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A.H.M.E.

ARTICLE 161 :

 

 

Ce que cache la résolution du Parlement européen...

    Point n’était besoin d’être devin pour imaginer ce que serait la réaction des putschistes à la suite de la résolution de circonstance adoptée par l’Assemblée parlementaire européenne, après la série impressionnante de prises de positions exprimées avec limpidité par
    l’essentiel des grandes institutions internationales et des pays frères et amis, depuis le Coup d’Etat du 6 août.

    Le ton jubilatoire, euphorique, des partisans du putsch, est à la hauteur de la confusion et du désarroi dans lesquels les avait jusqu’alors plongée cette unanimité de la communauté internationale sur deux aspects considérés comme essentiels de toute solution de la crise provoquée par le putsch :

    le retour à l’ordre constitutionnel normal par la remise du pouvoir à leur détenteurs légitimes, le Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallah et son Premier Ministre, Yahya Ould Ahmed El Waghf d’une part, et le retour de l’armée dans les casernes et son éloignement de la vie politique, de l’autre.

    C’est là, exactement, la ligne générale de conduite de l’ensemble des forces politiques et sociales de résistance nationale démocratique incarnés par le FNDD, les principales centrales syndicales et organisations de la société civile.

    Jamais convergence n’a été aussi parfaite entre les acteurs politiques et sociaux nationaux et le reste du monde quant à la voie de sortie à suivre dans une crise aussi profonde que celle qui frappe aujourd’hui notre pays…

    Pour desserrer l’étau et infléchir le sens de ces positions de principe, la Junte va faire jouer ses relais, ouverts ou cachés, afin de grignoter du terrain et rassurer ainsi des « soutiens »
    d’autant plus inquiets que pointent à l’horizon, les sanctions internationales ciblées, potentiellement dévastatrices pour la sauvegarde de leurs intérêts personnels bien compris et fructifiés -souvent hors du territoire national, pour la plupart d’entre eux.

    La tenue de la session parlementaire de l’Union européenne offrira donc cette occasion rêvée d’obtenir de quoi entretenir le moral des troupes… et l’illusion dans laquelle les maintenir quant à l’affaissement inéluctable de la fermeté de la communauté internationale et quant à la pérennisation de la restauration plus ou moins déguisée de l’ordre constitutionnel militaire, grimé ou non d’effets spéciaux démocratiques civils .

    Pour cela, il suffisait de s’appuyer sur une dame d’influence, bien introduite dans les milieux de la diplomatie parlementaire européenne, une dame qui fut, en tant que députée européenne, observatrice lors des dernières élections démocratiques et qui, de ce fait, pouvait en imposer à ses collègues en matière de « compromis » à proposer aux mauritaniens et, surtout, une dame qui présente toutes les garanties politiques et personnelles à la junte et à ses amis, qu’elle s’en tiendra à la ligne qui aura été tracée…

    Cette dame, Vert pâle, c’est Marie Anne Isler Béguin dont le statut autoproclamé de « marraine » de la démocratie mauritanienne ( en raison de ses visites électorales et de courtoisie auprès de ses amis « démocrates » en Mauritanie, en costumes cravates ou en treillis), fait parfaitement l’affaire. N’avait-elle pas, au plus fort de la crise politique d’avant le putsch, pris fait et cause pour les parlementaires frondeurs, au moment où le Président de la République, totalement encerclé par les Généraux et soumis au chantage d’une prétendue destitution par une Haute Cour, n’avait comme armes constitutionnelles fatales que la dissolution du Parlement ou le recours aux pouvoirs exceptionnels ?

    Qui ne se souvient, en plein dans cette tragédie présidentielle, de sa déclaration intempestive et pleine de suffisance sur l’inacceptabilité de toute dissolution du parlement en raison du « coût » exorbitant de nouvelles élections pour la communauté internationale », tout en louant les tentatives de renversement du Gouvernement par des députés sous influence militaire ?

    Qui n’a encore à l’esprit son ton rassuré, amène et plein de confiance à l’égard des Généraux, au sortir d’un Palais présidentiel bunkerisé et toujours muet face aux exigences de la communauté internationale de les voir restituer ce qu’ils ont indûment pris à notre peuple le 6 août: sa souveraineté et son droit de suffrages ?

