TEMOIGNAGE 81 :

 

A.H.M.E.

 

  

 

Maroc : un cheikh autorise le mariage des filles de neuf ans

 

    Par Sid Ahmed Hammouche | La Liberté | 07/10/2008 | 22H44

    Le cheikh Mohamed Al Maghrawi déclenche une polémique nationale sur le statut de l'enfant, l'islam et le mariage forcé.

    Marier des fillettes dès l’âge de neuf ans? L’islam le permet, a répondu dernièrement le cheikh marocain Mohamed Ben Abderrahman Al Maghrawi, par une fatwa publiée sur son site Internet maghrawi.net.

    Intitulé «âge du mariage», cet avis religieux n’y est d’ailleurs pas allé par quatre chemins. Le corps d’une fillette de neuf ans lui permet d’avoir des rapports sexuels et de s’unir à un homme. D’ailleurs, le prophète Mahomet a montré l’exemple, a ajouté le théologien marocain. Aïcha, sa troisième épouse, avait six ans quand il s'est marié avec elle et neuf ans quand il a eu des relations sexuelles avec elle.

    Depuis, la polémique enfle au Maroc. C’est un appel à la pédophilie, crient des voix de plus en plus nombreuses. Ratiba, pédiatre à Casablanca, n’en revient pas.

« C’est de la folie. En Europe, de tels propos seraient condamnés par la justice. Mais au Maroc, les intégristes ont des pratiques d’un autre âge et on les laisse faire. »

 

Vers une crise des caricatures bis

 

Si le sujet des mariages précoces dans le monde arabe est si chaud d’Alger au Caire en passant par Tunis, Casablanca ou Dubaï, il le doit aussi à la plume de l’Américaine Sheryl Jones. Dans son roman « Le Joyau de Médine », qui va paraître fin octobre à Londres, l'écrivaine raconte la vie d’Aïcha, l'épouse préférée du prophète de l'islam. Un coup de tonnerre digne de l’affaire des caricatures, a estimé son éditeur américain qui a refusé de se lancer dans l’aventure. D’autres pays hésitent à publier ce roman, basé sur des faits historiques sur la vie conjugale de Mohammed mais librement adaptés.

Et les frileux n’ont pas tort. L’éditeur anglais, Martin Rynja, a été la cible, d'un attentat au cocktail Molotov. Sur Internet, les salafistes promettent le pire à l’auteur et aux éditeurs. Pour eux, l’Occident crache encore une fois sur le prophète de l’islam. Leur vengeance sera sans limite, avertissent-ils en ajoutant que Mohammed avait montré l’exemple. Romancer sa vie avec Aïcha, qui malgré son jeune âge est considérée comme la « mère des croyants », et surtout accuser le Prophète de pédophilie est, pour les intégristes, une insulte suprême qui mérite la mort.

 

Mourad Bekkouri a saisi la justice. Cet avocat de Rabat, a porté plainte contre le cheikh marocain Al Maghrawi.

« Je considère sa fatwa comme une atteinte aux droits de l’enfant et un appel au viol et à la pédophilie. C’est une remise en question de la “moudawana”, le code de la famille qui fixe l'âge minimum du mariage des filles au Maroc à dix-huit ans. »

Face à la pression des progressistes, le roi Mohammed VI a fermé le siège de l'association de Mohamed Al Maghrawi à Marrakech, ainsi que ses maisons coraniques implantées partout au Maroc. Et le parquet de Rabat a ouvert une enquête judiciaire contre le « cheikh pédophile ».

Mais le problème reste entier dans le monde musulman. D’Egypte à la Jordanie, en passant par l’Arabie Saoudite ou l'Irak, la question des mariages précoces enflamme les foules et délie les langues. Au Yémen, le calvaire de Noyoud Nasser, 8 ans, qui avait osé demander le divorce deux mois après ses noces, a provoqué un tollé au-delà des frontières de la péninsule arabique.

La fillette a accusé son ex-mari, de vingt-deux ans son aîné, d’abus sexuels et son père de mariage forcé. Une première dans ce pays où la loi n’impose pas d’âge pour une union. Et dont le parlement ne veut pas en fixer malgré la demande d'amendement de la loi déposée par un mouvement féministe yéménite. Il proposait que le mariage soit interdit avant l'âge de dix-huit ans.

Autre histoire qui a défrayé la chronique : les noces d’un homme de soixante ans avec une fillette de dix ans en Arabie Saoudite. Quelques figures intellectuelles se sont indignées et ont demandé l’intervention du roi Abdallah pour empêcher cette union. Sans succès.

La polémique a également rebondi au Bahreïn où le gouvernement veut fixer la majorité sexuelle à dix-huit ans. Mais il y a de la contestation. Les milieux islamistes purs et durs se contenteraient volontiers de quinze ans voire dix ans. Issa Al-Qassem, un ouléma du pays du Golfe, a ainsi affirmé :

« Les musulmans doivent rejeter cette décision politique qui porte atteinte à leur Prophète. Nous devons rester libres de nous marier très tôt. »

Abd Al-Hamid Al-Ubeidi, expert irakien en loi islamique, abonde. Lui aussi fait l'apologie du mariage précoce en estimant que les filles musulmanes sont mûres plus rapidement que les occidentales. Il affirme dans l'un de ses prêches :

« Dans des pays froids, comme la Russie, la Biélorussie, la Scandinavie, la Nouvelle-Zélande, le Canada, une fille ne peut atteindre sa maturité sexuelle avant vingt-deux ans. Chez nous, c’est beaucoup plus tôt à huit ou dix ans. »

Argumentation stupide, peste Ratiba :

« Si beaucoup de salafistes aiment se marier avec des mineures, des filles avec des dents de lait, c’est pour suivre les préceptes de Mohammed, disent-ils. C’est aussi pour mieux les “éduquer”, voire les dominer. Ils ne pourraient pas les manipuler de la même manière si elles avaient trente ans. »

 

 

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