A.H.M.E.

ARTICLE 338:

  

 

Démocratie : Aziz m’a tué
 
Il est de notoriété publique – plus exactement, républicaine – que seules les urnes sont l’arbitre final  pour une solution, sereine, aux problèmes auxquels doivent faire face les hommes politiques, les hommes d’État et, dans notre cas, les putschs à répétition. Faut-il reconnaître à l’ex-général le résultat de  l’élection du 18 juillet? La réponse me paraît évidente: La Mauritanie ne supporterait pas de voir la crise se  prolonger. Il faut, par contre, continuer  à jouer le jeu de la démocratie et faire face aux dérives dictatoriales, prévisibles, en renforçant l'opposition ; ne pas laisser le vide s’installer, ni la moindre brèche s’élargir, dans laquelle  de faux-opposants peuvent se faufiler, comme c’est le cas en Tunisie ou au Maroc. En clair, il ne faut, en aucune manière, boycotter les futurs scrutins. L’expérience de 1992 a laissé un goût amer dans l’esprit  et la mémoire d’un certain Ahmed Ould Daddah, quand il a adopté la politique de la chaise vide, face au dictateur de l’époque. 
Cette victoire a, certes, l’odeur, la saveur et la couleur de la fraude. Le peuple mauritanien et les observateurs  ont été bernés, une fois de plus.  Sur le Tour de France cycliste, tous les experts sont unanimes : les  coureurs ne  carburent pas uniquement à l’eau minérale. Malgré tous les tests  inopinés,  voire  programmés, à la recherche des substances illicites, il ya toujours des petits malins qui échappent  au contrôle antidopage et qui gagnent. Le général-mécanicien  a été plus intelligent que les ténors de notre politique,  et les templiers du FNDD.  Il a travaillé à son sacre, depuis le 6 aout, après s’être employé, obscurément pendant quinze ans, à en assurer sa base martiale. Il a fait disparaitre, comme par enchantement, 400.000 électeurs dans un cadre  de «non-participation» . Etrange, non? Quand on sait que le vote, en Mauritanie, est le deuxième  sport national, après la gazra des biens publics.  Il a sillonné le pays,  trois fois : à dos de chameau, dans un hélicoptère militaire, en 4 x4. Il a placé, à tous les niveaux de l'administration, ses partisans et il n'a pas encore fini de nous surprendre.  Hé! Ne nous a-t-il pas épargné un deuxième tour coûteux et douteux?
 Un vrai défi à l’arithmétique.  Désormais et depuis le 18 juillet, jamais plus 1 plus 1 ne feront 2; en Mauritanie, du moins. A ce stade, on reste partagé entre la raison et le désagréable sentiment de s’être fait avoir. L’intérêt du pays, d’un côté, et notre orgueil personnel, de l’autre. Allons! Faisons, donc, le choix, sage et rationnel, du bien commun! L’opinion internationale en a marre d’entendre parler de ce  petit pays, pauvre et très endetté, qui ne vit qu’au rythme des élections et des campagnes post-putsch. La crise a trop duré et il est temps de clore ce dossier, sans attendre qu’un autre militaire surgisse, de nulle part, pour nous annoncer qu’il va rectifier la rectification ou quelque chose de ce genre. L’arbitraire, donc, au pouvoir. Cela n’a rien d’original. Bien avant Aziz, Hitler, à la tête du parti nazi, fut élu chancelier de l’Allemagne; Milosevic, à la tête de l’ex-Yougoslavie, Taylor Charles, au Liberia, et, plus près de nous encore, Ould Taya. Tous au suffrage universel direct, comme Ould Abdel Aziz.
D’autres questions restent en suspens : va-t-il dissoudre le parlement? Aura-t-il la capacité et le courage de refuser les  transfuges des autres partis perdants?  Mènera-t-il, à terme, son unique promesse électorale: lutter contre la gabegie? Que fera-t-il de certains de ses soutiens, pour le moins encombrants? Rebelote, en tout cas : nous voilà revenu à la case-départ, Ould Taya bis, son parti-Etat, sa campagne du livre et de l’obésité. Et probablement encore, la déstabilisation de ce nouveau pouvoir viendra  de là où l’on s’y attendra le moins. Car, enfin,  qu'est ce qui immunisera la réincarnation politique du colonel Ould Taya contre un autre coup d'Etat? Tôt ou tard,  le général commencera à se séparer de ses compagnons d'armes: retraites anticipées, nominations en ambassades, conseils militaires, et autres directions de sociétés publiques. Les liens s’effilocheront, jusqu’à ce que… Une chose est sûre : ce jour là, personne ne sortira dans la rue, pour défendre «sa» démocratie et surtout pas moi.


Docteur Kleib Ahmed Salem
Neurochirugien

LE CALAME DU 23 JUILLET 2009

 

 

 

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