    Dopée par la promotion de son ami comme « Ministre » du cabinet putschiste, en charge du secteur stratégique, par les temps qui courent, des « droits de l’Homme »etc., la députée européenne s’est fait porte-parole des thèses putschistes accommodées à la sauce « Conscience et Résistance », Cellule non dormante de « prospective pour une Transition Radicale en Mauritanie »…

    Cela a donné la partition suivante, bien vendue à l’auguste Assemblée parlementaire européenne : certes, dénonciation de « principe » du Coup d’Etat ( ce que les putschistes eux-mêmes furent les premiers à entreprendre en dénonçant le « coup d’Etat » préalable de M. Sidi Ould Cheikh Abdallah et déclarant le leur, bien réel celui-là, d’ « accidentel ») ; mais, surtout, demande de nouvelles élections présidentielles comme base de règlement de la crise.

    Bien sûr, les exigences de Conscience et Résistance, pas plus que celles de l’ex Opposition démocratique statutaire, ne recoupent pas exactement celles des Généraux, qui ont leur propre vision de leur destin et, probablement, leur propre agenda. MM. Ahmed Ould Daddah et Sarr Ibrahima sont tout prêts à faire la fronde à leur tour contre le Général Aziz s’ils ne sont entièrement satisfaits des garanties électorales que ce sera Ahmed le prochain Vizir à la place du Vizir, ce qui suppose que l’ancien le veuille bien…Pour eux, « peu importe que le chat soit noir ou blanc, pourvu qu’il attrape les souris ».

    Le seul petit « détail » à peaufiner avec les Généraux est leur propre départ. Puisque la page Sidi doit être tournée, pourquoi ne pas se débarrasser, dans le même temps, de ces encombrants balayeurs de Chefs d’Etat dont il n’est décidément pas facile de contrôler les râteaux ? Exit donc Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Mais bon débarras aussi, MM les Généraux !

    Telle est la vision incroyablement naïve et cynique de l’ex opposition démocratique dont on a du mal à croire qu’elle ait pu même être imaginée par qui a seulement quelques jours d’expérience politique dans son histoire. C’est pourtant, jusqu’au moment de la rédaction de ces lignes, la seule orientation tactique de cette fameuse « opposition », en plus de la fixation d’un délai pour la tenue de l’élection présidentielle tant convoitée (entre 6 mois et 12 mois revendique -t-on).

    Conscience et Résistance, et donc Marie Anne Isler Béguin, est également en phase avec cette doctrine singulière. « Pour sauver la Démocratie, il faut enterrer la Démocratie ». Pour résoudre la crise née du coup d’Etat, il faut entériner le coup d’Etat, en passant le Président légitime par pertes et profits, grâce à la magie de nouvelles, libres et transparentes élections, se déroulant à nouveau sous bonne garde européenne…si possible en présence de Marie Anne Isler Béguin.

    Pour sa part, dès les premiers jours du putsch, CR, s’est lancée dans une course éperdue pour sa consécration et ce, par l’élimination du Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallah. Pour le compte de qui ? On verra.

    En tout cas, les militaires ne s’y sont pas trompés qui ont coopté son Président pour une entrée dans son improbable gouvernement. Tout en se répandant dans une ténébreuse condamnation de principe du putsch (« malgré son caractère prévisible et la rationalité de ses causes » !), voilà le grand parti de la Vertu Immaculée qui, aux Généraux, « Rappelle le devoir, pour le HCE, de se déclarer inéligible aux futures élections et d’engager, avec toutes les forces vives, la recherche de retour, par la concertation, aux standards de la normalité politique. ».

    Bien sûr, ces grands jeunes hommes ont encore des doutes, des doutes un peu sérieux, sur la détermination des putschistes à consentir le sacrifice suprême d’organiser de nouvelles élections démocratiques, qui passent forcément par leur non participation, puisque ce sont de notoires et invétérés fraudeurs, des gens sans parole d’honneur, suppute la « Cellule de prospective pour une transition Radicale. ».

    Ils ont pour cela, trouvé un « Indice encore plus alarmant( ?) (suivant lequel) le HCE marque de la réticence (sic) à déclarer l’interdiction pour ses membres, de la candidature à la Présidence de la République ; or, le fond du problème tient dans ce critère. C’est là que se noue la faculté, pour la Mauritanie, de sortir du cercle vicieux de la fraude électorale. »

    En somme, les militaires sont les rois de la fraude et il faut donc leur interdire toute participation à la « future élection ». Pour cela, CR retrouve ses accents de groupe de radicaux intransigeants qui « Engage la communauté internationale à éviter d’ouvrir la voie de la négociation ou du compromis sur le point précédent », relatif à l’ « exigence minimale
    d’impartialité dans l’arbitrage du vote ».( toutes ces citations sont extraites du fameux communiqué de l’organisation en date du 11 août 2008).

