ARTICLE 472:

  

Ce que l’on ne dit pas dans la communauté négro-africaine de Mauritanie : hypocrisie, jalousie et médisance


Date : 29/2/1



Communauté en question ; ce que l’on ne dit pas dans la communauté négro-africaine de Mauritanie : hypocrisie, jalousie et médisance, les vices cachés qui gangrènent une communauté.

Depuis de nombreuses années, les mêmes ‘‘amers’’ propos sonnent à nos oreilles. Innombrables, sont les Haal pulaar, Soninké, Wolof, Bambara qui se plaignent de l’absence de solidarité et de responsabilité chez les Négro-mauritaniens, de l’hypocrisie régnant dans leur milieu. Nous remarquons que ce type de complaintes, nous l’entendons également de la part de Congolais, Maliens et d’autres communautés du continent africains. Au sein de ce groupe composé de noirs mauritaniens, nous observons des comportements incompréhensibles face auxquels nous demeurons médusés.

Nous sommes toujours surpris d’entendre, en privé, les lamentations des membres de cette frange de la population mauritanienne. Nombreux sont, parmi eux, ceux qui se plaignent de la méchanceté ambiante, de l’hypocrisie généralisée qui traversent leur « communauté ». Mais il ne faut jamais parler de cela devant tout le monde. Dans cette entité, rares sont ceux qui disent ce qu’ils pensent à leurs prochains. La plupart du temps, tout se dit, s’invente sur l’autre en son absence.

Ce phénomène existe partout à des degrés différents. La différence vient du fait que dans de nombreuses sociétés, l’individuation a pris de plus en plus de place. L’autre est autre. Je ne me sens pas obligé d’avoir une relation avec lui alors que dans les sociétés africaines, l’idée de la primauté du groupe résiste encore. Le devoir de solidarité, les liens avec ses pairs du village sont encore brandis comme des étendards. Mais le fossé entre la réalité des choses et les affectations est profond.

Dans de nombreuses sociétés, on ne se sent pas obligé à l’égard de nombreuses personnes. La règle n’exige guère de bonjour à son semblable. On peut plus facilement dire aux personnes ce que l’on pense et ceci pour diverses causes : indépendance économique, absence d’obligation d’être lié à l’autre, l’existence de règles de droits plus ou moins respectées, etc. Dans ces sociétés le conflit peut aussi être assumé. Cela n’empêche pas l’hypocrisie. Certaines sociétés occidentales développées sont réputées plus hypocrites que d’autres. Seulement, les personnes sont de plus en plus indépendantes les unes vis-à vis des autres. Elles n’ont donc pas besoin de faire semblant de porter un égard particulier à leur entourage Elles ne sont guère obligées d’entretenir des liens avec les membres de leur familles, voisins, etc.

Au fond d’eux-mêmes, de nombreux Négro-mauritaniens veulent que leurs semblables échouent, s’ils n’y ont pas intérêt. Même dans le cas où ils y auraient intérêt, dans les profondeurs du secret, ils voudraient la place de l’autre qui a « réussi », particulièrement en termes financiers. La jalousie et la mesquinerie sont humaines mais tout dépend de la place qu’elles occupent dans une société. Au-delà de certaines limites, la vie en collectivité en pâtit. Ainsi, devenez riche, vous serez ‘‘vénérés’’ dans la profitation et la jalousie. Un poète camerounais parle d’une culture de l’échec collectif.
Souvent, dans les rassemblements des Négro-mauritaniens, le colportage des ragots et la médisance font florès. Ainsi, les commérages inondent les salons. La jalousie est devenue la nourriture quotidienne des cœurs. L’attrait de l’élévation et de la bonté, jadis recherché, est jeté au rebut. Tout le monde prétend à tout, sans en avoir la moindre compétence. Chacun veut faire de la politique sans le minimum de connaissances nécessaires, en s’appuyant sur ses origines ethniques, tribales, sa caste, ses relations, etc.

