A.H.M.E.

ARTICLE 47 :

 

Mauritanie : une évolution démocratique en dents de scie

 

 

MAURITANIE : UNE EVOLUTION DEMOCRATIQUE EN DENTS DE SCIE

 

    Le parlement mauritanien a voté mercredi dernier une loi visant l’absolution de
    l’esclave et de la criminalisation des pratiques les plus abominablement vécues jusque-là par les couches vulnérables du peuple mauritanien. Cette loi qui continue d’envahir les lèvres des professionnels de la presse et du droit musulman est-elle convaincante aux yeux du peuple, lourdement traumatisé par tous les cortèges de malheurs résultant de la politique aveugle des précédents gouvernements, dont on n’a pas encore la nostalgie ?

    Gouvernement qui n’a légué à sa postérité que de leçons morales d’exploitation, de corruption et de ségrégation, maux que nous nous souviendront certainement longtemps. Toutes les critiques sont méritées sauf les bonnes.

    Après plusieurs tentatives d’abolition, les pratiques sont toujours en vigueurs pour diverses raisons, visiblement constatées.

    Dés lors, cette loi ne peut être que bien accueilli, mais son application interpelle non seulement un défi, mais surtout de revisiter une fois encore la notion de « famille » en Mauritanie.

    En plus du mariage, l’islam admet la reproduction par le biais du concubinage [1] entre
    l’esclave et son maître. Ces deux vieilles institutions restent donc les principaux moyens
    d’établissement de la filiation entre un ascendant et un descendant de la communauté musulmane.

    Pour cette raison d’ailleurs, de milliers d’enfants mauritaniens sont nés à travers des relations douteuses (surrya), pour ne pas dire  hors mariage (el walad lil firas) .Cette relation maitre-esclave semble être plus tabou chez les oulémas que chez les auteurs francophones du droit musulmans (François Paul Blanc, Henri Bosquet et Sautara, pour ne citer que ceux là).

     

    Quel va être alors le sort des enfants, nés sous l’empire de l’esclavage et qui n’ont
    d’ailleurs que de simples concepteurs ?

    Cet aspect du droit musulman a des interférences particulièrement importantes chez de nombreuses familles en Mauritanie.

    La filiation est le lien de consanguinité qui rattache l’individu à ses auteurs. Dans le milieu islamique de caractère patriarcal, elle est pratiquement envisagé du coté père. Ce qui est loin d’être le cas des maîtres-concepteurs mauritaniens, qui dans la plupart des cas refusent même de reconnaitre leur progéniture.[2] La constatation soulève d’abord un problème de preuve et pose ensuite la question des relations juridiques entre l’enfant et ses parents et leur famille. C’est dire finalement que ces enfants méritent au moins une reconnaissance de paternité et les droits subséquents, et cela, surtout quand on sait l’importance, l’ampleur et
    l’enjeu que peut cette masse de population dans une société musulmane.

     

    Abolir l’esclavage en Mauritanie, nécessite des mesures d’accompagnement, qui consistent en grande partie à la sensibilisation auprès du peuple et aux sortants des écoles puristes du droit musulman.[3] Si historiquement l’esclavage trouvait sa source dans l’islam, il faut dire de nos jours que ce sont surtout les causes sociales et familiales qui expliquent cette situation dramatique, et particulièrement regrettable qui s’accompagne d’ailleurs souvent de la misère profonde et absolue. Indubitablement, l’avenir réserve aux victimes de
    l’esclavage et leurs représentants légaux des situations sociales difficilement maitrisables et peut-être même beaucoup plus délicat qu’on peut l’imaginer.

    Au delà de l’abolition définitive de l’esclavage, le législateur mauritanien devrait revoir la polygamie, afin de s’aligner auprès de son frère marocain, qui sans interdire complètement
    l’institution a posé des conditions, sortes de barrières pour limiter la proportion de polygamie dans le mariage au Maroc. Le code du statut personnel mauritanien n’a pas fini de suivre la moudawana marocaine.

    THIAM Ibrahima - Montréal

 

[1] BOUSQUET H.G : le droit musulman, libraire Armand colin, 1963.

[2] BLANC F.P : la filiation servile en Afrique du nord, jurisprudence marocaine et mauritanienne, revue franco-maghrébine de droit, presses de l’université de Toulouse, p116.

[3] Barrouhi A. Du coté des femmes ; jeune Afrique intelligent, n°2312 du 1 au 7 mai 2005.

 

 

 

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