ARTICLE 401:

  

Mauritanie : les lendemains d’un putsch légitimé

Monsieur Chennouve Ould Maloukive, responsable d’un site d’information en ligne sur la Mauritanie Tawary.com, a passé deux semaines en prison avant d’être mis en liberté sous contrôle judicaire. Le régime du Général Aziz, qui s’est emparé du pouvoir « pour lutter contre le terrorisme et moraliser la vie publique », multiplie les violations de la liberté d’expression.

Chennouv Ould Maloukiv Le général semble bien plus s’appliquer à régler ses comptes avec ses adversaires qu’à lutter contre le terrorisme islamiste, qui gagne chaque jour un peu plus de terrain. Il y a 48 heures on apprenait, justement, que trois humanitaires espagnoles ont été kidnappés non loin de la capitale, Nouakchott : une véritable humiliation pour celui qui se voulait le chantre de la lutte contre le terrorisme. C’était le prétexte invoqué pour le parrainage plus ou moins officieux des autorités françaises à la légitimation électorale du coup d’état. Par ailleurs, au vu des alliances qu’il a scellées lors des dernières élections sénatoriales, il est permis de douter de la réelle volonté de Aziz à faire face à la mouvance islamiste.

 

L’arrestation du journaliste Chennouv Ould Maloukiv est intervenue suite à une plainte en diffamation déposée par un haut gradé de l’armée. La plainte concernait une information publiée sur un site autre que celui de M. Ould Maloukive. Selon la loi mauritanienne, comme en France, la plainte aurait dû concerner le directeur de publication de ce dernier site. L’officier mis en cause, fort de ses relations dit être «  allé directement à l’essentiel » en déposant plainte contre celui qu’il croit être la source de la « diffamation », sans qu’aucune preuve n’ait été avancée sur cette provenance.

 

M. Ould Maloukive, est un ancien officier de l’armée, radié quelques mois après le coup d’Etat d’août 2008. Depuis, il s’était engagé ouvertement aux côtés du Président renversé Ould Cheikh Abdallahi.

Cette mesure vient s’ajouter à une longue liste de violations de la liberté d’expression et d’instrumentalisation de l’appareil étatique par le Général Aziz et sa junte qui cible manifestement tous ceux qui s’étaient opposés au coup d’Etat d’août 2008. Ainsi, sous couvert de lutte contre la gabegie, le Général vient d’incarcérer un ancien gouverneur de la Banque Centrale pour des faits remontant à plus de 15 ans. L’affaire permit toutefois un racket des hommes d’affaire concurrents du richissime Mohamed Ould Bouamatou, riche cousin du Général Aziz. Il a su mobiliser les réseaux de la Françafrique en sa faveur pour légitimer son coup d’Etat, notamment avec l’engagement actif de l’inénarrable Maître Bourgi.

En effet, la France officielle s’est affichée en marraine de ce coup d’Etat militaire, unanimement condamné et combattu par le reste de la communauté internationale, en raison, officiellement, des exigences de la lutte contre le terrorisme islamiste. Mais à ce chapitre, le régime du Général Aziz semble plus défaillant que tous ses prédécesseurs.

 

Ainsi, quelques semaines après son putsch, les terroristes islamistes ont commis un attentat à Tourine, contre une garnison de l’armée mauritanienne au nord du pays, faisant onze morts. Attentat resté impuni. Jamais les autorités mauritaniennes n’ont réussi à mettre la main sur les auteurs de cet acte, qui fut d’ailleurs réédité quelques jours après dans la zone de Al-Ghallaouiya. Enfin, la semaine suivant l’élection, les terroristes islamistes mauritaniens lancent un attentat kamikaze, cette fois en plein cœur de Nouakchott et visant … l’ambassade de France.

