ARTICLE 443:

  

 

                                         Arabe : prétexte de langue ou alibi d’identité ?

 

Des hommes à l’expression incontrôlable, passés maître dans l’art des déclarations à l’emporte-pièce et populisme vulgaire sont déterminés à exacerber les clivages et susciter les tensions au sein de nos populations, en instrumentalisant leurs sentiments. Le but, c’est de cacher leurs insuffisances et de masquer la réalité de leur propre bilan calamiteux ; un cycle d’échecs politiques, économiques et sociaux. La raison est simple ! Après avoir fait main basse sur le pouvoir, l’amateurisme de cette « classe politique » par ukase refait sur face, révélant au grand jour leurs piètres « qualités » d’hommes d’Etat. C’est, hélas, cette insuffisance qui les amène à se réfugier derrière la fibre nationaliste et les déclarations aigries - comme hier le nazisme et aujourd’hui les néo-fascistes de tout acabit – ou des silences coupables, pendant qu’une partie de la jeunesse négro-africaine et arabo –berbère se livraient à une bagarre sans merci, encadrées par des forces occultes. Nous avons vu se dérouler toutes les pancartes avec leur lot de slogans racistes et leur crue de haines de l’autre exécrables. Nul autre que l’opposition n’a daigné s’inscrire en porte-à-faux avec cette ignominie. Nul autre que l’opposition n’a osé se piper mot alors que les enfants de la Nations se préparaient à s’entretuer sur l’autel des vils calculs politiciens !

On dira que les mauritaniens vivent en parfaite harmonie. Que la coexistence n’a guerre souffert d’un quelconque caque. Archifaux. En Mauritanie, la stabilité n’a toujours été que précaire. Car sous les cendres dorment les braises. Et ça il faut avoir le courage de le reconnaître. Il y a des questions de fond que nous contournons, une réalité que l’on préfère ne pas regarder en face. Et chaque fois que nous sommes dos au mur, et les projectiles verbaux ou solides volent dans tous les sens, une seule échappatoire : la politique de l’autruche !

Aujourd’hui encore, et par rapport à cette problématique de l’arabe et de son statut officiel, nous avons choisi l’amalgame. Comme d’habitude. C’est grave. L’officialité de l’arabe telle que le stipule la Constitution mauritanienne ne fait en elle-même l’objet d’aucun refus. Ni les négro-mauritaniens, ni les « francophones » maures, pular, soninkés ou wolofs ne remettent en cause ce statut. Ce qui est rejeté – car inacceptable – c’est le fait de se saisir de ce problème pour ouvrir un débat sur l’identité. J’allais dire un faux débat ! Etant donné que la Mauritanie est plurielle à tous les niveaux  (linguistique, ethnique, racial et surtout culturel) il serait aberrant de trancher ce sujet en termes de minorité et majorité. En effet, ni la minorité n’est uniforme, ni la majorité ne l’est. Dans la communauté négro-africaine, il y a les pulaar, les soninkés, les Ouolofs et même les bambaras au Gorgol, au Guidimakha, dans l’Assaba et les deux Hodh. Chez les arabo -berbère également rien n’est aussi monolithique que semblent le penser certains arabistes sans vergogne. On distingue les Beydhanes, les Haratines  mais aussi des berbères (Amazigh, Zenaga et  Tamachek) dont certains conservent encore leurs langues et leurs coutumes ancestrales en dépit de plusieurs décennies de génocide culturel; il existe, ce groupe, quoiqu’on en dise. Et vouloir mettre tout le monde dans le même moule de l’arabité dans sa dimension ethnique, sans débat, sans concertation, c’est vouloir faire un raccourci aussi démagogique et raciste qu’insensé ?! Il ne faut jamais anticiper quand il s’agit des questions si sensibles lesquelles ne sont l’apanage de personne ni d’aucun groupe, mais de tout le peuple, de toute la Nation.

