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A.H.M.E.

ARTICLE 88 :

 

    SOS Esclaves / Communiqué : Prix des Nations Unies pour les droits de l’homme

L’Organisation des Nations Unies a décerné à notre compatriote Biram Ould Abeïd Ould Dah, président de l’IRA – Mauritanie, son prestigieux Prix des droits de l’homme, récompensant ses efforts dans la lutte pour l’éradication de l’esclavage dans notre pays.

Á cette occasion, SOS – Esclaves exprime à l’heureux récipiendaire et à l’organisation qu’il dirige ses très sincères félicitations et sa solidarité. Une aussi haute distinction accordée à un compatriote devrait réjouir l’ensemble du peuple mauritanien.

La remise d’un aussi prestigieux prix à un militant des droits de l’homme aurait dû faire la fierté de toute la communauté des défenseurs des droits humains.

En l’occurrence, c’est avec beaucoup de peine que SOS –Esclaves constate que cela n’est pas le cas. Autant, nous comprenons que les esclavagistes, les conservateurs irréductibles et autres partisans de l’ordre social dominant soient affligés par cette distinction, autant nous sommes étonnés de voir des organisations et instances officiellement dédiées à la défense des droits de l’homme s’offusquer et s’indigner d’une telle distinction.

Depuis quelques jours, certaines organisations de lutte pour les droits humains, ou qui se prétendent telles, et avec elles, la Commission nationale des Droits de l’homme (CNDH), ont engagé une campagne de propagande de grande ampleur (conférence de presse, mobilisation de médias, lobbying international, etc.) contre l’attribution à Biram Ould Abeïd Ould Dah du Prix des Nations Unies.

Cette campagne ne fait pas honneur aux organisations qui l’ont initiée. En particulier, elle ne grandit pas la CNDH dont la présidente a cru utile de prendre la parole à la tribune des Nations Unies pour discréditer l’IRA, et semer le doute sur l’engagement et l’action de Biram Ould Abeïd Ould Dah.

Tout en déplorant et dénonçant ces agissements, SOS – Esclaves est loin d’en être surpris. Nous connaissons assez les armes et les subterfuges de forces esclavagistes et des courants négationnistes de la réalité de l’esclavage pour ne pas nous en étonner. Nous sommes cependant peinés de voir des organisations «indépendantes » et des instances gouvernementales s’affirmant au service des droits de l’homme s’approprier les arguments et les méthodes des pires ennemis de ces droits.

La tactique de ces derniers emprunte principalement deux voies :

Rompre l’unité et la solidarité des organisations les plus résolues dans la lutte contre l’esclavage, en jouant sur d’éventuelles ambitions personnelles ou rivalités organisationnelles. Par exemple, selon les animateurs de la campagne contre Biram, celui-ci ne mériterait pas le Prix décerné par l’ONU, qui aurait dû revenir à Cheikh Saad Bouh Kamara, ou à Boubacar Ould Messaoud, ou Me Fatimata M’Baye ou Aminetou Mint Ely ou Mamadou Sarr. Ni l’une ou l’autres ces personnes ni l’organisation SOS – Esclaves, n’est dupe d’une telle hypocrisie, et tous sont trop éloignés de telles mesquineries.

Chacun a la liberté de partager ou pas le sens du combat dans lequel l’IRA et Biram sont engagés, d’être en accord ou pas avec leur conviction et leurs actions. Nul, cependant, ne peut contester la qualité de leur engagement et les sacrifices qu’ils consentent dans le combat pour l’éradication de l’esclavage dans notre pays.

L’autre axe de la contre-offensive pro-esclavagiste est la sauvegarde de l’unité nationale. Toute dénonciation de l’esclavage est perçue comme une action de sape contre l’unité nationale, devenue l’objectif absolu devant lequel doivent s’effacer tous les principes et les exigences de liberté, d’égalité et de justice et de progrès social.

Á SOS – Esclaves, nous demeurons convaincus qu’une unité nationale fondée sur l’asservissement, la domination et l’humiliation est un objectif vain et dangereux. En fondant leurs réactions et leurs attitudes sur des arguments aussi pernicieux, nombre d’organisations de « défense » des droits de l’homme s’alignent, consciemment ou non, sur les positions des forces esclavagistes et négationnistes.

