix en contrôlant 10% du marché en 2007 et 2008, quand elle recevait régulièrement des bateaux. L’abandon de cette société et le sort qui lui est réservé aujourd’hui, après une si bonne performance, ne peut être le fait du hasard.

      <

          II.2 Flambée des prix, marges exorbitantes et inflation :

Dans son plaidoyer cherchant à justifier l’augmentation des prix, le gouvernement cite exclusivement des facteurs internationaux ; en particulier « le déséquilibre structurel entre offre et demande mondiale et d’une part et d’autre part, l’occurrence de phénomènes naturels tels les incendies en Russie et les inondations en Australie ». S’il est indéniable que les cours mondiaux de certaines denrées connaissent à l’heure actuelle une flambée inquiétante, il n’est cependant pas admissible de passer sous silence que le prix de vente sur notre marché est composé d’une part, d’un prix à l’importation (CAF) sur lequel nous
n’avons pas de prise, et d’autre part d’une composante nationale, constituée de frais divers et autres bénéfices, et dont l’importance dépend bien de nos décideurs.

Une analyse sommaire permet de se rendre compte que la flambée des prix sur nos marchés, est due à la conjonction du facteur externe et du facteur interne.

La cause principale de cette flambée des prix sur le plan interne, est le contrôle du marché des denrées de première nécessité par des monopoles de fait, voire par un seul, avec le consentement voire la complicité des pouvoirs publics. Ici sont plutôt en cause les marges exorbitantes que ces monopoles réalisent sur le dos du consommateur.
Le tableau 2 ci-dessous montre le niveau très élevé voir scandaleux des marges dégagées par les commerçants. Le tableau 3 Indique les surcoûts directs induits par la gestion portuaire. Le tableau 4 démontre que l’augmentation des prix ne peut être mise sur le compte de l’inflation.

Tableau 2 : Marges bénéficiaires

-
    Prix de revient de la tonne     Prix de vente de la T aux détaillants     Marge de l’importateur     Marge importateur en %    
Prix de vente T aux consommateurs     Marge du détaillant     Marge détaillant en %    
Total marges
Sucre     225 950     248 000     22 050     9,75%     300 000     52 000     20,96%     74 050
Riz     147 650     175 000     27 350     18,5%     220 000     45 000     25,7%     72 350
Blé     120 081     130 000     9919     8,3%     140 000     10 000     7,69%     19 919

Les marges sont trop élevées tant au niveau du grossiste que du détaillant, le tout étant supporté par le consommateur : 74 UM sur le kg de sucre par rapport au prix rendu magasin du grossiste, 72, 35 UM sur le kg de riz par rapport au prix rendu magasin du grossiste et 19,9 UM sur le kg de blé par rapport au prix rendu magasin du grossiste. C’est exorbitant.
On a des différences de 32,9% pour le sucre, 49% pour le riz et 16,5% pour le blé, par rapport au prix de revient rendu magasin du grossiste.

Par ailleurs, l’examen des charges venant s’ajouter au prix CAF pour aboutir au prix rendu magasin du grossiste importateur (tableau II.3 ci-dessous) montre qu’il y a à ce niveau des éléments non négligeables pouvant être réduits et qui pèsent également sur le consommateur. Il s’agit de la manutention bord, des droits du port, de la douane, du BEMOP et du transport du port à la ville. L’Etat peut également intervenir sur une partie de ces coûts pour contribuer à la diminution des prix.

Tableau 3 : Charges s’ajoutant au Prix CAF


-     Sucre     Blé     riz brisures
Coût CAF $US     800$     300€     500$
Coût CAF UM     220 000     114 600     13700
Douane     1 500     2 021     7 500
Droit de port     1 000     410     1 000
Manutention bord     1 300     1 000     1 000
BEMOP     1 000     1 000     1 000
Transport port – ville     800     800     800
Déchargement magasin     350     350     350
Total Douane et freigh forwarding     5 950     5 581     11 650
PRIX DE REVIENT RENDU MAGASIN     225 950     120 081     175 450

Bien que les taux officiels de la tarification douanière soient respectivement de 32.8% pour le sucre, 3.5% pour le blé et 8.6% pour le riz, les pouvoirs publics recourent plutôt à un système de forfait en matière de perception tel que révélé par le tableau ci dessus.