 A-     Aperçu historique :

La volonté d’imposition bon an mal an de la langue et de l’identité arabes date de la création de la Mauritanie , née disait, à juste titre, un journaliste « par un coup du sort et de crayons de l’Administrateur Xavier Coppolani ». Mais la Mauritanie c’est aussi un rassemblement de divers peuplements que rien, hormis les valeurs de l’islam, ne lie. Ni langue et, encore moins, la culture, ce en dépit du jeu de complaisance auquel se livrent très souvent les forces féodales maures et négro –africaines.

Ainsi au lendemain de l’indépendance, la langue et l’identité arabes sont devenues un fort dans lequel se sont retranchés tous les lettrés de l’aristocratie bénis par le pouvoir issu de la décolonisation et dont l’écrasante majorité de ses membres, tous disciples de l’école des fils des chefs traditionnels, sont de la noblesse. Elles s’érigèrent en rempart contre les voix progressistes et leurs rêves idéalistes de créer une nation moderne, plurielle et  inclusive ; une Mauritanie riche de ses différences, dépassant ses contradictions et régie par les seules valeurs républicaines.

L’alliance scellée avec l’élite francophone (maure et négro – africain) face aux menaces existentielles du nationalisme arabe de  Horma Ould Bebanna fut éphémère. Elle vola en éclat, laissant lieu à une Mauritanie en mal de cohésion et de cohérence ; une Mauritanie déterminée à poursuivre son génocide culturel contre toutes ses entités berbères, son acharnement contre les négro – africains injustement accusés d’étranger, l’exclusion et la négation des harratines lesquels constituent la majorité de la population nationale. Pourquoi ? Parce que l’arabisation sous-entend asseoir un système idéologique embryonnaire, forger de toute pièce une majorité illusoire, « utilitaire », malléable et corvéable à merci ; par le truchement des crises et l’instrumentalisation des rouages de l’Etat de plus en plus investis par les sortants des « mahadras ». Plusieurs facteurs contribuaient et contribuent encore à cela ;

1-      La duplicité de l’enseignement bicéphale opposant l’anarchie de la mahadra à la rigueur de l’école publique ;

2-      La promotion complaisante des sortants des mahadras supplantant les cadres issus des écoles modernes (enseignement, administration, justice…) ;

3-      L’influence des forces conservatrices dans le sérail ;

4-      Montée des mouvements nationalistes et leur caporalisation par les différents régimes qui se sont succédés.

 C’est cette politique fondée sur la discrimination, ponctuant cinquante ans durant l’histoire de la Mauritanie , qui est responsable de nos multitudes parenthèses de sang. C’est elle qui compromet notre  rendez-vous avec le don et le recevoir, fragilise nos équilibres vulnérables du fait du dressage des  barricades et  de la montée des chapelles.

La constitution de 1991 et son fameux article 6 ne sont en fait qu’une légalisation de la discrimination et l’arbitraire. Sinon comment peut-on vouloir l’imposition d’une seule langue dans un état qui en compte au moins cinq ? Feint-on ignorer la fébrilité de l’arabe dans un monde où cette langue peine à s’imposer dans son propre environnement social et culturel, entre autres, en Arabie laquelle est beaucoup plus monolithique et homogène que la Mauritanie  ? En fait, personne, ici, ne se fait d’illusion ! Si, aujourd’hui, notre pays tient vraiment à conquérir une place digne de ses ambitions et qui ne fasse pas honte à ses descendants, il doit avoir le courage de reconnaître haut et fort sa diversité et l’assumer pleinement ; puis faire face à ses défis que sont le sous-développement et le rêve illusoire du monolithisme mensonger, et lesquels impliquent le devoir de s’armer sans honte, ni détour d’un legs : le français.        