Pour sa part, SOS – Esclaves regrette profondément une telle orientation, et en appelle au sens des responsabilités de chacun, comme elle réitère à l’IRA et à Biram Ould Abeïd Ould Dah ses félicitations et ses encouragements.

Nouachott, le 17 décembre 2013
Le bureau Exécutif de SOS-Esclaves

Boubacar Ould Messaoud, Président


 

 

 

 

 

 

 A propos de l’esclavage

 

 

    Sous la pression de certains partis politiques et de la société civile, une loi criminalisant
    l’esclavage a été votée par l’Assemblée nationale et le Sénat. Quelques mois après sa promulgation dans le journal officiel, son application effective et réelle pose encore problème comme en témoigne les plaintes que reçoivent les Organisations de Défense des Droits de
    l’Homme.

    Pourquoi ? Où en est-on aujourd’hui avec cette loi sur le plan de la sensibilisation ?

    Loi n°048-2007 : une reconnaissance de fait

    Pour les Organisations de Défense des Droits de l’Homme, la loi n° 048-2007 n’est qu’un pas par rapport à la question de l’esclavage. Elles estiment que l’une des actions à mener d’abord contre cette pratique, c’est de faire cesser l’impunité des crimes et délits de l’esclavage. Cette loi est un outil qu’elles ont toujours jugé indispensable.

    Mais, selon Boubacar Messaoud, président de SOS Esclaves, ce n’est pas encore le moment de crier victoire. «C’est juste une première chose, pense-t-il. Maintenant, par rapport à la loi, nous estimons que c’est un acte positif même si elle a des insuffisances.

    Nous pensons qu’elle n’est pas en soi-même une solution : elle demande des mesures
    d’accompagnement importantes pour qu’elles puissent produire l’effet escompté. En ce qui concerne la loi elle-même, nous disons qu’elle est intéressante. C’est la preuve que l’opinion nationale et ceux qui nous gouvernent reconnaissent aujourd’hui - avec beaucoup d’hésitations du bout des lèvres - qu’il y a des pratiques esclavagistes dans ce pays. L’esclavage a été toujours nié et occulté.

    Avec cette loi, c’est un élément d’une reconnaissance de fait qu’il y a un problème d’esclavage. Dorénavant, on peut attaquer devant la justice quelqu’un qui pratique l’esclavagisme. Mais la plus grande insuffisance dans la loi, c’est le refus de donner aux organisations de la société civile notamment celles de défense des droits de l’homme de se porter partie civile
    . »

    Du refus de poursuivre et de sanctionner Ce refus s’explique par le fait que ceux qui ont voté la loi ne veulent pas que les gens qui pratiquent l’esclavage soient poursuivis et sanctionnés. Aux yeux de Boubacar Messaoud, c’est une position grave de conséquences.

    «
    Aujourd’hui, fait-il remarquer, la loi a été votée, promulguée et publiée, mais nous avons soumis plusieurs cas devant les juridictions mais les victimes ont chaque fois déclaré qu’elles ne veulent pas se plaindre. Ce refus de se plaindre a été souvent suscité parce que l’esclave
    n’étant pas habitué à se plaindre. La plainte devrait aller jusqu’au bout pour faire comprendre à tout un chacun que l’esclavage n’est plus tolérer. S’il n’y a pas de plainte, la loi n’aura jamais un début d’application et elle va tomber en désuétude comme les lois qui l’ont précédé
    . »

    La loi n° 048-2007 n’a pas un effet dissuasif La loi n° 048-2007 n’a pas véritablement réussi à circonscrire le phénomène de l’esclavage. Par exemple, depuis que cette loi a été votée, on
    n’a pas constaté de sanctions alors que de jour en jour les Organisations de défense des droits de l’homme, comme SOS Esclaves, sont régulièrement saisies par des victimes de
    l’esclavage.

    Actuellement, les Organisations de Défense des Droits de l’Homme sont en train de se battre pour qu’elles puissent déposer une plainte au cas où le plaignant voudrait se retirer ou ne pas se plaindre à cause de la pression. «
    A ce moment, nous aurions déjà les effets escomptés sur les poursuites » souligne Boubacar Messaoud, pour qui la pratique de l’esclavage est une normalité dans notre société. Ainsi donc, la loi n° 048-2007 devait être faite pour punir cet acte anormal.

    Pour lui, pour que cette loi puisse circonscrire l’esclavage ou avoir un effet dissuasif réel, il faut qu’elle puisse être appliquée aux contrevenants. En plus de cela, les autorités demandent à ce que l’esclave prouve lui-même qu’il est esclave. 

