TEMOIGNAGE 66:

 

A.H.M.E.

 

  

 

ESCLAVAGE  ET  MARIAGE

     

    Souleymane Tamboura, étiqueté esclave, a été privé de sa femme, présumée noble, pour
    « incompatibilité de classes sociales.».

    L’histoire de
    Souleymane et de sa femme prouve que malgré le vote d’une loi incriminant
    l’esclavage et la sensibilisation portant sur ce fléau, les pratiques esclavagistes ou leurs séquelles subsistent encore dans toutes les contrées de la
    Mauritanie, les mentalités n'arrivant pas à s'accommoder aux nouvelles exigences du monde moderne.

    Le mercredi 5 mars,
    Souleymane Tamboura, âgé d'une cinquantaine d'années, résident du village de Tessem (Arrondissement de Dar El Barka), dépose une plainte à la Brigade de gendarmerie de Boghé contre ses beaux-parents qu'il accuse de discrimination.

    Dans sa déposition, Souleymane retrace le récit de sa relation amoureuse avec Faty Baba Ly, veuve de 3 enfants, originaire du village de Tekngel dans le même arrondissement. En 2003, il avait demandé la main de cette jeune femme mais sa requête fut rejetée par la famille Ly en raison de ses origines serviles.

    Pour Bocar Ly, père de la femme et tous ses proches, il est hors de question de sceller un lien matrimonial entre leur fille «issue de la plus haute noblesse du terroir» avec un Souleymane Tamboura dont «la simple évocation du nom renvoie à ses origines serviles».

    Devant le refus des parents de légaliser cette «alliance contre-nature», Souleymane et Faty se rendirent en décembre 2003 au tribunal départemental de Boghé pour soumettre leur cas au Cadi mais ce dernier n'était pas sur place.

    Ils décidèrent alors de faire cap sur Nouakchott où le Cadi d'El Mina leur établit un certificat de mariage daté du 29 décembre 2003 après que leur attachement ait été conclu.

    Parmi les deux témoins de cette union, figurait une importante notabilité du terroir qui n'est autre que l'imam de la mosquée de Tessem d'où Faty est originaire.

    De retour au village, les nouveaux mariés se heurteront à l'opposition devenue encore plus virulente des Ly qui considèrent leur lien comme «un sacrilège destiné à jeter le discrédit sur leur illustre famille».

    C'est ainsi qu'ils arrachèrent leur fille des mains de Souleymane au mépris des règles les plus élémentaires de la Charia islamique. Cette séquestration est rendue plus facile par les mouvements de transhumance effectués par Bocar Ly à la recherche de pâturages et de points d'eau. Depuis, Souleymane a usé de tous les moyens possibles pour "récupérer" sa femme mais en vain.

    C'est alors que le mercredi dernier, après plus de quatre ans de résignation, Souleymane, sans doute inspiré par la nouvelle loi incriminant les pratiques esclavagistes, décide de soumettre cette rocambolesque affaire à la justice. Le commandant de Brigade de Boghé saisit aussitôt le Procureur de la République pour la Wilaya qui lui ordonna d'ouvrir une enquête sur le terrain.

    Après avoir entendu quelques témoins, la gendarmerie procède à huit interpellations dans le cercle de la famille des Ly. Les personnes arrêtées sont déférées aussitôt au Parquet. Trois ont été libérées et les cinq autres dont le père et l'oncle paternel de la femme sont inculpés.

    Quant à la femme, elle continue de clamer haut et fort que Souleymane est bien son époux au regard de la Charia mais que pour l'instant, elle préfère attendre le dénouement de l'affaire pour prendre sa décision.

    Notons que les autorités administratives et judiciaires semblent (une fois n'est pas coutume !) prendre très au sérieux cette affaire qui en dit long sur la persistance de mentalités rétrogrades dans une société qui refuse encore de s'accommoder aux réalités du XXIe siècle.

    (Affaire à suivre).

    Le  12/03/2008
    Dia Abdoulaye Alassane
    Cp.
    Brakna

    :  Source: Nouakchott-Info

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