L’objectif déclaré de cette violation de la loi de finances, est d’éviter au consommateur un renchérissement encore plus important des prix qu’aurait engendré l’application stricte des taux de perception officiels. Ce « noble souci » pour les intérêts des plus démunis, ouvre en réalité la porte à l’opacité, et profite au premier chef aux proches du pouvoir. Il est de notoriété publique aujourd’hui, au port de Nouakchott, que le système de forfait se fait à la tête du client. Ce qui contribue fortement dans le processus de concentration monopolistique de l’importation mentionnée plus haut.

Tableau 4 : Variation des prix de 2008 à nos jours

-
    Prix de vente T aux consommateurs actuel     Prix de vente T aux
consommateurs 2008     Variation actuel/2008     Variation actuel/2008
en %
Sucre     300 000     130 000     170 000     130%

Riz     220 000     120 000     100 000     83%
Blé     140 000     50 000     90 000     180%
Tableau 5 : Inflation
-     2008     2009     2010
Inflation     7,3%     2,2%     6,1%

Les variations des prix de ces denrées ne peuvent nullement être mises sur le compte de l’inflation. En effet, le tableau 5 ci dessus montre que l’inflation cumulée de 2008 à 2010 est estimée à 15,6%. Cette inflation est largement inférieure à la variation des prix pour la même période. Nous avons des variations largement supérieures : 130% pour le sucre,
83% pour le riz et 180% pour le blé (Tableau 4).

II.3 Augmentation répétitive du prix des hydrocarbures


En plus des marges imposées par les monopoles, se trouve également l’augmentation par le gouvernement de manière répétitive et substantielle des prix des hydrocarbures. Le cumul de ces augmentations pour l’année 2010 est de près de 20%. Les hydrocarbures étant le produit
dont l’inflation est la plus diffuse dans l’économie, on ne pouvait mieux faire si l’on voulait provoquer une flambée des prix ! D’autant que la structure des prix de ce produit comporte de multiples taxes destinés à renflouer les caisses de l’Etat pour compenser les déficits
provoqués par une gestion chaotique. D’ailleurs, les pouvoirs publics ne se préoccupent guère de surveiller cette dimension importante du problème de la hausse des prix.

La situation à ce propos est d’autant plus cocasse, que des augmentations du prix des hydrocarbures se font au moment où le directeur des hydrocarbures prétend avoir ramené
le coût du cabotage du gasoil de 22 à 15$. Soit un gain de 7$ par tonne métrique transportée, et de plus de 5 millions de $ sur les 700 000 est consommées par an. Si cette réduction est réelle, pourquoi ne l’a t’on pas déduite directement de la structure de coût des hydrocarbures ?


III . Critique du système des « Boutiques de solidarité » :

Le principe d’alléger le prix des produits de première nécessité pour les populations les plus défavorisées est en soit louable. Mais le système des boutiques de solidarité mis en place, plutôt que de répondre à l’impérieuse nécessité d’endiguer la flambée des prix, va plutôt dans le sens de profiter de la situation d’urgence pour faire à nouveau des cadeaux aux monopoles, sans assister véritablement les plus pauvres.

III.1 Le renforcement des monopoles


En mettant l’argent du contribuable à la disposition des importateurs privés, sous le couvert d’une opération de solidarité (sans appel d’offres ni même consultation restreinte), dans le cadre d’un marché de gré à gré accordé à deux importateurs, le gouvernement aggrave la
situation de monopole. Mettre en avant la Fédération du Commerce, est un leurre qui ne trompe personne. Les stocks dans lesquels on a puisé, appartiennent à un ou deux monopoles privés. De plus, les denrées mises dans les boutiques de solidarité sont achetées auprès des monopoles, plus cher que le prix de vente en gros sur le marché (voir
tableau ci-dessous) au lieu de réduire les marges bénéficiaires déjà exorbitantes. A ce gain facile, s’ajoute d’autres frais supportés par le contribuable comme le transport (2000 UM la tonne) et les frais de gestion de la boutique à 15 000 UM la tonne. En plus, la non généralisation de la mesure de réduction des prix fait que des produits identiques sont vendus sur le même marché à des prix différents. Il y a donc une opportunité d’arbitrage permettant à certains commerçants de gagner de l’argent sans dépenser une seule ouguiya, en vendant une partie des produits de l’opération de solidarité au prix du marché.