    «
    La loi ne porte pas d’effet parce qu’il y a eu une campagne de sensibilisation extrêmement faible et derrière cette campagne, il y a une autre campagne opérée par certaines administrations et par certaines autorités civiles et politiques qui font dire à tout le monde que
    l’esclavage n’existe pas. Nous avons une société civile et des organisations de défense des droits de l’homme qui sont là pour faire des enquêtes, suivre le problème et aider à faire ressortir le monstre. Nous sommes dans une société où la remise en cause de l’esclavage sur le plan des principes n’est pas encore réellement suffisante. Les gens ne sont pas éduqués contre l’esclavage : ils estiment que c’est une normalité. Déjà, le fait de quitter son maître sans son affranchissement et son consentement est grave pour eux. Aller se plaindre contre leurs maîtres est encore beaucoup plus grave
    », explique-t-il tout en soutenant que la loi n° 048-2007 devait être modifiée et donner aux Organisations de Défense des Droits de l’Homme la capacité de se porter partie civile(accordée par la loi).

    Beaucoup d’insuffisances ont été relevées dans cette loi qui n’accorde que l’assistance aux Organisations de Défense des Droits de l’Homme. Cette capacité de se porter civile aurait permit qu’on ait des cas d’esclavage devant les juridictions. La loi seulement ne suffit pas En outre, les Organisations de Défense des Droits de l’Homme demandent qu’il y ait des structures, une politique et un ensemble d’actions et de mesures susceptibles de permettre aux esclaves de s’insérer dans la vie économique et sociale. C’est une demande incontournable et objective, selon Boubacar Messaoud.

    «
    Aujourd’hui, les esclaves qui ont quitté leurs maîtres ont des difficultés de s’insérer sans
    l’aide de leurs maîtres. Les autorités n’ont pas mis en place un système qui puisse prendre en charge ces gens-là directement. Je pense que cela fait partie des choses que le comité va engager. Il devrait y avoir une structure vers laquelle l’esclave qui veut se plaindre puisse venir se plaindre auprès des autorités.

    Il y a dans la loi un article qui stipule que les autorités et les responsables qui refuseront de prendre en considération la plainte et la démarche de l’esclave doivent être poursuivis. Mais qui est habilité à les poursuivre et à les dénoncer à part une autorité légale, compétente et reconnue comme telle
     ? », s’interroge Boubacar Messaoud. Cette situation, dont il fait allusion, n’est supplée que par la Commission Nationale des Droits de l’Homme.

    Les Organisations de Défense des Droits de l’Homme sont en train de mener une bataille pour qu’il y ait une autorité spécifique à l’esclavage. Sur le plan économique, ce qu’il faut faire selon Boubacar Messaoud, est que ceux qui sont dans la campagne puissent bénéficier de subventions. «
    Nous pensons qu’il est nécessaire que les terres cultivables réputées appartenir à l’Etat mais qui sont sous la coupe et la houlette des tribus soient redistribuées et que la réforme foncière de 1983 soit réellement mise en application» préconise-t-il en faisant savoir que cela est aussi valable dans le domaine de l’éducation où les esclaves sont laissés-pour-compte depuis toujours.

    «
    Ceux qui arrivent à accéder à l’école sont toujours des exceptions. Le retard de ce coté est immense. Comment combler ce retard ? Pour le réussir, il est nécessaire qu’une politique de développement des écoles dans les ‘Adouabas’ (villages de haratines) soit réelle. Il faudrait que des mesures d’accompagnement constituant des discriminations positives soient appliquées également à ce monde-là qui vient de l’esclavage aussi bien pour la préférence au travail et l’accès à des emplois sollicités par tout le monde» conclut-il.

    Kréôn

    *-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-**-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-

    Recommandations relatives au suivi de l’application de la loi Les Organisations de Défense des Droits de l’Homme, notamment l’Association Mauritanienne des Droits de l’Homme et SOS Esclaves, ont demandé à ce que des décrets d’application de cette loi soient adoptés rapidement afin que les meilleures conditions d’application de la loi soient réunies et que des mesures d’accompagnement de la loi soient mises en place.

