A.H.M.E.

ARTICLE 64 :

 

Le complot permanent

 

     

    Le complot permanent


    Depuis le début de prise de conscience des Haratines de leur conditions déplorables dans le système politique mauritanien discriminatoire et excluant, une politique systématique visant à les maintenir dans leurs conditions de citoyens de second rang a été élaborée et mise en œuvre par tous les régimes qui se sont succédés au pouvoir depuis
    l’indépendance.

    Du régime du feu
    Moctar Ould Dadah à partir de 1960, en passant par tous les pouvoirs
    d’exception, jusqu’à celui de
    Sidoca aujourd’hui, la position envers les Haratines reste sans appel : marginalisation et exclusion systématiques. Laissant de côté l’histoire politique antérieure à l’ère des régimes d’exception à partir de 1978, nous allons axer notre analyse sur la période commençant à partir du processus de démocratisation en 1991.

    Au cours de cette période, le régime de
    Ould Taya s’est fixé comme objectif principal la lutte contre l’émergence de toute « force politique » haratine. Les stratégies de marginalisation des leaders Haratines qui portent le flambeau de l’émancipation de cette communauté s’accompagnent d’autres stratégies de récupération de certaines figures pour casser toute tentative de renforcement d’un front uni haratin. Ainsi, les principaux leaders politiques et syndicaux tels que Messaoud, Boubacar, Samouri… sont diabolisés s’ils ne sont pas jetés tout simplement en prison.



    Les autres se sont laissés guidés par leurs propres intérêts personnels égoïs-tes en cautionnant une politique injuste et discriminatoire fondée sur la marginalisation,
    l’exclusion et le dosage ethno-communautaire dont ils sont les seuls bénéficiaires. Ces prétendus
    "représentants" de la communauté haratine se sont d’ailleurs révélés plus dangereux pour les Haratines que ne le sont leurs anciens maîtres. Pire, ils sont devenus des remparts contre toute possibilité d'alternance pour cette "représentativité" contrairement aux autres communautés où elle est la règle.

    Parallèlement à ces stratégies de marginalisation et d’exclusion, la question des négro-mauritaniens a créé un consensus réel chez les maures : il s’agit de faire front contre l’émergence de force politique haratine autonome pour se focaliser sur la question négro-africaine qui nuit déjà fortement aux rapports extérieurs du pays. Le régime
    Taya a pu ainsi créé un consensus beidan au-tour de lui. La propagande dans les salons et les cercles restreints du pouvoir croit savoir que le pouvoir beidan, et par ricochet le système maure, est menacé par les périls « Kwar » et Haratin d’où la nécessité d’un sursaut
    «
    patriotique » pour sauvegarder la prédominance beidane.
     
    Telle était la première étape du complot ourdi par les forces obscurantistes Beidane pour étouffer dans l’œuf toute velléité d’émancipation des Haratine. Un complot dans lequel toutes les forces politiques maures, même les plus radicales et gauchisantes s’y sont trempées.

    A la suite de la disparition du régime tyrannique et raciste de
    Ould Taya le 3 août 2005, les Haratines, comme tous les marginaux, ont accueilli favorablement le nouveau
    « changement » de pouvoir dont les auteurs s'engagent à faire régner la «
    justice » et la « démocratie » dans le pays. Ils formulent beaucoup d'espoir pour la mise en œuvre rapide de mesures appropriées afin de recouvrer leurs droits spoliés depuis l'indépendance du pays. Toutefois, la composition de la nouvelle équipe gouvernementale de transition avait fait disparaître tout espoir de changement.

    Le vieux réflexe des citoyens de second rang dont les Haratines sont les éternelles victimes a refait surface. D’ailleurs, l’on pourra ne pas fonder beaucoup d’espoir dans la nouvelle junte militaire dont les principaux auteurs représentaient les piliers du pouvoir déchu et, quand bien même ils façonnaient les stratégies politiques et sociales dont les principales victimes sont les Haratines. C’est dans cadre qu’après la mise en place de la nouvelle administration les Haratines n’ont eu droit qu’à 2 ministres sur une trentaine, un wali sur 13, 2 préfets sur 52, un secrétaire général et moins de 5 directeurs centraux ou
    d’établissements publics et parapublics.

