A.H.M.E.

ARTICLE 38 :

 

Mauritanie : la démocratie contre l'esclavage

 

 

Mauritanie : La démocratie contre l’esclavage

    Des descendants d'esclaves et des Négro-Mauritaniens présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat ou encore ministres ! Une promotion impensable il y a encore quelques années en Mauritanie, qui résulte d'accords conclus lors de la présidentielle de mars dernier.

    SYFIA - Pour la première fois en Mauritanie, des Haratines, descendants d'esclaves, et des Négro-Mauritaniens accèdent à des postes politiques de premier plan. Le 26 avril dernier, l'ex-opposant et candidat malheureux à l'élection présidentielle, Messaoud Ould Boulkheir a été élu président de l'Assemblée nationale. Ce Haratine, après être arrivé en quatrième position lors du premier tour de la présidentielle avec près de 10 % des suffrages, avait soutenu lors du second tour du 25 mars dernier celui qui allait devenir le premier président démocratiquement élu depuis l'indépendance de la Mauritanie en 1960 : Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Grâce à cet accord, son parti, l'Alliance populaire progressiste (App), obtient également trois portefeuilles ministériels. Yall Zakarya, ancien gouverneur de région, devient ainsi ministre de l'Intérieur. Ce Négro-Mauritanien devra régler le problème du retour dans leur pays de milliers de personnes de sa communauté réfugiées au Sénégal et au Mali depuis 1989, à la suite de violences interethniques.

    Avant sa victoire, le futur président avait promis de trouver une solution dans un délai de six mois à un an.

    Un autre Négro-Mauritanien, Ba Mbaré, ancien ministre sous l'ex-président Maaouiya Ould Taya (1984-2005), renversé par un coup d'Etat militaire en août 2005, a par ailleurs été élu fin avril président du Sénat. Il devient le deuxième personnage de l'Etat, chargé, entre autres, de suppléer le président en cas de vacance du pouvoir. Ces promotions représentent une réelle avancée dans un pays où l'esclavage a été officiellement aboli en 1981 par une loi qui n'a, depuis lors, été suivie d'aucun décret d'application. Cette pratique est d'ailleurs encore régulièrement dénoncée par les Ong.

    Sidi Ould Cheikh Abdallahi s'est dernièrement engagé à ‘criminaliser’ le délit d'esclavage. Une législation spéciale devrait en principe bientôt voir le jour. ‘Des dispositions contraignantes seront prises contre ceux qui le pratiquent (autorités administratives, municipales, notables, chefs de tribu, etc.) et leurs complices’, a promis le nouveau président. Egalement en discussion, l'adoption d'une politique de ‘discrimination positive’ avec des programmes sociaux et économiques ciblés en faveur des anciens esclaves qui vivent jusqu'à aujourd'hui dans une extrême pauvreté. Maures noirs, les Haratines, descendants d’esclaves, sont pour la plupart analphabètes et pauvres. Ils ne bénéficient que d'un accès réduit à la terre et à des fonctions de responsabilité. Seul le secteur informel leur était, il n'y pas si longtemps encore, ouvert.

    L’esclavage fait partie des dossiers sensibles que les militaires, au pouvoir entre 2005 et 2007, ont laissés au gouvernement civil. Lors d’un meeting tenu l'an passé à Atâr, à près de 500 km au nord-est de Nouakchott, l’ex-président du conseil militaire, le colonel Ely Ould Mohamed Vall, avait cependant déclaré sans ambiguïté : ‘Je suis pour l’abolition de l’esclavage sous toutes ses formes, dans les idées et dans les comportements’. Les civils semblent décidés à saisir à bras le corps ce problème. Début mai, un Haratine, Samory Ould Bey, Secrétaire général de la Confédération libre des travailleurs de Mauritanie (Cltm), l’une des plus grandes centrales syndicales du pays, prenait publiquement position quasiment dans les mêmes termes : ‘Nous souhaitons que les autorités prennent des mesures importantes pour bannir définitivement l’esclavage sous toutes ses formes’. De son côté, le nouveau président de
    l’Assemblée nationale, soucieux de l’émancipation de ses frères, se montrera vigilant : ‘Le jour où je sentirai une volonté de blocage, rien ne m’empêchera de claquer la porte’, a-t-il prévenu.

Mamadou BINETA

Source : Walf Fadjri

 

 

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