ARTICLE 379:

  

Chômage : Le cri des chômeurs


 
Les chômeurs ! Il en existe de toutes sortes dans notre pays. Qu'ils soient diplômés (médecins, ingénieurs, professeurs, cadres moyens, ouvriers qualifiés, secrétaires…) ou non diplômés, le nombre de sans emplois s'accroît de jour en jour. C'est que, la crise multiforme qui frappe le pays aidant, le marché de l'emploi s'est fortement retréci ces dernières années. Pour se faire entendre, les chômeurs, et particulièrement les diplômés chômeurs, usent d'une unique démarche  : le sit in. Moyen pour eux de crier leur ras-le-bol devant une autorité qui continue à les ignorer.

Des dizaines de jeunes diplômés chômeurs ont pris l'habitude de venir exhiber leur désarroi aux portes de la Présidence de la République ou du ministère quelconque censé s'occuper de leur embauche, après une formation subie à l'intérieur ou à l'extérieur du pays. Ces derniers jours, le mouvement s’est nettement emplifié!

Pendant la crise institutionnelle qui avait secoué le pays, ils étaient souvent là, neuf mois durant, rassemblés devant la Présidence de la République (tous les mercredis), l'ANAPEJ (tous les lundis) et le ministère de l'Emploi, de la Fonction publique et de l'Insertion (dimanche et jeudi). Des sit-in qui en disaient long sur la situation du chômage en Mauritanie mais qui n'ont pas réussi à émouvoir outre mesure les responsables qui ont en charge de trouver une solution à ce dossier délicat.

Les jeunes diplômés chômeurs, dont le nombre augmente chaque année, déplorent l'absence de stratégie claire dans le domaine de la lutte contre le chômage. Pour bon nombre d'entre eux, l'Agence Nationale pour la Prometion de l'Emploi des Jeunes (ANAPEJ) navigue à vue, depuis sa création, en choisissant l'insertion par le micro-crédit, non généralisé et donné à des conditions drastiques. Devant le chômage, tous les diplômés sont égaux ! S. Harouna qui détient une maîtrise en économie et gestion, attend depuis 2000 de trouver une embauche quelconque. Marié et père de cinq enfants, selon ses dires, il désespère de ne plus pouvoir postuler aux recrutement de la Fonction publique qui fixe la limite d'âge à 30 ans. Même son de cloche chez sa voisine A.L, sortante de l'Université de Nouakchott en 92, qui dit avoir bénéficiée d'un stage de formation dans un département et se plaint de l'arrivée des militaires, en août 2005, qui ont bouté dehors tout le monde. Mohamed Aly (Economie-Planification) et B. A. (chimiste) partagent le même sort que tous ces jeunes qui, prenant leur mal en patience, avaient pris l'habitude de se réunir devant la porte du ministère de l'Emploi (sans emplois pour eux), et de boire le thé à longueur de journée.

La croissance économique en Mauritanie n'a pas été assez importante pour créer des emplois susceptibles de répondre aux besoins d'une population jeune qui s'accroît également. De même, les gouvernements successifs n'ont pas toujours compris qu'il était important de s'occuper de ces derniers. Ils avaient toujours cru, jusqu'ici, qu'une politique globale de lutte contre le chômage pouvait aussi valoir pour le chômage des jeunes. Ce n'est pas le cas. Il faut trouver un équilibre entre leurs besoins et ceux du système économique. Il arrive souvent, par exemple, que des jeunes diplômés soient obligés de s'expatrier parce qu'il n'y a pas de structures locales dans lesquelles ils peuvent exercer dans leurs pays. Ils vivent en Europe et les gouvernements qui ont investi dans leurs études sont privés de leurs compétences.

Ce chômage des jeunes qui n'est pas inédit, inquiète pourtant de plus en plus. L'dée selon laquelle la créativité de la jeunesse peut résoudre tous leurs problèmes est ainsi en passe d'être révolue. Il faut trouver des solutions spécifiques au travers, entre autres, le partage d'expériences.
 

La formation, pas toujours une garantie

L'éducation, contrairement aux idées reçues, n'est pas toujours la clé du problème. La formation ne constitue en rien une garantie pour trouver un emploi décent. L'éducation est importante, certes, mais il faut avoir une vue d'ensemble du problème. Beaucoup de jeunes diplômés ne se retrouvent-ils pas, par exemple, chauffeurs de taxi ? Pourquoi, comme le suggère le BIT, un pays comme la Mauritanie ne cherche-t-il pas à faire jouer au secteur agricole un rôle important dans les stratégies d'emploi des jeunes et dans les stratégies globales d'éradication de la pauvreté, en dépit d'un exode rural croissant ?

Ce secteur est pourvoyeur de 40% des emplois dans le monde. Et en Afrique sub-saharienne, c'est l'un des principaux employeurs, avec le secteur informel, des jeunes. Le BIT révèle d'ailleurs que la mesure de l'emploi des jeunes peut aider à celle du poids du secteur informel.

Une récente enquête a révélé que 90% des Mauritaniens travaillent dans l'informel. 60% d'entre eux ont un salaire inférieur à 20.000 UM.

" Le taux de chômage est officiellement de 32,5% et n'épargne aucune région, aucun milieu et aucune tranche d'âge ", selon un document de la stratégie nationale de l'emploi.

Les autorités se sont fixées comme objectif de ramener ce taux de chômage à 25% à l'horizon 2010, "à travers le développement de la formation technique, l'adéquation du système éducatif avec les besoins du marché de l'emploi, le recours à des approches innovantes et initiatives d'insertion, et un partenariat entre les secteurs public et privé". Un pari qui nécessite une insertion dans l'économie formelle de milliers de citoyens sans formation concurrencés, rudemment, par des contingents d'étrangers qui ne trouvent aucune difficulté à venir tenter dame fortune en Mauritanie.

Si le Sénégal a déjà fait sienne la politique de retour à la terre, en juin 2008, en lançant le projet REVA (Retour vers l'Agriculture) à destination de ces jeunes émigrés rapatriés des Canaries, la mesure n'est pas non plus une panacée. Car on risque encore de former des jeunes médecins et de les transformer en agriculteurs sous prétexte de leur trouver du travail.

Écrit par Sneiba Mohamed   
 

Source : L'authentique

 

 

  Retour