A.H.M.E.

ARTICLE 70 :

 

De l'esclavage domestique à l'esclavage agricole

 

 

    L'esclavage existe encore ! De l'esclavage domestique à l'esclavage agricole

    Les mauritaniens sont tous témoins qu'une loi criminalisant l'esclavage a été voté par nos parlementaires et approuvée par tous les citoyens épris d'un esprit de justice et d'égalité. Les organisations nationales des droits de l'homme entre autre l'ONG "S.O.S Esclaves" ne cessent de tirer la sonnette d'alarme avec des preuves tangibles mais hélas, rares sont ceux qui leur prêtent oreille.

    Et pourtant l'esclavage est toujours présent parmi nous mais sous une forme différente de celle qu'a connu l'humanité toute entière. A ce titre, il nous rappelle le VIH qui une fois menacé se transforme et continue à détruire jusqu'à la mort.

    Le jeudi 1er novembre dernier,
    Birame Ould Abeid activiste des droits de l'homme invite à son domicile au nom de "S.O.S Esclaves" et son président Boubacar Ould Messaoud, des journalistes à un dîner au cours duquel ces derniers ont rencontré des victimes de l'esclavage agricole qui racontaient des atrocités inimaginables dans un pays dit de droit. Ainsi, nous avons rencontré deux groupes de victimes qui viennent de l'Assaba au moment où nos confrères ont rencontré d'autres victimes qui viennent du Trarza, du Brakna mais aussi du Gorgol.

    Le premier groupe rencontré est constitué de deux frères
    Abida Ould Abdallahi et Brahim Ould Abdallahi le premier est né en 1945 et le second en 1947 dans la localité de El Ghayira du département de Guérou et Med Ould Brahim qui raconte :

    «
    Voilà plus de 150 ans que nos aïeux (7 générations avant la notre) ont construit le barrage de Hiyad dans l’oued de Djowk de la commune de El Ghayira du département de Guérou. Nous avons toujours été les seuls habitants de la zone.

    Les sécheresses qui ont sévi dans le pays, la famine, les constructions des différentes routes et bien d’autres fléaux ne nous ont chassé de ce coin qui fait partie intégrante de nous même. Nos parents, grands parents et arrières grands parents ont de tout temps été assujettis à l’esclavage car leurs maîtres s’accaparaient de la plus grande partie de leurs récoltes sans qu’il y ait la moindre résistance.

    En 1976, au moment de nos récoltes, nos maîtres se présentent non seulement pour prendre nos récoltes mais aussi nous signifier que nous devions quitter ces terres qui sont leurs propriétés. Ce fut le début de notre mésentente.

    En 1979, donc trois ans plus tard certains de nos maîtres sont venus s’installer avec nous dans la zone tout en nous mettant à l’écart des zones fertiles mais aussi en proférant des menaces. L’étau va se resserrer autour de nos cous quand en 1991, nous nous sommes rangés du coté de l’opposition dont Messaoud était l’un des principaux dirigeants. Alors nos maîtres nous considèrent comme des rebelles et exercent toutes sortes de pressions pour nous chasser définitivement de la localité. Alors un bras de fer nous opposera jusqu’en 1999 où ils ont tenté sans succès de nous diviser.
     
    A la construction du barrage par nos aïeux, le chef de nos maîtres à l’époque Elemine Ould Med Ahmed n’a pas fait de partage de la terre entre ses sujets, la terre se cultivait globalement. A la récolte les maîtres prenaient la part du lion et les esclaves le reste. Mais après sa mort son fils Ahmed Vall Ould Addou a tout simplement réparti ces terres entre les maîtres à l’insu de nos parents qui cultivaient sans le savoir des terres attribuées arbitrairement à leurs maîtres.

    A la mort de Ould Addou, Elemine Ould Med Ahmed junior prend la relève et exige notre départ de la zone. Abida Ould Abdallahi a osé dire que la terre appartenait aux siens et que nul ne pouvait les chasser de ces terres. Pour toute réponse, Elemine soutient que les esclaves
    n’héritent pas de leurs parents et organise une expédition punitive
    ».

    Ainsi, avec un groupe des siens, il trouve
    Abida et son frère Brahim au champ pour les battre à mort. Bilan : Abida s’en sort avec une mâchoire brisée et des traumatismes crâniens provoquant une diminution de la vue. Tandis que son frère Brahim aura les côtes et les deux bras brisés. Informée, la gendarmerie se rend sur les lieux et évacue les blessés au poste de santé de El Gayira avant d’être admis à l’hôpital de Guérou.

    L’affaire a été traduite devant la justice en septembre 1999 à
    Kiffa. Là, Abida soutient avec force que le procureur, le directeur de l’hôpital et le juge d’instruction ont tous comploté avec les assaillants et c’est ainsi qu’il va se retrouver (lui l’agressé) avec 3 de ses agresseurs en prison pendant plus de 15 jours. Ayant perdu beaucoup de sang Abida deviendra aveugle et incapable désormais de travailler pour survivre. Brahim s’en sort avec une hémiplégie du côté droit.

    A la suite de cet incident, le barrage litigieux restera plusieurs années sans être cultivé. En 2005, les maîtres ont tenté de refaire le barrage mais les esclaves portent plainte, la gendarmerie arrête les travaux. Mais le hakem de
    Guérou ordonne à la gendarmerie de laisser faire et chaque fois que les esclaves se présentent à lui pour faire des réclamations, il leur dit que la zone en question ne dépend pas de son département. Quelle sottise !

    Alerté, le wali ordonne l’arrêt des travaux mais pour peu de temps car suite à multiples pressions il ordonnera aux protagonistes de cultiver dans le barrage en question. Situation délicate pour les esclaves qui se voient obligé de partager leur propre terre avec ceux qui les ont toujours maltraité. Le tout nouveau wali qui a été mis dans le bain demande à ce qu’une solution à l’amiable soit trouvée.

    Le second groupe que nous avons rencontré est celui des femmes de
    M’Seylit Lehbech de la commune de Kouroudiel toujours de la wilaya de l’Assaba. M’rayem et Fatimetou mnat Meouloud y cultivaient des terres que leur père leur a légué après sa mort. Leurs voisins les plus proches sont Ehl Homod et Ehl Lek hal.

    Ehl Abdellatif
    qui venait de s’installer près d’eux ont voulu creuser un puits, mais leurs anciens voisins ne sont pas de cet avis et demandent aux pauvres femmes de s’opposer. Ces dernières refusent de se prononcer.

    Ce refus va leur coûter cher car malgré qu’elles possèdent des permis d’occuper en bonne et due forme, leurs anciens voisins tentent par tous les moyens illégaux y compris des agressions physiques (les pauvres dames ont été attaquées en pleine nuit par des hommes sur ordre de
    Tiyib Ould Mahmoud, un maître qui se veut au dessus de la loi) avec la complicité de l’administration de les déposséder de leur terre. Un procédé qui leur a réussi avec la pauvre esclave Nessra mint Soueidi qui a été dépossédée de son bétail par son maître Yahya Ould Taleb.

    Le 7 novembre 2007


    JIDDOU HAMOUD DERDECHE

    source : http://www.cridem.org

 

 

 

 

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