TEMOIGNAGE 55:

 

A.H.M.E.

L'affaite Toha Mint Ahmedou : l'AFCF porte plainte

  

 

Affaire Toha Mint Ahmedou : L’AFCF va porter plainte devant les juridictions concernées

    C’ est une illusion de croire que les pratiques esclavagistes ont disparu en République Islamique de Mauritanie. On en veut pour preuve cette femme esclave du nom de Toha Mint Ahmedou qui a été abusée et engrossée par son maître Mohamed Ould Ahmed Baba qui a refusé de reconnaître l’ enfant âgé d’ un an. Aminetou Mint Ely qui dirige l’Association des Femmes Chefs de Famille a bien voulu nous éclaircir davantage sur ce cas de pratiques esclavagistes sexuelles.

    Le Rénovateur Quotidien : Maintenant que votre association a été mise au parfum de cette affaire, allez-vous à votre tour saisir la justice ?

    La justice locale a été saisie pour cette affaire mais rien a été fait dans ce sens. Apparemment, il y a une certaine complicité entre l’administration, le maître, la gendarmerie et le cadi.

    Le Rénovateur Quotidien : Pour le moment, que comptez-vous faire ?


    Nous allons d’abord essayer d’écouter les victimes et après nous allons essayer de porter cette affaire devant les instances juridictionnelles concernées pour qu’il y ait justice. Nous estimons que cet enfant a droit à la reconnaissance paternelle. La façon dont le père a abusé de la fille pour l’ exploiter et l’ endoctriner est une méthode à dénoncer et à punir parce que c’ est une atteinte à
    l’intégrité physique d’ une femme. C’ est un cas d’ esclavage avéré qu’ il faut dénoncer et combattre.

    Le Rénovateur Quotidien : Il y a une loi criminalisant l’ esclavage et les pratiques esclavagistes qui a été votée par le parlement.  Mais apparemment, elle n’ a aucun impact dissuasif ?

    Cette loi, elle est très importante mais cela n’ est pas suffisant. Ce qu’ il faut, c’ est d’ abord des mesures d’ accompagnement. C’ est l’ application de la loi elle-même pour que les auteurs de ces pratiques soient punis. Lorsqu’ on applique cette loi sur un maître esclave, cela va être une expérience pour les autres. Ces derniers sauront que cette loi existe et qu’ elle est applicable. Il y a le manque de vulgarisation, d’ initiation des autorités locales et de l’ appareil judiciaire sur cette loi. Et tant qu’ il n’ y a pas une punition sévère des auteurs de ces pratiques, on ne pourra pas avancer.

    Le Rénovateur Quotidien : La lutte ne sera pas facile. Pensez-vous que vous vous en sortirez victorieux ?

    C’ est sûr parce que nous sommes dans l ‘ heure de la mondialisation. Nous sommes dans un siècle qui ne permet plus l’ exploitation de l’ homme par l’ homme, qui ne permet plus que des pratiques inhumaines restent et demeurent ancrées dans l’ esprit des populations et existent dans nos sociétés. Maintenant, c’ est vrai que c’ est difficile, que la lutte est très longue mais nous espérons qu’ avec la compréhension et la volonté de l’ Etat, de telles pratiques vont disparaître.

        



    Pratiques esclavagistes : SOS Esclaves et l’ AFCF sonnent l’ alerte contre la «janjaouidisation »

    L’
    Association des Femmes Chefs de Famille (AFCF) en collaboration avec SOS Esclaves a tenu une conférence de presse pour faire-part de leurs inquiétudes suscitées par des violations graves des droits de l’ homme se rapportant aux pratiques esclavagistes.

    Pour sonner l’ alerte contre «
    la janjaouidisation » qui commence à apparaître dans notre pays, Birame de SOS Esclaves n’ y est pas allé avec le dos de la cuillère pour dénoncer cette nouvelle situation scabreuse. «Il y a des segments maures dans le monde rural qui commencent à se «janjaouidiser» à la manière du Soudan, avertit-il. Ils sont armés jusqu’ aux dents et commencent à ouvrir le feu pour régler des comptes avec leurs anciens esclaves à l’ occasion des litiges fonciers ».

    Pour convaincre l’ assistance de la véracité de ses propos, il cite la localité de
    Dembat Atchan qui a été récemment sous les feux de l’ actualité. D’ ailleurs, quelques-unes de ces victimes de cette «janjaouidisation » dont fait allusion Birame ont été présentes, dans la salle de conférence, accompagnées de leurs parents ou de leurs proches.

    Il a par ailleurs mis garde contre certaines violations graves des droits de l’ homme se rapportant à l’ esclavage- agricole, domestique, sexuel- des cas, selon lui, qui peuvent «
    mettre la Mauritanie dans des situations de conflits intra-communautaires ». Tout ceci, à l’ en croire, découle du refus de la part des autorités de réprimer les pratiques esclavagistes voire de les reconnaître. Les conséquences d’ un tel refus sont vicieuses puisqu’ il «cause beaucoup de frustrations et celles-ci font monter la tension ».

    La Mauritanie, actuellement, semble être sur une mauvaise pente notamment en matière de violations des droits de l’ homme se rapportant à l’ esclavage. Dans ce cadre, 7 femmes, d’ ailleurs présentes à cette conférence de presse, ont été brutalisées et maltraitées, selon leurs témoignages, par la gendarmerie de
    Keur Macène, leur localité. Leur tort, c’ est d’ avoir refusé que leurs terres soient octroyées à un homme d’ affaires maure. Ces cas sont fréquents, commencent à se généraliser sur l’ ensemble du territoire national et constituent des risques potentiels de conflits.

    Les pratiques esclavagistes sexuelles sont légion aussi. Des filles continuent à être abusées par leurs maîtres sous la couverture du droit de cuissage. Parmi les victimes de ces pratiques,
    Toha Mint Ahmedou, elle aussi présente à cette conférence. Comme d’ autres victimes, elle a été abusée et violée par son maître. Et actuellement, elle a un enfant que refuse de reconnaître son maître(voir l’ interview avec Aminetou).

    La Présidente de l’
    AFCF, dépitée par cette situation des femmes victimes de la discrimination, des violences, d’ exclusion et plus particulièrement de l’ esclavage a affirmé que son association «luttera jusqu’ à la dernière minute pour que chaque esclave retrouve sa liberté et sa dignité » avant de révéler «qu’ il y a chaque jour, des milliers de victimes qui se présentent devant l’ administration et qui n’ ont aucune réponse que la soumission envers ceux qui les exploitent depuis des années ». 

    Ces nouveaux cas de pratiques esclavagistes relancent à nouveau le débat sur la problématique application de la loi n°048-2007 sur l’ esclavage et les pratiques esclavagistes.


    Babacar Baye Ndiaye

    Le 29/01/2008

     source : Le Rénovateur Quotidien (Mauritanie)

     

 

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