ARTICLE 433:

  

De  ‘’ l’identité des Haratines’’ !

 

  Par Bara BA- FLAM-SÉNÉGAL

 

Les haratines, cette force montante , constitueront, de plus en plus, un enjeu important  dans l’évolution future des  rapports de force inter- communautaires . Voilà pourquoi ce groupe  ne laisse personne indifferent . Voilà pourquoi ,également,  le doute , la réflexion  et un questionnement qui  traversent actuellement  certains segments de ce courant  sur la meilleure voie devant mener à leur liberation interpellent chacun de nous .

Lorsque j’ai lu la réponse de Samory à  Nany, suite à une lettre, naïvement, adressée aux Nations-unies, j’ai décidé,  à mon tour d’entrer dans le débat … à ma manière.

Prenant d’emblée  le contre-pied  de  ould Nany , je pose que  la  liberation de l’esclave - tout esclave-  passe par une rupture ombilicale d’avec le maître , nécessairement .

 Cette rupture ombilicale d’avec le maître  se justifie en raison de la nature même de la relation d’interêt  maitre-esclave , par essence conflictuelle, antagonique ; En effet  l’un cherche à asservir, à aliener une liberté,  l’autre cherche  à  recouvrer cette liberté , à se soustraire à  l’asservissement. On  entend  souvent dire , comme par définition, que «  l’esclave  est celui-là qui manque de tout , qui fait  tout  et qui n’a aucun droit , et que le maître est celui qui a tout , qui ne fait rien et qui a tous les droits  » ,

Par ailleurs l’histoire enseigne qu’en général, l’esclave   recouvre  rarement  sa liberté  , par la volonté du maître , ou au gré de celui-ci ! L’esclave se libère ou  rompt les chaînes de servitude, par la seule  force de sa volonté, dans  certaines conditions favorables.

Il me paraît alors  normal et tout naturel, pour revenir au cas mauritanien , que le ‘’haratine –abeid ‘’ , pour se liberer , empruntât, lui aussi, cette  même voie  de  rupture ; il devra , pour se faire , s’affranchir  du lien  tribal , psychologique et économique .

  J’ai dit s’affranchir  du lien tribal car celui-ci  participe de l’instrumentalisatio n du groupe haratine par le montage, à dessein, d’une  « majorité maure », dont les bénéfices et retombées positives reviennent  presqu’exclusivement au seul sous- groupe dominant Bidhaan !  La tribu , en fait ,  constitue un  carcan subtil  qui  entretient  un semblant  de relations affectives  inter-membres  destiné, en réalité,  à  maintenir l’esclave dans la dépendance , sentimentalement et socialement .

Autre chaîne dont il faudrait  se défaire  : ce  mensonge  « religieux  » , grossier, déliberement entretenu  par le maître , afin de  renforcer la dépendance psychologique de l’esclave  , qui stipule que ‘’ ne pas obeir à la volonté du maître conduirait au purgatoire’’ ; que le maître  serait celui- là , seul , capable de lui garantir le paradis , chose au dessus du pouvoir même des  prophètes !

Enfin dernière dépendance à briser, et non des moindres , la dépendance  économique ; ‘’l’autonomie  économique’’ de l’esclave vis-à-vis du maître est indispensable  pour sa  véritable  liberation  . Il est heureux de constater  que ce processus  est  dejà  en marche en milieu urbain,  forcé par les sécheresses des années 70  ; à ce niveau les haratines qui vivent en milieu urbain ont un rôle majeur à jouer, dans le réveil de la multitude, encore  endormie dans le fin fond du pays !

Rompre donc , en conclusion ,  les chaînes tribale,  psychologique  et  économique , afin  d’accéder  à l’affranchissement définitif et irreversible , telle me paraît être la seule  voie qui puisse  mener vers la liberté ;  mais attention  à ne pas tomber dans l’illusion que  cette liberté , une fois conquise ,  conduirait  automatiquement  à  l’émancipation du haratine et surtout à sa pleine citoyenneté  ; il en faudrait beaucoup plus  !

Tant  que demeurera le racisme anti-Noir il serait illusoire de nourrir un tel espoir .

 Sans l’élimination de la discrimination raciale, érigée en Système, contre les Négro –mauritaniens ( Haratines et Négro- africains ), les haratines, en se liberant  de l’esclavage , changeraient, simplement, de type de « ghetto » ; ils auront quitté  le ‘’ghetto’’ de l’esclavage pour retomber  dans celui du racisme  , ni plus ni moins !.

Voilà pourquoi  ils devront comprendre que la voie la plus courte  pour leur liberation et émancipation  totale  passe, nécessairement, par la  fin du racisme d’Etat . 

Voie toute politique, on en convient !

