TEMOIGNAGE 7:

A.H.M.E.

 

Wolé Soyinka : septembre 2004) :

 

 

Wolé Soyinka et l’esclavage arabe.

 

      Question : Vous avez publié récemment aux Etats Unis un livre sur la mémoire, The burden of

    Memory, the Muse of Forgiveness (1999), qui, malheureusement, n’est pas traduit en France.

    J’aimerais savoir de quelle mémoire il est question dans ce livre. Est-ce la mémoire de la colonisation,

    de l’esclavage ou du Rwanda ?

 

      Réponse : Il s’agit de la mémoire dans son intégralité. On ne doit pas se surcharger  en portant

    la mémoire sur sa tête comme un fardeau. Mais la mémoire devrait nous servir en arrière-plan. Par

    exemple, nous avons aujourd’hui une question à régler sur nos relations avec le monde exterieur. Le fait

    même que nous ayons la mémoire de l’esclavage en arrière-plan détermine la nature de ces relations.

    Si , par exemple, nous sommes dans une situation où le monde extérieur n’a pas eu de remords, de

    regrets pour avoir interrompu brutalement notre développement organique par l’esclavage, alors, bien

    sûr, cela devraient déterminer la nature de nos relations à ce monde extérieur. Inversement, si nous

    continuons à prétendre que nous n’avons jamais été victimes de l’esclavage des Arabes - ce que

    continuent de penser beaucoup de gens qui se disent progressistes, quelle stipudité !- ça signifie que

    la mentalité d’esclave n’a pas encore disparu en nous. Nous ne pouvons vivre tout en étant coupé d’une

    partie de  notre mémoire . C’est impossible. Nous devons inclure dans notre enseignement les

    intrusions arabes dans notre développement. Si nous ne le faisons pas, cela suppose que nous

    manquons actuellement à nos devoirs et que nous nous amputons d’une partie de notre mémoire. Cela

    signifie que nous avons capitulé face à ceux qui ont envahi, corrompu nos structures fondamentales

    dans le domaine de la culture, des relations humaines, du processus économique, dans notre façon

    d’échanger. En résumé, nous ne devons exclure aucune partie de notre mémoire, mais, en même

    temps, nous ne pouvons laisser la mémoire inhiber l’action présente. C’est une  question de proportion

    d’équilibre, et bien sûr, nous allons pas oublier le passé colonial, parce qu’il encore très présent en

    nous. Le Congo-Zaïre est le résultat de ce passé colonial. Le Congo-Zaïre est le legs du roi Léopold

    et de ses politiques coloniales vicieuses. Certains problèmes que nous connaissons actuellement au

    Nigéria sont les conséquences de cet héritage colonial avec ses manipulations géo-politiques. C’est

    en partie à cause de lui que nous avons maintenant le problème de la charia. Enfin, nous ne  devons

    pas oublier la mémoire des dictateurs que nous avons nous-mêmes produits, et qui ont enrayé le cours

    de la productivité, le cours du développement et de l’accomplissement de la  jeune génération.

 

    (Lire Boniface  Mongo-M’Bossa, Désir d’Afrique, Editions Gallimard 2002 p 66 et suivantes)

 

 

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