A.H.M.E.

ARTICLE 13 :

 

Les réfugiés soudanais en Egypte janvier 2006

 

 

Les réfugiés soudanais en Egypte

 

 Au nombre de trois  mille ( 3000), selon RFI et  deux mille cinq cents (25000), d’après  Al Jazeera. Peu importe leur nombre, la majorité de ces réfugiés est originaire du Sud  Soudan et chrétienne. Ces hommes et femmes bénéficiaient tous du statut de réfugié

            En janvier 2005, un accord entre le gouvernement soudanais  et le mouvement de libération du Sud Soudan de John Garang, a été signé. C’est pour  cette raison que l’Egypte souhaite que les réfugiés du Sud Soudan  retournent  dans leur pays.

 Une partie des réfugiés pense que la situation n’est pas propice à leur retour. Certains, parmi eux voudraient rester en Egypte, d’autres souhaiteraient prendre la destination du Canada, des Etats unis, etc. Enfin, une dernière catégorie désire un retour organisé dans leur pays d’origine.

Dans ce  bras de fer, les réfugiés ont établi un camp devant le Siège du HCR au Caire. Le représentant du HCR a demandé l’intervention de la police. Celle-ci  est intervenue à l’aube du 30  12  2005 avec une violence inouïe.

Le bilan est de 25 morts avec une majorité des vieillards et d ’enfants. Les réfugiés ont été déplacés avec sauvagerie par l’armée égyptienne vers un camp de transit militaire, hors du Caire.

            La communauté internationale a  dénoncé, avec fermeté, cette brutalité injustifiée. Les premières réactions sont celles du secrétaire général des Nations unies et des pays occidentaux.

             L’Egypte se défend en affirmant qu’elle a  agi  à la demande du représentant  du HCR, sur place. Les conditions sanitaires du site étaient déplorables. Les autorités avaient négocié avec les réfugiés en vue d'une solution au problème et cette négociation avait échoué.

            Plus étonnant est l’attitude de l’Ambassadeur du Soudan qui a justifié l’intervention de l’armée égyptienne contre ses  propres compatriotes avec les conséquences que l’on sait.

            Un journaliste soudanais, selon RFI, dans son édition d’Afrique-midi, du   01 01 2006, a accusé le Président soudanais de ne pas avoir répondu aux requêtes des  réfugiés qui lui avaient été adressées. Dans ces requêtes, les réfugiés sollicitaient son intervention en vue d’une solution à leur situation.

 Ce journaliste a été mis en prison pour cette dénonciation.

Si cette population avait été arabe et musulmane,  l’Egypte n’aurait jamais agi ainsi. Il y a donc là un cas de discrimination raciale à l’égard d’une communauté appartenant à un pays traditionnellement sous influence et domination  égyptienne.

            Selon Christiane Taubira, l’Egypte  avait un accord, dès le VIIeme siècle,  avec la Nubie pour la fourniture  de 300 esclaves par an.

            Sous la colonisation turque et  anglaise, l'Egypte avait toujours eu  une place de choix dans la domination du Soudan.

            « Dès l ’indépendance (1956) se reposa la question de l’islamisation des institutions du pays et du rôle de la Charî’ah que la colonisation, turco-egyptienne puis anglo-egyptienne avait relégué dans la sphère des affaires personnelles ( mariage, héritage...). »[1]

            Il faut aussi rappeler  que les Egyptiens arabes  sont esclavagistes. Les Premiers arabes qui sont entrés en contact avec les Africains les ont appelés Soudane  parce qu’ils sont noirs. C’est pourquoi le Soudan actuel a été appelé Soudan. Or, c’est à partir du Soudan que les Arabes ont créé une des premières route de la traite négrière transsaharienne. L’Egypte a joué un rôle important dans cette déportation des esclaves.

Le Soudan a toujours bénéficié du soutien de l'Egypte et du monde arabe contre les  mouvements du Sud Soudan. Les accords de janvier 2005 et les perspectives d’indépendance du Sud Soudan irritent le monde arabe.  Cela,  d’autant plus que le Sud Soudan est majoritairement chrétien.

 Rappelons que les Djendjawid, tribus arabes du Nord du pays, armées par le gouvernement soudanais se livraient à des violences au Sud  par des incendies de villages et la capture d’esclaves pour les vendre au Nord du Soudan et dans le monde arabe. Elles perpétuent ainsi la traite négrière séculaire qui passe par l ’Egypte pour alimenter le Moyen Orient.

Beaucoup d’associations chrétiennes sont intervenues pour racheter des esclaves grâce à des sommes sonnantes et trébuchantes pour ramener ces pauvres gens à la liberté.[2]

En perdant le Sud Soudan,  les Soudanais du Nord et le monde arabe perdent une source d’esclaves inestimable. C’est la raison pour laquelle, dès que la question du Sud Soudan  a commencé à trouver un début de  solution, les Djendjawid se sont tournés vers le Darfour,  région à l’Ouest Soudan dont les habitants sont des noirs et musulmans. Ces populations musulmanes ne bénéficient pas du  soutien du monde chrétien, contrairement à celles du Sud. Cela les rend vulnérables  car elles n’intéressent personne, même pas les Africains qui leur sont proches.

La brutalité avec laquelle les autorités égyptiennes  ont traité  ces soudanais peut s’expliquer par certaines raisons :

            -La complicité avec le régime soudanais  qui, malgré les accords de paix de janvier 2005, continue à considérer le Sud soudan comme un ennemi politique,

            - L a demande d’une partie des réfugiés qui souhaitait aller au Canada et aux Etats Unis. L’obtention de statut de réfugié dans ces pays  peut permettre à ces réfugiés de  porter témoignages sur la situation au Soudan et en Egypte et éventuellement former une classe économique.  Or, les Arabes du Nord Soudan ne souhaitent guère l’émancipation des populations noires  du Sud.

            - Il  y a aussi une raison raciale, car les réfugiés sont tous noirs et les autorités des pays  arabes, en général, et égyptiennes, dans ce cas particulier,  considèrent leurs ‘‘concitoyens’’ noirs en sous-hommes. Il va de soi de soi qu’ils traitent des noirs étrangers de la pire des manières.

            - Il y a aussi une raison religieuse. Le Sud Soudan est chrétien. Or les Chrétiens ne sont pas bien vus en Egypte. Les chrétiens  coptes d'Egypte sont victimes de discrimination religieuse, à la fois de la part des égyptiens musulmans et des autorités. Au-delà de l'Egypte, se pose, dans les pays arabes, la question du respect des Droits de l’Homme et du droit à la différence en particulier.

            Pourquoi l’Egypte n’a-t-elle pas réagi comme le Kenya et l’Ouganda qui ont accepté l’organisation du retour des réfugiés soudanais  avec les Nations Unis, en respectant leur  volonté ?

Cette singularité ne peut s’expliquer que par des non dits politiques, raciaux, culturels, historiques etc.

            Face à cette situation, il appartient à la communauté noire dans son ensemble  de porter son attention sur la situation des gens de sa couleur dans le monde arabe. C’est seulement par le changement de l’image du Noir dans le monde arabe que les autorités de ces pays auront de la considération pour l’homme noir d’une manière générale

Mohamed Yahya Ould Ciré

Président D’AHME

Le 02 01 2006


[1] Delmet (Christian), La place de loi islamique dans le système judiciaire soudanais, évolution et perspectives, in Revue  Afrique contemporaine n° 156,  spécial, p 273

[2] Voir un reportage de RFO, Magazine Outremers n° 133, intitulé  « esclavage »  du 24 05 1998

 

 

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