ARTICLE 404:

  

Les mauvais calculs de la France sarkozienne
 


BBC Afrique

Grogne au sein de l’armée nigérienne de plus en plus exaspérée par les frasques antidémocratiques du Président Tandja. enlèvement au Mali, dans son hôtel même, d’un ressortissant français. Prise d’otages spectaculaire de trois humanitaires espagnols en Mauritanie et traversée victorieuse par les ravisseurs du territoire mauritanien d’ouest en est. Tentative de liquidation physique du Capitaine Dadis Camara, chef de la junte guinéenne - par son propre aide de camp semble-t-il. 
Ces quatre événements ont au moins trois grands points communs :  

1- Ils se passent dans trois pays de l’Afrique occidentale qui fut française sous l’occupation et qui le redevient en quelque sorte par l’influence que Paris exerce ces jours-ci dans la région. 
2- Ils affectent trois dictatures militaires ou civiles militarisées soutenues à bras-le-corps par Paris. 
3- Et, donc, ils touchent de près aux intérêts économiques de la France du Président Nicolas Sarkozy. 
 
Au Niger, l’autocrate Mamadou Tandja a pu, ces derniers mois, museler la presse, dissoudre la Cour constitutionnelle qui lui tenait tête, renvoyer les députés qui s’opposaient à lui dans leur majorité et en faire élire d’autres, modifier la Constitution pour s’autoriser une présidence à vie. Il a bénéficié, dans toutes ces décisions à l’évidence anti-démocratiques et majoritairement désapprouvées par la classe politique de son pays, d’un soutien agissant et de l’expertise de l’Elysée. Raison invoquée par l’équipe au pouvoir à Paris : Le pouvoir de Tandja assure une stabilité nécessaire aux intérêts de la France qui exploite d’importantes mines d’uranium dans ce petit pays pauvre. Avec les remous au sein de l’armée nigérienne et la forte probabilité d’un coup d’Etat militaire, les rebellions touarègues qui éclatent chaque jour, l’incrustation dans le désert nigérien de l’Aqmi, les calculs de Nicolas Sarkozy et de son équipe s’avèrent très mauvais et porteurs de gros risques d’atteintes à ces mêmes intérêts qu’ils prétendent défendre. Le prochain pouvoir à Niamey ne pourra aucunement faire l’économie d’une « décolonisation » de cet Etat ! 
 
Au Mali, la politique française en matière de lutte contre le terrorisme n’a jamais été payante. Elle n’arrive ni à satisfaire le pouvoir, lequel voit d’un très mauvais œil le double jeu de Paris qui, tout en multipliant les actes de soutien aux gouvernements des pays concernés (Algérie, Mali, Niger, Mauritanie) n’en appuie pas moins Khadafi qui soutient les rebelles touaregs et flirte avec Al Qaida du Maghreb ! Et elle ne s’attire pas visiblement la sympathie des terroristes qui viennent de s’en prendre, pour la énième fois, aux ressortissants français dans la région ouest-africaine. Là aussi, très mauvais calcul de Paris. 
 
En Mauritanie, les « énarques » nichée Carla Bruni ont accompagné de A à Z la déstabilisation par des officiers de l’armée du premier régime démocratique – et civil - depuis trente ans, sa déposition par un coup d’Etat militaire atypique (l’auteur du coup d’Etat venait d’être limogé par le Président de la République déchu !), la répression sauvage de l’opposition courageuse au putsch, la signature d’un accord bancal, tout à l’avantage de la junte et, pour couronner tout cela, « l’élection » à l’évidence frauduleuse du chef de la junte au cours d’un scrutin mille fois en infraction par rapport à la Constitution de la Mauritanie, pourtant calquée sur celle de la cinquième république française ! Le chef de la junte ainsi légitimé au forceps sera reçu quelque semaines seulement après son « élection » à l’Elysée ! Quel palmarès, Messieurs Sarkozy, Guéant, Joyandet, Balkany et Cie ! Là aussi, la France sarkozienne défendait ses « intérêts stratégiques » : il y a du pétrole ( et de l’uranium paraît-il) à gogo dans le désert mauritanien, la France peut en tirer de grands profits. Mais il est besoin d’un pouvoir fort et soumis à la volonté de l’Elysée, un pouvoir capable de faire face à la menace terroriste qui grandit dans la région et dans le pays. Paris s’est porté garant de la « crédibilité » du pouvoir de Aziz vis-à-vis de ses autres partenaires occidentaux, américains en particulier ! 
Avec le rapt de trois ressortissants espagnols à 150 Km de sa capitale, la quinzaine même où il fanfaronnait au cours d’une conférence de presse sur les « redéploiements » de ses « Forces armées et de sécurité » pour quadriller son territoire et sur la création d’une unité spéciale chargée de la lutte contre le terrorisme, le général-dictateur mauritanien vient de démontrer, au grand jour, l’incurie de son pouvoir et le manque de préparation de son armée à faire face au terrorisme. Il vient surtout de prouver qu’il n’a aucune emprise sur son territoire, révélant en même temps la vanité des gages donnés par Sarkozy et Compagnie sur sa crédibilité. En un mot, la démocratie exemplaire de Nouakchott a été assassinée dans l’œuf pour rien et l’image de grande démocratie de la France écornée à très mauvais escient. Si on ajoute à cela que le fait que la France détienne une base militaire dans la zone même où les espagnols ont été enlevés, on se rend compte du gâchis ! 
 
Ne parlons pas de la Guinée Conakry. La dissensions au sein de la junte ne font que commencer. Et la tuerie du 28 septembre, les exactions contre l’opposition les discours à la limite de l’imbécillité du chef de la junte, et aujourd’hui la tentative d’assassinat de Dadis, etc. tout prouve combien Paris a misé sur le mauvais cheval en Guinée et combien la sortie de crise (la vraie, pas celle que concoctent Joyandet, Bourgui, Compaoré et Wade) se fera au désavantage des intérêts de la France. Ce sera aussi le cas à Madagascar, en Côte d’Ivoire - et au Sénégal dont la crise qui couve menace d’être dramatique ! 
 
Mais quand donc les gouvernants de la France du bling bling comprendront- ils que l’Afrique occidentale est définitivement ex-française et que les intérêts de leur pays ne peuvent désormais y être assurés que dans une logique d’Etats indépendants à Etat indépendant et de gouvernements légitimes à gouvernement légitime, loin de toute ingérence contraire au cours de l’histoire ? Quand feront-ils le bon calcul : laisser les peuples de cette région choisir ceux qui les gouvernent, pour que leur coopération avec l’ex-métropole acquiert, aux yeux des peuples, une dimension légitime et durable ? Mais quand donc ?! 
 
Adama Sow dit Yaya 
 
SOURCE: TAQADOUMY

Le 09/12/09

 

 

 

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