ARTICLE 503 :

  

       Affaire des livres incinérés :
Le juge se dessaisit, Biram et ses compagnons retournent en prison


Le procès de Biram Ould Dah Ould Abeid et de six autres membres de IRA Mauritanie s’est ouvert mercredi 27 juin au palais de justice de Nouakchott. Biram et ses compagnons ont été arrêtés il y a quelques mois suite a l’incinération de livres du rite malékite jugés « esclavagistes » par l’IRA.

Birame et ses compagnons étaient, entre autres, poursuivis pour « Apostasie, atteinte à la sûreté de l’Etat, activité hors la loi… » Infraction pour lesquelles ils encouraient la peine capitale. A l’ouverture du procès, la défense des militants de IRA s’attaque à la procédure de flagrant délit appliquée au sept accusés. Pour la défense, la procédure de flagrance ne peut être retenue.

« Pour des infractions passibles de la condamnation a mort, il faut nécessairement une instruction comme le prévoit l’article 71 du Code de procédure pénale.Or, Birame et les autres militants de l’IRA se sont vus appliqués une procédure de flagrant délit faisant l’économie de l’instruction. »

Pas de flagrance pour des faits passibles de la peine capitale

Après des échanges entre la défense et le parquet, le juge assis demande une levée de séance pour consultations. A la reprise de la séance, coup de théâtre : le juge se dessaisit du dossier. Pourquoi :
« Si la procédure de flagrance est nulle, le mandat de dépôt rendu contre Birame et les six autres militants de l’IRA, est également nulle. » La cour, ayant été irrégulièrement saisie, s’est donc dessaisie de l’affaire. Toute l’enquête sera-t-elle reprise avec saisine d’un juge d’instruction ? Les faits seront-ils requalifiés ?

Les militants de
IRA n’ont pas été libérés. Ils ont retournés en prison. « Nous considérons que Birame et les autres sont arbitrairement détenus maintenant, ils doivent être libérés » dit Me Bah Ould Mbareck, un de des avocats de la défense. L’affaire des livres du rite Malékite incinérés par les militants de l’IRA avaient soulevé indignations et manifestations à Nouakchott et à l’intérieur du pays.

A la tête de ces manifestants reçus devant les grilles du palais par le président de la République, des Imams et chef religieux. Des manifestants qui scandaient, par moment,
« Mort a IRA, Mort à Biram.» Une exception. L’érudit Chekh El Mehdi, à contre courant de l’excitation générale, déclare « qu’en incinérant le livres, Birame n’a pas enfreint la charria. » Il demande aussi sa libération.

Des ONG de défense des droits de l’homme dénonce
« la récupération politicienne de l’affaire des livres et demandent la libération de Birame et de ses compagnons. Kane Hamidou Baba, président du MPR, parti politique de la majorité, a un moment de grande audience à la télévision nationale demande « pour la cohésion et l’unité nationale, la libération de Birame et ses compagnons. » Il va un peu plus loin en ajoutant « ces livres pour nous ne sont pas sacrés. »
Balla Touré, Charge de Mission a l’IRA : « Nous restons vigilants »

«Le fait que la cour se soit dessaisi du dossier pour qualification non conforme est un élément positif en soit mais cela ne nous divertira pas et nous restons vigilants. Nous avons en mémoire que le Général Mohamed Ould Abdel Aziz a déjà rendu le verdict en promettant aux manifestants venus aux portes du palais présidentiel que "Biram et ses amis seront sévèrement punis".

Comme si cela ne suffisait pas, quelques jours plus tard, le Gouvernement en Conseil des ministres a pris une résolution "de tout mettre en œuvre pour que la punition qui sera affligée à
Biram et ses amis soit exemplaires". Malgré tout, nous sommes sereins, nos amis sont innocents, s'ils ne sont relaxés à l'issue du procès en vue, c'est que la justice se serait soumise aux ordres de l'exécutif. »

Khalilou diagana
Source : Le Quotidien de Nouakchott


 

    

 

 

    Rapport annuel de la CNDHز «Transférer du champ politique et polémique les allégations d’esclavage au champ judiciaire… »


L’esclavage, le passif humanitaire, le recours excessif à la détention préventive, la garde à vue, l’univers carcéral, les libertés individuelles et collectives, les mauritaniens détenus à Guantanamo, le foncier, l’habitat précaire….le troisième rapport annuel de la commission nationale mauritanienne des droits de l’Homme (CNDH) qui s’étend de mars 2010 a mars 2011 touche quasiment tous les domaine.