Ce climat qui règne au sein de la communauté négro-mauritanienne est l’une des causes essentielles de leur domination. Quand une communauté est divisée et que ses membres ne se respectent pas et se jalousent, il lui est facile d’être dominée. Quelqu’un nous disait, il y a quelques jours, à propos de ceux qui font semblant de lutter au sein du milieu Négro-mauritaniens qu’il y avait de nombreux idiots malades de la tête. Il était impossible pour lui de trouver une explication à leurs rivalités. Probablement, il y aurait une explication mais ce n’est pas l’objet de notre sujet.

Un nombre incalculable de Négro-mauritaniens sont d’accord pour dire dans une clameur que les Maures sont responsables de leur piteux sort. Mais la désignation de l’autre comme étant à l’origine de ce qui nous arrive est chose facile, preuve de notre propre lâcheté. En effet, elle nous permet de ne pas prendre en charge notre responsabilité et destin en main.
Comment parler de l’émancipation d’un peuple alors que l’on agit d’une manière contraire à tout ce qui pourrait y participer ? Aucun peuple ne peut se libérer s’il n’est pas uni sur une base minimum, si un nombre respectable de ses membres ne sent pas concerné par le combat commun à mener.
Aussi étrange que cela puisse paraître, on est surpris de découvrir la dimension de la duplicité dans ce milieu. Mais comme la majorité est devenue Thiolo[1], tout passe sans aucun souci des ravages de l’instant perdu.

Naïvement, à cause des simulacres, nous ne saisissions guère ce qui ruine cette collectivité. Mais les eaux ont, depuis, coulé sous les ponts. La tartuferie qui nourrit ce milieu nous paraissait inimaginable, il y a peu.
En effet, les personnes vous sourient comme si elles étaient heureuses de vous voir. A l’instant de la rencontre, elles vous parlent d’un passé qui vous a unis, soudés, de valeurs communes. Mais dès que vous tournez le dos, les railleries, calomnies, médisances, dénigrements, souillures, clabaudages, pleuvent. On fait semblant de vous aimer parce que vous êtes un membre de la même communauté alors que l’on pense être supérieur à vous, se méfie de vous, vous jauge, fouine dans votre vie, vous jalouse, invente des rumeurs dépréciatives de votre personne. Chacun travaille pour que l’autre échoue. La devise partagée est globalement : tant que ce n’est pas moi qui réussis, l’autre doit tomber.

Rares sont les occasions où l’on peut discuter face à face, sans passion, sensibleries, négation de soi, sans théâtralisation de l’instant, où l’on peut simplement confronter des idées. Pour beaucoup, ne pas être d’accord avec quelqu’un dans les idées signifie être contre lui. Si une personne n’épouse pas vos pensées, elle est capable chercher à vous détruire par l’intermédiaire des calomnies, rumeurs des « marabouts malfaisants ». Ceux-ci connaissent le succès, à Nouakchott, Rosso, Saint-Louis, Podor, Thilogne, Londres, Toronto, etc.

Il n’y a point de réel dialogue. Il ne s’agit jamais d’une destruction qui se fait à visage découvert mais dans l’ombre, y compris chez le sorcier qui veille dans la nuit opaque et avec un sourire mystificateur à chaque rencontre.

Dans cet environnement social et culturel, chacun se fait une fausse idée de l’autre ou plus précisément, chacun à une idée de l’autre en fonction de ce qu’il a recueilli auprès des commères, qu’il va raconter, pour défaire l’autre avec qui nous ne sommes pas d’accord, dont nous sommes jaloux, que nous ne maîtrisons pas, qui se veut différent, libre, à des Négro-mauritaniens en France ou au pays, à des Français qui s’engagent souvent dans des combats avec des Africains pour des intentions troubles : sentiment d’existence et de puissance face à des petits nègres, enrôlement idéologique, etc. Tout ce qui vous émancipe de la coupole communautaire est source d’ombrage.