    La résolution dite de compromis, adoptée le 4 septembre 2008 par le Parlement européen à titre de recommandation sur le coup d’Etat en Mauritanie porte la marque de cette influence de CR par l’intermédiaire de la députée verte, et probablement de certains députés socialistes, sensibles aux thèses idoines du RFD.

    Il est rare qu’un texte de diplomatie internationale soit aussi contradictoire aussi bien dans ses fondements que dans sa portée pratique. Un exemple d’école de l’inconséquence politique et du double langage compromissoire de la diplomatie parlementaire classique.

    En dehors de la condamnation rituelle de rigueur, du coup d’Etat, de quelques explications sommaires et orientées sur le contexte de la crise ( avec silence absolu sur le rôle décisif des militaires dans l’agitation des frondeurs qui leur sont pour, pour la plupart, redevables de leur statut parlementaire) ayant précédé le putsch, de la demande « humanitaire » de relaxe du Président élu M. Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallah et de son Premier Ministre, de passages alambiqués sur l’ampleur de la dépendance financière et alimentaire du pays vis à vis de l’aide étrangère, sur le terrorisme transfrontalier… en dehors de ces considérations générales donc, la résolution marque très clairement un recul considérable par rapport aux exigences fondamentales de la communauté internationale en vue du règlement de la crise.

    Un passage traduit plus particulièrement l’ampleur de ce recul et explique la jubilation des partisans du putsch depuis l’adoption de ce texte: l’assemblée « prend note de l’annonce, par la junte militaire, de nouvelles élections présidentielles, mais déplore que… aucun engagement de neutralité n’ait été pris ; demande aux forces militaires au pouvoir de
    s’engager sans délai sur un calendrier de restauration des institutions démocratiques, en concertation avec l’ensemble des forces politiques ».

    Voilà ce qui a immédiatement comblé d’aise le nouveau « Premier ministre » qui s’en est bruyamment félicité lors d’une conférence de presse tenue le même journée de l’annonce de cette résolution de circonstance. Une bouffée d’oxygène !

    Cette approche très opportuniste du règlement de la crise, qui fait fi de l’exigence de restauration dans ses fonctions du Président de la République élu démocratiquement et de son Premier Ministre légitime, est précisément celle qui, si elle était adoptée, risquerait
    d’installer l’instabilité et le déni de tout respect des normes constitutionnelles en vigueur, non seulement en Mauritanie mais aussi dans nombre de pays africains. Elle consacrerait en effet l’existence d’un « droit » de révocation des autorités élues par les armées nationales, en violation flagrante des normes constitutionnelles et des normes internationales. Elle instaurerait des coups d’Etat d’un nouveau genre : les putsch révocatoires…

    En Afrique, tapis dans l’ombre, attendent des Généraux et des Colonels, peut-être des capitaines et des sergents, comme au bon vieux temps, pour voir ce qu’il en serait de
    l’expérience mauritanienne, à tous égards exemplaires, en bien comme en mal maintenant. A qui serait alors le tour ? Niger ? Togo ? Bénin ? Nigeria ?...

    Si le Coup d’Etat marche, nul doute que serait pour longtemps, compromise la norme internationale d’interdiction absolue de toute remise en cause par voie armée conspirative, du choix démocratique par les peuples de leurs gouvernants. Et, quoi que l’on dise ou fasse, le coup d’Etat aura marché si, et seulement si, le Président légitime n’est pas rétabli dans ses fonctions, d’une façon ou d’une autre, tôt ou tard… La concertation et le dialogue ne doivent et ne peuvent être envisagés que dans ce cadre.

    Il y’a une jurisprudence internationale à cet égard. Elle est pertinente. Elle doit être appliquée. C’est au Président élu, légitime, c’est à M. Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallah d’engager le dialogue, s’il y’a lieu, avec ses Généraux, pour trouver une solution acceptable et respectueuse des institutions républicaines et de l’ordre constitutionnel. En pleine liberté et en toute conscience, en tant que Président de la République en cours de mandat. Tout le reste suivra, y compris une large et profonde réflexion sur la nature de notre régime, le statut de ses corps constitués etc.

    La résolution du Parlement européen a ceci de cruel qu’elle sabote, objectivement, les efforts entrepris par la communauté internationale, dans une très rare unanimité dans ce genre de questions (comme on l’a vu au Conseil de sécurité), pour trouver une solution conforme aux prescrits universels. Elle polariserait, si elle devait faire jurisprudence, les tensions et les oppositions internes et internationales en dopant les positions les plus inacceptables- rendues tout aussi légitimes que celles fondées sur le bon droit et la morale internationale. Elle donnerait quitus et même prime et gratification à l’aventurisme et à l’irresponsabilité, revigorerait l’arrogance armée et foulerait aux pieds la conscience des peuples.