III.2 Attribution illégale de fonds publics à des monopoles et absence totale de contrôle


L’argent du contribuable est donné à des monopoles privés que l’on charge d’approvisionner des points de vente choisis par des semi - grossistes choisis eux-mêmes par le cartel constitué pour l’opération solidarité. Cela ressemble à un détournement de biens publics.
Par ailleurs, le dispositif de contrôle est purement formel. Dans les faits, cette opération est entièrement laissée à la discrétion des opérateurs qui sont à la fois fournisseurs et livreurs de leurs marchandises à des points de vente choisis par eux (au moins pour les 250 boutiques prévus à Nouakchott) !III.3 La majorité des plus pauvres ont été oubliés.

L’opération élaborée par le gouvernement vise selon ses concepteurs, une population
dite pauvre estimée à 120 000 familles à raison de 5 membres par famille, soit 600 000 personnes seulement, alors que le Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté 2011-2015 qui vient d’être adopté par le gouvernement, estime à 1.382.200 le nombre de pauvres en Mauritanie en 2008 et ajoute même que ce nombre ne cesse d’augmenter (page 10).Le document souligne qu’en 2008 « 42% de la population mauritanienne vit en dessous du seuil de pauvreté, tandis que 25.9% vit dans l’extrême pauvreté. »

Il apparaît ainsi, que les planificateurs du gouvernement ont laissé à leur triste sort près de 60% de la population concernée.
Autre insuffisance majeure dans cette opération à laquelle pourtant une gigantesque promotion a été assurée à travers les medias publics : la répartition géographique arrêtée. En effet, et au-delà du fait que le nombre de boutiques ouvertes est très insuffisant (600 pour toute la Mauritanie) leur répartition géographique fait une confusion énorme entre densité de population et pauvreté. Laissant ainsi supposer que la population pauvre est principalement urbaine. C’est ainsi que le nombre de boutiques à Nouakchott seule (250) équivaut à celui de 8 régions : Hodh Charg, Tagant, Brakna, Gorgol, Guidimakha, Assaba, Trarza et
inChiri (249 boutiques).Et pourtant le Cadre Stratégique cité plus haut,souligne que La pauvreté "reste d’abord un phénomène rural, avec une incidence de 59.4% contre 20.8% en milieu urbain. En outre la zone rurale abrite plus de trois quarts (77,7%) des pauvres du pays"
En plus de tout cela, le manque de contrôle et de transparence soulignés plus haut, ne permet nullement de s’assurer que les populations ciblées officiellement, profitent réellement de cette opération

III.4 L’impact de l’opération est insignifiant


En milieu urbain, le temps d’attente pour être servi dans une boutique de solidarité est très long, 3 à 4 heures. Chaque boutique de solidarité étant chargée de servir 200 familles, avec un temps de service d’au moins cinq minutes par personne, il faudrait 1000 minutes, soit plus de 16 heures par jour pour servir tout le monde. Dans certains quartiers, le prix du taxi ou la peine à prendre pour rejoindre le point de vente le plus proche et pour le retour, ajouté au prix de la ration à acheter (1 litre d’huile, 1 kg de sucre et des 2 kg de riz, le blé reste
introuvable), rend plus économique d’ignorer les « boutiques du président des pauvres » et de faire ses achats dans la boutique ordinaire d’à côté.

Pourquoi faut-il imposer tant de peine pour obtenir si peu à des populations déjà accablées par la misère ? Pourquoi les soumettre à cette humiliation quotidienne de faire la queue des
heures durant pour acheter de surcroît ce qui équivaut traditionnellement à de la charité ?

En milieu rural, la situation est pire, le délai de route pour rejoindre une boutique peut prendre une journée tout entière. Les ruraux pauvres, comme tous les autres ruraux, ne peuvent donc se soumettre au régime des emplettes quotidiennes propres à des populations urbaines.

C’est pour une telle opération inefficace, illégale et sans aucun impact, que deux
ministres ont sillonné le pays au frais du contribuable, pour témoigner auprès des populations que 600 boutiques de solidarité ont été ouvertes afin d’alléger la souffrance de 600 000 « pauvres » par une diminution de 30% des prix. Et occultant le fait gravissime que 800 000 autres vrais pauvres ont été abandonnés à leur sort.


Le moins qu’on puisse dire, est qu’il s’agit là, d’une grossière insulte à l’intelligence des Mauritaniens. La désaffection des populations à l’encontre des « boutiques du président des pauvres », observée tant dans les villes que dans les campagnes, en dit long sur l’échec de cette lamentable et désastreuse opération de manipulation de l’opinion.