B- Toute officialisation de la langue arabe exige au préalable:

Un débat national dépassionné, sage et consensuel autour de toutes les langues nationales que sont l'arabe, le pular, le soninké et le wolof. Car l’article 6 n’est pas du sacro-saint. Et au cas où la décision de l’officialisation fait l’unanimité, il va falloir :

 1-      Penser à des mesures d’accompagnement dont la primordiale serait la cohabitation, aussi longtemps que nécessaire pour généraliser l’arabe sans passion et sans forcing, de la langue française dans l’administration, ne serait-ce que parce qu’une grande partie des cadres mauritaniens  (dont une très forte proportions de maures) est formée dans cette langue. Ceux au cas où l’idée d’officialisation de l’arabe ferait l’unanimité.

2-      Créer un cadre de développement et de promotion des langues nationales qu’il faudra officialiser aussi et introduire dans le système éducatif mauritanien ;

3-      Sans compter que le français, comme langue d’ouverture sur notre voisinage immédiat et sur une bonne partie du reste du monde, ne saurait être définitivement éliminé de notre patrimoine linguistique !

Tout cela requière une volonté réelle de dépassionner le débat autour de la langue arabe, laquelle est après tout la langue liturgique de tous les mauritaniens en dépit de leurs différences et comme telle, n’a pas besoin de tuteur, ni de porte-flambeau ethnique ! Il va falloir aussi voir les choses dans une optique consensuelle et inclusive. Car, nous ne pouvons  malheureusement pas aujourd’hui, nier l’existence dans les sérails du pouvoir des avatars des forces chauvines, celles qui ont nourri coup sur coup les drames de1966, 1979, 1989, 1990 et 1991 par leurs théories racistes et leur discours incendiaire. Elles sont là aux aguets, tapies dans l’ombre ; décidées à faire obstruction à toute volonté de règlement définitif des principaux dossiers qui fâchent. Et d’abord celui de la langue, dont ils font un fonds de commerce politique.

C- La question de l’identité :

Il est tôt et très risqué de vouloir trancher un débat aussi périlleux que celui de l’identité assez complexe d’une nation aux composantes multiples et variées. A cet égard, il faudra savoir tirer les leçons des expériences antérieures, des tentatives passées qui, somme toute, conduirent le pays à des conflits dramatiques dont l’effet fut la fragilisation du tissu social en menaçant la cohésion nationale et la paix civile.

Il est malheureusement à constater que le débat sur l’identité nationale a chaque fois été le résultat d’une mise en scène savamment ourdie par les nationalistes à tous vents. C’est lorsque ces derniers se sentent en perte de vitesse ou que le pouvoir faiblit – comme maintenant - qu’ils essaient de réveiller ce vieux démon dont la Mauritanie peut bien se passer. Car pour l’heure, la discussion de la question de l’identité n’est pas une urgence. Certes, elle sera inéluctablement débattue. Mais faut-il que le peuple soit suffisamment prêt et que les conditions adéquates soient réunies. Le timing ne peut point être ce moment-ci où le pays traverse un véritable blocage politique entre les principales forces et où le nationalisme fossilisé, instrumentalisé par les empires du mal s’affaire à saisir des opportunités pareilles pour mettre le pays en sang et en flamme dans l’indifférence du pouvoir. 

L’identité ne s’impose et la langue arabe ne sera assise ni « par le sang » ni « par le feu » comme le clament aujourd’hui les valets de la Libye tout comme hier les pro- irakiens, les pro- syriens, les pro- Burkinabais. .. L’identité nationale est « l’ensemble des points communs, entre les personnes se reconnaissant d’une même nation, et formant un ensemble. » C’est donc un choix et un engagement qui soit uniquement pro- mauritanien et mauritanien seul.

