A.H.M.E.

ARTICLE 115 :

 

 

         

        Le Tribalisme une bombe à retardement

         

         

        En ce début du troisième millénaire, prétendre que le tribalisme continue à jouer un rôle déterminant dans les rapports entre
        l’administration d’un Etat et ses citoyens peut paraître fantasmagorique. Dire que cette situation prévaut encore dans notre pays est, malheureusement, aussi  triste qu’incontestable.

        Plus ou moins larvé au cours des deux premières décennies qui ont suivi l’indépendance, le tribalisme qui a repris du poil de la bête et reconquis ses lettres de noblesse tout au long de ces trente dernières années, constitue l’une des plus graves menaces pour
        l’avenir de notre pays, de notre unité nationale. Il s’agit d’un véritable cancer politique, économique, social et culturel qui ronge les fondements déjà fragiles de notre société dont il continue d’inhiber et risque d’annihiler toute velléité unitaire, démocratique ou tout simplement égalitaire.

        Dans les projections des premiers responsables politiques des années 60, hélas ! bien démenties par la réalité, ce fléau, mis à l’index dès les premières heures de l’indépendance, devait, à l’instar de tous les anciens modes d’organisation des sociétés traditionnelles, disparaître au fur et à mesure que se développaient les structures alternatives, en l’occurrence les rouages politiques de l’Etat central et ses différentes structures et infrastructures socio économiques.



        Cinquante ans après, nous voilà encore qui nous débattons dans les méandres de cet système moyenâgeux qui se perpétue, avec la bénédiction, faut il le préciser de nos dirigeants et à l’ombre de leurs pratiques despotiques.

        Contrairement à la période précoloniale, ou chaque entité tribale vivait séparément et en quasi autarcie, les moyens de la collectivité nationale sont aujourd’hui gérés par des responsables dits nationaux, régionaux ou locaux. Et, comme si de rien n’était, ce système continue à autoriser, voire à obliger ces responsables, impunément, à accorder aux leurs, toutes sortes de privilèges injustifiés, dans la répartition de ce bien commun : ressources financières, postes de travail, biens fonciers etc. etc. Cette situation injuste et insupportable ne saurait perdurer sans conséquences fâcheuses.

        C’est pourquoi mon propos, ici, ne saurait se limiter  à signaler
        l’existence, la persistance ou les méfaits de ce phénomène dans notre société. Je veux surtout mettre en exergue
        l’urgente nécessité d’un débat national ouvert , sur cette question vitale, et stigmatiser la complaisance et l’hypocrisie qui n’ont jamais cessé de faire le lit et d’entretenir cet anachronisme sur l’ensemble du territoire national. Personne en effet n’a eu, jusqu’ici, le courage de condamner et encore moins
        d’affronter le tribalisme dans notre pays. Par commodité, par peur, par inconscience, par faiblesse, les raisons peuvent varier, cela ne change rien au risque encouru pour le devenir de notre pays.

        En fait, depuis le parti du peuple mauritanien jusqu’ici, aucune administration, aucune  formation politique, aucune organisation de la société civile n’a entrepris de combattre ce fléau dans le cadre
        d’une campagne de sensibilisation digne de ce nom. Quelques slogans creux, du genre : non au tribalisme ! non au régionalisme ! ont été sporadiquement et démagogiquement lâchés ici et là mais pas le moindre effort de sensibilisation crédible, organisé et soutenu dans le temps et dans l’espace.

        Au contraire et, pourrait on dire au comble du paradoxe,  plus le pays a évolué vers la mise en place d’institutions sensées être démocratiques, plus les ressorts de la tribu et de la famille ont été utilisés et nourris ce qui, en toute logique, a contribué à atrophier de plus en plus le rôle et l’autorité de l’Etat central. Cette situation risque de nous être fatale

        Aussi et dans l’espoir que tout le monde a aujourd’hui conscience du réel péril qu’il y’a en la demeure, il est grand temps de prendre sa résolution et d’agir avec détermination pour le sauvetage et la consolidation de notre Etat central et national dont la pérennité est antinomique des pratiques tribales et despotiques ambiantes. Cette option doit se traduire par l’organisation, au niveau des structures administratives appropriées, des partis politiques et des ONG, d’une campagne nationale de sensibilisation ouverte, pour la lutte contre le tribalisme et ses pratiques nocives, incompatibles avec l’existence
        d’un état de droit, de justice sociale et d’égalité  citoyenne.

        Cette campagne nationale doit s’inscrire dans la durée et ses thèmes, constituer un segment permanent dans les programmes d’activités de tous les acteurs politiques, culturels et socio-économiques du pays. Elle suppose la mise en œuvre de tous les supports médiatiques possibles : conférences -débats, séminaires, journées de réflexions, khoutbas dans les mosquées,  spots publicitaires à la radio, dans les journaux et à la télévision, pièces de théâtre, films et sketchs. Un prix annuel  récompensant les comportements anti- tribalistes peut constituer un excellent stimulant pour les fonctionnaires, responsables ou citoyens ayant  accompli une œuvre ou une action de nature à promouvoir l’esprit d’équité et d’égalité citoyenne contre le tribalisme  et autres favoritismes dérivés.

        Espérant en cela prêcher des convertis, je lance cet appel citoyen pour l’instauration rapide d’un débat national autour de cette tare originelle et mortelle que représente le tribalisme dont l’iniquité, les clivages qu’il nourrit et les graves disparités qu’il a déjà développées au sein de notre société menacent, à plus ou moins court terme,
        l’existence même de notre pays 

        Avec les  difficultés actuelles inhérentes à la montée des prix et à la cherté de la vie, l’insécurité galopante, la recrudescence du banditisme et du crime organisé, le risque terroriste devenu réalité, le piteux état dans lequel vingt années de dictature et despotisme ont laissé le système judiciaire du pays, le vase est déjà bien plein. Prions mais travaillons surtout pour qu’il ne déborde pas.

         

        Le 07mars 2008

        Note: Info source :
        sidi009

         

        Tiré de www.cridem.org

         

 

 

 

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