A.H.M.E.

COMMUNIQUE 267:  

 

 

Étalage de richesse devant la prison

Taqadoumy.com

Depuis hier soir, deux des trois (*) hommes d'affaires les plus riches de la Mauritanie sont en prison. Pour la première fois de l'histoire pénitentiaire du pays, des détenus dorment dans des draps de luxe et prennent leurs repas dans de la délicate vaisselle tandis que, au dehors, leurs familles narguent les policiers, à bord de bolides dont le moins cher coûte 20 millions d'ouguiyas. Les grenades lacrymogènes disperseront la foule composée, en majorité, de parents et de proches du dictateur déchu Ould Taya, cousin des prévenus.

 

Il s'agit donc de Mohamed Abdellahi Ould Abdellahi  (MAOA) et Mohamed Ould Abdellahi Ould Noueigued (groupe AON), auquel il faut ajouter Abdou Maham, lui aussi incarcéré dans le cadre de l'affaire Sid’El Moctar Ould Nagi, ancien gouverneur de la Banque Centrale de Mauritanie (BCM) ; ce dernier a été inculpé hier, avec son adjoint Mohamed Ould Oumarou, le premier pour "trahison, détournement de fonds, dilapidations de deniers publics, abus de confiance, faux et usage de faux" et le second au motif de complicité des mêmes chefs.

Ould Nagi et son adjoint se trouvent à la prison centrale de Nouakchott, tandis que les trois entrepreneurs passaient la nuit dans les locaux de la brigade de répression des crimes économiques. L'affaire porte sur la disparition de 24 milliards d’ouguiyas (environs 70 millions d'euros), virés de la BCM vers des comptes personnels dans des banques primaires, durant la période où Ould Nagi dirigeait l’institution.

Selon une source au sein de l'opposition mauritanienne, le Rassemblement des forces démocratiques (RFD) et le Front national pour la défense de la démocratie (FNDD) auraient mis en place une commission mixte, afin de suivre l’affaire et apporter un éventuel soutiens à ces symboles vivants du népotisme, tant dénoncés hier, durant la dictature de Ould Taya. Plus surprenant encore, certains prêtent à l’opposant historique Ahmed Ould Daddah, l’intention de manifester sa solidarité avec les détenus.

Globalement, l’opinion exprime une certaine réserve, voire de la perplexité face à l’évènement. Autant le credo officiel de la lutte contre la gabegie semble convaincre la multitude, autant les milieux influents parmi la composante arabo-berbère réprouvent, en silence, la résolution du Président de la République Mohamed Ould Abdel Aziz à remuer le couteau dans la plaie de la compromission collective. La plupart des notables tribaux se sont habitués à l’évidence du profit tiré de deux décennies de corruption et d’impunité.

Des observateurs moins complaisants constatent que les personnes visées jusqu’ici par l’opération comptent surtout les adversaires du Chef de l'État, point ses partisans où ne manquent, pourtant, les individus d’un profil similaire. Selon d’autres, Ould Abdel Aziz procède par étapes et ne devrait épargner aucun des auteurs de crimes économiques. La prochaine purge consisterait au recouvrement rigoureux des impayés fiscaux, rappel qui renflouerait considérablement le Trésor public et entrainerait la faillite des plus grandes fortunes du pays.

 

Mosaïque, de haut en bas et de gauche à droite :

- Mohamed Ould Bouamatou (BSA), le plus nanti de tous, convoqué une première fois puis décoré par la Président  le 28 novembre 2009, ensuite étrangement "oublié" dans la suite de l'enquête ;

- Abdellahi Ould Noueïgued (AON), longtemps l'homme le plus riche de la Mauritanie avant d'être supplanté par son ennemis de toujours, Ould Bouamatou, après la chute de Ould Taya. Son fils est actuellement détenu. Lui est en convalescence, dans une clinique privée en Espagne ;

- Mohamed Abdellahi Ould Abdellahi (MAOA) dit Chrif, sans doute le plus malheureux de tous. C'est le seul, des notables fortunés de sa tribu, à soutenir Ould Abdel Aziz durant la dernière présidentielle mais le Général n'a finalement pas été dupe.

- Sid'El Moctar Ould Nagi, l'homme par qui le scandale arrive.

 

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* Les analystes financiers, sollicités par Taqadoumy, classent, dans le désordre, trois hommes d'affaires, détenteurs de la majorité du capital privé national : AON, MAOA et le milliardaire Mohamed Ould Bouamatou, propriétaire de la holding éponyme, Bouamatou Société Anonyme (BSA), proche cousin du Président Ould Abdel Aziz ; il a été d’ailleurs le principal soutien à sa consolidation au pouvoir, d’abord par le coup d’état du 6 août 2008 puis grâce à l’élection présidentielle du 18 juillet 2009.

 

 

 

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