Le Tribalisme une bombe à
retardement
En ce début du troisième millénaire, prétendre que le tribalisme
continue à jouer un rôle déterminant dans les rapports entre
l’administration d’un Etat et ses citoyens peut paraître fantasmagorique.
Dire que cette situation prévaut encore dans notre pays est,
malheureusement, aussi triste qu’incontestable.
Plus ou moins larvé au cours des deux premières décennies qui ont
suivi l’indépendance, le tribalisme qui a repris du poil de la bête et
reconquis ses lettres de noblesse tout au long de ces trente dernières
années, constitue l’une des plus graves menaces pour l’avenir de
notre pays, de notre unité nationale. Il s’agit d’un véritable cancer
politique, économique, social et culturel qui ronge les fondements déjà
fragiles de notre société dont il continue d’inhiber et
risque d’annihiler toute velléité unitaire, démocratique ou
tout simplement égalitaire.
Dans les projections des premiers responsables politiques des années 60,
hélas ! bien démenties par la réalité, ce fléau, mis à l’index
dès les premières heures de l’indépendance, devait, à l’instar
de tous les anciens modes d’organisation des sociétés
traditionnelles, disparaître au fur et à mesure que se développaient les
structures alternatives, en l’occurrence les rouages politiques
de l’Etat central et ses différentes structures et
infrastructures socio économiques.
Cinquante ans après, nous voilà encore qui nous débattons dans les
méandres de cet système moyenâgeux qui se perpétue, avec la bénédiction,
faut il le préciser de nos dirigeants et à l’ombre de leurs
pratiques despotiques.
Contrairement à la période précoloniale, ou chaque entité tribale vivait
séparément et en quasi autarcie, les moyens de la collectivité
nationale sont aujourd’hui gérés par des responsables dits
nationaux, régionaux ou locaux. Et, comme si de rien n’était, ce
système continue à autoriser, voire à obliger ces responsables,
impunément, à accorder aux leurs, toutes sortes de privilèges
injustifiés, dans la répartition de ce bien commun : ressources
financières, postes de travail, biens fonciers etc. etc. Cette
situation injuste et insupportable ne saurait perdurer sans conséquences
fâcheuses.
C’est pourquoi mon propos, ici, ne saurait se limiter à signaler
l’existence, la persistance ou les méfaits de ce phénomène dans notre
société. Je veux surtout mettre en exergue l’urgente nécessité d’un débat national
ouvert , sur
cette question vitale, et stigmatiser la complaisance et
l’hypocrisie qui n’ont jamais cessé de faire le lit et d’entretenir
cet anachronisme sur l’ensemble du territoire national. Personne en
effet n’a eu, jusqu’ici, le courage de condamner et
encore moins d’affronter le tribalisme dans notre pays. Par commodité,
par peur, par inconscience, par faiblesse, les raisons peuvent
varier, cela ne change rien au risque encouru pour le devenir de
notre pays.
En fait, depuis le parti du peuple
mauritanien jusqu’ici, aucune administration, aucune
formation politique, aucune organisation de la société civile n’a
entrepris de combattre ce fléau dans le cadre d’une campagne de
sensibilisation digne de ce nom. Quelques slogans creux, du genre :
non au tribalisme ! non au régionalisme ! ont été
sporadiquement et démagogiquement lâchés ici et là mais
pas le moindre effort de sensibilisation crédible, organisé et
soutenu dans le temps et dans l’espace.
Au contraire et, pourrait on dire au comble du paradoxe,
plus le pays a évolué vers la mise en place d’institutions sensées
être démocratiques, plus les ressorts de la tribu et de la famille
ont été utilisés et nourris ce qui, en toute logique, a contribué à
atrophier de plus en plus le rôle et l’autorité de l’Etat central.
Cette situation risque de nous être fatale
Aussi et dans l’espoir que tout le monde a aujourd’hui conscience du réel péril
qu’il y’a en la demeure, il est grand temps de prendre sa
résolution et d’agir avec détermination pour le sauvetage et la
consolidation de notre Etat central et national dont la
pérennité est antinomique des pratiques tribales et
despotiques ambiantes. Cette option doit se traduire par
l’organisation, au niveau des structures administratives appropriées, des
partis politiques et des ONG, d’une campagne nationale de
sensibilisation ouverte, pour la lutte contre le tribalisme et ses
pratiques nocives, incompatibles avec l’existence d’un état
de droit, de justice sociale et d’égalité citoyenne.
Cette campagne nationale doit s’inscrire dans la durée et ses thèmes,
constituer un segment permanent dans les programmes d’activités de
tous les acteurs politiques, culturels et socio-économiques du pays. Elle
suppose la mise en œuvre de tous les supports médiatiques
possibles : conférences -débats, séminaires, journées de réflexions,
khoutbas dans les mosquées, spots publicitaires à la radio, dans
les journaux et à la télévision, pièces de théâtre, films et
sketchs. Un prix annuel récompensant les comportements anti-
tribalistes peut constituer un excellent stimulant pour les
fonctionnaires, responsables ou citoyens ayant accompli une œuvre ou
une action de nature à promouvoir l’esprit d’équité et d’égalité
citoyenne contre le tribalisme et autres favoritismes dérivés.
Espérant en cela prêcher des convertis, je lance cet appel citoyen
pour l’instauration rapide d’un débat national autour de cette tare originelle
et mortelle que représente le tribalisme dont l’iniquité, les
clivages qu’il nourrit et les graves disparités qu’il a déjà
développées au sein de notre société menacent, à plus ou moins
court terme, l’existence même de notre pays
Avec les difficultés actuelles inhérentes à la montée des prix et à
la cherté de la vie, l’insécurité galopante, la recrudescence du
banditisme et du crime organisé, le risque terroriste devenu
réalité, le piteux état dans lequel vingt années de dictature et despotisme
ont laissé le système judiciaire du pays, le vase est déjà
bien plein. Prions mais travaillons surtout pour qu’il ne déborde
pas.
Le 07mars 2008
Note: Info source :
sidi009
Tiré de www.cridem.org
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