    Pour tout dire, cette résolution ne fait pas honneur à l’Europe. Elle poignarde les intérêts de notre peuple en donnant au processus de régression démocratique en cours le souffle et l’espoir de pérennité qui lui manquait.

    Mais au vu de l’ampleur grandissante de la résistance nationale démocratique et la fermeté affichée par les institutions internationales en charge effective de ce dossier, il est certain que cette résolution fera long feu tant vis-à-vis des autres organes de décision européens
    qu’onusiens, africains-arabes, etc. que des autres Etats frères et amis.


    Le 07 septembre 2008

    Me Lô Gourmo Abdoul
    Tiré de www.cridem.org

     

     

     

     

     

     

     

     


     

 

Il n 'y a pas de session parlementaire extraordinaire qui tienne...

 

    Il n’y a pas de session parlementaire extraordinaire qui tienne : il faut rétablir l’ordre constitutionnel légitime d’abord !

    D’après l’annonce qui en a été faite par radio Mauritanie et reprise par l’AFP, le 15 août 2008, les députés frondeurs (toutes tendances confondues) ont déposé une demande de convocation d’une session extraordinaire du Parlement, sur le même ordre du jour que celui qu’ils n’avaient pu imposer à l’exécutif pour ca use d’irrecevabilité flagrante, à la veille du Coup d’Etat, à savoir essentiellement : la constitution de la Haute Cour de Justice et la création d’une « commission d’enquête » sénatoriale à propos de la Fondation FKB.

    Ainsi, à défaut d’être vigilants sur les règles de procédure et les mécanismes institutionnels qui gèrent leurs relations avec les autres organes d’Etat d’après la constitution, les frondeurs prouvent qu’ils ont au moins de la suite dans les idées...fixes.

    Leur précédente tentative avait juridiquement échoué sur un « d=C 3tail » : ni le Premier, ni le second ni aucun des Vice-Présidents ne pourraient, en lieu et place du Président de l’Assemblée, déposer de demande de session extraordinaire auprès de l’exécutif, comme ils prétendaient pouvoir le faire à grand tapage médiatique.

    Le règlement de l’Assemblée impose qu’ils se plient à la « formalité » du dépôt par le Président de cette Chambre (en l’occurrence M. Messaoud Ould Boulkheir ) et seulement par lui, de toute demande de cette nature auprès du Gouvernement. La décision de ce dernier de déclarer irrecevable en la forme, leur demande insolite, après l’épisode de la « motion de censure-investiture », est aujourd’hui le seul et unique argument qu’avancent le régime militaire et les parlementaires qui les soutiennent lorsqu’ils évoquent, pour justifier le Coup
    d’Etat, « le blocage des institutions de la République ».

    Aujourd’hui, comme tout le monde le constate, l’illégalité s’est a ggravée au point d’atteindre son point de rupture absolue puisque c’est la constitution elle-même, dans son intégrité, c'est-à-dire le fondement même de notre régime politique, qui est ouvertement remis en cause avec la bénédiction de parlementaires qui, de la fronde au sein de leur propre camp, passent à l’allégeance pure et simple aux auteurs du Coup d’Etat, au détriment de la souveraineté nationale sur laquelle se fonde leur mandat.

    Mais, leur nouvelle demande de session extraordinaire se heurte, cette fois-ci, non aux subtilités de la procédure réglementaire de leur Chambre mais au mur infranchissable de
    l’ordre constitutionnel consacré par notre peuple par suite du referendum non contesté du 25 juin 2006 et traduit par les élections législatives et présidentielles non moins incontestées suite auxquelles furent régulièrement installées toutes les autorités légitimes actuelles de notre République.

    Il est d’une éclatante évidence que toute initiative entreprise dans le cadre des rapports au sein et entre les institutions de la République doit se fonder sur les prescriptions formelles de la Loi fondamentale du pays.

    Outre le fait que la disposition qui impose de passer par le Président de l’Assemblée ( et non par l’un de ses vice-président comme c’est le cas dans cette énième demande irrecevable de session extraordinaire en violation flagrante de l’article 9 du règlement de cette Assemblée ) est toujours en vigueur, force est de constater qu’il ne peut y avoir de session extraordinaire que dans le cadre des rapports entre les institutions régulièrement élues et par
    l’intermédiaire du gouvernement légitime, c’est à dire choisi par le Président de la République démocratiquement élu par notre peuple souverain.