Puisque la Mauritanie est plurielle. Le monolithisme ne lui sied pas. Nous ne  pourrons pas en cinquante ans évacuer mécaniquement un problème que des nations ont mis des siècles entiers pour le régler ; sachant que l’identité n’est pas un rapport de force entre une majorité et une minorité démographique. Car le débat sur ce sujet à des préalables que sont :

1-      La transcription objective voire scientifique et non partisane de l’histoire nationale de manière à tout évoquer et ne rien omettre ou censurer. En un mot écrire l’histoire réelle de tous nos peuplements depuis les Bafours jusqu’à nos jours ;

2-      La valorisation de toutes les cultures et substrats culturels loin des jugements de valeur responsables d’une classification bicéphale, au demeurant subjective en culture et en folklore au sens péjoratif du terme ;

3-      La transcription de toutes les langues nationales, entre autres, le berbère (zenaga et Amazigh) lequel fait objet, depuis l’indépendance d’un mépris total des autorités nationales malgré l’appel de quelques intellectuels mauritaniens à l’instar de feu Dr Jemal Ould El Hassane et la mise en garde de quelques organisations des Nations Unies qui ont plusieurs fois évoqué ce sujet dans leurs rapports ;

4-      L’ancrage des valeurs républicaines comme l’attachement aux valeurs patriotiques tout comme l’identification au symboles de souveraineté : le drapeau (ses couleurs) l’hymne nationale, l’intégrité territoriale ;

5-      La foi à la devise : Honneur – Fraternité – Justice laquelle passe par son application dans la vie courante ;

6-      Le renforcement de l’unité nationale à travers l’éradication définitive de toutes les injustices (esclavage, discrimination. ..).

7-      L’unification du système éducatif national et identification du type de citoyen à produire ;

8-      La répartition juste des richesses nationales.

 Nous estimons que tant que ces conditions ne sont pas réunies, il sera prématuré de vouloir débattre de l’identité nationale. Par conséquent les velléités balbutiantes par moments ne susciteront que des polémiques et des querelles byzantines dont la Mauritanie peut vraiment se passer

Ethmane Ould Bidiel

 

 

Réaction

Ma vérité

Monsieur Ethmane ould Bidiel, c'est que vos hommes que vous camouflez dans des concepts non explicités de populisme et clivage, nous ferme les yeux et nous attachent les mains à plus d'esclavage et d'apartheid que vous estimeriez quasi normal ! Ces "hommes" ou ces avatars ne peuvent et ne devraient être d'un "populisme" réussi en Mauritanie, puisqu'ils n'ont ni la base démographique de leur populisme beïdane, ni ne veulent - encore une fois une fausse affirmation de votre part : exacerber de "clivage" - dans leur minorité de maure! Non, mais je rêve!

A mon avis: populisme signifie ici domination raciale. Et "clivage" signifie dans la réalité supériorité arabo-berbère.

Populisme et clivage sont socialement, politiquement et militairement affirmés et exercés dans la pire haine esclavagiste et discriminatoire à un moment où les négro-mauritaniens somnolaient, un moment où l'élite pulaar et soninké, négro-mauritanienne, se pavanait dans l'égoïsme de sa position en oubliant le devenir de leurs propres progénitures : dans le luxe, la luxure, la gourmandise, dans les maisons closes de Nouakchott et les dancings de Dakar et Saint-Louis! Sans autre conscience que leur seule jouissance, sans perspective politique ou sociale ou économique !    

Tant que nous ne partons pas du séreux de la vie et de l'au-delà, tant que nous ne partons pas de la vérité de la domination, rien ne changera en dépit des analyses et des spéculations intellectuelles nécessaires ou non. Trêve de spéculation dans le combat qui engage la vie et la mort !

J'espère que le reste de votre article n'évolue dans l'esprit de la confusion dans les concepts et la vérité, l'affaire d'ordre pratique de notre vie de tous les jours : l'affaire de l'esclavage et de l'apartheid : des pendaisons et des exécutions et des déportations aussi, - des justices attendues aussi pendant que les bourreaux - dites-vous - font encore du populisme et du clivage !

Merci quand même.

Nous apprenons beaucoup de notre affreuse histoire!

Fall Moctar

 

 

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