ARTICLE 410:

  

APP: Remous et début de dissensions
BILADI

 

 

 

 

 

Des sources concordantes font état depuis quelque temps de récriminations, remous et même d’un début de dissensions au sein de l’Alliance Populaire Progressiste (APP), un grand parti, membre de la Coordination des Forces de l’Opposition Démocratique (CFOD), né d’un regroupement inattendu entre le mouvement social Haratine « El Hor » des années 1980 et les Nasséristes, mouvance nationaliste arabe. Une sorte de rébellion de certains leaders haratines serait en passe de semer la discorde au sein de la base et remettre en cause le leadership du chef historique du mouvement. De leur côté, les Nasséristes du parti, apparemment en phase avec les chantiers lancés par le président Aziz, notamment la suspension des relations diplomatiques avec Israël, œuvraient à la réalisation d’une alliance avec le pouvoir.
Entre les deux tendances, le président Messaoud continue de jouir d’une grande aura au sein de l’opinion. 

Le grand leader historique, Messaoud Ould Boulkheir, président de l’Assemblée Nationale, chef de file des contestateurs du putsch du 6 août 2008 et candidat malheureux à l’élection présidentielle du 18 juillet dernier, serait ainsi en froid avec plusieurs de ses lieutenants. Une « épidémie » de l’incompréhension dans des relations jadis bien huilées, qui ne souffriraient que de quelques rares exceptions. Le courant des bons rapports entre l’actuel président de la chambre basse du parlement et le groupe des compagnons étant juste maintenu avec un cercle restreint, des piliers parmi lesquels Ladji Traoré, Secrétaire Général de l’APP, et Mohamed Ould Samba, ancien porte parole du président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, après le coup d’état du 6 août 2008.    
Une réalité nouvelle dont l’illustration est de plus en plus visible. D’ailleurs la fréquentation très réduite du siège du parti est un indice suffisant pour refléter l’état des problèmes au sein de l’APP. En effet, ce lieu pourtant habitué à une animation continue, est devenu aujourd’hui peu fréquenté et même désert.
Pour remonter à l’origine de ces nouvelles dissensions, il faut citer le combat de Messaoud Ould Boulkheir contre le changement anticonstitutionnel du 6 août 2008, conduit par le général Mohamed Ould Abdel Aziz. Une bataille menée pendant une année, au sein du défunt Front National pour la Défense de la Démocratie (FNDD). Episode qui a donné à l’action du leader haratine, pour la démocratie,  une dimension nationale, bien au-delà de l’aspect social de la bataille du mouvement El Hor, contre l’esclavage.
Ainsi, à l’image d’un autre leader historique de l’opposition, Ahmed Ould Daddah, président du Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD) et chef de file institutionnelle de l’opposition, le président de l’Assemblée nationale fait face actuellement à une fronde venue des entrailles de son camp, une contestation interne.
Une nouvelle donne qui ne devrait cependant pas remettre en cause sa légitimité historique, acquise à la faveur d’un combat social et politique qu’il a mené sans relache, durant  une vingtaine d’années. Mais, qui le pousse à revoir et même à corriger la tendance à l’hibernation, à « l’embourgeoisement» notée pendant la courte parenthèse de l’exercice du pouvoir, ces dernières années, sous le magistère de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi.
On estime, chez certains cadres haratines, que Messaoud a même troqué la cause particulière  de leur couche sociale contre un statut de leader national. Une sorte de corruption que lui avaient servie ses partenaires politiques au sein du FNDD et qu’il avait, lui-même, acceptée. Mais au sein de cette coalition politique, on explique que la majorité des cadres haratines préférait rester du côté de celui qui a le pouvoir afin de pouvoir bénéficier des avantages qu’il peut leur procurer. En d’autres termes, ces cadres ne désiraient pas être sevrés aussi rapidement et perdre tous les avantages liés à une alliance avec les autorités en place.
Il faut ajouter à cela l’attitude plutôt « molle » et même « très conciliante » de la frange nassérienne de l’APP,  vis-à-vis du pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz. Une compréhension bienveillante dont  l’origine se trouve dans l’orientation d’un pouvoir qui a décidé de jouer sur la corde sensible de la fibre nationaliste arabe, en annonçant, en grande pompe, le gel des relations diplomatiques avec Israël, vieille revendication de la quasi-totalité des partis politiques mauritaniens et d’une rue indignée et révoltée par le traitement que réservent au peuple palestinien les différents gouvernements qui se succèdent à Tel Aviv.
Il faut, à cet effet, rappeler la position neutre adoptée par les députés du parti issus de la frange nassérienne, à l’occasion de la session budgétaire consacrée à la loi des finances, pour l’exercice 2010.
Parmi les rangs des contestataires issus de la mouvance « El Hor », on retrouve notamment le célèbre syndicaliste Samory Ould Bey, Secrétaire Général de la Centrale Libre des Travailleurs de Mauritanie (CLTM). Un des animateurs d’une tendance  qui reproche justement au grand leader historique, Ould Boulkheir, « une rupture progressive » avec la base.
Le président de l’Assemblée nationale étant passablement paresseux et donc généralement peu enclin à prendre régulièrement part aux rencontres politiques marathons, les piliers du carré des intimes semblent avoir senti le « danger » et la nécessité de reprendre les commandes.

Retour sur le terrain

Du coup, Messaoud Ould Boulkheir, conscient des implications de la situation, décide de renouer avec son vieil amour et redescend sur le terrain politique. Ainsi, depuis quelques jours, il se rendrait régulièrement dans les quartiers populaires, ces zones préurbaines qui ont solidement établi la réputation de popularité de l’homme. Une démarche à travers laquelle il entend renouer avec la base, histoire de ne pas se laisser déborder, sur le terrain des idées généreuses, par des lieutenants allant vers une rupture de ban, porteuse de gros risques de déchirure.
Cette nouvelle bataille contre des « adversaires » inattendus représente, actuellement, un enjeu de taille au sein de ce grand parti de l’opposition, selon de nombreux observateurs.
Voilà pourquoi le vieux lion se remet subitement à rugir. Particulièrement lors de l’ouverture des journées de réflexion de son parti, le mois dernier. Son discours, jugé trop extrémiste, a provoqué le mécontentement de certains cadres qui hésitaient à accompagner les contestataires dans leur démarche.
Il est difficile de prévoir l’issue de la confrontation actuelle, la première du genre, entre Messaoud et ses anciens lieutenants, mais il faut tout de même prendre en considération la popularité encore très grande dont bénéficie ce leader historique dans les couches haratines.   

Cheikh Sidya

 

 

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