    Avec la campagne référendaire sur la constitution, le chef du
    CMJD n’a pas caché son mépris pour les Haratines, ce qui d’ailleurs n’est pas étonnant pour un homme qui a dirigé pendant vingt ans la sécurité du régime déchu et qui était un acteur principal dans toutes les dérives autoritaires connues durant cette période noire de l’histoire politique du pays. Deux grands moments dans son périple référendaire révèlent la position intransigeante du chef du CMJD par rapport à la question haratine : les étapes de Rosso et Nouakchott en sont l’illustration.

    A
    Rosso, il s’en est pris violemment à tous les défenseurs des droits de l’homme et en particulier ceux qui luttent contre l’esclavage et ses séquelles. Il n’a pas eu honte de nier
    l’existence du phénomène et s’est posé comme défenseur des esclavagistes en justifiant cette pratique ignoble par son existence dans toutes les sociétés traditionnelles de la sous-région. Il est donc normal que les Beidan, tout en faisant partie de cet environnement géo-culturel, pratiquent l’esclavage. Selon lui, continuer à dénoncer l’esclavage en
    Mauritanie, signifie contribuer davantage à ternir l’image du pays. C’est le même discours que tenaient Ould Taya et ses laudateurs durant la période de son règne.
     
    Au meeting de
    Nouakchott le chantre de la « justice » et de la « démocratie » a piqué une crise quand il s’est rendu compte de la forte mobilisation du pu-blic composé majoritairement de Haratine avec des banderoles dénonçant l’esclavage. Il les a attaqué directement en les qualifient « d’électorat de Ghetto et de périphérie» dont le vote n’aura aucune influence sur la stratégie qu’il s’est déjà tracée pour traiter les problèmes dont ils sont victimes. « Ecrivez tout ce que vous voulez, cela ne changera rien » déclara-t-il en regardant les banderoles.

    Ainsi, durant toute la période de transition aucune mesure visant à prendre en compte les revendications des Haratines n’a été prise. Il fallait attendre moins d’un mois avant la fin de la transition pour qu’une coquille vide appelée «
    commission nationale des droits de
    l’homme
    » soit mise en place, sans que ses objectifs, prérogatives ou son mandat soient clairement précisés. Comme au temps où ils étaient aux commandes de la sécurité du régime déchu, les principaux auteurs du coup d’Etat du 3 août 2005 n’ont pas failli à la règle. Ils ont continué la politique d’exclusion et de marginalisation des Haratines. Des stratégies bien pensées seront d’ailleurs utilisées au cours de la campagne électorale pour barrer la route à l’ascension du seul candidat Har-tani, Monsieur Messaoud Ould Boulkheir.

    C’est ainsi que ses principaux soutiens négro-africains ont été neutralisés pour diminuer le score que le candidat pourrait obtenir au premier tour. Malgré la force de mobilisation de ses adversaires et les complots qu’ils fomentent contre lui,
    Messaoud a obtenu un score honorable. L’appareil militaro-sécuritaire qui soutient le candidat indépendant Sidoca est pris de panique. Des tractations sont engagées pour barrer la route au candidat du RFD et s’assurer la victoire de Sidoca.

    Messaoud
    le «diable» d’hier devient un saint dont on cherche la bénédiction aujourd’hui. On le courtise ; on cherche son soutien par tous les moyens. Des négociations sont enga-gées avec le camp de Sidoca qui a promis de prendre en compte le programme de campagne de l’APP dans son projet de société. Les questions des droits de l’homme et du passif humanitaire (esclavage, retour des réfugiés, ouverture du dossier des victimes des exactions de 1991-92) qui sont des projets chers à Messaoud sont pris en compte par Sidoca.