Cette approche, on le voit,  milite, par voie de conséquence , si tant est qu’elle est bien comprise , pour un changement dans la stratégie actuelle , adoptée jusqu’ici par certains leaders haratines , axée essentiellement sur la dimension exclusive « droits de l’homme »,   qui se mène comme  en vase clos ! . L’engagement politique militant est nécessaire, qui prendrait en charge toutes les dimensions de la lutte devant mettre fin à l’esclavage ...

Ici  se situe mon incompréhension à voir certains militants activistes de  cette cause, se tenir en  marge des chapelles politiques ,comme par évitement , alors que les choses restent fortement  imbriquées !

Bien entendu cet « engagement politique » ne se fera pas sans un choix …difficile , voire douloureux !

En effet cet engagement politique et militant  suppose,  au  préalable  , une clarification  sur « l’identité des haratines » !

 Qui sont –ils ? Négro africains ? arabo-berbéres ? une entité spéciale à part ? ou encore juste une classe sociale tout court ?

Il leur appartiendra de se définir , de  déterminer leur identité ou ce qu’ils souhaitent devenir. Alors seulement se dégagerait  une  stratégie claire et adaptée,  pour leur liberation et émancipation !

Nous avons dit que ces choix ne seront pas sans douleur , ni sans  passion  et  sans  heurts, car le front haratine n’est plus ce qu’il paraît , c’est- à -dire uni .

J’ai encore en mémoire certains propos de leaders haratines , teintés d’une sorte de dilemme douloureux  qui définit le hartaani comme  objet d’un double rejet , coincé  entre «  le mépris des uns et l’esclavage  des autres  »,  coincé entre  « un  déni de statut dans un cas , et un déni d’humanité dans l’autre », pour emprunter cette formule à quelqu’un.

J’avoue pour ma part ne pas bien comprendre ce dilemme, fondé sur des termes aux effets négatifs certains , mais dont les  préjudices moraux et sociaux respectifs sont sans commune mesure , l’un de l’autre  !

J’ai aussi entendu parler d’une certaine terminologie , comme de  « Hartaani arabe », assumée de surcroît , que je trouve doublement absurde .

En s’identifiant  au maître,  l’esclave , quelque part , ne retardait-il pas ou pire  , n’hypothéquait- il  pas  par là  même  , les chances mêmes de  sa  liberation ?

 En second lieu,  il m’avait  toujours semblé  que , biologiquement, l’Arabe était de race sémitique et le Hartaani  nègre !

Hartaani arabe** ? Peulh arabe ? ces notions étaient pour moi un non sens , et cachaient  une vaste tromperie !

J’affirme qu’il est faux de prétendre que le hartaani « est essentiellement de culture arabe ».

Le fond culturel du Hartaani est nègre , encore une fois , fait de  vestiges sur lesquels se sont  déposés, progressivement,  des éléments de  culture arabe .

 Il suffit pour s’en convaincre d’observer  l’habitat du Hartaani , d’observer son  pas de danse rythmé par la ‘’Taballa’’ , ses cérémonies festives qui rappellent étrangement celles de  fin des  travaux  champêtres , cette manière bruyante et joyeuse de s’éclater, toute sédentaire  , ces  cœurs de l’Est  qui vibraient  au moindre grincement des cordes « noires » de Banzouman Sissoko  , et j’en  passe …

Ce sont là ,  sans aucun doute, des débris de culture negro- africaine, ensevelie sous le limon de l’apport arabo-berbere .

Le Hartaani  est donc de culture hybride ; il n’est pas culturellement arabe mais « linguistiquement » arabe  , comme le soutenait à juste titre  quelqu’un, récemment à Flamnet. Et la nuance est de taille !

Ce fond culturel nègre est si présent chez le Hartaani , que l’intégration des haratines en milieu negro- africain ne posait pas de problème .Cela est prouvé au  Sénégal voisin , et cela a également été prouvé dans la région du Tooro où les évènements de 86 /89  ont révélé des  groupes entiers insoupçonnés de Haratines qui s’étaient completement fondus dans les populations Négro-africaines locales ; ces « Hartaanis assimilés » , se sont vus forcés de se démarquer, de s’expurger des villages  sur exigence de  l’Armée , afin  d’éviter de se  faire réprimer ou déporter .

 Si l’intégration a pu être ainsi  possible et même aisée  dans ces milieux  , c’est bien parceque le fond culturel nègre était là , enfoui dans leur inconscient collectif , qui ne demandait peut-être qu’à revivre !.

Alors , Hartaanis arabes ? Hartaanis nègres , ou « awlad hartaani » tout court ?

