L’autre Esclavage - Les négriers en terre d’islam

(La première traite des Noirs, VIIe-XVIe siècle)

Document Par Jacques Heers

La « traite des Noirs », qui s’est développée aux XVIIe siècles entre l’Afrique et l’Amérique sous

l’impulsion d’armateurs français ou anglais, a été largement étudiée et justement dénoncée. Or,

s’étonne Jacques Heers, il n’est jamais rien dit de l’esclavagisme des musulmans, pourtant le plus

important. Il y a de quoi s’interroger, en effet, puisque cette traite des Noirs d’Afrique (mais aussi des

Blancs d’Europe, victimes entre autres des Barbaresques), mise en place beaucoup plus tôt, ne s’est

éteinte qu’au XXe siècle, sous la pression de l’Occident.

Ainsi l’ambassadeur de France en Arabie saoudite affirmait-il en 1953, dans une  lettre lue à

l’Assemblée, que des marchands d’esclaves étaient établis à Djedda et à la Mecque. L’auteur veut

combler un vide et décrire cette longue période, du VIIe au XVIe siècle, où les musulmans furent les

seuls (ou presque) à pratiquer ce commerce des Noirs.

Il montre que la brutalité et l’exploitation, comme le bon sens, sont la chose la mieux partagée :

l’esclavage se pratiquait aussi, au sud du Sahara, entre hommes de couleur.  Les ragots racistes

colportés sur les Noirs « faits pour être esclaves »  rappellent que l’autojustification est sans limites. Ce

qui surprendra d’avantage, c’est la complaisance d’historiens, sociologues et ethnologues envers

sultans, vizirs et trafiquants esclavagistes. A trop battre sa coulpe, l’ « historiquement correct » devient

complice.

Jean-Marc-Bastière

Article du FIGARO Magazine du 31 mai 2003