    Elles sollicitent que ces décrets d’application instaurent notamment :

    1. Une commission d’enquête indépendante chargée d’enquêter sur l’ampleur des pratiques esclavagistes en Mauritanie. 

    2. Une institution gouvernementale spécialisée ayant compétence pour coordonner la lutte pour l’éradication de l’esclavage, des pratiques analogues à l’esclavage et leurs séquelles, vers laquelle toute victime et ses descendants auraient la possibilité de se tourner.

    3. Des pratiques de réinsertion sociale et économique pour les victimes de l’esclavage ou de pratiques analogues dont l’action serait coordonnée par une Agence Nationale pour
    l’Eradication de l’Esclavage et ses Séquelles.

      4. Une publication et une diffusion par les médias les plus accessibles au public au frais du condamné de toutes les décisions judiciaires définitives et exécutoires rendues conformément à la présente loi. 

    5. Des foyers d’accueil pour les victimes de l’esclavage venant de se libérer. 

    6. Des campagnes de sensibilisation mobilisant les acteurs de la Société Civile dont notamment les Oulémas et les Imams. Ces derniers doivent transmettre l’esprit de cette loi au travers de leurs prêches dans toutes les Mosquées du pays. 

    7. L’éducation aux droits de l’homme et à la lutte contre l’esclavage dans les programmes scolaires.

     Le 08/06/08
    Boubacar ould Messaoud
    Source : La Tribune (Mauritanie)

     

 

 

 

 

 

 

 

 

L’émancipation des Haratine, clef de l’unité nationale

 

    Sentiment d’appartenance à une communauté humaine solidaire et achevée dans l’espace,
    l’unité nationale suppose une adhésion, par volonté, de la part de groupes, sur la foi d’une reconnaissance mutuelle de la distinction, ensuite de leur part respective à la mémoire.


    A ce titre, elle ne saurait se présumer, ni s’imposer par le seul effet du temps, la durée ne suffisant guère à pallier les ratés de l’histoire, surtout quand ils découlent de la discrimination.

    En Mauritanie, le débat sur le devenir commun et les conditions de sa permanence a toujours été différé, voire franchement maintenu sous la censure du soupçon. Jusque là, oser douter de l’évidence du vivre ensemble, relevait de velléités de racisme, si ce n’est de sécession. Le système de domination dressait tellement ses victimes à la hantise de la singularité, qu’elles intériorisaient l’interdit, donc la honte de devoir élever la voix de leurs doléances.

    Malgré des liens multiples entre communautés - souvent conçus dans les strates de
    l’oppression – la cohésion minimale se retrouve remise en cause à plusieurs niveaux. Au-delà de la dimension «
    ethnique », qui vient, naturellement à l’esprit, eu égard aux événements de 1989-1991, le tissu social souffre de fractures profondes et bien plus anciennes ; elles en compromettent l’harmonie.

    La récurrence des incidents isolés, auxquels n’échappe cependant aucune parcelle du territoire, nous rappellent l’urgence de combler le fossé potentiel entre les composantes de ce pays. Ils constituent des signes d’un malaise profond, en particulier au sein de la société arabophone, entre anciens esclaves et ex – maîtres. Ne s’exprimant pas toujours de manière ouverte, faute d’espaces de thérapie appropriés, le ressentiment des Hratine gagne en vivacité, sous un cumul de vecteurs, tels la montée exponentielle des frustrations, la persistance des pratiques esclavagistes, l’accès problématique à la terre et aux opportunités économiques, les inégalités flagrantes dans la redistribution des richesses…

    Dans le contexte de chute de la dictature suite au coup d’état du 3 août 2005, les forces de
    l’inertie semblent l’emporter sur celles du changement ; l’espérance de paix et de mieux-être dans l’équité s’estompe ; deux sociétés parallèles se côtoient toujours sans se connaître, ni se croiser, au risque d’entretenir les germes de leur propre confrontation. Loin de cultiver une nouvelle communauté de destin sur la base de l’égalité, de la vérité en commun et du respect, elles se cantonnent, de plus en plus, dans une attitude de ghetto et de méfiance réciproque. Aussi, le pays va t –il au – devant de graves risques que seule conjureraient des mesures concrètes de réhabilitation et de partage.

    Sans être institutionnalisée, l’exclusion des Hratines résulte d’un verrouillage systématique et de l’accaparement des ressources et opportunités au profit des réseaux de pouvoir. Les ressources de la
    Mauritanie appartiennent à qui s’appuie sur les notables tribaux, eux qui
    n’ont presque jamais rien gagné à la sueur du front.