IV. Propositions de mesures immédiates
 
1) Transformer « l’opération boutiques de solidarité » en opération de distribution gratuite à des groupes cibles d’extrême pauvreté et en confier la mise en œuvre au CSA, au Croissant rouge mauritanien avec la participation des conseils communaux.

  2) Une baisse immédiate et généralisée des prix des denrées de première nécessité : Riz, sucre, blé, huile et lait. Compte tenu de l’ampleur des marges bénéficiaires (par rapport aux prix de revient rendus magasin de l’importateur) et des autres charges imposées par l’Etat, il est impératif et possible d’opérer une réduction généralisée des prix de ces denrées d’au moins 15% pour alléger les souffrances de nos populations très majoritairement pauvres tout en permettant aux importateurs et détaillants de faire des marges raisonnables.

  3) Empêcher les situations de monopoles. La lutte contre la concentration de l’activité d’importation entre les mains d’ungroupe d’importateurs restreint, passe par un retour à des règles transparentes, connues de tous et équitables dans l’attribution des devises, le paiement des droits de douanes, à l’application, pour l’accostage des bateaux au port, de la règle « premier venu premier servi » et priorité pour les lignes régulières. Cela passe également parl’arrêt de cette vilaine pratique d’un service public rendu à la tête
du client. Dans le même cadre, interdire le contrôle de plus de 20% des importations d’une denrée de première nécessité par un seul importateur.

L’Etat, s’il veut réellement empêcher la constitution de monopoles, devrait aussi encourager l’émergence d’un pôle d’importateurs moyens, en leur accordant des moyens et des facilités pour la mise en place de circuits de distribution concurrents.
A défaut de réussir un tel objectif, faire revivre la SONIMEX en l’améliorant et en lui accordant des moyens suffisants pour assurer de 10 à 15% des importations des denrées de première nécessité pour contribuer à la baisse et à la régulation des prix.

  4) Mise en place d’un Observatoire des prix :La principale faiblesse dans le dispositif actuel, est l’absence d’un outil à la disposition des pouvoirs publics et permettant de centraliser les données relatives au circuit d’importation en particulier des matières de première nécessité.

Il existe bien une direction de la concurrence au niveau du ministère du commerce, mais cette direction est complètement inopérante, du fait du manque de ressources humaines et de moyens matériels. La mission de cet outil est pourtant fondamentale et peut se situer à trois niveaux :

a) Suivre le niveau des stocks nationaux par rapport aux besoins avec pour objectifs de :
 
Anticiper d’éventuelles pénuries, particulièrement dans les périodes sensibles comme les catastrophes naturelles, au plan national ou international, le Ramadan, la période de soudure ;

  Identifier le calendrier ainsi que le volume de la production nationale afin de définir avec la plus grande précision, le déficit céréalier national périodique (3mois) et sur l’année. Dans la perspective d’éviter que les importations ne viennent gêner l’écoulement de la production nationale, ou qu’à l’inverse la période de soudure ne puise pas être couverte par des quantités d’importation adéquates ;
  Suivre le cours des denréessur le marché international, afin de fournir aux décideurs privés et publics les éléments objectifs permettant de reconstituer les stocks aux
moindres coûts ;
 Définir annuellement et scientifiquement le niveau de l’aide d’urgence dont le pays a besoin, avec suffisamment d’avance pour permettre aux donateurs d’agir efficacement.

b) Etablir la structure de coût de chaque matière d’importation avec pour objectifs :
 
Identifier les éléments objectifs de cette structure (coût d’achat, fret, assurance, manutention) afin de proposer des solutions pour les réduire. A titre d’exemple, un encadrement des importateurs nationaux à travers un regroupement des besoins, peut réduire les coûts d’achat et de fret. Des tribunaux de commerce plus justes et moins corrompus et dotés de moyens peuvent réduire les coûts d’assurance ;
  Identifier les éléments subjectifs de cette structure, à savoir des marges bénéficiaires exorbitantes réalisées par les importateurs et les demi-grossistes et proposer les solutions de rechange.
5- Instaurer une administration des prix pour empêcher les marges énormes réalisées par les importateurs sur les produits de première nécessite (voir la structure des coûts d’importation).Pour faire face aux abus des monopoles, en plus des suggestions ci-dessus, nous devons nous inspirer des expériences de nos voisins, notamment le Sénégal.

