TEMOIGNAGE 64:

 

A.H.M.E.

 

  

 

 

Esclavagisme : «Les autorités trop proches des maîtres»

 

    Dans la foulée des affranchissements voulus ou forcés auprès des maîtres, que le pays connaît depuis la promulgation de la loi criminalisant l’esclavagisme, il demeure des points d’ombre, particulièrement sur les missions de sensibilisation dans l’intérieur dont l’Etat devait se charger. Celles-ci se transformeraient selon l’association SOS Esclaves en un discours niant ce phénomène.

    Bilal Ould Rabah s’est libéré de ses maîtres il y a quelques mois à peine. Avec l’aide de SOS esclaves. C’est à la suite de cette aide, qu’il l’a sollicitée à nouveau pour la libération de sa sœur Habi Mint Rabah, qui demeurait encore l’esclave de ses anciens maîtres dans le Mederdra, et qui était victime de travaux forcés et d’abus sexuels.

    «
    Le cas était assez grave pour que l’association monte une commission qui été chargée d’une mission dans la localité où ce crime a été constaté. Cela a été un échec, par manque de collaboration des maîtres, appuyés aussi par le wali» raconte Biram Ould Abeid, chargé de communication à SOS esclaves.

     

    Ce ne sera qu’à la suite d’une deuxième mission que Habi sera ramenée à Nouakchott, le mardi 18 mars. Paradoxalement, la famille de Habi ne désire pas porter plainte, car selon Bilal, amer, «ça ne servirait à rien, du moment où on constate que dans l’intérieur, celui-ci appuie en général les maîtres». «Pour le moment nous allons fêter les retrouvailles de toute la famille: nos parents ont pu s’enfuir en 2000, et mes frères, une de mes sœurs et moi par la suite. Il ne manquait que Habi» reprend-il.

    La famille s’installe aujourd’hui à
    Nouakchott, à la charge de SOS esclaves, et Bilal a été inséré dans une boutique de pièces détachées automobiles, où il est vendeur. Un moyen certes précaire de pallier à l’affranchissement économique dont l’Etat (à travers le Ministère de la décentralisation) tient a priori la charge. «Six milliards d’ouguiyas avaient été promis pour faciliter cet affranchissement économique, mais les anciens esclaves n’en ont pas vu un seul!» dénonce Biram Ould Abeid.

     

    Les crispations des autorités publiques et de certains pouvoirs religieux

     

    Le cas de Habi est d’autant plus marquant dans l’étape importante de l’abolition sur le terrain de
    l’esclavagisme, que les autorités de la région, wali et gendarmerie notamment, sont accusées, par
    l’association des femmes chefs de famille, et par SOS esclaves d’appuyer les activités esclavagistes des maîtres.

    Habi Mint Rabah elle-même d’ailleurs indique qu’elle a subi une «certaine pression de son entourage et du wali pour tenir un certain discours devant la presse ou toute autre organisation». Pourtant les campagnes de sensibilisation avaient été lancées par l’Etat, notamment pour l’aspect médiatique, à travers la Radio de Mauritanie, qui constitue le plus puissant vecteur d’informations.

    «I
    l n’en est rien; déjà, les missions qui devaient se déplacer dans certaines localités, ont été très sélectives. Dans la région de Habi, aucune sensibilisation n’a eu lieu. Ensuite, pour ce qui est de la radio, sa direction s’attelle surtout à faire la promotion du négationnisme de l’esclavage. En ce sens, elle exclut les tables rondes sur le sujet. Elle va plus dans le sens d’un discours dans l’air du temps, qui assène une légitimation du phénomène, à travers sa soi-disant origine divine. Cette vision est entretenue par certaines élites religieuses et groupes dominants dans nos sociétés.» accuse longuement Biram O. Abeid.

    MLK

    Le 25/03/2008

     Source: L’Authentique (Mauritanie)

     

    Tiré de www.cridem.org

     

 

 

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