    C’est ce qu’impose la lectur e de l’article 53 de la constitution qui précise que les sessions extraordinaires sont ouvertes et closes par un décret du Président de la République.

    De quel « Président de la République » s’agit-il ? Il s’agit de celui dont l’article 26 de notre constitution dit qu’il « est élu pour cinq ans au suffrage universel direct » et qui a prêté le serment de l’article 29, devant le Conseil Constitutionnel, en présence du Bureau de
    l’Assemblée Nationale, du Bureau du Sénat, du Président de la Cour Suprême et du Président du Haut Conseil Islamique. Ce Président de la République, reconnu de surcroît, par la Communauté internationale dans son ensemble, c’est M. Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallah.

    Il est vrai que depuis le 6 août 2008, un ordre constitutionnel nouveau, dissident, tente de
    s’imposer à la République. Un « Haut Conseil d’Etat », autoproclamé et composé d’un groupe d’officiers de haut rang, a décidé de prendre unilatéralement le pouvoir d’Etat, en
    s’emparant de la personne du Président et en substituant son autorité de fait, par la seule puissance de ses armes, à celle régulièrement établie par la voie des urnes.

    Ce nouvel ordre constitutionnel dissident a pour fondement une «Ordonnance constitutionnelle » adoptée par ce « Haut Conseil d’Etat » en violation flagrante de la constitution. D’après cette « ordonnance constitutionnelle », ce sont «&n bsp;Les forces armées et de sécurité, par l’intermédiaire du Haut Conseil d’Etat (qui) ont mis fin au pouvoir du Président de la République ».

    Ce faisant, ces « Forces armées et de sécurité » deviennent la source (même provisoire) de
    l’autorité de l’Etat et ce Haut Conseil d’Etat, l’incarnation (dut-elle être provisoire) de l’Etat, ce qui est d’une incompatibilité absolue avec l’article 2 de la constitution qui dit que le peuple et le peuple seul « est la source de tout pouvoir », et que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants élus et par la voie de referendum », et non à
    l’armée ou à un quelconque corps constitué, puisque « Aucune fraction du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice ». Il en va de même avec l’article 24 de cette même constitution qui dispose que c’est ce Président de la République élu qui est seul, « gardien de la constitution (et ) incarne l’Etat »...

    A ces dispositions de notre constitution (que soulignent par ailleurs de redoutables normes pénales) s’ajoutent celles des actes internationaux auxquels notre pays est lié et qui sont relatifs à la représentativité des gouvernements en place, la légitimité des autorités établies.

    Ces dispositions condamnent désormais avec une vigueur irrésistible, toute prise de pouvoir par la voie des coups d’Etat et imposent le respect de la pérennité des institutions démocratiques, c’est à dire celles dont les membres ont accédé au pouvoir par la voie des urnes et non par celle des armes et la conspiration.

    Ces actes internationaux qui nous sont applicables sont, rien que pour notre continent, notamment la résolution d’Alger de l’OUA de septembre 99, la Déclaration de Lomé de juillet 2000, l’Acte constitutif de l’Union Africaine, la Charte africaine de la Démocratie, des Elections et de la Gouvernance – que notre pays a été le tout premier Etat africain à avoir ratifié le 7 juillet 2 008, ironie du sort…), sans parler d’une solide assise formelle onusienne et autre…

    Le Chef du Gouvernement, M. Waquef, seul représentant en liberté de la légitimité présidentielle, arrêté puis libéré, ainsi que ses ministres loyalistes, soutenus par une large frange de la classe politique et de la société civile ainsi que par la communauté internationale, refusent, au nom de l’exécutif, de se plier à la surpuissance du fait accompli.

    De ce fait, ce Premier Ministre est la seule autorité exécutive légitime pour notre nation et pour la communauté internationale, au nom du principe de continuité de l’ordre constitutionnel démocratique. Révolue en effet, est désormais l’ère des faits accomplis et imposés par la force des armes, la force du silence veule des autorités légitimes renversées et celle du réalisme complaisant du reste du monde.

    Il e st vrai que les auteurs du Coup d’Etat ont proclamé, dans leurs déclarations publiques et dans leur « ordonnance constitutionnelle », leur volonté de conserver, en dehors de la présidence de la République-à laquelle ils entendent substituer leur « Haut Conseil d’Etat »-, les « autres institutions démocratiques », c’est à dire essentiellement, l’Assemblée nationale et le Sénat, dont ils connaissent parfaitement la dévotion à leur égard, de la majorité écrasante de leurs membres, pour l’avoir préfabriquée depuis Mathusalem et l’héroïque époque des « indépendants »...