Notre voisin du sud vient de décider de revenir sur ce régime de la liberté des prix et d’appliquer un système d’administration des prix. « L’avantage de ce régime, selon le ministre sénégalais du commerce, Amadou Niang, est qu’il nous permet de suivre l’évolution des cours internationaux .Mais il permet aussi de suivre les marges des industriels, les marges des distributeurs, et les marges des micro-détaillants."

Pour réaliser ce projet beaucoup plus ambitieux que le nôtre, six matières de première nécessité sont concernées (sucre, riz, savon, tomate, huile et lait), les autorités sénégalaises disposent d’un outil efficace qui nous fait défaut. Il s’agit du Conseil National de la Consommation.
Le résultat de l’opération sénégalaise est une réduction générale des prix de 15%.

6) Subventionner les agriculteurs nationaux à la production .Pour réduire la dépendance vis-à-vis de l’extérieur en matière d’approvisionnement en denrées agricoles de première nécessité, subventionner les agriculteurs à la production au détriment des importateurs des mêmes denrées.

7) Démocratiser l’élaboration de la structure des coûts des hydrocarbures en la confiant à une Commission Nationale élargie aux associations de consommateurs ainsi qu’aux opérateurs impliqués avec un exercice régulier du contrôle parlementaire afin d’en assurer la transparence et la pertinence. Il est en effet scandaleux que la gestion d’une variable
économique aussi sensible, parce que redoutablement inflationniste, que le prix des hydrocarbures soit proposée par un seul individu (le directeur des hydrocarbures) et arbitrairement fixée par un ministre, en fonction des besoins momentanés de recettes d’un gouvernement, quelle que soit par ailleurs sa légitimité.


8) Faire revivre le Conseil Economique et Social, comme cadre national de débat et de validation des politiques et mesures envisagées face aux grandes questions sociales de
l’heure.

28/02/11

 

 

Question orale de la députée UFP Kadiata Malick
Diallo relative à l’Etat Civil



I. L’Etat-civil après le Ranvec de 1998 :
Malgré les insuffisances, lacunes et dysfonctionnements, le Ranvec 1998 a permis une amélioration sensible de l’Etat-civil (en particulier les actes de naissance et l’établissement de la carte nationale d’identité dite « infalsifiable »).
Il y avait certes des omissions, des erreurs (qu’on tentait de corriger), des contraintes (retour à la commune de naissance pour avoir une copie, problème dépassé par la suite) etc. mais malgré tout le service est resté disponible.
Au cours de la première session parlementaire 2009-2010, au moment de présenter les projets de loi modifiant la loi sur l’Etat-civil et le code de la nationalité, vous aviez évoqué l’imminence du démarrage d’un nouveau recensement administratif (vous parliez d’avril 2010). Déjà à ce moment, votre présentation de l’opération avait suscité des inquiétudes avec le ton menaçant que vous aviez utilisé (had maa hu minne, maa hu minne…… on n’a pas oublié la déportation).
En juillet 2010, l’Agence Nationale du Registre des populations et des titres sécurisés a été créée par décret 2010-150 du 06/07/2010 et a commencé à se mettre en place.
On dira plus tard que le recensement sera lancé le 28 novembre 2010 et il semble qu’il a été reporté à 3 reprises (02/01- 02/02 – 15/02) et jusqu’à présent rien.
Entre temps vous avez compris peut être que les dispositions du décret 2010-150 n’étaient pas en harmonie avec la loi organisant l’Etat-civil et qu’il fallait la modifier. Ce qui a été fait lors de la dernière session ordinaire (novembre 2010 – janvier 2011). Votre décret 2010-150 du 06/07/2010 a été donc été la fille qui est plus âgée que sa mère.
Nous avions en son temps dénoncé deux aspects graves de la loi (aspect sécuritaire et centralisation à l’extrême). Les actes qui relevaient de la police, des walis, des Hakems, des maires et du service des transports ont tous été transférés à une personne. Nous avions clairement dit que c’était une mauvaise loi. Et vous disiez dans l’exposé de motifs du projet de loi que l’Etat-civil est faux, complètement faux et qu’il avait besoin d’être repris totalement. « Il fallait donc l’écraser et le reconstituer ».
Ce qui paraissait encore plus curieux c’est la sécurisation du décret 2010-150 par la loi en son article 72 que j’ai voulu amendé et vous vous êtes opposés même au principe de la discussion de l’amendement.
Dans ce décret, vous créez un établissement public à caractère administratif (EPA) avec un comité technique de pilotage. Ce dernier est nommément constitué et le fait que cela soit mis dans le décret organisant l’agence n’a pas manqué de susciter des interrogations.
Qui sont-ils ? Auraient-ils eu des consignes précises ? Pourquoi toutes les composantes nationales n’y ont pas été représentées ?
L’agence est présidée par un Administrateur Directeur Général (ADG), alors que tous les EPA sont dirigés par un Directeur Général. Cet EPA est plutôt un établissement privé parce qu’ayant un administrateur qui le gère et se contrôle lui-même. Son CA est pour la forme. Or cet ADG est pour plusieurs raisons disqualifié pour diriger l’Etat-civil.
1 - Administrativement : ce n’est pas un fonctionnaire (aucun rapport avec la fonction publique)
2 - Techniquement : c’est quelqu’un qui a fait sa carrière dans le business.Or l’Etat-civil (une mission régalienne du ministère de l’intérieur) est une gestion technique de toute la vie des citoyens tant sociale, économique que politique.
3 - Politiquement : c’est un homme marqué parce que responsable de la logistique de la campagne électorale de Mohamed o/ Abdel Aziz candidat en juillet 2009, et celui qu’il a pris pour la gestion du système informatique est celui là même qui gérait le système informatique du candidat Mohamed O/ Abdel Aziz.

