ARTICLE 450:

  

 Question haratine: A qui profite le tapage ?

Lecalame

Depuis quelque temps – plus exactement: dans la foulée du coup d’Etat du 6 août 2008 – des voix se lèvent, ça et là, pour souffler sur les clivages qui traversent la société mauritanienne, en général, et sur la «question haratine», en particulier, tirant, sans ménagement, sur la corde, très sensible, de l’équilibre ethno-racial de notre peuple dont la diversité, jusque-là source de force et ciment d’unité, se trouve utilisée pour allumer des dissensions et fomenter des conflits intestins. Le discours que tiennent ces pyromanes des périodes d’exception est, à mon avis, d’une facture si triviale que je me suis toujours abstenu de m’en émouvoir outre mesure; et jamais l’idée de prendre la plume, pour porter la contradiction à ses énonciateurs, ne m’aurait effleuré l’esprit, si de grandes personnalités politiques, technocratiques et des leaders syndicaux pour lesquels je nourris respect et admiration, n’étaient pas montés au créneau pour aborder le sujet. 

En lisant certaines interviews et tribunes, parues, récemment, dans la presse et la panoplie d’articles que déverse le Net sur la question, l’appel du devoir a été plus fort, sur moi, que l’appréhension de mêler ma voix à la cacophonie ambiante, au risque de paraître animé, comme certains, par l’opportunisme politicien, très prenant, des périodes comme celle que traverse, aujourd’hui, la Mauritanie. Mais qu’il me soit concédé que cette modeste contribution ne vise ni à soutenir une thèse contre une autre, ni même à proposer une voie idoine, pour temporiser le débat et apaiser les joutes. Dans une logique qui se nourrit de mon profond amour pour le pays et de la conviction que notre avenir, à tous, se trouve bien dans la recherche de ce qui nous sert ensemble et nulle part ailleurs. Il s’agira, pour moi, seulement d’essayer de trouver une réponse à la question suivante: mais qui a donc intérêt à jeter, ces jours-ci, les Bidhanes contre les Haratines? Les Haratines eux-mêmes, le pouvoir en place ou l’opposition actuelle?

Les Haratines ?
En tant que couche sociale, les Maures haratines ont-ils, aujourd’hui, intérêt à s’engager dans une confrontation avec les Maures bidhanes avec lesquels ils constituent, en réalité, une même ethnie et une même culture, à telle enseigne qu’il ne sera pas évident, si les choses en arrivaient à ce stade, de tracer une ligne de démarcation, parfaite, entre ceux d’un camp et ceux de l’autre? A coup sûr, non! Quel profit peut espérer cette communauté, d’une guerre civile ou d’une quelconque autre forme de rivalité, épousant de tels contours? En tournant et retournant les choses dans tous les sens, aucun! Plus «trivialement» encore, quelle issue attendre de la «négritude» des Haratines, au nom de laquelle on veut les séparer des Bidhanes, insensément appelé «arabo-berbères»? Je n’en vois pas! Et, d’ailleurs, quelle vérité historique a-t-elle, cette thèse, sachant que ceux qu’on appelle «Haratines» ne sont pas, tous, des fils d’anciens esclaves, ne sont pas tous noirs et, mieux encore, ne sont pas tous négro-africains de naissance?
Certes, la société mauritanienne a connu, malheureusement, l’esclavage mais des progrès, notoires, ont été enregistrés dans son éradication, grâce au combat d’une élite qui a, très tôt, porté le flambeau de la libération et  de l’émancipation de la population servile qui, d ailleurs, n’a jamais épousé de telles thèses, contrairement à ce que des personnes tentent, aujourd’hui, d’insinuer. Serait-ce, alors, un revirement? Certainement pas.
L’engagement du FNDD, dans toutes ses dimensions partisane, ethnique, régionale et tribale, derrière la candidature du leader historique des Haratines, Messaoud Ould Boulkheir, est une donnée, importante, dans le traitement de la «question haratine»  et qui ne mérite pas une pareille réponse, en particulier un tel discours. Non, non et, définitivement, non: les Haratines n’ont, à coup sûr, aucun intérêt à poser la question haratine sous cet angle.

Le pouvoir actuel ?
On peut envisager l’hypothèse que le pouvoir actuel, sacrifiant à la vieille thèse, machiavélique, de «diviser pour régner», puisse espérer quelque bénéfice à «occuper» les Mauritaniens, la majorité maure en particulier, par des clivages intestins de nature à affaiblir les deux segments de l’opposition, rassemblés, schématiquement, autour d’Ahmed Ould Daddah (les Maures bidhanes) et de Messaoud Ould Boulkheir (les Maures haratines). Sachant le niveau de réflexion de certains «stratèges» embusqués dans le pouvoir actuel, on peut se laisser croire à l’existence d’un tel scénario, nonobstant son absurde fausseté. Mais, même, en supposant qu’il puisse exister, autour d’Ould Abdel Aziz, des démons pour penser ainsi, quel intérêt le chef de l’Etat et son régime ont-ils à déstabiliser, si dangereusement, un pays qu’ils veulent gouverner? Aucun, à ce que je sache! Quels moyens ont-ils pour faire face à l’effet boule-de-neige que peut avoir un tel scénario de «diversion» politicienne? Aucun, non plus! Le pouvoir ne peut tirer aucun résultat politique de la fomentation d’un conflit au sein de la majorité ethnoculturelle du pays! Aucun !

L’opposition ?
On peut, enfin, accuser l’opposition d’être l’instigatrice de ce «radicalisme haratine» et d’en faire, tactiquement, feu, pour déstabiliser le pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz qu’elle combat. Souffler sur les foyers de tension sociale, encourager la multiplication des revendications de toute nature et ouvrir davantage de fronts hostiles aux gouvernants, c’est de bonne guerre en politique, peut-on être tenté d’arguer. Mais nous buterons, toujours, sur les mêmes questions: quels bénéfices, in fine, l’opposition peut-elle espérer d’une guerre civile, quelqu’en soient, par ailleurs les contours? Aucun! Et quels remèdes croirait-elle pouvoir apporter à une telle catastrophe, une fois aux commandes du pays? On n’en voit pas!
Est-ce que, d’ailleurs, toute cette campagne n’est pas orientée contre Messaoud lui-même, en tant que leader et dirigeant du front anti-putsch puis de l’opposition démocratique. C’est donc sûr: l’opposition n’a aucun intérêt dans une telle démarche.

Finalement, ni les Haratines, ni le pouvoir, ni l’opposition n’ont d’intérêt à «réactiver» la «question haratine», sur le registre aujourd’hui entretenu par un certain discours d’orfraie nourri d’amalgames et de manipulations de l’Histoire. Mais à qui, alors, profite tout ce tapage? Les Mauritaniens ont grand intérêt à poursuivre l’investigation, pour débusquer la ou les force(s) qui cherchent à jeter une partie de leur peuple contre une autre, de si belliciste manière! 

SIDI OULD BILAL
PROFESSEUR

 

 

 

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