ARTICLE 394:

  

L’impunité des crimes de torture est intolérable

 

Il y’a quelques jours, la Juge d’Instruction Carole Ramet, du Tribunal de Grande Instance de Clermont-Ferrand, cherchait à entendre Monsieur Lemrabott Sidi Mahmoud Ould Cheikh Ahmed. Ce dernier, annoncé parmi la délégation d’officiels mauritaniens, sera protégé par le service du protocole du Quai d’Orsay qui prétend, dans sa réponse écrite adressée à la Juge, que son statut d’ancien ministre de l’intérieur lui conférait l’immunité diplomatique! Plusieurs officiers de Police Judiciaire et du Service Central de Répression du Grand Banditisme ont été mobilisés pour appréhender l’intéressé.

Il y a un an, presque jour pour jour, un autre magistrat du même tribunal, le Juge Pignoux, délivrait un Mandat d’Arrêt International, avec fiche Interpol, à l’encontre du Commissaire Principal Deddahi Ould Abdallahi. Le même Deddahi avait fait l’objet, l’année précédente, d’une Commission Rogatoire adressée aux autorités espagnoles et demandant à le faire entendre par la police madrilène. Monsieur Mohamed Ould Brahim Ould Siyid,  était à son tour l’objet d’une Commission Rogatoire adressée cette fois aux autorités sénégalaises et visant à le faire entendre par la police de ce pays. 

Il y a sept ans, en avril 2002, le Commissaire Deddahi Ould abdallahi, secondé par quelques sous-fifres zélés tels le Commissaire Ismael Ould Mohamed et le scribe Mahmoud Ould Imigine,  m’envoyait, trois nuits durant, au « Laboratoire ». Au « Laboratoire », qui est en fait le Commissariat de Tavragh Zeina, une équipe de fonctionnaires de police, se réclamant de la « Brigade Criminelle », me soumettait aux pires tourments. 

Pour ceux qui voudraient avoir plus de précisions sur les spécialités de ce « Laboratoire », une description détaillée en est faite dans le texte accompagnant la plainte que j’ai introduite en juin 2002 auprès du Tribunal de Clermont-Ferrand et qui est consultable à cette adresse (1).

Monsieur Lemrabott Sidi Mahmoud Ould Cheikh Ahmed était, à ce moment là, ministre de l’intérieur alors que Monsieur Mohamed Ould Brahim Ould Siyid était lui, le Directeur Régional de la Sûreté, responsable de l’ensemble des commissariats de police de Nouakchott. La responsabilité morale et politique de ces deux personnages dans les actes de torture dont je fus victime doit être légitimement recherchée.

Plus que d’avoir été torturé, et bien au-delà, c’est le sentiment de l’impunité dont jouissent les responsables directs et indirects qui devient insupportable.

Je sais qu’avant moi nombre de Mauritaniens ont été torturés. Je sais aussi que depuis cette date la torture n’a jamais cessé. Les derniers rapports d’Amnesty  International et de la FIDH sont là pour l’attester. De terribles témoignages en ont été diffusés il y a quelques semaines, montrant la torture subie par les présumés Salafistes. Les détenus de droit commun la subissent, certainement, tous les jours.

Loin de banaliser cette pratique à mes yeux, la multiplication des cas de torture m’appelle, au contraire, à refuser de « passer l’éponge » et à réclamer à ce que justice soit faite, pour moi et pour les autres.

Nombre de mes relations m’ont suggéré, sans doute, pensent-ils, pour mon propre intérêt, de « tourner la page », de pardonner et d’oublier… Ma réponse a été invariablement la même: jamais.

Aujourd’hui je suis prêt à prendre les nouvelles autorités au mot quand elles affichent leur volonté de faire régner la justice. Je suis prêt à reconsidérer ma position si on nous prouve, à mes avocats et à moi, qu’il est possible que les principales personnes visées par ma plainte et notamment le Commissaire Principal Deddahi Ould Abdallahi pourront être jugées en Mauritanie.  

Pour que le silence des victimes cesse d’être le complice de leurs bourreaux.

 

 

Mohamed BABA, Professeur   
Clermont-Ferrand le 01-novembre- 2009

 

 

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