TEMOIGNAGE 49:

 

A.H.M.E.

Cas avéré d'esclavage : elle s'enfuit pour rejoindre son mari

  

 

    Cas avéré d’esclavage : Elle s’enfuit pour rejoindre son mari

     

    Cette nouvelle histoire d’esclavage a pour cadre, un petit hameau du nom de Lemteyine, dans le département de R’Kiz, dernier bastion des esclavagistes, soutenus par une administration locale, qui fait tout pour empêcher les serviteurs de quitter leurs maîtres.
     
    Mis en cause, le commandant de Brigade de gendarmerie de
    R’Kiz, M.Larabass Ould Amar, un ex-sous officier de la gendarmerie à la retraite, Ely Ould Hamedi, son frère, un lieutenant-colonel de la gendarmerie en fonction, cité pour sa passivité, le président du Tribunal régional de R’Kiz, Ahmed Ould Abdel Krim pour n’avoir pas appliqué la loi sur la criminalisation de l’esclavage dans le cas qui lui a été soumis.

    Il s’agit de l’histoire d’une esclave de naissance,
    Hana Mint Salem, propriété de la famille Ehel Houceine, notamment le notable de la localité, Yehdhih Ould Houceine. Affectée comme esclave de tente aux services de ses maîtresses, Hana a contracté un premier mariage avec El Waled Ould Zawaye dont elle eut deux enfants, Bilal et Salem (8 et 4 ans).


    Quand
    El Waled décida d’amener sa petite famille vers son village, les maîtres de Hana apportèrent un refus catégorique, soutenant que leur esclave ne pouvait pas les quitter. El Waled finit par divorcer. Depuis un an, Hana a été mariée à un jeune berger du nom de Isselmou Ould Ahmed, originaire du Brakna. Le mariage eut lieu sous les conditions des maîtres, notamment le fait que Hana ne pouvait quitter le village.

    A la veille de la fête d’El Id Al Fitr, de cette année, Isselmou voulut que son épouse
    l’accompagne chez lui pour saluer ses parents. Les maîtres, non seulement lui répondirent par un niet catégorique, mais ils le menacèrent si jamais il réitérait une telle demande.
    Isselmou partit porter plainte à la gendarmerie. On lui remit une convocation au nom de Yehdhih Ould Houceine en date du 18 octobre 2007. Ce dernier l’arrosa d’injures avant de le chasser de son campement. Isselmou quitta précipitamment le village.

    Quand la gendarmerie s’en mêle

    Un ancien gendarme du nom de
    Ely Ould Hamedi, proche de Yehdhih ameuta les autres membres de la communauté pour faire face à l’affront. Khalil Ould Twensi, Abdallahi Ould Brahim Vall, responsable du service des Eaux et le propre frère de Hana, Bilal, que les maîtres avaient affranchis, prirent d’assaut la pauvre Hana, lui demandant de leur dire où était caché son mari pour le corriger. Elle leur dit ignorer la direction qu’il avait prise. Ils la rouèrent de coups et lui firent subir les pires tourments.

    Plus tard, soutient
    Hana, Ely a pris son fusil. Accompagné d’un groupe d’hommes, ils sont partis à la recherche de son mari, dans l’intention de lui infliger une belle correction, à défaut
    l’abattre. Repus de coups et le corps meurtri,
    Hana qui en avait attrapé la fièvre fut assagi par ses maîtresses qui exigeaient le lendemain qu’elle leur préparer le repas. «Je leur dis que
    j’étais malade et que je ne pouvais pas m’occuper de la cuisine. Ma maîtresse et sa fille me rouèrent de coups. Alors, je pris ma hache pour aller couper du bois. J’en ai profité pour prendre la fuite
    » raconte-t-elle.

    En fait,
    Hana se réfugie chez une sœur, puis se rend le lendemain à la gendarmerie qui
    l’envoya chez le Président du tribunal. Elle était accompagnée par son mari qui l’avait rejoint. Le magistrat leur dit que puisqu’il n’y avait pas de problème entre elle et son mari, ils pouvaient disposer de leur vie comme ils l’entendent. Pour ce qui est des enfants, il la renvoya à la gendarmerie. Là,
    Hana et son mari Isselmou furent durement accueillis par le commandant de brigade, Larabass Ould Amar qui menaça d’emprisonner Isselmou si jamais il venait encore lui soumettre des problèmes de ce genre. Ils partirent chez une proche.

    La nuit, la voiture du Maître,
    Yehdhih, bourré d’hommes s’arrêta chez elle. Ils recherchaient Hana et son mari. Elle leur dit qu’ils n’étaient pas chez elle. Après leur départ, une sympathisante de SOS Esclave contacta Birane Ould Ahmed Lebeid de l’organisation et lui soumit le problème. Ce dernier lui demanda de les mettre discrètement dans une voiture et de les acheminer vers Nouakchott où l’organisation se chargera de payer le prix du voyage.

    La fuite

    SOS Esclave prit aussitôt un avocat qui s’occupe actuellement du dossier. En attendant, les responsables de l’organisation ont été contactés par le Commandant de Compagnie de la gendarmerie de Nouakchott, qui était au courant de l’implication probable d’officiers de la gendarmerie dans ce dossier. Il écoutera le récit des victimes, avant de souligner que le reste les concernait.

    SOS Esclaves dénonce ainsi la mauvaise volonté manifeste des autorités publiques, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire en l’occurrence, qui semblent selon eux imperméables aux lois édictées et qui garantissent l’application de la loi et le respect des droits de l’Homme. Ils dénoncent les sévices subis par Hana et l’impunité accordée aux auteurs de ses forfaits, notamment ses maîtres, Ehel Houcein et l’ex-gendarme à la retraite Ely Ould Hamedi.

    Ils dénoncent la passivité complice de son frère, un officier supérieur de la gendarmerie encore en service, le Président du tribunal régional,
    Ahmedou Ould Abdel Krim qui a refusé
    d’appliquer les dispositions de la Loi sur la criminalisation de l’esclavage qui stipule que tout juge saisi d’une affaire d’esclavage doit immédiatement et sans toucher au fond, faire cesser cette condition d’esclavage. Ce qui n’a pas été le cas. En attendant, les enfants de
    Hana, Bilal et Salem, sont restés dans la tente des maîtres, pour des boulots domestiques et le gardiennage des troupeaux.

    LE 27/11/2007

    Cheikh Aïdara

 

 

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