Quand le choix sera fait , les leaders du mouvement se devront alors d’identifier le camp des forces-partenaires  ou  des  alliés naturels   …

 Il est à  penser qu’ils  se rangeront  au coté de  ceux  avec qui  ils partageaient cette commune discrimination profonde , cette commune oppression subie , cette commune exclusion imposée , côtoyant  les forces  avec lesquelles  ils partageaient aussi, «  cette communauté de résistance  continue et de lutte opiniâtre  pour la liberté et l’indomptable esperance » , pour citer  Cesaire .

Alliance du camp des opprimés dans leur marche pour l’émancipation et la conquête d’une pleine citoyenneté , non pas pour opprimer , à leur tour, qui que ce soit , mais pour jeter  les bases d’un Etat de droit , respectueux de la dignité des uns et des autres , sans distinguo.

Une nation  ne peut pas vivre moitié libre , moitié esclave , disait  A Lincoln .

 

J’ai déjà dit  que ces choix ne seraient pas sans passion , ni sans heurts ..

De jeunes loups  émergeaient  enfin , au discours controversé  , et dont la virulence du propos dérange les cercles du  pouvoir,  agace les figures de proue du mouvement … 

Entre autres ,  Biram Ould Abeid –sorte de  Malcom X des haratines -…

 

Ould Abeid  qui se voit accusé de précipiter la violence alors qu’il est , lui même , la victime première de cette violence exercée  par ceux- là mêmes qui l’accablent aujourd’hui , et pourtant  le  condamnent  à l’inhumaine indignité de l’esclavage  !

Ould Abeid fait face , présentement ,  à la même situation qu’avait vécue M Luther King Junior , auprès des Blancs du sud ( Etats-Unis) , pendant les campagnes  chaudes du  ‘’Civil rights movement’’.

Je crois que Ould Abeid , tout comme Samory ( en plus timide ), tente d’une certaine manière , de s’inspirer  de  la  méthode  et des  justifications du Dr King .

King   rappelait , à travers une lettre écrite à partir de sa cellule de prison à Birmingham,  la nécessité  de ‘’créer la tension ‘’, seule façon , disait –il, « d’amener en surface  l’injustice vécue par les négros , et d’aider les honnêtes gens à se hisser au dessus  de l’esclavage et du racisme , et à  tendre vers la fraternité ».

Une difference essentielle toutefois entre les deux hommes , King , lui , bénéficia d’une complicité interne de taille à la maison blanche , en la personne de Lyndon B Johnson qui incita  au  jeu de  rôle «  inside-outside »*** ; circonstance favorable très éloigné de ould Abeid , quand on sait que le « Président des pauvres » tergiversait et hésitait encore à s’attaquer aux problèmes de fond , en s’offrant  quelque diversion !                                                                                                                                         

 King , songeur , soulignait par ailleurs sa déception à l’endroit « des Whites moderate »( Blancs modérés )  qui  restaient plus dévoués à l’ordre qu’à  la justice ; qui préferaient  la paix négative –qui est absence de tension -, à la paix positive –ou présence de justice.  Whites moderate qui , constamment , vous disent , ajoutait –il , «  je suis d’accord avec vous  sur vos objectifs , mais je ne puis être d’accord avec vos méthodes » !

Ces « whites moderate »  sont symbolisés, chez nous, par ould Nany  et ce type  de professeurs  à l’image des Ould Bilal, Ould Maouloud et consort et qui sont légion ...

Miské ,Yehdih , Babaha , Mohameden ould Babah  symbolisaient le KKK !

Daddah et Jemil , eux , avancaient, masqués … mais non loin des seconds.

 Ould Abeid , Samory , et tous ces jeunes loups , se devraient, je crois , de méditer cette maxime de Césaire   , « une révolte qui n’est  que révolte conduit à une impasse historique » !

 

Hartaanis arabes , Hartaanis  negro-africains ou « awlad Hartaani » tout court ?

La problématique est  posée , qu’il  appartiendra  aux haratines  de  trancher !

Bara Ba - Militant FLAM- Dakar Sénégal

Mars 30/2010

www.flamnet. info

 

Notes

** certains esprit retors  se plaisent à arguer  que « tous les haratines ne sont pas noirs , et que tous les bidhaans ne sont pas blancs » !... Nous fondons nos assertions sur l’immense majorité , et n’avons que faire de quelques rares cas d’exception isolés !

Aussi , ces quelques  Bidhaans qui sont noirs de peau , se sentaient-il ou se consideraient- ils  dans leur tête , comme Noirs ? certainement pas !

le President Johnson s’etait entendu secretement avec M L King dans la distribution des rôles : King devait agiter le système de l’exterieur en lui donnant le pretexte d’apporter les changements de l’interieur ! 

 

 

 

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