TEMOIGNAGE 54:

 

A.H.M.E.

Le regard de Messaouda (femme esclave)

  

 

   Esclavage : Le regard de Messaouda

     

    Le 13 janvier à Nouakchott la Commission Nationale des   Droits de l’Homme (CNDH) a abrité une cérémonie   émouvante. Après une séparation de 9 ans durant lesquelles elle était maintenue en esclavage à Boghé, Messaouda, une fille âgée de18 ans, a enfin retrouvé sa mère Towva. La petite Messaouda vivait depuis 9 ans à Boghé avec la famille Ehel Heiné après que sa maman ait fui l’esclavage à la faveur
    d’un deuxième mariage.

     

    Le déclenchement de l’affaire remonte à octobre 2007 quand les militants anti-esclavagistes se sont saisis du cas. En novembre, le redoutable activiste Biram Ould Dah Ould Labeid débarque à Aleg et saisit le Wali du Brakna Sidi Maouloud Ould Brahim qui ordonne au Hakem de Boghé et à la police locale de diligenter une enquête dont les  résultats sont présentés au parquet d’Aleg.

    Mais le procureur d’
    Aleg avait  alors exigé -selon les activistes- que la mère de Messaouda porte plainte. Cette dernière ne s’étant pas présentée, l’affaire tourne en rond, bien que le code de la protection des enfants en son article 149 habiliterait les associations de droits de l’Homme à ester en justice au nom des victimes.



    Yehdiha la tente maternelle de la petite Messaouda se fait présenter au Parquet d’Aleg, mais sans résultat : « ils m’ont amèné avec Messaouda, se sont dits quelque chose avec le procureur d’Aleg et ils sont partis avec la petite» indique-t-elle. Et de préciser : «Le procureur a demandé à Messaouda s’il elle veut partir avec moi, ou si elle veut rester avec Ehel Heine. Elle lui a répondu qu’elle veut rester».

    Interrogée pourquoi n’a-t-elle pas porté plainte, car sa nièce est quand même réduite en esclavage,
    Yehdiha répond : «Je n’avais pas compris au début, c’est par la suite que j’ai compris. Et mon mari Ghoulam ainsi que  mon fils sont allés porter plainte». Devant ce cafouillage,  les militants anti-esclavagistes entrent de nouveau en ligne et déposent cette fois une requête devant la CNDH.

    A partir de ce moment, les choses vont vite. La
    CNDH dépêche à Boghé une mission conduite par Me Mohamed Ould Dahane et Issa Ould Mohamed. Cette mission récupère la petite Messaouda à Boghé pour la remettre à sa mère Towva. Messaouda retrouve  alors sa mère le 13 janvier dans les locaux de la CNDH. Une scène émouvante. «C’est le plus beau jour de ma vie. Je ne dormais plus. J’attendais ce jour. J’avais peur. Je ne pouvais partir la chercher. J’avais même voulu la récupérer en utilisant son frère dans cette mission. Mais que pouvais- je ? J’étais esclave comme elle »,  déclare Towva la mère de Messaouda.

    La petite
    Messaouda tendue peut être à cause de la timidité ou de l’émotion jetait des regards attentionnés sur sa mère. Des regards qui cherchaient les yeux de cette dernière, qui voulaient lire….comprendre. Timide, elle refuse dans un premier temps de parler mais finit par se résoudre à le faire, encouragée par l’assistance. Oui dit-elle, «je suis contente de retrouver ma mère». Etais-tu maltraitée par tes maîtres ? Est-il vrai que tu étais une bergère?

    Réponse de
    Messaouda: «Non, je n’étais pas une bergère, je lavais la vaisselle,  je faisais la cuisine et j’accompagnais les filles ave lesquelles, je vivais dans les mêmes circonstances. Il n’ y pas autre chose (Ma vem chi awkhar) ». Messaouda jette un regard sur  sa mère et baisse la tête. Silence total dans la salle, en fait, dans le bureau de Biram Ould Dah Ould Labeid.

    Messaouda ne comprenait peut être pas son ancienne condition servile. Elle tentait peut être de comprendre sa nouvelle situation. Dans sa vraie famille. Dans les bras de sa mère qui l’a porté dans ses entrailles et l’a mis au monde, de laquelle, elle était séparée. Messaouda lève la tête et regarde l’assistance, puis baisse le regard. Quelques yeux rougissent de larmes, d’autres de honte. Le regard de Messaouda a remué les consciences.

    Avec le sentiment du devoir accompli, Me
    Mohamed Ould Dahane parle : «Vous venez d’assister à un cas
    d’esclavage avéré. Je voudrais à l’occasion saluer la parfaite collaboration des autorités administratives du
    Brakna avec la mission de la CNDH. Dans sa mission de prospection, la CNDH a eu à découvrir ce cas d’esclavage et nous avons agi par la mesure prioritaire pour créer l’union effective de cette famille divisée par l’esclavage. Je remercie notre président de nous avoir envoyé dans une mission de ce niveau. Je remercie également SOS Esclaves qui nous ont alerté sur ce cas
    ».

    Des procédures sont par la suite engagées à la
    CNDH pour accorder à la famille de Messaouda, un soutien financier. Towva ne disposant pas d’une pièce d’état civil, donne procuration à Ghoulam, le mari de sa soeur Yehdiha pour décharger le montant qui pourra probablement  contribuer à garantir une forme d’autonomie à cette famille, divisée jusqu’ici, par l’esclavage.


                 Reaction de Birama Ould Dah Ould Labeid

    «
    Cette action constitue un rempart contre les tracts et les graffitis que nous voyons présentement. Mohamed Ould Dahane et Mohamed Ould Issa se sont investis dans cette affaire et transcendés les clivages faisant ainsi tomber les arguments des extrémistes. Ils sont des arabo-berberes en pointe du combat anti-esclavagiste, et ils ont obtenus des résultats probants »

     

    IOM


    Le 18 janvier 2008

     Source : Tahalil Hebdo (Mauritanie)

 

 

 

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