II. Qu’est devenu l’Etat-civil depuis la mise en place de l’agence et la mise en application des nouveaux textes
Selon les informations que j’ai pu recueillir, et vous pourrez rectifier celles qui vous paraissent erronées en apportant les clarifications nécessaires, on a procédé purement et simplement à la liquidation de l’Etat-civil :
  La première décision curieuse de l’ADG est de demander à ce que tout l’équipement informatique de l’intérieur soit ramené à Nouakchott avec interdiction aux services régionaux de délivrer des actes d’état-civil ou des extraits.
  Au niveau de Nouakchott, il ya une seule personne qui a la clé du nouveau logiciel avec un nouveau programme d’exploitation. La plus petite erreur commise au niveau d’un centre d’état-civil de Nouakchott doit attendre ce Monsieur pour être corrigé. Alors toutes les machines des 9 centres de Nouakchott sont systématiquement transportées à l’agence pour subir les corrections (les samedis) et elles sont renvoyées dimanche en fin de matinée, donc dimanche pas d’Etat-civil !!! Vous conviendrez avec moi qu’il s’agit là d’une procédure archaïque au moment où on a l’internet.
  Plus grave encore, dans la gestion du fichier des actes de naissance existant, l’ADG aurait demandé au bureau d’études qu’il a commis de trier et de mettre de côté tous les actes de naissance qui avaient fait objet de correction (de nom, de date ou de lieu de naissance, etc.) et au cours d’une manipulation d’une machine, il semble que le fichier a été écrasé (de milliers de mauritaniens seraient aujourd’hui sans acte de naissance).
  Les auxiliaires de l’Etat-civil qui constituaient l’interface entre les citoyens et l’administration ont été dans leur grande majorité remerciés. Ces auxiliaires dont les services étaient même sollicités par les ambassades étrangères dans notre pays faisaient un travail de proximité dans les quartiers et villages : renseignements sur les naissances, les décès, les mariages, etc. et établissement de procès verbaux servant à l’établissement d’actes d’état-civil. Ce sont donc des facilitateurs.

