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A.H.M.E.

        ARTICLE 578 :

 

 Constitution et "races" humaines (III)

 

19/05/2013

Le 19 mai 2013, Atlantico publie un point de vue dans la rubrique Pensée unique, avec le titre « Suppression du mot race de la législation française : abolissons donc tous les mots qui pourraient laisser supposer que des différences existent ». On tombe assis devant une telle argumentation. Pourquoi la légistation française devrait-elle entériner un concept inutile sur le plan citoyen, qui ne repose sur aucune preuve scientifique et dont le caractère infondé est de plus en plus largement reconnu ? De son côté, Le Monde publie dans sa rubrique Idées un article intitulé « Sexes et races, deux réalités ». Quel rapport entre les deux concepts ? Pourtant, cette fois-ci les auteurs vont même jusqu'à évoquer l'affaire Lyssenko. Pourquoi la suppression du mot « race » des textes de loi dérange-t-elle à ce point, alors qu'aucune preuve de l'existence de « races humaines » n'existe ? La proposition de loi sur la « suppression du mot "race" de notre législation » a été adoptée cette semaine en première lecture par l'Assemblée Nationale avec un large consensus sur le fond. Mais qu’en est-il de la suppression du mot « race » de la Constitution, comme promis il y a plus d’un an par François Hollande et évoqué dans nos articles « Constitution et "races" humaines » (I) et (II) ? Le 19 mai également, L'Echo Républicain souligne à son tour « Resistance: hommage d'Ayrault et Daniel Cordier à l'héritage social du CNR ». Une excellente évocation historique. Mais dans la même logique, pourquoi ne pas évoquer aussi l'histoire du colonialisme en rapport avec le racisme ? La disparition du mot « race » de nos textes législatifs devrait en fournir une excellente occasion. Pourtant, on n'entend guère le monde politique rappeler la « grande expansion coloniale » et ses conséquences historiques désastreuses. Pourquoi un tel silence ?

 

Le débat récent au sein de l'Assemblée Nationale sur le projet de loi intitulé « suppression du mot "race" de notre législation » a donné lieu à des rappels certes opportuns, mais comportant un certain oubli de l'instrumentalisation de la notion de « race » dans la « grande expansion coloniale » de la fin du XIX siècle.

Pourquoi un tel « oubli » ?

Pourtant, le discours de Jules Ferry du 28 juillet 1885 sur l'expansion coloniale française ( http://scientia.blog.lemonde.fr/2009/12/12/le-discours-de-jules-ferry-du-28-juillet-1885-i/ ) est bien connu pour son utilisation explicite des notions de « races supérieures » et de « races inférieures » afin de justifier et soutenir le colonialisme français le plus vorace. Ce n'était pas une quelconque extrême-droite, mais le « centre gauche » soutenu par la « gauche », qui s'exprimait de la sorte.

Il aurait été d'autant plus opportun de rappeler ces arguments colonialistes d'un racisme extrême, que la « grande expansion coloniale » s'est soldée par deux guerres mondiales avec des effets dévastateurs pour la France et pour l'Europe.

De surcroît, force est de constater que le principal initiateur de l'anthropologie dite « raciale », Paul Broca, devint sénateur de l'Union Républicaine de Léon Gambetta.

La « gauche » parlementaire de l'époque... Et une stratégie dont la première guerre mondiale fut la conséquence directe.

Le rapport présentant la proposition de loi adoptée cette semaine en première lecture rappelle ( http://www.assemblee-nationale.fr/14/rapports/r0989.asp ) :

(...)

A. LA « RACE », FONDEMENT DES DISCRIMINATIONS RACISTES

Le concept de race sous-tendait déjà, implicitement, toute la législation coloniale. S’il n’apparaissait pas expressément dans le « code noir » élaboré par Colbert et promulgué en 1685, dont l’objet était de régler l’état et la qualité des esclaves dans les Antilles françaises et en Guyane, il y va de soi que l’esclave est noir. Dans la seconde version du « code noir », édictée en 1724, la composante raciale devient d’ailleurs plus explicite : les mots « esclave nègre » y sont employés, par opposition aux « blancs » mentionnés à plusieurs reprises (2).

Historiquement, le mot « race » est apparu, de manière expresse, dans la législation française en 1939, avec le décret-loi du 21 avril 1939, dit « décret Marchandeau », du nom du garde des Sceaux de l’époque. Ce texte avait pour objet d’interdire la propagande antisémite, dans un contexte de défense nationale, et réprimait la diffamation commise par voie de presse envers « un groupe de personnes appartenant, par leur origine, à une race ou à une religion déterminée ». Abrogé par le régime de Vichy, il fut remis en vigueur à la Libération, avant d’être remplacé par la loi n° 72-546 du 1er juillet 1972 relative à la lutte contre le racisme.

C’est cependant sous Vichy, avec la législation antisémite, que la race est véritablement devenue une catégorie juridique en droit français. Ainsi, la loi du 3 octobre 1940 portant statut des Juifs dispose qu’est « regardé comme juif pour l’application de la présente loi toute personne issue de trois grands-parents de race juive ou de deux grands-parents de la même race, si son conjoint lui-même est juif ». La loi du 2 juin 1941 édicte par la suite une définition plus précise, en spécifiant qu’est « regardé comme étant de race juive le grand-parent ayant appartenu à la religion juive » et qu’est également regardé comme juif « celui ou celle qui appartient à la religion juive et qui est issu de deux grands-parents de race juive ».


Source :
http://science21.blogs.courrierinternational.com/archive/2013/05/19/constitution-et-races-humaines-iii.html

 

 

    
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