A.H.M.E.

COMMUNIQUE 323:  

 

 

Initiative de Résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA)

                 Recrudescence du racisme domestique en Mauritanie

                 Heddi ould Savra ouvre le feu sur des enfants Hratin.

 

1. Les faits

 

Dans la soirée du mardi 20 avril 2010, au quartier de Dar Naim, sur la voie publique et sous les yeux d'une foule de témoins, Heddi ould Savra, ouvre le feu contre des enfants Hratin, mineurs de surcroît.

Ould Savra, un homme d'environ une quarantaine d'années, sort, ce jour-là, de sa maison, très en colère et décidé à corriger les deux garçons Hratin Abeid Ould Omar et Taki ould El Id – respectivement 15 et 16 ans - qu'il soupçonne d'avoir fait du mal à son fils, lors d’une partie de jeux commune à leur cercle d’amis. Heddi se contente d'abord de lapider les enfants avec tout ce qui lui tombe sous la main. Il atteint ainsi, à la tête, Taki ould El Id dont le sang se mit à couler, abondamment ; insatisfait néanmoins de l'exemplarité de la correction, il revient dans sa  maison et en émerge, armé d'un  revolver ; il tire ensuite sur Abeid Ould Omar, lequel échappe de justesse à la mort lorsque la balle effleure son menton.  

Très vite, les deux blessés parviennent à l'hôpital, pourr les soins et leurs parents qui portent plainte. La police perquisitionne le domicile de l'agresseur, plusieurs heures après le forfait ; elle y découvre un fusil d’assaut Fal, des munitions et une autorisation de port de cette arme, au nom de Heddi, document en date du 14 mars 2010, sous le numéro 237.

2. La réaction de l’autorité

Le même soir, Hedi et son fusil sont transférés à la brigade des mineurs au Ksar quartier de la capitale. Selon  Madame Aicha Mint Ethmane, inspectrice de police en charge de l’établissement pénitentiaire, le procureur de la République près le Tribunal de Nouakchott lui ordonnera, dès les premiers instants de la saisine, de réserver un traitement particulier à Heddi ould Savra, donc d’éviter son maintien en garde à vue, dans les lieux où croupissent pourtant des prévenus dont les actes délictuels s’avèrent, de loin, d’une gravité inférieure à ceux du prévenu. En conséquence, selon les instructions du parquet, il recouvre la liberté, immédiatement; choqué par la désinvolture discriminatoire des décisions du juge devant une aussi grave violation de la loi, les parents des victimes s'adressèrent à l'ONG IRA-Mauritanie.

Mercredi 21 avril, vers 11 heures le matin, le président de IRA-Mauritanie Biram Ould Dah Ould Abeid, accompagné de membres de l’association, arrive à la brigade des mineurs. Derrière les grilles du commissariat, des détenus, tous  de race noire, goûtent, en préalable, leur punition. Dans un autre bureau, se déroulent, rythmés de va et vient, des conciliabules entre plusieurs hommes membres de la famille de Ould Savra et d'autres segments de tribus arabo-berbères. Là, on conspire contre le droit, dans le dessein de soustraire un arabo-berbère au scandale de l’égalité avec ses victimes.

Le lieu, assez bien meublé et climatisé constitue, selon des éléments de la police et certains assistants sociaux, qui s’expriment tous sous couvert de l'anonymat, un havre de tranquillité, au profit exclusif de prévenus d'un certain renom. A l'heure où nous arrivions, Heddi, les notabilités tribales et hommes d'influence qui l'entouraient,  exerçaient la pression sur les parents des victimes pour les amener à retirer la plainte ; ainsi, comme à l'accoutumée, le retrait escompté servira d’alibi, au ministère public, pour stopper toute action judiciaire contre une classe de mauritaniens, toujours à l’abri du droit.

3. L’épilogue

Le dimanche 25 avril, le Directeur Général de la Sureté Nationale, le général Mohamed Ould ElHadi confie, à l'un de ses collaborateurs, que Heddi Ould Savra agissait  en légitime défense car  les enfants Hratin ont sauté dans sa demeure l’obligeant à se préserver par l’usage du tir de balles, en l'air !!! La déformation explicite du récit dénote le souci par les autorités, à l'échelon supérieur, d'entretenir, au prix de la fraude et du mensonge, une justice relative où les crimes des uns trouvent toujours une excuse, un moyen de circonscrire la loi.

Alors, grandit, ici,  la crainte de voir l’instruction aboutir à une relaxe pure et simple, comme souvent dans de tels cas, malgré les graves actes dont est présumé coupable Ould Savra ; la récurrence de l’impunité des faits d’agression commis par des arabo-berbères contre leurs compatriotes Hratin ou négro-africains, n’autorise pas l’optimisme quant à  l’éventualité d’un traitement équitable du contentieux. Depuis ces 15 dernières années, le « négrocide » ou « hartanicide », politique ou de droit commun, est devenue une banale chronique mauritanienne.

En l’espèce, la délivrance sélective des autorisations de port d’armes au bénéfice systématique des arabo-berbères, accorde, au système d’hégémonie, un fondement militaire, d’ordre privé, d’où découlent des abus, parfois mortels. L’affluence aux concours de tir à la cible et la médiatisation de ceux-ci démontre la mono ethnicité de l’exercice et le potentiel de violence qu’il renferme par cette unilatéralité. De tels embryons de milice, racialement homogènes, comportent une part virtuelle de menace à l’ordre public.

Recommandations

Notre association presse, les autorités de la République Islamique de Mauritanie, de procéder, rapidement, au recensement puis à la collecte des armes individuelles, en vue d’en interdire l’usage privé sur l’ensemble du territoire ; outre sa dimension civique, la mesure contribuera à amoindrir les risques de dérive guerrière dans les conflits entre individus et communautés, comme elle permettra de mieux contrôler les circuits d’approvisionnement des groupes terroristes et de protéger la faune sauvage. Depuis les troubles ethniques de 1989, des centaines de fusils de l’armée mauritanienne circulent, en toute illégalité, parmi les populations arabo-berbères du Brakna, du Trarza, du Guidimakha et du Gorgol ; à l’époque, il fallait, selon Ould Taya et ses émules, instaurer une terreur préventive aux frontières Sud. Cet arsenal d’armes individuelles peut servir à tout moment.

Il importe d’abord, en vertu du principe de précaution, de réglementer, sévèrement, les activités et centres de tir afin de limiter la vente, le convoyage et la détention des armes à feu, hors des lieux et agenda des compétitions. Du désarmement des tribus, dépend l’avenir de la paix civile, avant que ne se déclenche, dans notre espace, un refus de la fatalité démocratique, à l’image des milices Janjawides du Soudan ; l’essor de la revendication des anciens esclaves, maintenant résolus à arracher leurs droits civiques, se heurte à l’incompréhension des franges les plus réfractaires à l’égalité, parmi l’opinion arabo-berbère. Nous souhaitons alerter le gouvernement mauritanien sur le potentiel destructeur d’une acrimonie aussi ancrée dans le patrimoine mental de cette communauté.

Nouakchott, le 01 Mai 2010

 

 

 

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