TEMOIGNAGE 124 :

 

A.H.M.E.

 

 

Le Secrétaire Général

                                                                   A

                         Monsieur le Président la République

                         - Nouakchott-

 

                 Monsieur le Président,

J’ai l’honneur de venir par la présente correspondance vous transmettre une lettre ouverte  relative à la situation de la justice dans notre pays.

 

                  Veuillez agréer, mes salutations distinguées

                         Samory Ould Beye

 

Lettre ouverte au Président de la République,  relative à la situation de carence de la justice  en Mauritanie.

 

                                                             Monsieur le président,

 

Au nom du bureau exécutif de la CLTM  et après une analyse critique de la situation qui prévaut dans les tribunaux,

J’ai l’honneur de venir par la présente lettre ouverte vous saisir pour la deuxième fois afin d’attirer votre attention et celle de l’opinion nationale au sujet cette fois ci de la situation affreuse qui gangrene la justice de manière générale et les tribunaux de travail de manière  particulière.

Cette situation terrifiante vécue aujourd’hui par les travailleurs oblige la CLTM, partant de son devoir et de sa responsabilité morale à tirer la sonnette d’alarme et mettre le gouvernement devant toutes ses responsabilités en vue d’une action urgente et draconienne à même de restaurer la justice, promouvoir les bonnes pratiques et règles de la loi et garantir les droits des travailleurs et au-delà ceux des citoyens.

Monsieur le Président, ces droits fondamentaux sont devenus une  marchandise valeureuse constituant un marché juteux et florissant pour ceux qui détiennent ce sésame, faisant de cela une source d’enrichissement illicite intarissable où les droits des travailleurs sont sacrifiés, bradés aux plus offrants, par des rapaces sans vergogne ni loi imbus par leurs intérêts égoïstes abusant de leur lourde responsabilité professionnelle surtout morale malgré leur statuts d’assermentés.

Ce cercle vicieux se constitue des magistrats, cadis, huissiers, experts agrées auprès des tribunaux et autres auxiliaires de la justice qui, dans leur majorité ne maîtrisent rien du domaine social et économique au plan droit et agissent tout à fait loin de leur déontologie professionnelle, profitant de l’absence fatale de la rigueur du contrôle de l’Etat sur l’action et les pratiques néfastes du monde de la justice, pratiques  largement répandues dans ce domaine et se caractérisant entre autres par les faits suivants  :

Accumulation des dossiers de conflits de travail sans jugement depuis des années.

 Certaines de ces causes :

- Lourdeurs et lenteurs des procédures dues  parfois à l’inadéquation de la formation des juges qui  ne savent ni lire ni écrire et où il faut à chaque fois traduire les documents qui, la plupart des cas sont produits au départ en langue française.

- Ignorance des notions et termes techniques des questions liées au domaine social ;

- Le plaignant est souvent chargé de faire traduire tous les éléments du dossier ce qui coûte des sommes colossales indisponibles chez le  travailleur et qu’il doit emprunter ;

- Le traducteur soit disant agrée est lui aussi dans la même situation, ne maîtrisant ni les notions ni les termes techniques et moins les formules juridiques, d’où de fausses données entraînant un dossier  mal ficelé.

- Les experts agrées auprès des tribunaux du travail.

Ces experts sont eux aussi incompétents et incorrects car leurs procédures consistent seulement à calculer des sommes forfaitaires décidées de manière arbitraire en diminuant souvent de moitié les droits réclamés par les travailleurs. Même si le dossier est accompagné de tous les éléments de preuve et de conviction matériels et juridiques, il sera toujours procédé de la même manière bradant ainsi les droits des travailleurs avec la complicité expresse des juges et autres auxiliaires impliqués ; le dossier est parfois vendu au rabais au chef d’entreprise. Cela n’empêchera pas les uns et les autres de soutirer aux travailleurs de l’argent pour les frais d’expertise et honoraires qui au terme de la loi sont à la charge de l’autre partie.

Le huissier saisi pour l’exécution d’un jugement rendu, ce qui est très rare, profite de l’occasion pour marchander avec le ou les chefs d’entreprises, des sommes contre l’abandon du dossier, étant sûr de la couverture  dont il bénéficie au niveau des hiérarchies de l’appareil judiciaire dont la complicité a permis toutes ces irrégularités et tous ces manquements.

Ici, également les droits des travailleurs sont sacrifiés par un système judiciaire injuste et discriminatoire.

- Les contraintes et obligations

Pour tout dossier qui arrive au niveau du tribunal du travail, le travailleur est dans l’obligation de prendre un avocat à la cour bien que les représentants syndicaux qui ont élaboré le dossier depuis l’inspection du travail jusqu’au tribunal sont aussi capables de défendre les travailleurs au niveau du tribunal du travail étant entendu qu’il s’agit de leur domaine. Ils le maîtrisent mieux que les avocats surtout en ce qui concerne le social, particulièrement les conflits de travail.

 La règle est également la même, le travailleur doit payer les frais et honoraires des avocats dont certains ne daigneront  pas marchander et brader les droits des travailleurs pour des contreparties mesquines.

- Les délégués du personnel

Les délégués du personnel malgré leur protection réglementaire ; sont souvent licenciés avec l’autorisation de l’inspecteur du travail et le juge pour satisfaire la demande des chefs d’entreprises pour des affaires toujours louches.

Cela vise par ailleurs à réduire davantage les moyens de défense chez les travailleurs et  les amener à taire leurs droits et leur situation désastreuse maintenant ainsi le statu quo -ante en violation sévère des conventions, lois et règlements du travail en vigueur dans notre pays.

- Le recours judiciaire et administratif

Les recours judiciaire et administratif au profit de la loi qui sont des procédures et voies réglementaires pour le respect de l’application des lois et règles de droits et font éviter les abus multiples de responsabilité existent  dans la forme juridique en théorie et non en pratique.

Conclusion

Après ce qui précède, nous avons vu qu’il s’agit effectivement d’un cercle vicieux qui constitue une tenaille aux dents tranchantes qu’on fait serrer sur le travailleur victime de l’injustice et de l’arbitraire.

Ce goulot d’étranglement, cet étouffement fatal, cette exploitation tolérée de l’homme par l’homme, ce manquement grave aux droits fondamentaux de ces hommes et femmes en désarroi, désespérés, sans protection ni recours et qui aspirent à une vie digne dans un environnement propice à leur promotion et à leur  progrès social représentent un indice  caractéristique de l’injustice.

L’ensemble de ces problèmes d’injustice et de harcèlement constituent non seulement une situation flagrante de violations des droits humains mais aussi un état d’extrême gravité qui met notre pays au bord du gouffre et le menace d’instabilité .

Pour cela, la CLTM vient par la présente lettre ouverte réitérer le cri de détresse  et insister auprès du gouvernement  afin de prendre les mesures adéquates en vue de créer toutes les conditions à même de garantir les droits des personnes et à leur assurer une protection contre les abus multiples et l’injustice caractérisée dont sont victimes aujourd’hui les travailleurs et citoyens sans que cela ne dérange personne.

 

Pour la CLTM

LE SECRETAIRE GENERAL

SAMORY OULD BEYE

 

 

 

 

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