III. Les conséquences de cette situation  :
  Il y a complication du système d’obtention des actes d’état-civil.
• Pour la déclaration de mariage, on exige la présence des époux, du tuteur de la femme et deux témoins (formule très gênante pour les mauritaniens).
• Il y a interdépendance des différents actes qui a conduit à un blocage complet du système. Exemple : - un nouveau-né ne peut être enregistré sans l’acte de mariage de ses parents (or beaucoup de couples n’ont pas d’actes de mariage, surtout dans les zones rurales ; un acte de divorce ne peut être établi sans acte mariage ; un acte de décès ne peut être obtenu s’il n’y a pas un acte de naissance.
• Limitation extrême des formulaires d’extraits de naissance : aujourd’hui, alors que les tirages ne se font qu’à Nouakchott, chaque centre d’état-civil d’une commune a droit à 100 formulaires par jour. Vous voyez donc la pression que ça fait. Les gens font la queue depuis 4h du matin et lorsqu’on donne 100 tickets, il faut attendre le lendemain. Certains citoyens sont ainsi privé de leurs droits qui nécessitent la présentation de tel ou tel acte et d’autres ratent des opportunités (faire un concours, postuler à un emploi. Etc.) et on ouvre la voie à la corruption (500um/copie).
La crise de l’état-civil vous a conduit semble-t-il à faire des dérogations pour les candidats aux examens (concours, BEPC, BAC) sans qu’on sache sur quel support juridique vous vous basez. L’établissement de l’élève lui donne une attestation qui prouve qu’il est inscrit là, envoyé à l’établissement de l’enseignement concerné puis envoyé au hakem qui délivre une attestation tenant lieu d’un acte d’état-civil alors que les gens avaient facilement et légalement leur état-civil.
Des problèmes techniques graves sont également notés au niveau des extraits des populations des deux hodhs (un acte sort sans le nom de la mère, ou celui du père ou des deux).

IV. Recrutement du personnel de l’agence et problème de logiciel :
  L’agence semble être confrontée à un problème inextricable de logiciel qui est inopérant et non intégré et qui vous bloque depuis 2ans. Deux bureaux d’études commis pour l’état-civil (acte de naissance et carte d’identité nationale), il n’y a pas de collaboration possible.
  Pour le personnel, on procédé à un nouveau recrutement. Un concours a été organisé pour recruter 118 cadres (54 gérants, 54 techniciens et 10 ingénieurs informatiques). Après le concours et après avoir pris le nombre recherché, on a procédé à un autre recrutement sans critères connus. Aujourd’hui les ingénieurs font plus de 20. Peut-on savoir sur quelle base a été effectué le recrutement d’après ?
Mais le problème aussi c’est que les gens recrutés sont considérés comme fonctionnaires depuis mai 2010 mais sont toujours sans salaires et les anciens sont dans une situation de confusion.

V. Le problème de la carte d’identité nationale et du fichier électoral.
Avec un état-civil désorganisé et détruit en grande partie, on se demande comment va-t-on élaborer un fichier électoral ? L’un des objectifs du recensement devait être l’élaboration d’un nouveau fichier électoral avant les prochaines élections prévues dans quelques mois.
Le projet carte nationale d’identité est arrêté depuis 2ans et ses travailleurs couraient derrière leurs droits. Les CIN établies en 2000 ne sont plus valides (expirées) et depuis 2ans il n’ ya pas d’établissement de nouvelles CIN et tous les services nécessitant cette pièce sont bloqués (voyage, passeport, ouverture de compte bancaire, etc.) mais le plus grave c’est qu’on a vu des gens avec des déclarations de perte de CIN avec photo, avec un numéro quelconque. Des déclarations complètement fausses. N’est on pas là en train de préparer la plus grande fraude électorale ? Les partis sont avertis.
Conclusion  :
  1. Au lieu de sécuriser l’état-civil, on l’a privatisé et on l’a détruit. C’est un chaos général dont l’ADG s’est rendu coupable.
Mesure à prendre
: son limogeage (non seulement il était disqualifié dès le départ, mais la faute est lourde).
  2. Le système actuel, si on peut parler de système, a engendré une cassure entre les citoyens et les services de l’état-civil (le tout est centralisé au niveau d’une personne).
Mesure  : Les textes régissant l’état-civil doivent être révisés pour les rendre applicables.
  3. Inquiétudes justifiées des populations : tous les actes régissant leur vie de citoyens sont entre les mains d’une seule personne dont le lien avec la collectivité est méconnu (ce n’est ni un fonctionnaire, ni un élu ni une personnalité morale)Seules des mesures claires, précises et transparentes peuvent les rassurer.
  4. La dernière question qui mérite d’être posée est celle-là : sur quelle base va-t-on organiser les prochaines élections ? Va-t-on attendre le nouvel Etat-civil (qui semble être bloqué) ? Ou alors fera-t-on des élections sur la base des données actuelles ?
Dans tous les cas, Monsieur le Ministre, une chose doit être claire, personne n’acceptera plus jamais des élections truquées.
le 20/02/11


•    Déclaration relative aux déportés, du passif humanitaire et à l’esclavage

 

 

 

UFP: Déclaration : Scandale du BEMOP

Les dockers de ville continuent de vivre le calvaire d’une  répression dont tous
les Mauritaniens (partis politiques, société civile, citoyens…) sont les témoins
indignés : des dizaines d’arrestations, de nombreux blessés. Malgré les
exhortations de l’opinion publique, le pouvoir affiche une attitude brutale et
méprisante et refuse tout dialogue. Et pourtant, par ces temps de misère
générale, ces dockers ne demandent pas grand-chose : une augmentation du forfait de 500UM à la tonne pour les aligner sur leurs camarades journaliers du port.