Sous le chapitre « Situations des droits de l’Homme », il est fait d’abord la remarque suivante : « Les avancées dans le domaine de la protection et la promotion des droits de l’homme masquent les violations qui y sont relatives et qui découlent de l’absence de moyens humains financiers et matériels, doublée d’une certaine méconnaissance des textes »
Concernant l’esclavage, le Rapport note que la loi de 2007 incriminant cette pratique n’a pas connu application. Une non-application du, entre autres, « à la rétraction des victimes avant la fin de l’instruction menée par les autorités compétentes. »
Cause de ces rétractions, « Le plus souvent, les victimes, confrontées à l’étalage public et médiatisé de la confrontation avec les esclavagistes présumés, séduites par des propositions d’arrangements à l’amiable entre les parties et soumises à plusieurs types de pressions exercées par le milieu familial, tribal ou confessionnel, finissent par se dédire et s’éloigner des ONG qui les ont accompagnées et aidées à porter sur la place publique l’asservissement dont elles sont victimes. » Pour mettre fin aux polémiques nées de la rétractions des présumés victimes de l’esclavage, le Rapport propose « la voie de la Justice qui, dans son indépendance, dira le droit en condamnant ou en acquittant les accusés .Il convient donc, dans un but d’intérêt général et par les vertus de la pédagogie de l’exemplarité de la sanction, de transférer du champ politique et polémique les allégations d’esclavage au champ judiciaire où les tribunaux , dans leur impartialité, appliqueront la loi et constitueront une jurisprudence qui devrait réconcilier les différentes opinions sur le sujet. »
Concernant le traitement des cas pratiques « La commission ,sur la base de ses propres investigations ou sur la base d’information fiables et crédibles portées à sa connaissance par les Organisations de la Société Civile, et sans préjuger de la suite du traitement judiciaire de la plainte qui est parfois introduite auprès des parquets, intervient pour que soit mise fin à la violation des droits de l’homme, demande l’éloignement de la présumée victime du lieu où seraient commises les allégations de pratiques esclavagistes et requiert son installation dans une autre ville tout en lui cherchant un appui auprès du PESE. »
Parmi les cinq cas traité en 2010 grâce à l’action combinée de la Commission, du PESE et des ONG, celui d’une mère de sept enfants dont le cas est devant les tribunaux. La CNDH a saisi le PESE et a obtenu un financement d’une activité génératrice de revenus pour un montant de 440.000 UM au profit de cette femme.

Sous le chapitre Passif humanitaire, il est écrit « Le lancement du Processus de règlement effectif du passif humanitaire peut être daté au 25 Mars 2009 à Kaédi, jour de la reconnaissance formelle faite par le Président de la République au nom de l’Etat mauritanien, des exactions subies par la Communauté
Négro-africaine au début des années 90 et jour où il a participé à la prière dédiée aux absents. »
Ces actes, note le Rapport « pour tous ceux qui, victimes directes ou ayants droit, désespéraient, vingt ans durant, de voir réparer le préjudice enduré et/ ou de recouvrer leurs Droits, l’espoir est revenu. »
Bémol au sujet du règlement de ce passif humanitaire « Prédomine actuellement, un constat de tassement du processus de règlement du passif humanitaire, sentiment qu’il y’a lieu de dissiper très rapidement en s’attaquant avec courage et lucidité au parachèvement du processus. »
Concernant l’appareil judiciaire, le Rapport se fait écho des plaints des citoyens en ces termes « Dans la pratique, les justiciables déplorent la lenteur de l’appareil judiciaire, la non application des lois à portée sociale, les difficultés procédurales pour y accéder, la non opérationnalité de l’aide juridique pour les plus pauvres, l’abus du recours à la détention préventive et la surpopulation des prisons et centres de détention qui en résulte, le non respect des délais de la garde à vue, la politisation et le clientélisme de certaines décisions et la faiblesse de l’exéc
ution des décisions judiciaires.»


Khalilou Diagana

 

  

 

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