Dimanche 29 novembre, ils enlèvent trois humanitaires espagnoles entre Nouadhibou et Nouakchott et échappent aux forces de l’ordre, décrédibilisant encore un peu plus la capacité des autorités officielles à lutter contre le terrorisme. L’enlèvement a été rapporté immédiatement par des témoins oculaires. Selon les connaisseurs de la région, les terroristes ne pouvaient être arrêtés par les forces de l’ordre que dans les quatre heures après leur acte. Il s’agit en effet du temps nécessaire pour parvenir à la région dite « D’har » limite du no man’s land au Mali, où les terroristes auraient leurs bases.

Les Forces armées mauritaniennes, handicapées par un commandement corrompu et peu compétent, ne sont ni équipées ni entrainées pour faire face à ce danger. Le Général Aziz n’a justement aucun intérêt à les équiper : il gouverne la Mauritanie grâce à la supériorité de son unité d’élite, la garde présidentielle, qui monopolise les armes et équipements, agissant en milice pour ses intérêts propres. Équiper convenablement les autres unités reviendrait à ses yeux à les doter d’armes qui pourraient un jour se retourner contre lui, alors que la colère populaire contre son pouvoir grandit chaque jour un peu plus.

Par ailleurs, au vu des alliances politiques qu’il a scellées lors des dernières élections sénatoriales, en novembre dernier, il est permis de douter de la volonté politique de Aziz de combattre la mouvance islamiste en Mauritanie.

La vitrine de l’islamisme politique en Mauritanie est le parti islamiste Twasoul, d’obédience Frères Musulmans et qui compte dans ses rangs plusieurs salafistes assumés. Sa direction ne cache pas sa sympathie, par exemple, pour les tribunaux islamistes somaliens. Ses organes de propagande ne cachent pas non plus leur sympathie pour Oussama Ben Laden.

Ce parti qui ne s’était opposé au coup d’Etat de 2008 que très mollement, a opéré un revirement suspect depuis les élections de juillet dernier imposées par les accords de Dakar. Ainsi, alors que l’ensemble des forces démocratiques réunies au sein du FNDD (Front National pour la Défense de la Démocratie) s’étaient entendus pour présenter [un candidat unique aux élections présidentielles face à Ould Abdelaziz l’opposition d’un front uni de démocrates, c’est l’armée qui s’est imposée lors des élections.

Les dés étaient pipés et les islamistes de Tawasoul leurs ont faussé compagnie en présentant leur chef de file en candidat indépendant soutiens français peu discrets, ce qui et malgré a facilité la tâche de Aziz.

Dès le lendemain des élections, entachées de fraudes, Tawasoul a reconnu les résultats, pourtant contestés par certains observateurs. En novembre dernier, lors des élections sénatoriales, il présente des listes communes avec le parti du Général Azzi (l’UPR), en particulier dans la capitale. Au lendemain de ces élections, son chef, le très ambigüe Jamil Ould Mansour, déclare qu’il s’agissait d’une « alliance électorale transformable en alliance stratégique » !

Faute de pouvoir les combattre, Aziz entendrait ainsi utiliser le danger islamiste en Mauritanie comme moyen de pression sur ses parrains occidentaux. Il semble y avoir une convergence objective d’intérêts entre lui et les islamistes de Tawasoul. Ces derniers, au poids électoral négligeable, ne visent pas l’exercice du pouvoir mais plutôt leur banalisation et leur intégration dans le paysage politique local. Ils travaillent actuellement à investir les administrations publiques, les hautes sphères de la fonction publique, les syndicats et les organisations de « bienfaisance », en attendant probablement un moment plus opportun.

Au moment où le pouvoir du Général Aziz affiche son impuissance à remplir son pacte avec ses parrains occidentaux, où les terroristes humilient de plus en plus son pouvoir et où les islamistes de Tawasoul travaillent patiemment à investir l’appareil étatique, les autorités françaises qui avaient favorisé les militaires contre les démocrates mauritaniens menés par Messaoud Ould Boulkheïr, seraient bien inspirés de reconsidérer leur soutien. La récente question au gouvernement du député Balkany n’augure rien de bon en ce sens.

 source: http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/mauritanie-les-lendemains-d-un-65714

 

 

 

 

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