ARTICLE 366:

  

 

Itinéraire d'un kamikaze
 
JEUNE AFRIQUE
 
 
Haratine d´extraction modeste, l´auteur de l´attentat-suicide du 8 août contre l´ambassade de France était un jeune homme rangé et sans histoires. Comme bien souvent... Un jeune homme sans histoires. Travailleur, responsable, respectueux de ses parents. Il est d´ailleurs revenu dans la maison familiale après une absence de neuf mois pour y passer les deux dernières nuits de sa vie.

 

Ultime refuge dans l´innocence de la jeunesse avant le fatidique 8 août 2009? Ce samedi-là (dernier jour de week-end en Mauritanie), le crépuscule n´a pas encore enveloppé Nouakchott quand Moussa Ould Beina Ould Zeidane, 24 ans, actionne la ceinture d´explosifs qu´il porte sur lui. En plein centre de la capitale, à deux pas de l´ambassade de France, un « repaire de croisés », comme le dira, dix jours plus tard, un communiqué revendiquant l´attaque, signé Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI).

Chômage et pauvreté

Auteur du premier attentat-suicide en Mauritanie, Moussa voulait mourir en « martyr », comme un serviteur zélé d´Allah. Au passage, il a blessé deux gendarmes français - dont un sérieusement, au tympan - et une passante mauritanienne. « Cette opération est venue en réaction à l´hostilité des croisés - emmenés par la France - et de leurs agents apostats », explique le même communiqué.

Un mois après l´attaque, la télévision publique s´emploie à démystifier le destin du jeune terroriste, convoquant sur ses plateaux des oulémas, des gradés et des intellectuels venus expliquer comment prémunir la jeunesse de l´islamisme radical. Quant au film de sa vie, que le journaliste mauritanien Mohamed Ould Khattat a reconstitué dans le quotidien Nouakchott Info, il fait apparaître un itinéraire banal, où le djihadisme est moins une vocation qu´un hasard croisé sur le chemin du vide et de l´ennui.

Moussa Ould Beina Ould Zeidane est né le 12 décembre 1984, dans la soirée. Sa tante l´aurait bien baptisé Maaouiya, en l´honneur de ce colonel moustachu dénommé Maaouiya Ould Taya qui a renversé le président Ould Haidallah le matin même et qui sera lui-même déposé vingt et un ans plus tard. Deuxième d´une famille de huit enfants, entre un père ex-boulanger reconverti en gardien de parking et une mère couturière occasionnelle, le petit Moussa grandit dans la pauvreté, à l´instar de la grande majorité des Haratines - descendants d´esclaves et arabophones. Alors Moussa, qui rate son bac à deux reprises, travaille beaucoup: tous les matins, il quitte au petit jour la maison familiale dans le quartier populaire de Basra, à Nouakchott, pour se poster au carrefour de la Polyclinique, une place de Nouakchott où les artisans - peintres, menuisiers - se réunissent pour proposer leurs services. En 2008, il tente en vain de rentrer dans le corps de la gendarmerie.

Questions sans réponse

Son parcours est semé d´échecs scolaires, mais il ne comporte ni larcins ni mauvais coups. Moussa n´est pas connu des services de police. Quant à sa pratique de l´islam, elle est normale, pas plus zélée que celle de sa famille. Il n´est pas réputé fréquenter une madrasa, lieu potentiel de recrutement de futurs djihadistes. Alors, comme toujours, la même question revient: comment un jeune homme tranquille de 24 ans bascule-t-il dans la violence terroriste sans que personne, même son plus proche entourage, s´en aperçoive? En novembre 2008, Moussa quitte la maison de Basra. Il ne donnera plus aucune nouvelle à sa famille. A-t-il rejoint un « camp d´entraînement terroriste » - une appellation pompeuse pour désigner des campements mobiles et rudimentaires -, dans ce no man´s land à cheval entre le Sud algérien et le Nord malien? Une photo diffusée par AQMI le laisse supposer. Reste à savoir comment et où s´est opéré le recrutement. À Nouakchott? Dans la rue? Dans une mosquée? Moussa se rendait-il vraiment au carrefour de la Polyclinique, comme il le prétendait? Mais si le jeune homme a pu être endoctriné à coups de vidéos, cela n´a pas pour autant dissipé sa peur. Selon un témoin de l´attentat, il tremblait avant de se faire exploser...

 
Marianne Meunier

 

 

 

 

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