    Il en résulte une logique de reproduction des rapports de préséance par la caste et leur transposition sur le terrain de l’apport des richesses, à partir de capitaux très souvent acquis selon les modes de prédation traditionnels que sont la rapine, le détournement et l’échange d’influence ; la composition de la
    Confédération Nationale des Employeurs de Mauritanie (CNEM, patronat) atteste à quel degré de banalisation parvient le constat. Les banques privées, les sociétés de service, les hôtels, les licences de pêche et d’importation, les meilleurs terres de culture, bref l’armature même de l’économie se confond avec le privilège de naissance ; ici, ceux qui ne disposent pas de relais, se situent trop au bas de l’échelle ou ploient sous le faix des inégalités, subissent, sans pitié ni recours. Là, la République sonne comme une promesse lointaine et la démocratie une utopie inaccessible…Nous ne souhaitons et ne pensons que tant d’iniquité dure.

    La Loi votée récemment, annonce des lendemains plus justes, même s’il reste à
    l’accompagner par une stratégie conséquente d’éradication des comportements serviles et de leurs conséquences. Au demeurant, le texte ne déroge pas au caractère formel des tentatives de rupture, en dépit de sa forte charge symbolique. Oui, dans les faits, le refus systématique de sanctionner les abus persiste, au détriment de la portée pédagogique du droit ; l’attitude se traduit par la réticence des autorités à l’appliquer dans toute sa rigueur ; la seule évocation du contentieux leur tient lieu de solution, point besoin d’aller outre.

    Comme d’usage, la culture de l’impunité convoque, toujours, notre «
    religion de tolérance », nos « coutumes d’hospitalité et de paix » et tant d’autres ruses du langage où se dissolvent la responsabilité et la réparation. En matière d’esclavage, de torture, de racisme homicide, de corruption et de privatisation du bien public l’on pardonne sans cesse, l’on pardonne sans même demander son avis à la victime, sans même savoir quoi pardonner. Muni de son certificat, l’auteur du crime recommence, le lendemain. Il sait que le fonctionnement du système lui garantira, encore, l’immunité.

    Oui, voyez-vous, avant de discuter de l’abolition, des décisions pratiques de la réconciliation et d’un nouveau départ, l’unité nationale requiert, d’abord, le langage de la réalité; sachons parler des défis sur les média audiovisuels, croisons les arguments à tous les échelons de la vie civile, dans les quartiers, les communes rurales, les écoles, les casernes, les commissariats de police !

    Ce préalable acquis, la redistribution des ressources du pays et des opportunités
    d’enrichissement découlera de la pression
    inévitable et excèdera le périmètre étroit de la cooptation des élites au sommet. L’émancipation des descendants d’esclaves appartient aux certitudes de l’histoire ; s’il nous importe de maitriser l’évolution dans le sens de la cohésion nationale, il revient, aux autorités publiques, de désamorcer les potentiels de conflit, notamment par la redistribution définitive des terres, à l’abri de la tenure traditionnelle, selon le principe de l’appropriation en vertu de l’effort.

    Egalement, veilleront-elles au regain de la citoyenneté, par l’exploration des approches de promotion préférentielle, dans l’accès aux services de base et investissements facteurs de valeur ajoutée. Parce nous ne quémandons rien mais exigeons des droits bafoués, la quête de solutions novatrices, dans le recrutement à tous les échelons, s’appuiera, sur le double critère de la probité et de la compétence, avant l’expérience et la notoriété.

    L’approche permettrait la compensation graduelle des inégalités ; petit-à-petit, la société intégrerait les exclus, tant il est vrai, en
    Mauritanie comme ailleurs, que l’unité se réalise mieux autour de l’intérêt général.

    L’urgence, pour l’instant, consiste à ouvrir, partout, des espaces de dialogue et libérer les forces de la société civile, ciment du vivre-ensemble. Celles – ci porteraient un double message : d’abord informer et convaincre les anciens esclaves de la crédibilité de la réforme entreprise pour l’éradication de l’esclavage. Il convient de nous persuader les uns et les autres combien le dialogue franc demeure l’unique chemin pour se prémunir des périls de
    l’incompréhension et de la violence.

    Je vous remercie
     

    3 février 2008
    Boubacar ould Messaoud
    La Tribune n°384 (Mauritanie)

     

 

 

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