TEMOIGNAGE 63:

 

A.H.M.E.

 

  

 

 

Après les chaînes aux pieds, les chaînes dans la tête

 

    Haby Mint Rabbah et ses deux enfants habitants d’Eychaya, une petite localité aux environs de Mederdra (Trarza) ont été libérés de l’esclavage par Birame Ould Dah de SOS Esclaves et Aminetou Min El Moctar, présidente de l’AFCF, mandatés par la commission nationale des droits de l’Homme. (CNDH). Haby et ses deux enfants sont arrivés à Nouakchott lundi 17 mars.

    Il y a un peu plus d’un mois, le frère de
    Haby Mint Rabbah, Bilal, a saisi SOS Esclaves pour signaler le cas de sa sœur. SOS Esclave a posé le cas au niveau e la CNDH. Une mission de la Commission
    s’est rendue sur les lieux au
    Trarza. Haby qui «aurait été suborné », affirme : « je ne pars pas. Je ne suis pas une esclave. Je suis libre

    La semaine dernière, Birane Ould dah Ould Abeid et Aminetou Mint el Moctar, avec des journalistes de la chaîne Arte se rendent au Trarza pour visiter les localité de Sawab, Echaya et R’kiz. A Mederdra, les deux envoyés de la CNDH, ont rencontré le hakem et le commandant de brigade de la gendarmerie.

     

    Le second, selon eux, a multiplié les obstructions. Ils auraient, toujours selon eux, reçu deux moutons de la parts des maîtres de Haby Mint Rabbah.

    Le commandant de brigade et les deux militants des droits de l’Homme embarquent dans la voiture du préfet. Direction :
    Echaya. Une fois sur les lieux, le gendarme leur demande de venir écouter Haby. Aminetou Min El Moctar répond : « Nous ne sommes pas venu l’écouter. Nous somme venu la libérer et nous allons l’amener.» Une fois vaincues les réticences du gendarme, Aminetou se retrouve avec Haby.

    Cette dernière selon
    Aminetou, aurait dit : « Je suis contente d’être libre mais j’ai des chèvres ici que je dois récupérer. Ensuite, je ne veux pas laisser cette vieille femme (la soeur de son maître) seule. Elle est très âgé et elle est pauvre.» Finalement Haby a quitté Echaya avec ses deux enfants mais sans sa vieille maîtresse et ses chèvres.

     

    Au domicile de Birane Ould dah au PK 11 de Nouakchott, nous avons rencontré Haby et ses deux enfants. Le premier, Yessar Ould Taleb, a six ans. A part sa tête et ses bras, tout le reste de son corps est presque paralysé. Il ne peut ni s’asseoir ni se tenir debout. Il ne parle pas et observe ceux qui tournent autour de lui d’un regard vide. « J’ai essayé de le soigner mais il a une maladie de naissance incurable. » Dit Haby. Le second enfant a une année et quelques mois.

     

    Haby a affirmé n’avoir jamais été battue par ses maîtres. A la question quel age avez-vous, elle répond : « Je suis de l’année de l’ouguiya.» Ca correspond à 1973. Haby a dit n’avoir jamais eu de papiers d’état civil. Quand on lui a demandé son mari. Elle a dit que c’est un certain Taleb qui vit à Kiffa. A la question : Taleb Ould quoi ? Elle a répondu : « J ne sais pas. » Autrement dit, elle ne connaît pas le nom de famille de son mari.

     

    Haby n’a pas d’age. Elle n’a jamais eu d’acte de naissance. Veux-tu retourner à Echaya ? Elle a répondu : « Oui, je veux bien. Ma vie est là-bas. Mon tout est là-bas. La vielle (la soeur de son maître) est comme ma mère

     

    Haby a été libérée. On lui a ôté les chaînes des pieds. Les chaînes qu’elle porte dans la tête, elles, sont ancrée, ossifiée et invisible. Ce sont les plus difficiles à enlever. Si Haby n’est pas suivie, soutenue, elle ne tardera pas à rechausser ses chaînes. Comme la majorité des esclaves, elle n’a pas conscience de la tragédie qu’elle vit. Libérer un esclave, c’est lui faire prendre conscience de sa liberté et l’aider à l’assumer. Que fera Haby sans ses chèvres et sa vielle amies ? Comme Hanne, une autre esclave libéré avec ses deux enfants par SOS Esclaves, elle sera peut être logée dans une maison louée à Nouakchott par l’AFCF.

     

    La sensibilisation sur la loi incriminant les pratiques esclavagistes et les mesures d’accompagnement de cette loi sont importantes. Libérer les esclave et les amener à Nouakchott, loin de leur leurs maîtres, pour leur louer des maison, c’est bien. Mais, le changement des mentalités, surviendra quand cette libération se fera su l’espace de domination et d’exploitation. Quand l’ex esclave et l’ex maître se retrouveront au puits du village pour chercher de l’eau chacun pour lui-même.

     

    Birame Ould Dah Ould Abeid de SOS Esclave a vivement condamné les réticences des autorités face aux cas d’esclavage. Il a demandé qu’il leur soit appliqué les sanctions prévues par la loi.

     

    Pour Ould Abeid, il faut aussi « assainir les mentalités sociales qui subliment l’esclavage et l’érige en système de valeur. Le militant de SOS Esclaves s’en est énergiquement pris à la Radio Mauritanie qu’il a accusé de ne pas donner la parole aux abolitionnistes.

     

    Birame Ould dah ould Abeid a enfin plaidé pour un affranchissement économique des esclaves. «A quand la mise en place de l’agence chargé de la prise en charge des victimes de pratique esclavagistes ? S’est interrogé Ould Abeid.

     

    LE 23/03/2008

    Khalilou Diagana

     Source: Nouakchott-Info

    Tiré de www.cridem.org

     

 

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