    En pleine improvisation juridique et institutionnelle du fait du caractère manifestement « accidentel » de leur acte, les auteurs du Coup d’Etat prétendent seulement « rectifier » ou « corriger » l’ordre existant « sans porter atteinte outre mesure que nécessaire aux dispositions de la constitution du 20 juillet 1991 » (préambule de «l’ordonnance »).

    Ils entendent donc, avec leur « majorité circonstancielle& nbsp;» inflationniste, transformer la nature du régime en vigueur par une opération de grande chirurgie constitutionnelle, en gommant ses traits les plus saillants sans aller plus loin,« outre mesure que nécessaire » disent-ils joliment, et tout en en conservant la physionomie générale.

    Aussi, ciseaux (bistouris ?) en mains, leurs experts ont découpé, de mains de maître, notre Loi Fondamentale pour lui donner la forme militaro-parlementaire nécessaire, sans même y toucher, par la seule magie des subterfuges juridiques. Au final, un nouveau régime, à l’allure de Frankenstein est né, un hybride dont l’originalité tient en trois mots: régime militaire classique !

    D’un point de vue institutionnel, et nonobstant la question de sa légitimité (évoquée plus haut ), ce nouveau régime ne peut être en effet qualifié que comme militaire. On peut parier que pour nombre des frondeurs, ce régime n’est pourtant qu’une « correction », une « rectification » de portrait du régime démocratique quasi présidentiel qui était le nôtre jusqu’à la veille du 6 août.

    A ne s’en tenir qu’à l’article 2 de=2 0l’ordonnance militaire, seul en effet change l’occupant de la Présidence qui, d’autorité individuelle se transforme en autorité collégiale, avec de surcroît, un « Président » de ce « Haut Conseil d’Etat » qui pourrait être pris pour l’autre,
    l’ombre pour le personnage… N’est-il pas dit, dans cet article, que « les pouvoirs dévolus au Président de la République, en vertu des dispositions de la constitution du 20 juillet 1991, modifiée, sont exercés, en la forme collégiale, par le Haut Conseil d’Etat »?

    Seulement, la nature de ce régime n’est pas défini en raison du maintien verbal, formel des autres institutions de la République (article 8) mais en raison de la nature réelle et de la portée des pouvoirs dévolus au Haut Conseil et à son Président. Une lecture de
    l’Ordonnance sur ce point capital prouve qu’un nouvel ordre juridique a été institu é par le Coup d’Etat, en remplacement de celui, légitime, qui prévalait jusqu’au 6 août -et qu’un nouveau régime-quelle que soit sa durée- est désormais imposé au pays, en rupture complète avec le régime constitutionnel légitime.

    Que l’on se souvienne que l’un des griefs les plus insistants des parlementaires frondeurs était l’atteinte(ou la menace d’une telle atteinte) qu’aurait porté le Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallah, aux prorogatives du Parlement, lorsqu’il avait fait mine de faire usage de son pouvoir non conditionné de dissolution prévu par l’article 31 de la constitution, au plus fort de la crise du premier gouvernement Waquef, ou en faisant rejeter par son Premier Ministre la demande irrecevable de session extraordinaire…

    Qu’il suffise maintenant de comparer l’ « exorbitance » de ces prérogatives avec celles prévues par l’ordonnance en faveur du Haut Conseil d’Etat ! D’abord, le Haut Conseil d’Etat est désormais investi d’une compétence législative dont elle décide seule des conditions , détails et délais de mise en œuvre, comme il se l’est autorisé dans son article 8 qui dispose, justement comme dans le débat en cours, que « Lorsque pour des raisons quelconques, le fonctionnement du Parlement est entravé, le Haut Conseil d’Etat édicte par ordonnance les mesures de force législative nécessaires à la garantie de la continuité des pouvoirs publics et à la garantie de la liberté et de la transparence des élections présidentielles prévues ».

    En clair, le Parlement perd, sur les matières qui sont de son ressort dans la constitution légitime, le bénéfice de sa souveraineté au profit du HCE , c'est-à-dire ce qui tient lieu de
    l’Exécutif actuel, à l’initiative et à la seule discrétion de ce dernier. Le HCE est seul juge de ce que recouvre « la garantie de la continuité des pouvoirs publics », de la « garantie de la liberté » et de la « transparence des élections présidentielles prévues ».

