A.H.M.E.

ARTICLE 99 :

 

 

 

Et notre racisme ?

 

    C’est connu, nous sommes très vigilants contre le racisme qui nous cible. Que nous parvienne l’écho d’un voyageur malmené à une frontière européenne et que nous subissions, à l’occasion d’un déplacement, l’impolitesse xénophobe d’un étranger, nous sommes toujours unanimes à nous soulever contre le chauvinisme éculé des Occidentaux. Des Occidentaux, parce que de notre point de vue, ils sont seuls à pouvoir se permettre quelque arrogante attitude à notre égard. Les autres sont soit trop éloignés pour nous tenir rigueur d’une éventuelle tare, soit trop désavantagés pour se mesurer à nous.
    Nous avons le passé que tout le monde sait, nous avons la religion ultime et la langue de cette religion. Face à nous, il n’y a donc que l’ignorance pour autoriser la vanité de certains. L’ignorance ou l’envie.
    Que nous nous exprimions en Algériens, à l’identité discutée par tous mais tranchée par chacun, que nous parlions en membres des communautés arabe ou musulmane, ou en représentants de l’entité synthétique arabo-musulmane, nous nous posons toujours en victimes. Il est rare que nous nous émouvions de nos agressions.
    Un reportage, paru avant-hier dans Liberté, nous renvoie droit au visage notre racisme ordinaire contre des continentaux subsahariens que la quête d’une existence meilleure a un jour jetés au milieu de nous.
    “Je ne parlerai pas de la méchanceté des adultes, dit un Malien. Nous y sommes habitués. Ce qui m’effraie, c’est le comportement des enfants. Que d’insultes dans leurs bouches !” Ordinaire, en effet, que ce racisme banalisé par les adultes au point où les enfants s’en emparent comme on s’empare d’un jeu délaissé par les grands.
    “Nigro, el-kahlouch” ; qui s’est offusqué de cette apostrophe, souvent gratuite ou provocante, d’un passant à la peau noire ? “El-Yahoud ma darouhach !” Les Juifs ne l’ont pas fait. Ainsi se scandalisent parfois des concitoyens devant la barbarie des massacres terroristes de nos “frères”. Et pour cause ! Les Juifs ne s’entredéchirent point… En tout cas pas à l’époque moderne.
    Et comme pour confirmer leur mépris du Noir qui semble compenser notre complexe de colonisé, voici comment s’exprime dans le même reportage un employeur “au noir” d’un “Africain” (nous ne le sommes plus quand nous avons affaire à des continentaux de couleur) : “Actuellement, je n’emploie pas d’Africains, mais je fais appel à eux de temps en temps. Ils sont robustes, travailleurs et n’exigent pas un salaire excessif.” Ainsi parle, dans le reportage en question, Nacer, “entrepreneur” averti de La Casbah. Si ce discours sur l’Africain robuste, laborieux et frugal ne vous rappelle rien, c’est qu’il faut revoir vos cours d’histoire de l’esclavagisme et du colonialisme.
    Notre racisme s’exprime sous forme de violences verbales. Tant que nous n’avons pas massacré d’étrangers, hors terrorisme islamiste, l’honneur est sauf. N’empêche, ce racisme quotidien est significatif de notre intolérance pour la différence.
    Malgré ces attitudes empreintes de haine et de mépris, nous tenons absolument à notre statut de victimes. C’est bien plus rémunérant.
    C’est pour cela que nous ne faisons cas que de ce que nous subissons de l’autre, et rarement de ce que nous lui infligeons.

    Journal liberté en Algerie
    Chronique
    (Lundi 06 Novembre 2006)

     

    Mustapha Hammouche

 

 

 

 

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