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A.H.M.E.

ARTICLE 138 :

 

 

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Mal nommer les choses ajoute au malheur du monde (Camus)



Egypte : chrétiens en danger

Par Sandra Ores © Metula News Agency

Les coptes sont de plus en plus inquiets quant à leur avenir en Egypte. Dimanche dernier, des heurts confessionnels entre chrétiens et musulmans ont éclaté au Caire, faisant deux morts et quatre-vingt-six blessés.

Plusieurs milliers de coptes s’étaient rassemblés dans l’après-midi de dimanche à la cathédrale Saint-Marc, dans le quartier d’Abbassyé, pour célébrer les obsèques de quatre membres de leur communauté. Ceux-ci avaient péri vendredi lors d’affrontements interconfessionnels précédents dans le gouvernorat de Qalyubiya, au nord du Caire.

Selon des coptes présents dimanche à la cathédrale Saint-Marc, après la procession du cortège funéraire dans l’église, des dizaines de jeunes chrétiens avaient projeté de marcher en direction du ministère de la Défense. Leur objectif, demander que l’armée uvre à la défense de leur communauté. Dans le même temps, des participants au cortège scandaient des slogans contre le pouvoir de Morsi.

Avant que le groupe constitué ne se mette en route, les manifestants ont été attaqués à coups de cocktails Molotov. Les auteurs de cette agression ont été formellement identifiés comme étant des sympathisants des Frères Musulmans.

 
Devant l’assaut qu’ils subissaient, de nombreux chrétiens se sont réfugiés à l’intérieur de la cathédrale. S’ensuivirent des échanges de projectiles par-delà les murs de la bâtisse, dont les portes furent enfoncées.

Au milieu de cette scène, la police, qui lançait elle aussi, aux côtés des émeutiers musulmans, des gaz lacrymogènes sur l’édifice et les chrétiens.
 
Les violences se sont poursuivies tard dans la nuit ; lundi, la situation s’est finalement calmée.

Suite à cet incident, le Président Morsi s’est adressé au patriarche des coptes orthodoxes d’Egypte, Tawadros II, lui exprimant ses condoléances et affirmant qu’une enquête avait été ouverte.
 
Le ministère de l’Intérieur avait quant à lui commencé par affirmer que les heurts avaient été provoqués par les participants aux funérailles ; qu’ils avaient endommagé des voitures à la sortie de l’église, ce qui aurait fait réagir les habitants du quartier. Ce qui est évidemment totalement infondé.

Les réactions à chaud du ministère de l’Intérieur ainsi que des forces de police met en exergue la situation de détresse dans laquelle se trouvent les coptes ; un état de faiblesse dénué de soutien face à la majorité musulmane et ses éléments de plus en plus radicaux.

L’écrivain égyptien musulman Alaa el Aswany, dont les livres ont été diffusés en français par les éditions Actes Sud (entre autres L’immeuble Yacoubian, 2006, J’aurais voulu être égyptien, 2009, Chroniques égyptiennes, 2011), détaille longuement les difficultés auxquelles sont exposés les coptes dans un article, publié le 7 janvier, dernier dans le quotidien égyptien indépendant Al-Masry Al-Youm (l’Egyptien aujourd’hui).

Outre les discriminations socioprofessionnelles que les coptes sont forcés d’affronter dans leur pays, à en croire el Aswany, les chrétiens d’Egypte ne bénéficient pas d’une pleine liberté de culte. Des inégalités qui se traduisent également par des actes violents.

El Aswany rapporte qu’être chrétien, en Egypte, signifie "vivre dans le danger d’être chassé à tout moment de son quartier". Que des petites querelles locales ou un différend commercial peuvent rapidement se transformer en guerre de religion.

Il établit que la simple construction d’une église représente, pour les extrémistes musulmans, une offense "dans leur honneur et leur foi", qui les pousse à l’attaquer ou à la brûler.
 
Quant à celui qui se convertit au christianisme, il risque sa vie ; les islamistes s’attelant à l’éliminer "par devoir religieux".

El Aswany poursuit son exposé en insistant sur le fait que les pouvoirs publics ont conçu un système qui ne protège pas la minorité chrétienne contre ces agressions. Comme on le constate souvent, et notamment durant le pogrome de la cathédrale Saint-Marc, les forces de l’ordre du gouvernement islamisant n’hésitent pas, au contraire, à participer au lynchage des chrétiens.
 
D’une part, la police, plutôt que d’intervenir lorsque nécessaire, préfère conseiller aux coptes de s’éloigner momentanément et d’attendre que les tensions se calment. De l’autre, la justice adhère à cette tendance : face aux plaintes, les assaillants s’en sortent avec des peines légères ou sont acquittés. En revanche, pour un chrétien, critiquer la religion de la majorité peut entraîner plusieurs années de prison.
 
Alaa el Aswany rappelle toutefois que pour un extrémiste, il existe une dizaine d’autres Egyptiens tolérants, souffrant autant que les chrétiens de la présence des éléments radicaux offensifs.

Suite à l’incident de ce dimanche, les représentants coptes ont réagi en soulignant ces discriminations ainsi que les dangers qu’elles impliquent pour leur communauté.
 
L’évêque des jeunes coptes orthodoxes, Anba Moussa, a remarqué que les forces de sécurité n’étaient pas intervenues de manière appropriée et avaient failli à empêcher les assaillants d’attaquer l’église. Il a en outre déclaré que ces mêmes forces s’étaient rangées du côté des "agitateurs des Frères Musulmans" en lançant des gaz dans les locaux de la cathédrale.

Des hauts représentants de l’église égyptienne ont quant à eux appelé à la destitution de Morsi. Ils ont publiquement souhaité la fin du règne des Frères Musulmans. Les responsables chrétiens accusent la fratrie de prendre le contrôle des institutions d’Etat - ce qui mène, selon eux, à la désintégration du tissu social et au défaut de sécurité dans le pays. Les mêmes prêtres, de noter que ce sont les coptes qui paient en premier lieu les conséquences de cette islamisation de l’Etat.

Depuis la chute de Moubarak, en février 2011, plus d’une cinquantaine de chrétiens ont été tués lors d’affrontements confessionnels. Tandis que Morsi avait promis d’incarner "le président de tous les Egyptiens", ses opposants l’accusent de se comporter comme le "représentant des Frères Musulmans".
 
Alaa el Aswany appelle les coptes chrétiens, qui représentent un dixième de la population égyptienne, à ne pas quitter le pays, à se cramponner et à se défendre sur cette terre où ils vivent depuis plus de deux millénaires.
 
L’avenir leur promet des moments difficiles, car la société égyptienne se trouve encore en phase d’islamisation expansionniste. Dans cet environnement, les observateurs au pays des pyramides ne distinguent aucune force constituée, aucun organe institutionnel qui soit prêt à protéger l’intégrité des minorités non-musulmanes, à commencer par les chrétiens.

Autant dire que les coptes sont pratiquement livrés à eux-mêmes, et, qu’après avoir analysé la situation qui prévaut sur les bords du Nil, on ne peut raisonnablement prévoir que la poursuite de la détérioration de leurs conditions sécuritaires. Ce, sans parler de leur situation économique et de leurs conditions de vie au quotidien.

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