TEMOIGNAGE 84 :

 

A.H.M.E.

 

  

 Non à la soumission


"Ce jugement [...] constitue une victoire éclatante des militants antiesclavagistes en Afrique de l'Ouest et dans le monde."
— Boubacar Messaoud

Non à la soumission

Le Niger a été reconnu responsable dans une affaire d'esclavage par un tribunal ouest-africain. Dans un jugement historique, la cour de justice de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest estime que ce pays n'a pas protégé une jeune fille vendue comme esclave à l'âge de 12 ans.
La plaignante, Adidjatou Mani Koraou, qui est maintenant âgée de 24 ans, avait été vendue à l'âge de 12 ans pour environ 500 $ par un esclavagiste touareg. Elle était devenue la cinquième épouse d'un habitant de la région de Birni N'Konni pendant neuf ans.

Elle avait été temporairement emprisonnée pour bigamie quand son ancien maître s'était opposé à son mariage avec un autre homme lors de son affranchissement en 2005.

Le Niger a été condamné à verser à la jeune femme l'équivalent de 20 000 $ en dommages et intérêts.
Le jugement

Dans le jugement, il est dit que le Niger est responsable de l'inaction de ses services administratifs et judiciaires. L'arrêt a été lu par Aminata Malle-Sanogo, la présidente de ce tribunal mobile. En effet, cette instance se déplace selon les affaires à traiter.

Ce tribunal ouest-africain ne prononce pas de peines d'emprisonnement, mais peut réclamer des dommages et intérêts pour les victimes.

Ses verdicts donnent généralement lieu à des « rappels à l'ordre contre les États ». Ils ont pour but de faire respecter leurs engagements par rapport à la communauté internationale. En effet, ses décisions en matière de droits de l'homme s'appliquent à l'ensemble des États membres de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest.

Selon l'agence Reuters, l'avocat du gouvernement nigérien, Mossi Boubacar, a déclaré que la décision du tribunal serait respectée.

Nous prenons acte de cette condamnation. Nous sommes légalistes et allons respecter la décision. — Mossi Boubacar

Une femme libre

Adidjatou Mani Koraou avait d'abord saisi les tribunaux locaux. Après avoir gagné en première instance, elle avait perdu sa cause en appel.

C'est pourquoi elle a demandé à au tribunal ouest-africain de condamner l'État du Niger pour n'avoir pas été en mesure de la protéger contre l'esclavage.

Selon l'organisme Anti-Slavery International, la jeune femme a vécu dans un état de « soumission totale ». Elle a été forcée à travailler au domicile et dans les champs de son maître. Elle a également subi des violences sexuelles.

À la sortie du tribunal, esquissant un sourire avec son bébé dans les bras, elle a déclaré à l'AFP qu'elle était désormais une femme libre.

i[Je remercie Allah d'être libre comme vous tous. Avec les 10 millions [20 000 $], je vais m'occuper de moi-même, me faire plaisir et je vais essayer aussi de monter un petit commerce]i.
— Adidjatou Mani Koraou

L'un de ses avocats, Abdourahame Chaïbou, estime qu'avec cette décision les choses vont désormais changer au Niger, car il considère qu'on ne doit pas permettre la survie d'une telle pratique.

Des réactions

Ilguilas Weila, le président de Timidria, un organisme nigérien de lutte contre l'esclavage, a qualifié le jugement d' « absolument historique ». Il a souhaité que la décision fasse jurisprudence pour d'autres États comme le Mali, le Burkina Faso, la Mauritanie et le Tchad. Dans ces pays, la pratique de l'esclavagisme persiste encore.

Dans une enquête réalisée en 2003, l'organisme a recensé plus de 870 000 esclaves au Niger, un pays de 12 millions d'habitants. Ces chiffres sont toutefois contestés par les autorités qui ont lancé en novembre 2007 leur propre enquête. Les résultats n'ont toujours pas été publiés.

Par ailleurs, Boubacar Messaoud, président de l'organisme mauritanien SOS-Esclaves, a déclaré lundi à l'AFP que son organisation était « très satisfaite » et « réconfortée » par l'arrêt de la cour de justice.

i[Ce jugement [...] constitue une victoire éclatante des militants antiesclavagistes en Afrique de l'Ouest et dans le monde]i.
— Boubacar Messaoud

Depuis une décennie, une polémique oppose les autorités et les antiesclavagistes au Niger. Officiellement aboli en 1960, l'esclavage est théoriquement passible de 10 à 30 ans de prison ferme au Niger.

Source: radiocanada
(M) avomm

 

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