Dans la communauté Négro-mauritanienne, chacun pense bien connaître l’autre tout en étant totalement ignorant de sa personnalité parce qu’il n’y a pas un véritable échange, une confrontation, un dévoilement. On ne tient guère compte de la complexité humaine. On s’arrête à de médiocres immédiats jugements sur l'autre, car on ne peut pas voir autre chose à cause de sa propre ignorance. Aussi, chacun ment volontairement sur l’autre absent pour se sentir exister, se faire une illusoire position, oublier sa médiocrité, maintenir l’ambiance et le délire collectif.

« Il faut être toujours ivre. Tout est là : c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve. Mais de quoi ? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous. » Disait Baudelaire.
Mais puisque le vin est « Haraam » («
مارح interdit »), bien que de nombreux Mauritaniens l’ingurgitent en cachette, la poésie destinée aux désœuvrés et les déséquilibrés mentaux et la vertu chassée hors de la « communauté », on s’enivre de vains bavardages.

Quel étrange climat ? Pourquoi y aurait-il un intérêt intellectuel à traiter de ce sujet ?

La réponse nous paraît simple. On pourrait nous prendre pour un être amer. Peu importe ! La vie en collectivité _ et c’est elle qui compte_ est le résultat de nos pensées, valeurs et actions. Notre situation est aussi en partie due à notre attitude.

On entend souvent les Négro-mauritaniens se plaindre de la domination des Maures. A partir de notre analyse, nous pouvons dire que la situation dans laquelle se trouve la communauté négro-africaine de Mauritanie est en grande partie de sa responsabilité. Il est toujours facile de mettre sur le dos de l’autre la responsabilité de ce qui nous arrive. Cela daterait d’ailleurs d’Adam et Eve. Désigner l’autre comme responsable de ce qui nous arrive permet d’occulter nos propres travers. Cette attitude nous évite de nous prendre en charge, de nous affronter à nous-même, de nous regarder en face, de nous confronter à notre terreur intérieure, à notre imbécilité. On passe souvent sous silence le fait que des Négro-mauritaniens sont victimes de la domination d’autres Négro-mauritaniens.

Nos propos ne veulent pas dire que les Négro-africains ne sont pas victimes de discriminations et d’oppression en Mauritanie de la part d’une élite maure peu soucieuse de justice. Ce que nous nous voulons dire est que l’on n’est jamais complètement sans reproche par rapport à ce qui nous arrive en tant qu’être ou en tant que groupe humain. On n’est jamais innocent dans notre domination.
« L’oppression n’est jamais seulement extérieure, imposée. Elle suppose toujours une participation des intéressés, un certain degré de complicité ou de collusion. Les victimes ne sont jamais complètement innocentes. » [2]
Voici ce que disait Gandhi, à ce sujet, à propos de l’Inde sous domination coloniale : « au sens exact du mot, l’Inde n’est pas un pays conquis, mais elle est devenue britannique parce que la grande majorité de son peuple, pour des motifs peut-être égoïstes, a accepté le gouvernement britannique. » Les peuples dominés comme les esclaves ne sont pas que des innocents".

« Ce n’est pas le plus fort qui devient le maître, c’est le plus courageux : celui qui préfère mourir que perdre sa liberté. Ce n’est pas le plus faible qui devient l’esclave, c’est le plus lâche : celui qui préfère garder la vie même au détriment de la liberté ; esclave de son désir de vivre, il devient esclave de celui qui a subordonné l’instinct de survie à sa dignité d’homme libre. Gandhi souligne l’importance du courage. « La force tient à l’absence de peur, non à la quantité de chair et de muscle que nous avons sur le corps. » La domination passe par la servilité des dominés. » [3]
Depuis que la Mauritanie est indépendante, les pouvoirs arabo-berbères successifs ont toujours été soutenus par des Négro-mauritaniens et des Harratine (Esclaves maures affranchis). Certaines associations mauritaniennes sont en train de dresser la liste de Noirs, soutiens du système arabo-berbère, pour monter l’implication des Noirs de Mauritanie dans leur domination et pour laisser une trace dans l’histoire.

