A.H.M.E.

ARTICLE 46 :

 

Longtemps tabou, l'esclavage en enfin criminalisé en Mauritanie

 

 

Longtemps tabou, l'esclavage est enfin criminalisé en Mauritanie

 

    La loi criminalisant l'esclavage en Mauritanie, votée le 9 août, a été saluée par des ONG comme un geste historique, mettant en lumière la persistance de cette pratique d'un autre temps qui se raréfiait toutefois dans le pays.

    Selon l'ONG mauritanienne SOS-Esclaves, qui a récemment publié un rapport sur l'esclavage en Mauritanie, la pratique "persiste dans le pays du fait d'un lourd legs de mentalités anachroniques, d'un héritage mental et culturel encore vivace à la fois chez les esclaves et chez les descendants d'esclaves".

    Cette étude relève que l'esclavage est pratiqué dans toutes les communautés nationales (arabes et négro-mauritaniennes) avec quelques différences.

    "Peu violent mais persistant en milieu Bidhan (arabe), et (...) sous forme de survivances de comportements esclavagistes au sein de la communauté négro-africaine", indique l'étude, qui précise que de nombreux esclaves n'ont pas conscience de leur condition.

    Longtemps couvert d'une chappe de silence, l'esclavage a officiellement été aboli en Mauritanie en 1981 et a fait l'objet en 2003 d'une loi renforçant sa répression.

    Mais ces textes contenaient toujours, selon des associations de défense des droits de l'Homme, des aspects vagues sur des questions essentielles et édictait des peines en deçà de celles généralement prévues pour des crimes similaires.

    Le 30 mai, le président Sidi Ould Cheikh Abdellahi, élu deux mois plus tôt au terme d'une transition démocratique de dix-neuf mois, avait rouvert le dossier pour réclamer un renforcement du "dispositif de lutte" contre l'esclavage.

    Le projet de loi proposé par le gouvernement a été fortement amendé et réaménagé par les députés dans le sens du renforcement des peines prévues et de la caractérisation des pratiques esclavagistes.

    Ainsi, le texte voté à l'unanimité prévoit des peines allant de cinq à dix ans de prison ferme pour les esclavagistes et puni de deux ans de prison l'appologie de l'esclavage.

    Anti-Slavery International, organisation luttant contre l'esclavage dans le monde, a salué un "pas en avant historique".

    "L'esclavage est un problème considérable en Mauritanie, avec des personnes qui naissent en état de servitude, qui en héritent comme d'une propriété. Cette loi envoie un message clair que cela ne sera plus toléré", a déclaré Beth Herzfeld, porte-parole de l'ONG basée à Londres.

    "Nous sommes très satisfaits, c'est une grande victoire pour les démocrates et le peuple mauritanien", a commenté de son côté Boubacar Ould Messaoud, président de SOS-Esclaves.

    Cette ONG affirme avoir réussi à sortir du joug de l'esclavage des dizaines de personnes ces dernières années, dont Maatalla, libéré en 2004 par une unité militaire alors qu'il gardait le troupeau de ses maîtres dans l'extrême nord-est mauritanien.

    "Je suis très content et je pense que la loi ainsi adoptée doit définitivement régler le problème", déclare-t-il à l'AFP, rappelant que sa famille se trouve encore en situation de servitude.

    Ancienne esclave, Feitma originaire la zone rurale du sud-est mauritanien, se dit "très heureuse aujourd'hui".

    "J'ai entendu parler de cette loi à la radio, j'en suis fière et j'en remercie les initiateurs, car j'ai été une victime de l'esclavage", explique-t-elle devant sa case du bidonville d'Elmina, dans la périphérie de Nouakchott.

    Il n'existe pas de statistique officielle sur le nombre d'esclaves en République islamique de Mauritanie.

    Les organisations anti-esclavagistes estiment à douze millions le nombre de personnes vivant en état d'esclavage dans le monde.

Le 10/08/2007 -  Nouakchott  (AFP)

 

 

 

  Retour