Mais en regardant de ce côté, on découvre un scandale sans nom qui se perpétue
depuis belle lurette, couvert par les différents pouvoir qui se sont succédé. Il
s’agit du scandale BEMOP (Bureau d’Embauche de la Main-d’œuvre Portuaire)
Créé en 1972 suivant les dispositions de la loi n° 64 098 du 09 juin 1964
relative aux associations, cet établissement était géré collectivement par les
sociétés de manutention du port pour un emploi plus organisé de la main d’œuvre.

Au fil des ans, le BEMOP s’est transformé petit à petit en véritable officine de
négriers modernes, contrôlée exclusivement par le Directeur Général du port et
d’un gérant omnipuissant imposé par le pouvoir. Totalement affranchi de tout
contrôle du Conseil d’administration, mis en veilleuse depuis plus de 20 ans,
les gérants du BEMOP se font le plaisir de fixer comme bon leur semble les
contributions des sociétés privées de manutention du port et surtout d’imposer
un prélèvement arbitraire sur la maigre rétribution journalière des dockers
occasionnels, leur extorquant 250 UM du forfait de 900UM/T. Tout cela sans
l’assentiment des dockers et en dehors de tout texte légal quelconque.

Ces prélèvements institués illégalement rapportaient au BEMOP un pactole
considérable qui est passé de quelques milliers dans les années 80 à plusieurs
centaines de millions d’ouguiya aujourd’hui. Ainsi, cette exploitation des
dockers est passée de 270 195 000 en 2007 à 338 020 000 en 2009, compte tenu du volume débarqué par les dockers.

Le scandale se révèle dans toute sa dimension lorsqu’on s’interroge sur la
destination de ce butin faramineux.
Jugez- en :
les gérants du BEMOP ne rendent compte à aucune autorité connue ;
les montants prélevés aux dockers occasionnels ne sont pas destinés à couvrir
les frais d’administration du BEMOP comme on aurait pu le penser. De tels frais étant pris en charge totalement par les sociétés de manutention de la place ;
ces prélèvements ne constituent pas non plus une contrepartie à des services
quelconques rendus aux dockers, qui ne bénéficient ni du droit aux soins
médicaux, ni d’aucun autre droit social.

Le pactole du BEMOP est une véritable caisse noire à la destination inconnue,
cet établissement - tenez-vous bien - n’ayant ni comptable ni comptabilité ni
compte bancaire ! Il s’agit donc bien d’une entreprise mafieuse au grand jour,
couverte par les pouvoirs publics à des fins inavouables et qui soumet à une
exploitation quasiment esclavagiste les 5000 dockers occasionnels du port.
le seul usage perceptible des ressources du BEMOP est la distribution
ponctuelle d’enveloppes pour obtenir le silence ou la complaisance de certains
syndicalistes et autres responsables.

Le scandale du BEMOP illustre à lui seul tout le mensonge des slogans du régime actuel, « lutte contre la gabegie », « président des pauvres… » Il est temps de mettre fin à ce scandale. Le pouvoir actuel ne veut ni voir ni entendre. Des dénonciations émanant de certaines centrales syndicales sont restées lettres
mortes. Il a visiblement un intérêt très spécial à perpétrer l’exploitation
négrière des dockers occasionnels.

Mais la lutte juste et courageuse des dockers doit être aussi l’occasion d’une
dénonciation générale de ce scandale. Les partis politiques, les syndicats, les
parlementaires, les ONG des Droit de l’Homme, la presse nationale etc., se
doivent d’exiger que la lumière soit faite sur cette situation, et une
réhabilitation de la condition du docker respectueuse des droits de l’homme et
du travail.

Nouakchott, le 24 mai 2010

Département de la Communication.

 

 

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