Les Négro-mauritaniens souffrent de leur propre lâcheté, leur manque de courage, leurs divisions, leurs rivalités, leur ignorance et d’autres maux. Ainsi, il est très facile pour le pouvoir maure, dans n’importe quel village au sud du pays, tiroir des Négro-mauritaniens, de trouver des informateurs, des diviseurs.

Il est grave que ces personnes complices de la domination noire, de leur massacre, leur déportation, assassinat, sont connues de tous et continuent de bénéficier, au sein du milieu négro-africain, de prestige et de respect.
La féodalité mauritanienne a toujours composé avec les pouvoirs. Elle s’est toujours alliée au système dominant arabo-berbère. Certains opportunistes issus de ce qu’on appelle les basses couches l’ont aussi fait. Ainsi, nous pouvons vérifier la théorie de Gandhi. Comme quoi, il est difficile d’être juste vis-à vis de soi-même, de regarder les choses en face.

Il ne faut pas se laisser tromper par les apparences. Souvent, les Négro-mauritaniens qui militent que ce soit en Mauritanie ou à l’étranger sont facilement corruptibles. En plus de cela, pour de nombreux Négro-mauritaniens qui s’agitent au sein du milieu associatif, il s’agit d’une manière de se montrer, ‘‘d’exister’’, de trouver une opportunité de se rapprocher du pouvoir.

Rares sont parmi eux ceux qui défendent des valeurs, rares sont parmi eux, ceux qui comprennent la portée de l’Etat, ses fondements, qui réfléchissent sur comment fonder un Etat viable, égalitaire, effectivement démocratique et développé. Le militantisme est souvent un brassage de vent où l’on espère ‘‘être quelque chose’’ permettant d’oublier son propre vide.
Certes, il y a eu des militants négro-mauritaniens sincères qui, dans leur combat, ne traînaient point un fonds féodal altier et méprisant. Mais, rares sont les militants dans la communauté négro-africaine, vraiment démocrates et respectueux de la vie humaine et déterminés dans leur combat pour la justice.
Un autre problème est qu’un combat ne peut se faire sans un peuple derrière. Mandela ne serait pas Mandela sans son peuple et c’est là où le bât blesse en Mauritanie. La population négro-mauritanienne n’est ni déterminée à lutter pour sa liberté, ni unie dans un combat juste pour l’égalité des droits.

L’une des erreurs, d’ailleurs graves, qui a coûté cher aux populations négro-mauritaniennes est que la lutte en faveur des droits des populations du Sud a été l’œuvre d’une minorité alphabétisée et s’est faite sans une préparation de la base. Ainsi, lorsque le pouvoir a décidé de réprimer les prémices d’une contestation, il a trouvé un champ ouvert devant lui. Il a frappé des gens pris au dépourvu. Il a ainsi assassiné, déporté, violé sans aucune résistance.
La liberté n’est jamais donnée. Elle s’arrache. Mais il ne faut jamais oublier qu’une liberté qui nie, haït l’autre est une fausse liberté. Lutter pour sa liberté ne doit jamais se traduire par le mépris de l’autre y compris ce lui qui nous domine. Le combat pour la liberté doit toujours être celui de la libération de l’Homme d’une manière générale. En arrachant sa liberté sans haïr celui qui nous domine, nous libérons aussi celui qui nous a soumis.



1 Thiolo : celui qui vit de sa maîtrise du verbe et de ses flatteries
2. Gandhi, théoricien de la servitude volontaire – une philosophie de la décolonisation - Cité Professeur Emile Perreau-Saussine
In http://www.polis.cam.ac.uk/contacts/staff/eperreausaussine/Gandhi%20(St%20Cyr)%20(2).pdf
3 Ibid.



Oumar Diagne
Ecrivain

Source: http://www.mauritanie-web.com/actualite_7584_1_ce-que-la-on-ne-dit-pas-dans-la-
communauta-copy-na-copy-gro-africaine-de-mauritanie-hypocrisie-jalousie-et-ma-copy-
disance.htm

  

 

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