    Pour « bétonner » davantage ces mat ières sensibles, l’ordonnance militaire instaure une véritable hiérarchie des normes entre elle, adoptée par une dizaine d’officiers supérieurs, et la constitution nationale, adoptée par le peuple mauritanien par referendum.

    L’ordonnance militaire est la super constitution, la norme de référence, la constitution de la constitution alors que la constitution civile est la norme supplétive, soumise, la constitution déclassée, comme le déclare sans ambages l’article 9 en ces termes: « Les dispositions de la constitution du 20 juillet 1991 modifiée, contraires ou incompatibles avec la présente ordonnance constitutionnelle, sont modifiées en tant que de besoin et ce, pendant la période nécessaire à l’organisation des élections présidentielles et à l’investiture du Président de la République. ». Là est le vrai programme, le programme caché du Coup d’Etat. Qui vivra verra…

    En tout cas, le RFD, l’AJD et Hatem sont prévenus. En cas d’ « élections », côté transparenc e, les choses sont constitutionnellement déjà toutes prêtes…

    Ajoutons, toujours au registre du cocasse, que cette ordonnance est une vraie revanche du Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallah sur les députés frondeurs dont la simple menace de dissolution de leur Chambre avait valu de leur part au Président, un feu d’enfer de protestations démocratiques aigues, tandis qu’eux-mêmes engageaient contre le Premier Ministre, la procédure de la censure.

    Désormais les choses seront plus simples : le Premier Ministre et les Ministres ne sont plus responsables que devant le Président et devant le Haut Conseil. La responsabilité gouvernementale devant l’Assemblée qui était l’ultime reliquat du semi parlementarisme du régime est supprimé. Son maintien serait en effet incompatible avec l’article 6 de
    l’ordonnance. Par contre, le droit de dissoudre l’Assemblée est conservé intact, quoique soigneusement caché dans l’article 8 alinéa 2.

    Pour couronner le tout, l’ordonnance confirme la nature singulière du régime, en tant que régime militaire, c'est-à-dire un régime de confusion des pouvoirs au bénéfice de la haute hiérarchie militaire puisque, outre les pouvoirs traditionnels de l’exécutif et ceux du législatif, le HCE s’accapare ni plus ni moins l’autorité du pouvoir constituant lui-même, dans la pire tradition des monocraties militaires ; l’article 10 de l’ordonnance donnant à cette structure le droit de modifier, à sa convenance, ses propres ordonnances constitutionnelles, pouvant elles mêmes modifier à leur tour, les dispositions de notre constitution civile.

    En définitive, il apparaît à la lecture même rapide de cette singulière ordonnance que le régime qu’elle impose n’a plus rien à voir avec le régime semi présidentiel inscrit dans notre constitution légitime. Contrairement à ce qu’affirme avec fracas –20pour plaire aux ex frondeurs- l’article 2 de l’ordonnance, ce n’est pas seulement les pouvoirs dévolus au Président de la République en vertu des dispositions de la constitution du 20 juillet 1991, modifiée, qui sont exercés par le Haut Conseil d’Etat.

    Ce sont également les prérogatives du pouvoir constituant lui-même (le peuple par voie de referendum notamment) et celles du Parlement qui tombent dans le giron de cette institution, en réduisant au passage, mine de rien, certains des pouvoirs les plus significatifs reconnus à l’Assemblée (suppression de la censure du Gouvernement et de la responsabilité de ce denier devant elle.)

    En définitive, il apparaît clairement qu’il y’a deux ordres constitutionnels en concurrence, incompatibles l’un l’autre : l’ordre légitime fondé sur la constitution en vigueur au jour du Coup d’Etat et l’ordre militaire, fondé sur l’ordonnance du HCE issu d’un Coup d’Etat c'est-à-dire de la négation même du précédent. La référence du=2 0second au premier, pour en conserver les dispositions formelles « compatibles », ne changent rien à cette incompatibilité de principe.

    Les institutions démocratiques prévues dans la constitution civile ne peuvent donc conserver leur légitimité initiale en acceptant de s’intégrer dans le nouvel ordre. C’est la raison pour laquelle la résistance multiforme à la domination de l’ordre nouveau est à la fois un devoir et une condition de la continuité de la légitimité de l’ordre constitutionnel qui précède le Coup d’Etat et pour son rétablissement par des moyens non moins légitimes et avec le soutien de la communauté internationale.