    Des engagements concernant des quotas réservés à l’
    APP dans le cabinet ministériel et dans les administrations ont été pris. Après la victoire de Sidoca les engagements pris ont-ils été honorés? Le changement que Sidoca a promis dans le style de gouverner, de promotion de la justice sociale, de partage équitable des ressources a-t-il eu lieu ? Abstraction faite des engagements pris avec l’APP, quelle place occupent les Haratines dans la politique actuelle de Sidoca ?

    Il n’est pas exagéré de dire que
    Sidoca a failli à la majeure partie de ses engagements en vers ses partenaires. Pire, il donne l’impression d’un « homme de paille » que des forces occultes et réfractaires au changement manipulent à leur aise. Il suffit de revenir sur la composition de son gouvernement et les nominations administratives qui l’ont suivie, actes notoirement en contradiction flagrante avec ses discours d’avant et d’après campagne. Les slogans de « l’homme qu’il faut à la place qu’il faut », la prise en compte de l’ensemble des composantes nationales dans les nominations et promotions administratives, la compétence et les qualifications ne sont en réalité que de la poudre aux yeux ; des slogans creux qui visent finalement à tromper l’opinion publique.

    Les Haratines sont les premières victimes de cette situation. Ils sont marginalisés et exclus de la plupart des promotions. Les aberrations les plus significatives viennent de
    Sidoca lui-même. Sur plus d’une vingtaine de conseillers et chargés de missions à la présidence, on ne compte aucun hartani. C’est le cas pour la diplomatie où il n’y a qu’un seul hartani sur l’ensemble de la représentation diplomatique du pays, sans oublier les secrétaires généraux des ministères où on compte également un seul élément haratani.
     
    Sur les treize walis on ne compte que deux, alors que pour les
    DREN les Haratines n’ont pas droit de citer. Dans l’administration centrale et territoriale l’exclusion est aussi de règle. Dans certains départements ministériels, on ne trouve aucun directeur ou conseiller hartani. Ceux qui étaient là durant la transition sont systématiquement renvoyés à la rue alors que certains cadres haratines mieux formés et plus compétents se sont retrouvés coiffés par des cadres beidans aux diplômes et compétences douteux.

    Sidoca
    peut se venter d’avoir promulgué (avec beaucoup de difficultés au sé-nat) une loi incriminant les pratiques de l’esclavage. Mais, s’agit-il là de la seule revendication des Haratines ? D’ailleurs, quelle est la valeur d’une loi si elle n’est pas accompagnée de mesures appropriées pour son application ré-elle ? On comprend désormais que par cette loi Sidoca voudra réduire, voire contenir la revendication des Haratines pour une vie digne dans ce pays. Mais qu’il sache qu’il s’agit d’une duperie. La problématique Haratine est plus complexe pour être dépassée par une simple loi dont l’applicabilité n’est pas garantie. D’ailleurs l’acharnement d’une partie écrasante des sénateurs contre cette loi prouve que Sidoca ne maîtrise pas ses troupes.

    Pour revenir sur le régime de
    Sidoca et la question haratine, nous disons que tout ce qui se fait actuellement donne l’impression qu’on est en présence d’un complot réel contre les Haratines organisé par les forces rétrogrades qui ont investi et soutenu la candidature de Sidoca. Ce sont d’ailleurs ces mêmes forces qui s’agitent actuellement dans l’ombre pour pousser leurs laudateurs et leurs sbires à s’organiser dans une formation politique dont
    l’objectif est de maintenir le statut quo social, politique et économique.

    Les Haratines ont trop subi d’injustice ; Assez c’est assez. Avant que ce soit trop tard, Sidoca devra se ressaisir. A cet effet, il est important que l’embargo imposé aux Haratines soit levé rapidement et qu’une politique de discrimination po-sitive leur soit définie et mise en œuvre en urgence. C’est la seule façon pour
    Sidoca de se repentir et de se racheter ; si non, la patience à ses limites.

    Nouakchott, le 20/09/07

 auteur : zeid1007

 

Source : www.cridem.org

 

 

 

 

 

 

 

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