    Pour les différents membres des organes constitutionnels, un choix s’impose entre les deux ordres en concurrence, avec les conséquences qui en résultent quant à la poursuite de leur propre statut juridique. Ainsi, l’acceptation par les institutions démocratiques de leur inféodation aux nouvelles st ructures du pouvoir militaire les transforme en rouages du nouveau régime et entraîne une rupture de leur légitimité issue de l’ordre constitutionnel précédent. Juridiquement, il s’agit d’une opération impossible à concevoir, sauf à pouvoir marier une carpe à un lapin.

    Il en est particulièrement ainsi des organes d’Etat dont les membres sont élus par le peuple dans le cadre d’un régime politique clairement défini. Il est bien évident que le ralliement des membres de ces organes au nouvel ordre institutionnel a pour effet de les faire renoncer volontairement à leur statut acquis dans le cadre du régime antérieur.

    Il ne s’agit ni plus ni moins que d’une démission de cet ordre constitutionnel précédent, puisqu’il y’a un basculement d’une loyauté vis-à-vis d’un ordre duquel on tire son statut (de député ou de sénateur par exemple) vers une autre loyauté en formation (reconnaissance de la légitimité du Coup d’Etat et de ses suites).

    Le plus souvent, ces questions ne se posent pas, à la suite d’une rupture d’un ordre constitutionnel car les nouvelles autorités s’empressent d’abolir les institutions existantes ou de mettre fin aux mandats de leurs membres. Ce fut systématiquement le cas en Mauritanie du premier Coup d’Etat en 1978 à l’avant dernier en 2005.

    Le dernier en date innove puisque ses auteurs entendent maintenir ces institutions en les inféodant à son autorité suprême, croyant ainsi bénéficier par captation, de leur légitimité populaire.

    Ainsi, devant chaque parlementaire est posée la question de sa loyauté à l’égard du régime politique dans le cadre duquel il a été élu par le peuple et auquel il doit à la fois son mandat et son statut parlementaires. La réponse à la question a déjà été donnée par les parlementaires depuis la réussite militaire du putsch mais il n’est pas évident que ses implications juridiques aient été appréciées à leur juste valeur.

    Le Président de l’Assemblée nationale et une vingtaine de députés et sénateurs ont décidé, à l’instar de la communauté internationale, de ne pas reconnaître le Coup d’Etat et d’exiger le rétablissement de l’ordre constitutionnel régulier et le retour du Président de la République légitime. A l’inverse, une écrasante majorité de parlementaires, coalition de « frondeurs » de
    l’ex majorité présidentielle et de l’ex opposition ont basculé dans la reconnaissance et le soutien au Coup d’Etat.

    Ce faisant, ils ont pris fait et cause pour une entreprise de rupture de l’ordre constitutionnel et accepté de jouer le jeu de la transfiguration du régime hors des voies constitutionnelles normales.

    Dès lors, et nonobstant toutes autres considérations, ces parlementaires ont mis en cause, collectivement, leur propre mandat et leur propre statut issus de l’ordre constitutionnel dont ils ont approuvé le renversement. Ils se sont constitué en groupe compact d’ex « indépendants »de la transition de M. Ely Ould Mohamed Vall, alliés à des collègues de l’ex opposition statutaire pour appuyer une entreprise qui remet en cause le principe de souveraineté nationale, en violation de l’article 13 du règlement de l’ Assemblée interdisant « la constitution au sein de l’Assemblée Nationale de groupes tendant à défendre des intérêts particuliers, locaux ou professionnels ou dont l’objet ou l’ action est de porter atteinte à la souveraineté nationale ou à l’unité de la République ».

    En droit pur, ils ne sont plus ni députés ni sénateurs puisqu’ils ont d’eux-mêmes déchiré le pacte conclu avec le peuple souverain qui les a élu pour un régime donné et non pour un autre. De députés et sénateurs d’un régime semi présidentiel, les voilà transformés en députés et sénateurs d’un régime militaire. Cette conversion est-elle justifiable autrement que par la « force des choses » ?

    Est-elle susceptible d’être fondée en droit ? L’auteur de ces lignes aimerait bien avoir un exemple de cette nature, un précédent, de par le monde, pour être davantage édifié sur une pratique qui relèverait alors, très sûrement, plus de la sorcellerie juridique que de la science du droit…

    En attendant, nul ne se trompe plus sur la vraie raison de cette idée fixe d’une « session extraordinaire » du Parlement : il s’agit de transformer cette institution en machine de guerre et en instrument de revanche contre le Président de la République coupable de crime de lèse-bienfaiteurs à l’égard de « sa » majorité et à l’égard des mains invisibles étoilées….On est donc bien loin du droit et de ses arcanes !

    Me Lô Gourmo Abdoul

     Tiré de Cridem


 

 

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